C’est ainsi qu’ils ont marché ce
09 janvier 2019, pensant avoir marché contre ce qu’ils considèrent comme leur étant
extérieur (la haine, le racisme et la discrimination), alors qu’ils ne
font que marcher contre leur propre turpitude. Et nul, en fait ou en droit, ne
peut se faire prévaloir de sa propre turpitude.
Ont-ils marché contre les
putschistes qui depuis des décennies confisquent le pouvoir et les avilissent ?
Ont-ils marché contre l’accaparation
du pouvoir par une classe corrompue et siphonnant les ressources du pays ?
Ont-ils marché contre l’injustice
de tous les jours ?
Ont-ils marché contre la
détention abusive d’un citoyen libéré par la justice et incarcéré par un
potentat au pouvoir : Ould Mkheytir ?
Ont-ils marché contre le bradage
des écoles publiques au profit de commerçants véreux acoquinés au pouvoir maintenant
l’éducation dans de piteux états ?
Ont-ils marché contre le bradage du
domaine public (Ecole de Police etc...)
au profit d’une courtisanerie présidentielle vorace ?
Ont-ils marché contre l’enrichissement
illicite et le détournement des biens publics par fonctionnaires, autres hauts
commis de l’Etat et par personnes interposées ?
Ont-ils marché contre la
destruction des monuments historiques (Sénat/blocs rouges) et des emblèmes de
la nation (drapeau, hymne et armoiries nationaux) ?
Ont-ils marché pour dénoncer la cession
des ressources naturelles au profit de compagnies véreuses profitant à la gente
corrompue au pouvoir ?
Ont-ils marché contre la
criminalité, les viols, les meurtres et l’insécurité qu’entretient l’Etat pour
justifier son existence.
Ont-ils marché lorsque contre la
misère qui sévit et jette des milliers de familles dans le dénuement, la
dépendance et la prostitution ?
Ont-ils marché contre les
immondices qui ont fait de leur capitale un dépotoir à ciel ouvert ?
Ont-ils marché contre les
maladies qui sévissent, l’insalubrité et les hôpitaux-mouroir ?
Ont-ils marché contre le médicaments
trafiqués, importés par des criminels-commerçant-pseudo-pharmaciens avec la bénédiction
de l’Etat et qui tuent tous les jours des milliers d’innocents ?
Ont-ils marché contre les
détériorations des valeurs sociales sous l’impact d’un régime politique qui
utilise le mensonge, la falsification et la corruption comme moyen de maintien
au pouvoir ?
Ont-ils marché contre la
détérioration et la falsification de tout le système éducatif à ses différents
stades faisant de l’enseignement et des diplômes mauritaniens, une non-valeur
scientifique.
Ont-ils marché contre le bradage
des cerveaux de nos enfants à des écoles primaires commerciales qui en font les
incultes de demain et le malheur de la Nation ?
Non ! Contre tant de
violence et de crimes contre tout un peuple, ils n’ont pas marché !
Mais pour quoi, donc, ont-ils marché
ce 09 janvier 2019 ?
Certains ont marché parce qu’il fallait
au nom de leur administration, et pour garder leur emploi, marcher ; il y
a ceux qui ont marché parce que qu’ils pensent servir un idéal matérialisé en
slogans et autres partis pris.
Mais tout ce monde a bien moins
marché qu’on ne l’a fait ...marcher. Au sens propre et figuré. Une marche à pas
forcé…sur lui-même.
Car la haine, le racisme…viennent
justement de ceux qui ont marché.
Pour que la haine et le racisme
et la division disparaissent, et pour que la tolérance s’installe, c’est une
autre marche qu’ils faut faire. Pas cette marche de ce 09 janvier 2019, qui n’est
que l’expression de la combine d’un pouvoir qui cherche un terrain pour s’affirmer
face à des échéances électorales, qu’il sait cruciales pour son devenir. Alors,
il réveille les vieux démons, car quoi de plus machiavélique pour continuer à
gouverner que de créer des ennemis intérieurs-extérieurs pour générer la peur
et la crainte afin de rendre l’existence de ce pouvoir, aux yeux du citoyen,
indispensable.
La marche du 09 janvier 2019, c’est,
pour le pouvoir en place, se faire une légitimité en opposant le citoyen
à ce qu’il craint lui-même, la haine, le racisme et la discrimination qu’il a
lui-même contribué durant des décennies à cultiver dans la société
mauritanienne.
Il a encouragé le tribalisme et
en a même fait même une institution qu’il utilise et manipule au gré de ses
intérêts (électoraux, politique, économiques et sociaux.) Il a réduit le
citoyen à une collection de tribus et d’ethnies corvéables à merci.
Il a encouragé la destruction du
système éducatif, et corrompu l’intelligentsia dont une partie lui sert de
bouc-émissaire et de conseillers dans son immonde projet de sape de la nation
et de ses fondements. On le sait, le
déclin des peuples et des nations nait de la destruction du tissu éducatif, scientifique
et culturel…en somme leur âme.
Si ce régime a commandé et organisé
la marche du 09 janvier 2019, c’est uniquement pour distraire le peuple des véritables
marches qu’il doit, et aurait dû, faire et l’orienter vers celle qu’il pense
lui servir contre des individus qui au nom de leur communauté dénoncent le
racisme et l’esclavage comme Biram et autres…
Mais Biram est éphémère, et la
violence, le racisme et le tribalisme en Mauritanie ne sont pas nés avec lui, c’est
le pouvoir violent et putschiste depuis 1978 qui les a exacerbés et en a fait une
arme pour son maintien et sa pérennité (déportation et assassinats des années
80 et 90, haine et emprisonnement d’opposants et de sénateurs ces dernières
années etc. etc.)
Si une marche devait se faire, c’est
bien une marche contre le pouvoir militaro-politique, lui-même, qui est la
source de la haine, et de la division qui secoue la Mauritanie. Une division
qui prend sa source dans le tribalisme mesquin qu’il a consolidé et utilisé ;
une marche contre la misère qu’il a créée
et qui engendre la haine du démuni et dont nait la violence...
Marcher contre autre chose c’est
marcher contre soi-même, c’est même « marcher dans quelque chose »
(au sens littéral et en hassanya) …
Peut-on dénoncer et marcher
contre ce que nous savons être de notre propre fait ? Si cela est, alors
cette marche est l’expression la plus élaborée du cynisme des gouvernants mauritaniens
et l’asservissement de tout un peuple que l’on fait marcher.
Quand on marche contre soi, on
marche sur soi et celui marche sur lui-même trébuche. En somme, un peuple qui s’est
trompé de marche. Une Nation prise dans la turpitude de ses gouvernants.
Pr ELY Mustapha
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