"La bêtise et la brutalité n'outragent pas ; l'insulte intelligente est la seule insulte." (Victor Hugo)
Ceux qui penseront les commettre savent qu’ils doivent être hors de portée du système judiciaire et répressif mauritanien. Soit parce qu’ils sont hors du territoire mauritanien sous la juridiction d’autres Etats qui ne reconnaissent que leurs propres législations et qui n’acceptent pas l’exequatur des jugements portant atteintes aux droits de l’homme, dont la liberté d’expression et d’opinion, si même coopération judiciaire il y a.
D’autre part, les réseaux sociaux sont insaisissables, et les personnages aux multiples visages et identités qui entreprendraient une telle activité infractionnelle, sont comme un poisson dans l’eau (firewalls, anonymat, identité multiples …).
Il faudrait bien au gouvernement mauritanien des instruments technologiques tels que ceux de la NSA américaine, pour arriver à un quelconque résultat ; c’est autant dire qu’il est encore à plusieurs siècles en amont d’une telle capacité.
Mais alors à quoi sert cette incrimination de l’atteinte à l’image du
Président de la République ?
N’est-elle pas une atteinte réelle au droit d’expression et d’opinion garantis pas la Constitution ?
N’est-ce pas la porte ouverte à une interprétation judiciaire répressive et à une jurisprudence punitive ?
Le président de la République ne devrait-il pas être soumis à la critique, puisque serviteur d’u peuple qui l’a élu, il doit, tout autant que ses collaborateurs accepter cette critique émanant du peuple à travers les instruments libres d’expression de ce même peuple, les citoyens et de la presse indépendante ?
Ne sommes-nous pas encore en train de tomber dans la « déification » du Président de la République, la « personnification » du pouvoir à travers la courtisanerie officielle, comme cela est arrivé à ses prédécesseurs avec les conséquences néfastes que cela a eu sur la gestion de l’Etat ?
La question méritée d’être posée.
Cette légifération de « l’insulte » à l’institution présidentielle est mal à propos car elle ne servira à rien sinon à réprimer ceux que l’on voudrait bien réprimer et qui se trouvent à la portée de la justice. Or on le sait la critique virulente vient de bien loin et se trouve ailleurs, là où les lois nationales, n’ont ni valeur, ni force, ni applicabilité. Alors ?
Faut-il cependant, laisser libre cours aux actes, écrits ou verbaux, touchant la personne et la dignité du président de la république ?
Il relève de soi que cela ne doit être pas être toléré. Mais où débute et finit la critique et où commence « l’insulte » ?
Tout est dans le fond et dans la forme de l’acte et savoir distinguer entre la critique des actes du président de la République, l’exigence de la redevabilité et l’atteinte verbale à sa personne privée (droit privé) et à sa personnalité publique (droit public.)
La frontière à établir est le véritable mur qui se dresse devant toute légifération. Il reste cependant que l’insulte au sens commun du terme, est fort apparente et sa terminologie fort riche dans notre pays ne laisse pas de doute.
Mais est-elle une notion juridique ?
L’insulte n’est pas une notion juridique et n’a pas de définition précise et communément admise. Il conviendrait plutôt de parler d’injure, d’outrage, d’offense etc. En somme une agression verbale ou écrite touchant l’honneur et la dignité de la personne publique ou privée. Causant ainsi, un tort, un dommage et dans tous les cas une transgression des normes sociales et culturelles de respect dû à un individu eu égard à son rang tel que défini par la coutume ou par le droit.
L’injure peut être publique ou non, et s’aggrave quand elle revêt un contenu raciste, sexiste, ou confessionnel.
La législation envisagée par les autorités mauritaniennes porterait alors sur ces aspects mais s’inscrirait déjà dans la sanction pénale des outrages aux dépositaires de l’autorité publique qui englobent les menaces...
Et cela ouvre, en droit, une boite à Pandore…
L’interprétation de la loi par le juge
En Mauritanie, il y a la législation et il y a ceux qui l’appliquent. Et ceux qui l’appliquent en font les interprétations que leur dicte l’air du « temps politique » et moins leur âme et conscience. Tout le danger est là.
Lorsque la règle juridique quitte les bancs du parlement, elle devient la « chose » de la Justice.
Ainsi le simple fait d’adopter une règle de droit dont le contenu serait : « l’insulte au Président de la République est punie », pour voire un excès de zèle se déclencher et des juges condamner sur une interprétation qui leur est propre de l’insulte.
Dire que le « Président de la République est un mauvais gestionnaire des affaires publiques » sera érigé en « insulte », tout autant que dire que c’est un « incapable » ou un « incompétent. » Alors que ces trois affirmations ne relèvent pas de l’insulte mais du droit du citoyen d’apprécier les capacités de gouvernance (sociale, économique etc.) et de gestion de l’Etat par le serviteur du peuple et donc de chaque citoyen qui doit lui demander des comptes quand il le veut et où il le veut…
Cependant, le juge ne fera pas la différence entre un qualificatif en rapport avec la vie publique du Président ou de toute autre personne ayant un mandat public, librement utilisable par le citoyen et un qualificatif portant sur la personne et sa vie privées.
Depuis l’affaire Oud Mkhaitir , on sait ce qu’il en est de la Justice mauritanienne, dont certains magistrats avaient d’ailleurs dénoncé les errements.
Lorsque dans les pays démocratiques les Présidents de République essuient tous les noms d’oiseaux, sans crainte et sans reproche, reçoivent des gifles et des tartes à la crème dans la frimousse, en Mauritanie, nos dirigeants se prennent pour des dieux. Et ce n’est pas de leur faute, mais de celle de ce miasme de courtisans sans foi ni loi qui voulant les porter aux nues, finit par les trainer dans la boue…et le citoyen sera toujours là, l’insulte aux lèvres.
Et c’est enlever aux lois leur grandeur que de les confier aux législateurs de complaisance, d’en faire un PV policier d’insulte ou de réduire les juges à ériger en jurisprudence les bassesses de ce monde.
Pr ELY Mustapha
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