jeudi 10 janvier 2019

Marche forcée du 09 janvier 2019 : Ils ont marché…sur quelque chose.


Quand on marche contre soi, on marche sur soi et celui qui marche sur lui-même trébuche.
C’est ainsi qu’ils ont marché ce 09 janvier 2019, pensant avoir marché contre ce qu’ils considèrent comme leur étant extérieur (la haine, le racisme et la discrimination), alors qu’ils ne font que marcher contre leur propre turpitude. Et nul, en fait ou en droit, ne peut se faire prévaloir de sa propre turpitude.
Ont-ils marché contre les putschistes qui depuis des décennies confisquent le pouvoir et les avilissent ?
Ont-ils marché contre l’accaparation du pouvoir par une classe corrompue et siphonnant les ressources du pays ?
Ont-ils marché contre l’injustice de tous les jours ?
Ont-ils marché contre la détention abusive d’un citoyen libéré par la justice et incarcéré par un potentat au pouvoir : Ould Mkheytir ?
Ont-ils marché contre le bradage des écoles publiques au profit de commerçants véreux acoquinés au pouvoir maintenant l’éducation dans de piteux états ?
Ont-ils marché contre le bradage du domaine  public (Ecole de Police etc...) au profit d’une courtisanerie présidentielle vorace ?
Ont-ils marché contre l’enrichissement illicite et le détournement des biens publics par fonctionnaires, autres hauts commis de l’Etat et par personnes interposées ?
Ont-ils marché contre la destruction des monuments historiques (Sénat/blocs rouges) et des emblèmes de la nation (drapeau, hymne et armoiries nationaux) ?
Ont-ils marché pour dénoncer la cession des ressources naturelles au profit de compagnies véreuses profitant à la gente corrompue au pouvoir ?
Ont-ils marché contre la criminalité, les viols, les meurtres et l’insécurité qu’entretient l’Etat pour justifier son existence.
Ont-ils marché lorsque contre la misère qui sévit et jette des milliers de familles dans le dénuement, la dépendance et la prostitution ?
Ont-ils marché contre les immondices qui ont fait de leur capitale un dépotoir à ciel ouvert ?
Ont-ils marché contre les maladies qui sévissent, l’insalubrité et les hôpitaux-mouroir ?
Ont-ils marché contre le médicaments trafiqués, importés par des criminels-commerçant-pseudo-pharmaciens avec la bénédiction de l’Etat et qui tuent tous les jours des milliers d’innocents ?
Ont-ils marché contre les détériorations des valeurs sociales sous l’impact d’un régime politique qui utilise le mensonge, la falsification et la corruption comme moyen de maintien au pouvoir ?
Ont-ils marché contre la détérioration et la falsification de tout le système éducatif à ses différents stades faisant de l’enseignement et des diplômes mauritaniens, une non-valeur scientifique.
Ont-ils marché contre le bradage des cerveaux de nos enfants à des écoles primaires commerciales qui en font les incultes de demain et le malheur de la Nation ?
Non ! Contre tant de violence et de crimes contre tout un peuple, ils n’ont pas marché !
Mais pour quoi, donc, ont-ils marché ce 09 janvier 2019 ?
Certains ont marché parce qu’il fallait au nom de leur administration, et pour garder leur emploi, marcher ; il y a ceux qui ont marché parce que qu’ils pensent servir un idéal matérialisé en slogans et autres partis pris.
Mais tout ce monde a bien moins marché qu’on ne l’a fait ...marcher. Au sens propre et figuré. Une marche à pas forcé…sur lui-même.
Car la haine, le racisme…viennent justement de ceux qui ont marché.
Pour que la haine et le racisme et la division disparaissent, et pour que la tolérance s’installe, c’est une autre marche qu’ils faut faire. Pas cette marche de ce 09 janvier 2019, qui n’est que l’expression de la combine d’un pouvoir qui cherche un terrain pour s’affirmer face à des échéances électorales, qu’il sait cruciales pour son devenir. Alors, il réveille les vieux démons, car quoi de plus machiavélique pour continuer à gouverner que de créer des ennemis intérieurs-extérieurs pour générer la peur et la crainte afin de rendre l’existence de ce pouvoir, aux yeux du citoyen, indispensable.
La marche du 09 janvier 2019, c’est,  pour le pouvoir en place,  se faire une légitimité en opposant le citoyen à ce qu’il craint lui-même, la haine, le racisme et la discrimination qu’il a lui-même contribué durant des décennies à cultiver dans la société mauritanienne.
Il a encouragé le tribalisme et en a même fait même une institution qu’il utilise et manipule au gré de ses intérêts (électoraux, politique, économiques et sociaux.) Il a réduit le citoyen à une collection de tribus et d’ethnies corvéables à merci.
Il a encouragé la destruction du système éducatif, et corrompu l’intelligentsia dont une partie lui sert de bouc-émissaire et de conseillers dans son immonde projet de sape de la nation et de ses fondements. On le sait,  le déclin des peuples et des nations nait de la destruction du tissu éducatif, scientifique et culturel…en somme leur âme.
Si ce régime a commandé et organisé la marche du 09 janvier 2019, c’est uniquement pour distraire le peuple des véritables marches qu’il doit, et aurait dû, faire et l’orienter vers celle qu’il pense lui servir contre des individus qui au nom de leur communauté dénoncent le racisme et l’esclavage comme Biram et autres…
Mais Biram est éphémère, et la violence, le racisme et le tribalisme en Mauritanie ne sont pas nés avec lui, c’est le pouvoir violent et putschiste depuis 1978 qui les a exacerbés et en a fait une arme pour son maintien et sa pérennité (déportation et assassinats des années 80 et 90, haine et emprisonnement d’opposants et de sénateurs ces dernières années etc. etc.)
Si une marche devait se faire, c’est bien une marche contre le pouvoir militaro-politique, lui-même, qui est la source de la haine, et de la division qui secoue la Mauritanie. Une division qui prend sa source dans le tribalisme mesquin qu’il a consolidé et utilisé ;  une marche contre la misère qu’il a créée et qui engendre la haine du démuni et dont nait la violence...
Marcher contre autre chose c’est marcher contre soi-même, c’est même « marcher dans quelque chose » (au sens littéral et en hassanya) …
Peut-on dénoncer et marcher contre ce que nous savons être de notre propre fait ? Si cela est, alors cette marche est l’expression la plus élaborée du cynisme des gouvernants mauritaniens et l’asservissement de tout un peuple que l’on fait marcher.

Quand on marche contre soi, on marche sur soi et celui marche sur lui-même trébuche. En somme, un peuple qui s’est trompé de marche. Une Nation prise dans la turpitude de ses gouvernants.
Pr ELY Mustapha

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