Tout observateur des violences de l’Etat mauritanien, de la corruption qui le gangrène, de la déchéance de sa classe politique, tant au pouvoir que dans l’opposition, de la déliquescence de la société mauritanienne en principes et valeurs, se demanderait : mais où sont les intellectuels mauritaniens ? Notamment ceux qui sont dans les rouages du pouvoir et dans les institutions publiques de souveraineté. Où sont les intellectuels qui peuplent les professions libérales du droit et de la Justice ?
En vérité, l’intellectuel mauritanien s’est
encoquiné avec le pouvoir, il en est même devenu l’allié sournois.
Ces intellectuels « planqués » dans
les rouages du pouvoir, n’en sont pas moins dangereux pour le devenir du pays.
Une typologie s’impose. Ainsi les
intellectuels mauritaniens, au pays, peuvent être classés, comme en zoologie et
en botanique, en espèces.
- La première espèce est celle qui, sous
prétexte de servir de conseillers et de chargés de mission, auprès des
présidences successives et autres ministères, a vendu son âme au pouvoir. Cette espèce
sachant bien qu’elle ne sert ni en conseil, ni en mission, et que ni le
Président, ni les ministres ne l'écoutent, continue à se complaire dans son statut d’ignorée, rémunérée indûment sur les ressources du contribuable. La
plupart de ses membres ont servi des despotes, certains ont même écrit des romans à l’ombre de
ces dictateurs. Certains ont été malmenés, méprisés, emprisonnés et son redevenus
conseillers de leurs bourreaux. Ces conseillers et ces chargés de missions se
refusent à admettre qu’ils ne sont qu’un faire-valoir pour le pouvoir. Une
façon de les utiliser pour faire croire qu’il agit sous leur éclairage, et que
ses décisions sont réfléchies, alors qu’il n’en est rien. Ou alors de deux
choses l’une : ou il les écoute et tous les malheurs du pays leurs
seraient imputables, ou alors il ne les écoute pas et alors, ils sont dans
l’indignité absolue. C’est autant dire alors le danger qu’ils représentent pour le
pays. Outre les allocations budgétaires en salaires indus, ils
participent à justifier la misère du peuple et de la nation. A moins qu’ils ne
soient nommés que pour répondre par l’affirmative aux interrogations de leurs
chefs. Du genre : « Monsieur le conseiller puis-je détourner le
budget de mon ministère? …Monsieur le conseiller que pensez-vous si on
tabassait les femmes de Tivritt ? …Monsieur le conseiller que me
conseillez-vous pour nommer la personne que j'ai déjà nommée…etc.
Autant dire que sans réponse affirmative,
conseillers et chargés de mission, se font virer…or ils sont toujours là, de
régime en régime. Alors la démonstration est certaine faite qu’ils ne sont nullement consultés, qu’ils gèrent leurs postes du ventre et que par définition, ils
nagent dans l’indignité absolue. Ce sont comme l’on dit des faire-valoir d’un
régime et c’est en cela qu’ils sont complices de ses dérives.
- La seconde espèce est celle de ceux qui occupent les
postes du savoir et de la science et que l’on n’entend jamais. Les
universitaires. Ceux qui peuplent l’université et qui enseignent les sciences
sociales et les sciences exactes dans un pays devenu asocial et où le faux
et l'inexact sont à la mode. Qui enseignent le droit dans un pays, où il n’existe pas, la
science politique dans un pays de népotisme, et l’économie dans un pays en
dégénérescence économique. Ces intellectuels planqués derrière leurs cartables,
ont fait de l’immobilisme leur science. Et pourtant c’est bien dans les
universités que les revendications contre l’injustice et l’oppression se font
entendre. Par la voix, l’écrit, les protestations…par la dénonciation, la
désobéissance, bref par la dignité de tout être de refuser haut et fort
l’injustice et la répression. Ce qui est terrible chez les universitaires,
contrairement aux bigots, c’est qu’ils savent et se taisent. Qui pour préserver
son poste, qui pour garder ses avantages de fonction (en carburant et frais
de mission…) … Toujours est-il que le corpus même de la société qui doit en
être le moteur de réflexion, de mouvement vers la liberté et le progrès,
l’universitaire, est « planqué », muet, soumis à un ventre qui
justifie sa frousse. Et c’est en cela que la Nation est en danger du fait de
cette intelligentsia planquée. Encore des complices dans ce qu’il advient comme
malheurs au pays.
- La troisième espèce est celle des bureaucrates,
qui peuplent l’appareil le plus vorace de l’Etat : son administration
publique. Des milliers d’intellectuels occupent des postes décisionnels dans
l’administration publique. Et si cette dernière est gangrenée par la médiocrité,
la corruption, l’inefficience, c’est bien à cause d’eux. Ce sont les
courroies de transmission de tous les mauvais actes du pouvoir. Ce sont les
exécutants des projets, des investissements, les initiateurs, les
adjudicataires, les financiers et les contrôleurs des marchés publics pipés…Ce
sont les exécutants des recrutements non mérités, de la falsification des
concours et des identités, de l’intercession complice, de la concussion et de
la malversation…Ils sont entièrement soumis aux diktats de leurs fonctions et
ils en profitent eux-mêmes, par personnes interposées. Un appareil d’Etat
corrompu dont la composante intellectuelle se veut, vainement, le pot
catalytique. Et c’est, justement, dans ce sérail servile, aguerrit aux
techniques de la corruption et du détournement qui met son savoir au service de
la délinquance haut placée (dont une infime partie est, aujourd’hui, jugée
devant les tribunaux), que le pouvoir recrute ses hauts-commis et les nomme aux
postes « juteux » de la finance et de l’économie du pays.
L’Administration publique est la planque de cette espèce, qui mine le pays et
qui détruit son avenir.
Il reste que bien des intellectuels
mauritaniens échappent à ces trois espèces. Des intellectuels, peu nombreux,
certes, mais qui ont essayé de dénoncer les dérives du régime…Mais ils l’ont payé
de leur emploi, de leur promotion et de leur carrière. Les
nominations leurs sont fermées si ce n’est simplement les fonctions.
C’est autant dire que les espèces du monde des « planqués », ne sont pas en voie de disparition. Elles perdureront tant que perdure l’humus politique dans lequel elles prennent racine.
Ces espèces n’ont pas encore de nom scientifique pour pouvoir les classer dans
l’herbier des plantes sauvages, à la page des « mauvaises herbes »,
en attendant qu’un herboriste, qui ne dort pas sur ses lauriers, puisse les
arracher avant que la herse populaire n’en vienne à bout. Mauritania : Res publica, publica res.
Pr ELY Mustapha
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bienvenue,
postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.
Pr ELY Mustapha