Ceci est un essai de théorisation d’une nouvelle approche
des finances publiques.
En effet, les finances publiques étant à la croisée de
plusieurs disciplines (droit, économie, finances, politique, sociologie, psychologie
etc.), elles n’ont jamais bénéficié d’une approche qui les lierait non pas à l’élaboration
ou l’exécution d’une règle de droit ou au développement de faits économique, politique
ou social par exemple, pour les rattacher directement à la vie de l’individu, à
son existence temporelle, même, c’est-à-dire à son être.
La vision développée par les disciplines des finances
publiques, s’intéresse principalement à « l’avoir », et ne perçoivent
« l’être » que comme un contribuable, un consommateur, un producteur,
en somme un agent économique, au sens formel du terme ; soit une personne
ou une entité ayant une part active dans la vie économique.
La nouvelle approche que nous préconisons, vise à
centrer les finances publiques, notamment celles des entités publiques (Etat,
collectivités publiques, établissements publics), non pas sur « l’avoir »
mais sur « l’être » pour montrer que la matérialité même des finances
publiques, que représente cet avoir, soit les deniers publics, est en fait
fictive et que cet avoir n’est rien d’autres que des âmes confisquées à travers
la confiscation de la vie des individus, agents économiques.
L’aune d’évaluation et de mesure des finances publiques,
ne sera plus l’unité monétaire mais l’unité de vie. Cette dernière n’est que traduite
en unité monétaire et prélevée d’autorité.
Cette approche des finances publiques les place dans une
autre sphère d’analyse qui va accentuer leur dimension humaine et faire apparaitre
davantage (et de façon dramatique) comment leur gestion relève de la gestion
des âmes humaines, bien plus que du simple maniement de deniers. Et donc,
conséquemment, la mauvaise gestion des finances publiques (détournement de biens
publics, concussion, malversation, corruption etc.) constitue non seulement un
acte répréhensible et sanctionnable financièrement, mais davantage un acte qui
porte atteinte à la vie des personnes. Ainsi un détournement de deniers publics
n’est en fait rien d’autre que le détournement de tranches de vie et donc une confiscation
du souffle de vie, de l’âme du contribuable.
Cette relation entre la contribution aux ressources
publiques et la vie du contribuable porte la gestion des finances publiques à
un niveau de répression bien plus élevé que celui du droit financier, celui du
droit pénal et non pas ses dispositions répressives du maniement des deniers
publics mais plus encore, celles réprimant les crimes de sang, les séquestrations
et tous les actes portant atteinte de façon directe ou indirectes à la vie des
personnes.
La liaison deniers publics/vies, démontre que toute
infraction au maniement des deniers publics est une vampirisation du
contribuable.
La liaison deniers publics/vies est une relation à mettre
en évidence pour placer les finances publiques dans une vision bien plus
explicative de leur véritable nature et des sanctions qui doivent être appliquées au
maniement frauduleux des deniers publics. En somme, passer d’une explication basée
sur la matérialité vers une explication basée sur la temporalité. D’une
appréciation des deniers publics, unités monétaires ou de comptes, vers une appréciation
des deniers publics en « unités de vie » d’êtres humains. Toute comme
dans la théorie de la relativité le temps et l’espace ne faisant qu’un dans
cette approche des finances publiques, la matière et le temps ne font qu’un :
l’argent public, matériel, n’est qu’une somme de vies, immatérielles.
Cet essai est tout porté vers cette démonstration
La liaison deniers publics/vie humaine
Prenons l’exemple d’un individu, employé qui reçoit un
salaire mensuel de 300 unités monétaires. Si cet individu doit payer,
annuellement, au titre de l’Impôt sur le Revenu (IR) 10% de son salaire annuel.
Cela signifie qu’il versera à l’Etat chaque année, 360 Unités monétaires - [ (300 x 12 mois)x 10/100].
Du point de vue de l’approche classique des finances publiques,
ces 360 Unités monétaires, sont la contribution fiscale au titre d’un impôt direct
(IR). Elles sont enregistrées au titre des recettes fiscales de l’Etat et
entrent dans le budget général, comme un flux financier, une masse monétaire,
qui sera traduite budgétairement en recettes ordinaires et affectée à des
dépenses ordinaires conformément aux dispositions de la loi organique du budget,
pour les procédures de forme (élaboration/autorisation) et pour leur exécution
conformément à la loi sur la comptabilité publique et les lois sur la gestion
et le contrôle des finances publiques.
Le plus important c’est que le montant prélevé va se
fondre avec tous les autres prélèvements, obéir aux principes budgétaires et couvrir
les charges de l’Etat. Ce montant n’est donc perçu que comme une recette, une
valeur monétaire, plus ordinairement: de l’argent public.
Cette vision purement fiduciaire (ou scripturale) du
prélèvement fiscal qui deviendra en aval une dépense publique, cache la
véritable réalité de ce prélèvement et lui enlève une dimension beaucoup plus
importante, qui n’est pas immédiatement perceptible, à savoir que ce prélèvement
c’est de la vie.
En effet, les 360 unités monétaires prélevées peuvent
être converties en mois et en jours de travail. Ainsi cet employé (payé 300 unités
monétaires/mois à titre de salaire, donc 10 Unités monétaires /jour), versera donc
à l’Etat 36 jours de travail par an !
C’est comme si ce travailleur a « versé » à l’Etat
36 jours de sa propre vie au titre de paiement de l’impôt.
Si l’on extrapole ce raisonnement à tous les impôts payés
directs et indirects versés par les individus et que l’on convertisse la valeur
monétaire (unités monétaire) en valeur de vie (temps de vie), on peut, sans
possibilité de contradiction, dire que les ressources publiques ne sont pas
constituées de deniers publics mais de tranches de vie. Elles sont un
prélèvement sur le souffle de l’individu, une ponction sur sa vie, une privation
sa liberté et une mise en incarcération.
La projection d’une telle approche des finances publiques
sur le plan des droits humains, sur les libertés et même sur l’esclavages, la détention…etc.
est immense. Elle permet avant tout de comprendre
que les ressources de l’Etat ne sont en fait que du temps de vie humaine confisqué.
La vampirisation des finances publiques
Si l’Etat, cependant, prélève l’impôt, c’est bien pour l’utiliser
au profit de la collectivité. Ainsi on pourra dire que l’individu cède une tranche
de sa vie pour permettre de vivre sa vie en bénéficiant de soins (ex de santé
publique), d’Education (écoles, universités...) de sécurité (police, justice,
armée) etc. fournis par l’Etat.
C’est donc consentir d’aliéner une tranche de sa vie en
contrepartie d’une vie meilleure.
Si les deniers publics ne sont pas utilisés dans cet
objectif. S’ils sont détournés et mal utilisés, le gestionnaire public peut
alors être considéré comme un vampire, un voleur d’âmes. Car comme démontré plus
haut, chaque unité monétaire constitutive des ressources publiques est un
souffle de vie. Et les vampires volent l’âme de leurs proies.
Si l’on convertit les ressources budgétaires d’un budget
donné de l’Etat pour une année, en temps de vie, on pourrait parler en années
de vies au lieu d’unités monétaires. Ainsi si un budget d’un ministère est de 10
milliards d’unités monétaires, par exemple, il peut équivaloir à un budget de 500
ans de vie cédés par un nombre déterminés d’individus, contribuables. Lorsque ce ministère utilise les crédits de
son budget, pour effectuer une dépense et aussi paradoxal que cela puisse être,
il paye en années de vies ! Il prélève sur des temps de vies, sur une part
de l’existence d’êtres vivants.
Lorsque le gestionnaire de ce ministère détourne le
budget ou qu’il l’utilise de façon frauduleuse (concussion/malversation etc.),
il vampirise les individus, à travers les finances publiques.
La corruption et la fraude sont autant d’actes de vampirisation,
qui aspirent les ressources publiques et donc la vie des citoyens.
La prise en compte de cette vampirisation, explique que
dans certains pays, comme la Chine les infractions au maniement des deniers
publics peuvent être punies de peine de mort. La peine de mort, comme on le sait,
est généralement prononcée envers les auteurs de crimes de sang (meurtres avec
ou sans préméditation), c’est-à-dire une peine qui vise à ôter la vie à celui
qui a ôté la vie à autrui. C’est la loi du Talion.
Sans prendre le modèle chinois pour exemple, c’est
cependant en tous points la logique que nous avons montrée qui est appliquée. Un
gestionnaire public qui détourne les deniers publics a commis exactement le
même acte qu’un meurtrier, il a volé des vies. C’est, tout autant que le
meurtrier, un voleur d’âme.
Cet essai d’une approche nouvelle des finances publiques
visant à présenter les finances publiques non plus comme des masses financières
mais comme des sommes de vies, un agrégat de tranches de vies cédées
péniblement par l’effort et par le renoncement
à la liberté, jette la lumière sur ce que sont véritablement les finances
publiques et pourquoi leur détournement et leur utilisation frauduleuse constituent un
crime qui n’est pas seulement financier mais touche la vie humaine elle-même. Un vol de vies, un vol d’âmes.
Des développements plus approfondis de cet essai suivront.
Pr ELY Mustapha
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