En quarante ans, et suite aux violences successives, qu’elle a subi et subit encore, la société mauritanienne, a accusé des transformations qui ont corrompu son système de valeurs, ses croyances et jusque son devenir.
1. Ce qu’elle fut.
La société mauritanienne était bâtie sur une universalité de codes éthiques et
de valeurs sociales qui lui donnaient sa dimension de respect et de tolérance.
Celle où l’on ne pouvait regarder dans les yeux les grandes personnes, celle où
l’on devait courber la tête quand toute personne aux cheveux grisonnants nous
adressait la parole, celle où l’on mettait le petit doigt sur le bord de
l’assiette de repas commun pour ne pas importuner les invités. Celle où l’on ne
pouvait élever la voix en présence des parents et des grandes personnes, celle où
l’on se devait d’être bon, sage et meilleur en tout. Non pas seulement pour soi
mais aussi pour sa famille et pour son pays. Il y avait dans cette société une
fierté et une dignité qui prenaient leurs sources non pas dans l’appropriation
matérielle, mais dans la possession de l’éducation et du savoir. Cadres
et repères de l’homme en société.
Cette société dans laquelle l’on sacralisait la relation humaine où tous ceux
qui tournaient autour de nous étaient notre famille, pourvu qu’ils aient foulé
le sol de la maison familiale, prié avec les parents à la mosquée, partagé un
bureau de travail ou habité le voisinage. Cette société où la parole était d’or
et où l’attachement se faisait plus à la personne elle-même, à son origine, à
son savoir, à son éducation qu’à ses biens et ses atours.
Une société matériellement pauvre et spirituellement
gigantesque. Cette société où l’ami de la famille était aussi la famille et
chacun cherchait à voir dans l’autre ce qui le grandissait. Une société où les
valeurs nous venaient de contes d’autrefois ou s’entremêlaient la foi, la
dignité et le courage. Une société où le courage n’ignorait pas la tolérance et
la dignité le pardon.
2. Ce qu’elle advint.
Aujourd’hui, la société mauritanienne, s’entre-déchire autour d’une personne,
d’un bien, d’une autorité, d’un pouvoir. Elle a perdu la foi qui maintenait sa
cohésion et la conviction en un devenir commun. La société, à force de faire du
pouvoir son centre d’intérêt et son ultime sujet, est devenue le reflet de ce
pouvoir. Elle a confectionné ses attitudes, ses valeurs et son mode de vie à
l’image de ce qui la préoccupe depuis des décennies : le pouvoir.
Ce n’est pas la société qui a imprimé ses valeurs au politique mais l’inverse.
Entrainant ainsi une reproduction jusque dans la sphère sociale, des tensions
qui l’animent et des tares qui le minent. Les dissensions, l’agressivité
partisane, la corruption, le népotisme, l’inimitié, l’esprit revanchard et
l’intolérance ont conquis une société entièrement assujettie au politique.
Les conséquences en sont une perte de repère pour toute une société et à
travers elle sa jeunesse. Les batailles qui se livrent au sommet trouvent leur
reproduction dans la violence sociale et la criminalité galopante. Le respect
des anciens et des grandes personnes n’a plus de sens puisque ce sont ces
personnes qui au pouvoir donnent le mauvais exemple et qui montrent les formes
les plus évidentes de l’intolérance et de la cupidité.
Brassée durant des décennies par des régimes politiques entièrement extravertis
ne se préoccupant que de conquérir, d’assujettir et de s’enrichir, au mépris du
peuple et de sa culture, au mépris de son idéal et de ses valeurs, la société
en est devenue le reflet.
Aussi tout ce que se passe actuellement au sommet de l’Etat et tout ce qui s’y
est passé durant ces dernières années n’a pu trouver une réaction de rejet du
profond de la société, car elle en est une fidèle reproduction. La société
n’est plus le frein au rejet des valeurs, elle accompagne ce rejet, l’applaudit
et l’admet. Et tous ceux qui ont conquis le pouvoir par la force savent
pertinemment qu’ils peuvent compter sur l’immobilisme de cette société qui »
accusera le coup » et qu’ils sauront l’associer à leurs méfaits.
Une société conditionné, préparée à l’assujettissement et dont « l’élite »
cupide et intéressée, véritable courroie néfaste de transmission entre la
société et le pouvoir, la mettra dans l’escarcelle de ce dernier. Une élite
participant à l’instrumentalisation politique d’une société sans repères et
sans idéal.
Voilà pourquoi ceux qui usent de la violence pour conquérir le pouvoir, bafouer
la société ; ses valeurs et son idéal le font parce qu’ils savent qu’ils
trouveront toujours dans cette société ceux qui l’aideront à l’assujettir.
3. Ce qu’elle ne sera plus.
Cette société a-t-elle définitivement pris les traits de ceux qui la gouvernent
par la violence, la cupidité et l’égoïsme depuis plus de quarante ans ?
Cette société est-elle, réactivement, morte pour tolérer toutes les violences
qu’on lui fait depuis tant d’années à travers des putschs successifs
hypothéquant sa volonté, son développement et son devenir ?
Cette société est–elle définitivement classable dans les rayons de
l’ethnographie sous l’étiquette : « société détruite par absorption de son
énergie vitale par un pouvoir parasite » ?
En somme, une société qui en est arrivé aujourd’hui à jeter les
bébés à la poubelle, est-elle viable ?
Le rempart de la religion s’étant lui-même effrité, face
à la violence que le corps social a subi, a fait que ce que toute société reprouve,
se fait désormais dans la pénombre…
Si les bébés dans un pays musulman sont jetés à la
poubelle, c’est parce que tout ce qui servait de socle solide et maintenant la
société, ses croyances et ses valeurs, s’est effrité et il ne reste plus que le
gémissement des êtres que l’on viole et l’étouffement des bébés au fond des
poubelles…
Alors, ce que cette
société deviendra, nul ne le sait plus.
La compassion ne survit
plus, là où l’on étouffe l’innocence.
Maudite gouvernance.
Pr ELY Mustapha
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