lundi 4 octobre 2010

La “jurisprudence” Ould Dadde :

 

Vadémécum à l’usage de la diaspora

ou

comment ne pas se brûler les ailes au contact du pouvoir

 

Je ne connais Mohamed Lemine ould Dadde ni d’Eve, ni D’Adam. Jusqu’au coup d’Etat d’Août 2008, j’ignorais jusque son existence et certainement lui, la mienne. C’est autant dire que je ne connais de lui que ce que les medias ont bien pu rapporter suite à sa nomination au Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux relations avec la Société Civile ou à la suite de sa mise en inculpation après une enquête de l’Inspection générale d’Etat.

Nous ne poserons donc pas les questions politico-juridico-sociales sur lesquelles se chamaillent les acteurs de la place mauritanienne ; à savoir s’il est personnellement, ou solidairement, responsable des infractions commises à l’égard des deniers publics ou s’il n’est qu’un « bouc émissaire » dans une gestion d’un service public à la tête duquel il a été nommé.

Qu’importe. Pourvu simplement que justice lui soit rendue.

Mais le fait est là. Mohamed Lemine Ould Dadde est en prison. Quelles leçons en tirer ? Et plus précisément quelles leçons en tirer pour la Diaspora mauritanienne à l’étranger ? Notamment celle qui pense retourner au pays et sans doute occuper de hautes responsabilités ?

En effet, malgré notre méconnaissance de Ould Dadde, une chose est certaine, il a fait longtemps partie d’une diaspora et non pas des moindres. Une diaspora militante et engagée. Une organisation expatriée dans laquelle il a occupé des responsabilités clef, jusqu’au jour où il décida de la quitter pour occuper le poste de Commissaire à la Sécurité alimentaire.

Ce qui arrive actuellement au personnage, malgré son amertume, est cependant riche d’enseignements pour toute la Diaspora mauritanienne. Aussi au vu de ce qui arrive et tenant compte du cheminement pris par les évènements, nous nous devons de faire les constats suivants. En somme, un petit vadémécum à l’usage de la diaspora mauritanienne.

I- Ne jamais soutenir un coup d’Etat : La violence n’engendre que la violence

Ceux qui font des coups d’Etat, le savent. Ils ne sont adeptes que de la force. Même si le bastion qu’ils ont pris légalise leur situation à la tête de l’Etat qu’ils ont violenté, ils restent toujours des putschistes et leurs comportements ne changent pas. Chasser le naturel, il revient au galop.

Dans cette perspective, l’intellectuel, ou celui qui se définit comme tel, ne peut en aucune façon entériner l’assujettissement des nations par la force. Il n’y a point de place pour l’intellect là où se développe la pensée unique. Et lorsque l’intellectuel, par une volte-face que seule sa conscience (que nous ne jugeons pas) lui dicte, il rejoint le camp de la violence institutionnelle, alors il se brûle les ailes. Car à chaque envol son élan se brise. Et sa chute est assurée.

Car qu’est-ce qui justifie la présence d’une pensée libre, ou se voulant comme telle, dans un environnement autoritaire ? Qu’y cherche-t-elle ?

On ne doit soutenir que ce qui est soutenable. L’édifice des coups d’Etat, même légalisés, est en perpétuel effondrement. Et ne se préoccupant que de sa propre survie, sacrifiera autant qu’il le pourra ceux qui, en pensant le rejoindre par « conviction », ne sont en fait que des candidats à l’éviction.

Une éviction qui sera d’autant plus brutale que le régime voulant toujours prouver quelque chose (lutte contre la corruption, contre la pauvreté etc.) fera qu’elle soit la plus douloureuse. Le régime en tire ainsi, au détriment du « sacrifié », quelques jetons de satisfecit auprès d’une masse populaire incrédule pour entretenir sa survie.

Ceux qui arrivent par des coups d’Etat, étaient déjà, au commencement de leurs actes contre l’Etat, prêts à sacrifier des vies humaines pour se saisir du pouvoir. Ils continueront à avoir cette mentalité bien après qu’ils aient pris le pouvoir et qu’ils s’y soient légalisés. Ils utiliseront la même politique. Ils ne lâcheront pas ce qu’ils ont saisi par la force et surtout quand ils savent que le paysage humain mauritanien regorge d’individus malléables et corvéables à merci. Prêts à saisir la moindre opportunité pour « une fiche budgétaire ». A fortiori devenir « haut commis de l’Etat. »

Ould Dadde, était-il de par son cursus personnel intégrable dans ce « paysage humain » ?

Il semblerait qu’il n’était ni en Mauritanie, ni dans les rouages du pouvoir. Il faisait partie d’une diaspora mauritanienne en France qui, a priori, n’avait pas d’accointances avec les putschistes. Une diaspora qui regroupe une importante élite mauritanienne, dont certains membres et groupes avaient rationnellement réagi aux différents coups d’Etat en Mauritanie, soit dans une neutralité soit dans une dénonciation manifeste. Mais le ralliement public et l’engagement personnel notoire aux faiseurs de coups d’Etat, sont exceptionnels de la part d’un militant engagé, à travers son organisation, dans le dialogue, la non violence et les droits de l’homme.

Qu’advient-il d’un intellectuel qui renonce à son organisation militante pour rejoindre un régime putschiste ? Ce qui advient aujourd’hui est une réponse à cela.

Car ce que cet intellectuel ne sait pas c’est qu’il a mis les pieds dans un environnement qui ne peut en aucun cas être le sien. Dans lequel il ne sera jamais vu comme il aimerait qu’on le voit, mais sera l’instrument d’un régime qu’il n’a participé ni à établir, ni à orienter, ni même influencé par ses propres principes, ses idées ou sa façon de concevoir le monde. Et cela aucun intellectuel, que dis-je, aucune personne éprise de droit et de liberté ne devrait l’accepter. C’est en effet enfermer son esprit et sa raison dans la cage du pouvoir en contrepartie d’une visibilité publique qui n’est en fait que l’antichambre d’une pénombre de cachot. C’est en soi un sacrifice dont on aurait pu se passer.

Et l’intellectuel passant dans cette antichambre se rendant compte du tort qu’on lui a fait et de celui qu’il a fait à sa conscience, il se met à s’en vouloir et grever de famine pour qu’on lui rende justice. Mais comme le disait, autrefois, Anatole France : « On croit mourir pour la patrie; on meurt pour des industriels »…En Mauritanie, aujourd’hui, un intellectuel ne doit pas mourir pour des putschistes.

II- Des hautes responsabilités et de leurs conditions

Depuis plus d’une trentaine d’années les sphères politique, économique, administrative et sociale mauritaniennes se sont gangrenées. Elles ont donné naissance à un foisonnement d’individus sans scrupules occupant toutes ces sphères et qui en ont fait leur terrain privilégié où ils exercent, en toute impunité, leurs actes de détournements de malversation et d’accaparation générale des biens publics.

C’est un réseau d’individus qui opère à tous les échelons de l’Etat aussi bien dans la gestion des ressources publiques que dans les rapports de ces gestionnaires avec les lobbies commerçants et banquiers en Mauritanie.

Ils ont développé, les techniques de corruptions passive et active, de fraude, de détournement, de malversation, de concussion, de trafic d’influence à tous les échelons de l’Etat. Ils savent utiliser les circuits politiques, administratifs, économiques, financiers et comptables pour arriver à leurs fins. Circuits qu’ils ont monté, soudoyé ou acquis par les moyens dont ils disposent et qui leurs servent de relais à tous les niveaux pour détourner, falsifier, transférer, dissimuler et se couvrir.

C’est dans cette « soupe » là que Ould Dadde est tombé. Et pas n’importe où. Dans un département par où transitent des moyens financiers et matériels importants et qui, bien avant lui, était la boite à Pandore où gesticulaient des commerçants véreux, des banquiers sans scrupules et une multitude de « fournisseurs », de « transitaires », de « bénéficiaires », « d’intermédiaires », qui formaient la chaine jusqu’au supposé destinataire, mais qui n’était que  le justificatif officiel de la « machine à détournement»: le pauvre.

Etre nommé à un tel emploi, comme d’ailleurs tous les emplois faisant intervenir des ressources publiques en Mauritanie, demande plusieurs conditions à mettre rapidement en place.

1) Faire une cartographie (« mapping ») rapide de l’institution à diriger

D’abord « ne pas être tombé de la dernière pluie », et surtout ne pas être fraichement débarqué dans le poste. Les milieux affairistes mauritaniens se saisissent très vite du « novice » et le mettent dans des « conditions idéales » pour s’en servir afin d’atteindre leur but. L’embobinement est une spécialité mauritanienne.

Dès sa prise de fonction, le titulaire n’y verra que du feu. La dissimulation des faits, des documents et du background de chaque collaborateur sera de rigueur. Tout sera fait pour faire paraître au novice qu’il est « tombé dans le meilleur des mondes possibles ». Qu’il sera l’Alpha et l’Omega de tout et que ses collaborateurs sont fidèles à l’infini. L’image qui lui sera renvoyée, d’un soutien généralisé à sa personne et à sa mission, sera telle qu’il se glissera dans une confiance proche de l’endormissement. Il signera sans prêter attention, il accordera la confiance sans se poser des questions, il acceptera ce qui lui est proposé par ses collaborateurs, il n’ira jamais vérifier ce qui se fait dans l’étage en dessous de lui, il évitera de poser des questions gênantes pour ne pas irriter un tel (ami d’un tel, frère d’un tel, cousin d’un tel, comptable de son service). Bref, il aura été mis au formol d’une mafia à visage humain.

Aussi avant d’accepter toute fonction, son titulaire doit bien connaître l’organisation ou le service qui lui est confié, son historique, les ressources humaines, l’environnement public et privé , les réseaux internes de gestion et leur interaction avec l’extérieur (« fournisseurs », commerçants, banques, personnes physiques et personnes morales, personnes publiques et privées). En somme, faire une cartographie de l’institution à diriger pour une « visibilité » optimale de son environnement interne et externe.

Dans cette démarche de cartographie, utiliser toute l’instrumentation formelle et informelle que la culture mauritanienne a mis à disposition. En effet, l’approche classique et rationnelle du renseignement à propos de X ou de Y ne ressort nullement de sa fiche officielle ou administrative de service, mais de l’information croisée et vérifiée obtenue dans le milieu sociopolitique.

En Mauritanie tout se colporte et tout se sait.

Pour mieux comprendre la dynamique interne d’un tel milieu et s’y préparer en conséquence lire ici  :

- le manuel à l’usage de ceux qui veulent s’enrichir en toute impunité

- Le monde qui pille les ressources publiques

2) Mettre rapidement en place un tableau de bord de gestion économique et financière

Les financiers vous diront que c’est une erreur, pouvant être fatale, lorsqu’on prend en charge une organisation publique ou privée sans connaitre à l’instant « T » (c’est-à-dire le moment où on prend ses fonctions) ses engagements économiques et financiers (internes et externes).

Un aperçu est généralement obtenu par le nouveau titulaire du poste lors de la passation de service, mais ce n’est parfois que la « vision » de son prédécesseur de sa propre gestion. On comprend donc la part de subjectivité de telles informations.

En Mauritanie, outre que la passation de service est une formalité qui est vide de contenu, surtout quand il s’agit de postes politiques, elle peut cependant être lourde de conséquence.

Aussi, le nommé à ce poste se doit d’affuter lui-même ses propres moyens de vérification de l’état physique (inventaire matériel et immatériel, état des stocks, effectifs du personnel permanent contractuel, en cessation d’activité, en disponibilité et en congé) et financier des lieux (snapshot du budget de l’entité, état préliminaire des engagements et des charges et autres encours financiers, fonds de roulement à la date d’entrée en fonction et un état des pièces et valeurs en caisse).

Un tableau de bord, avec indicateurs des ressources et des charges sur la période budgétaire et comptabilité matière et financière à l’appui présentant les différents postes en mouvement (débit et crédit) pour ledit établissement.

A titre d’exemple lire ici ce que nous avions écrit à propos de la comptabilité des postes diplomatiques et consulaires

Ce  tableau de bord établi, charger une personne de confiance (de préférence, personne morale indépendante et n’appartenant pas à l’établissement) de l’alimenter en permanence par les informations fournies par les services de gestion économique, financière et comptable de l’entité gérée et de dégager les « alertes » nécessaires à la prise de décision.

Toutefois, en Mauritanie et pour les raisons citées plus haut (falsification, connivence etc.) : le principe de rigueur doit toujours être : Vérification sur pièce (budgétaire, financière et comptable) sur place (remise de la chose achetée ou acquise) et sur la réalité de l’opération (nature en qualité et en quantité de la chose achetée ou acquise).

Pour cela le tableau de bord doit indiquer les flux physiques et financiers entrants, les flux physiques et financiers sortants sur la période de gestion considérée en s’appuyant sur le triangle : Inventaire-comptabilité-banque. (Etat des stock-reprise comptable-Etat des finances).

Pour bien utiliser ces instruments, le responsable de l’entité se doit de se familiariser avec les techniques de gestion financières et comptables, publiques et privées. Cela demande un savoir qui peut être acquis au préalable sinon avec l’expérience de gestion. Mais dans tous les cas, savoir lire des états financiers et comptables, les recouper avec des mouvements bancaires, budgétaires et de trésorerie, lire un bilan de fin d’exercice et tirer des conclusions d’un simple bordereau mensuel de comptabilité sont des fondements préalables à la direction d’une entité publique ou privée.

Dans tous les cas essayer de s’adjoindre des compétences du secteur privé (bureau d’experts) ou public (experts reconnus) pour mieux surveiller la gestion de l’entité dirigée.

III- Naviguer entre deux eaux : gérer les impondérables

Comme cela a été dit : « si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument » et il est davantage plus corrompant lorsque celui qui l’acquiert n’a ni les moyens ni l’expérience, ni le savoir du microcosme politique dominant. Il est à ce moment là pris dans la tourmente du pouvoir.

En Mauritanie, une constante n’échappe à personne : la nomination aux postes publics, notamment les « hauts commis de l’Etat », est dictée d’abord et davantage par « une reconnaissance » du pouvoir en place (pour un soutien quelconque à un moment donné de son avènement), elle est, ensuite, matérialisée par la volonté du nommant d’instrumentaliser le nommé.

Aucun ministre ne pourra  certifier qu’il a été nommé pour ses compétences, mais d’abord parce que le pouvoir l’a agrée pour une raison ou pour une autre. Et cette raison est toujours l’adhésion directe ou indirecte au pouvoir en place.

C’est la raison pour laquelle, tout nommé sait qu’il “doit quelque chose” au pouvoir politique et il ne lui échappe pas que cette nomination n’est autre qu’un lien de servitude, non pas à la nation (comme cela est dans les démocraties) mais à celui qui l’a nommé.

Cette allégeance directe à un personnage, souvent titulaire d’un pouvoir qu’il a acquis par la force et qu’il distribue au gré de ses ouailles consentantes et souvent applaudissantes, entraine deux effets contradictoires que le titulaire du poste se doit de gérer sur le « fil du rasoir » :

- Etant nommé par le « chef » lui-même, il ne peut rien refuser au chef et à ses émissaires non plus.

- Etant nommé pour gérer une institution, il se doit de la diriger suivant les règles de bonne gestion et en dehors de toute ingérence.

Le « nommé » est donc dans un état de servitude avec la responsabilité d’un libre-arbitre.

Comment dans ces conditions peut-il allier ce « statut » politiquement servile dû à la nature du régime et cette responsabilité civile, commerciale et pénale du gestionnaire des biens publics ?

C’est là en effet, tout le hic. Ould Dadde n’a certainement pas échappé à ce dilemme. C’est la façon avec laquelle il l’a géré qui a certainement eu les conséquences que l’on sait.

Face à cette situation les « nommés » aux postes de responsabilité adoptent différentes attitudes dont chacune a ses conséquences. Les voici :

- Ceux qui se « refugient » dans leur statut politique, s’occupant tout au long de leur présence dans le poste, de leur environnement politique et laissent la gestion aux cadres de l’entité. L’entité n’est qu’un tremplin, un moyen de leur ambition politique. Ceux-là ont deux types de destinées. La première, s’ils ont un poids politique très important finissent par « grimper » ailleurs, laissant l’entité dans le désastre, mais couverts, impunis, ils continuent leur carrière autrement. La seconde, s’ils n’ont pas de poids politique que relatif (ou conjoncturel), ils sont très vite rattrapés par leur « mauvaise gestion » et finissent en prison pour servir d’exemple de la politique que l’Etat s’est définie (exemple lutte contre la corruption). Mohamed Lemine Ould Dadde fait probablement partie de la seconde catégorie.

- Ceux qui se mettent carrément à piller l’institution (ou le projet ) qui leur est confié en utilisant tout l’environnement malsain et le réseau mafieux en place. Ceux-là ont deux types de destinées. La première : ils ne sont pas inquiétés. Ils font partie du système et couverts par leur réseau et ils monnayent toute volonté influente de les punir (magistrats, fisc, contrôleurs, inspecteurs etc.). La seconde destinée : Ils sont l’objet d’un excès de zèle du pouvoir (toujours au nom de la justification de sa politique) et sont traduits en justice. Souvent, il faut le dire, leur parcours « carcéral » ne dépasse pas la détention préventive et se retrouvent très vite en liberté car tout se monnaye. Et ils ont les moyens de leur liberté.

On voit donc que le dilemme n’est pas en lui-même une gageure et que ceux qui s’y prennent sont forcément sous les feux du pouvoir.

Comment alors Med Lemine ould Dadde s’est retrouvé dans cette situation ?

Certains disent qu’il ne prêtait pas beaucoup attention à la gestion du commissariat et qu’il la laissait à l’interne. Aussi la « mafia » en aurait profité pour se “sucrer” sur les engagements économiques et financiers de l’entité. D’où les détournements, malversations et autres fraudes signalés à propos de l’affaire.

D’autres disent que s’il y a de cela, il reste que ould Dadde aurait, aussi, remis périodiquement d’importantes sommes d’argent à une personne sénatrice proche de ould Abdelaziz et qui les aurait requise au nom de ce dernier.

Mais dans l’une ou l’autre de ces situations  (ou les deux à la fois), Ould Dadde est bien tombé dans les travers du système.

Ce qui prouve bien que la gestion des entités publiques ne peut se faire que par des personnes averties du milieu sociopolitique et économique mauritanien, capables de mettre en œuvre les moyens techniques et humains pour se prémunir contre la gestion frauduleuse interne.

En somme, naviguer entre deux eaux dominées par deux courants contraires. Le courant montant des impératifs de la gestion saine de l’entité dirigée et le courant descendant du trafic d’influence que le pouvoir-nommant ne manquera pas d’exercer.

En conclusion:

Ce petit vadémécum n’a pas pour ambition de se servir de l’exemple d’un personnage pour le dénoncer mais tout au contraire de s’en servir pour que d’autres « ould Dadde » ne tombent pas dans le piège du pouvoir. On sait qu’il y’en a potentiellement beaucoup qui comme Ould Dadde aimeraient bien rentrer au pays, exercer une fonction , participer à son développement.

Certains, comme Ould Dadde, pourraient le faire au détriment de beaucoup de paramètres que nous n’avons pas à juger mais d’ores et déjà ce qui advint au personnage n’aura pas servi à rien. Mais à nous éclairer sur l’antinomie entre le libre intellect et la brûlante flamme du pouvoir.

Il ne fait pas de doute, que justice sera un jour  faite pour Mohamed Lemine Ould Dadde et qu’il pourra un jour libre, nous dire ce qui s’est passé dans les arcanes du commissariat, celui qu’il a dirigé et celui où il a, malgré lui, séjourné.

Et si face à cette volonté continuelle du pouvoir d’utiliser les intellectuels pour ses ambitions, Ould Dadde en sort indemne, la jurisprudence qui vaudra (pour nous autres de la diaspora) ne sera pas celle de la justice mauritanienne,  mais celle des leçons à tirer de l’aventure d’un membre de la diaspora dans les cimes du pouvoir. Dont acte.

Pr ELY Mustapha

* Dénomination actuelle lire: Commissariat aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux relations avec la Société Civile.

lundi 20 septembre 2010

Terrorisme en Mauritanie

 

Eléments pour Combattre la « guérilla »

Lire et relire tout ce qui s’écrit sur le terrorisme dans la bande du sahel, ne mène à rien sinon de remplir la besace des experts tout azimuth qui ont fait du terrorisme une denrée qu’ils malaxent et distillent au gré des circonstances.

En fait, le terrorisme au sahel n’est pas une affaire de quelques barbus qui se promènent dans le désert. C’est un instrument d’influence que des pays de la sous-région emploient à des fins qui varient selon leurs intérêts personnels.

Il ne faut pas craindre de le dire, l’AQMI c’est des terroristes manipulés par des Etats. Certains veulent déstabiliser ou maintenir dans la dépendance de leurs moyens (financiers et militaires) des pays du sahel, d’autres veulent garder une neutralité positive à l’égard des terroristes pour éviter la confrontation avec les tribus que AQMI a infiltré (Touaregs notamment). L’Algérie, la Lybie, la France, les Etats unis, le Mali, le Niger jouent tous une carte avec Al Qaida. Certains de ces pays (USA, France) y voit des intérêts géostratégiques, d’autres des terrains d’influence (l’Algérie et la lybie), enfin ceux qui se « protègent » par la neutralité, le silence ou la complicité qui ne dit pas son nom (Mali, Niger).

Et la Mauritanie dans tout ça ?

a Mauritanie vient d’envoyer ses soldats mourir aux confins du Mali. Seuls sans préparation, sans appui logistique sans appui de l’armée malienne, ni algérienne sur la base d’un renseignement que des véhicules d’AQMI se dirigeraient vers la frontière. Les dégâts sont sérieux et les soldats mauritaniens s’en sont retournés sans trompette ni gloire. Ce n’est point que AQMI n’ait pas subi des dégâts ou que certains de ses membres n’aient pas été tués au combat, mais rapportée à la stratégie sécuritaire que devait adopter la Mauritanie, une telle campagne contre AQMI au Mali est lourde de conséquences.

L’Algérie elle-même qui dispose de la première armée de la sous région, en nombre d’hommes, d’équipements ( terrestre et aérien) et de puissance de feu, n’est pas allée pourchasser les terroristes sur le territoire malien. Outre, sa stratégie évoquée plus haut, elle sait que la voie la plus adaptée est la protection de ses frontières maritimes, aériennes et terrestres et de… maintenir le statu quo.

La dernière preuve en est , qu’avant la fin même des combats engagés par l’armée mauritanienne au Mali, l’Algérie déclarait que l’armée mauritanienne avait subi « de lourdes pertes ». Et le Mali de son côté gardait un silence de mort.

C’est autant dire que dans cette affaire d’AQMI au sahel, et autant que le prouvent les évènements et l’historique des interventions, aucun pays de la sous-région n’est “innocent”.

Aussi la meilleure stratégie pour la Mauritanie est de développer d’abord sa propre stratégie de lutte contre AQMI , quitte à l’articuler avec celle des autres. Mais qu’elle se définisse d’abord une stratégie tenant compte de ses intérêts,  de ses propres réalités de terrain dans le pays (situation sociale, politique et économique ) et de ses frontières.

En effet, si l’on considère le niveau actuel de la progression d’AQMI en Mauritanie on peut dire que globalement il est encore à un premier niveau militaire. Il ne s’agit pas encore d’un terrorisme urbain ou rural. Ce second niveau n’est pas atteint mais il pourrait l’être si la stratégie militaire de lutte contre Aqmi actuellement adoptée se continue. Il est donc urgent que la stratégie militaire aux frontières soit revue (I) et qu’un plan d’actions préventif soit mis en place pour contrer le terrorisme intra-frontières (II)

I- La Mauritanie se doit de revoir sa stratégie de lutte militaire contre AQMI aux frontières (I)

La Mauritanie, en envoyant les éléments d’une armée régulière contre une  « guérilla », s’est largement trompée sur les moyens et sur les effets attendus. On ne combat pas une « guérilla », en envoyant des soldats repus à la gamelle des casernes et attachés aux plis de leur uniforme. On combat la guérilla avec l’esprit, la détermination, les moyens de renseignement et la mobilité.

En effet, pour bien comprendre les voies et moyens de combattre AQMI c’est d’abord bien l’identifier en tant qu’ennemi. Non pas en tant que nombre, ni localisation (laissons cela aux satellites) mais en tant que force à travers ses caractéristiques pour, justement, les prendre à contre-pied.

Ainsi AQMI :

1. Agit par combats d'unités mobiles et flexibles

2. Pratique une guerre de harcèlement et d'embuscades,

3. S’appuie sur un soutien local

4. Collecte de l’information par des moyens locaux

5. S’approvisionne auprès de sources locales

6. Recrute localement et fait des alliances (d’intérêt et de sang) avec les locaux.

7. Combat sans ligne de front

D’autre part et c’est crucial, AQMI contrairement à la guérilla classique, utilise les moyens terroristes pour arriver à ses fins.

Aussi, on ne peut combattre AQMI que si l’on utilise une contre-stratégie à celle qu’elle a développée. Il faut agir sur les plans militaires et de renseignement :

1. Mettre à contribution des unités mobiles bien entrainées aux combats dans le désert

2. Recruter des experts locaux fiables connaissant bien le terrain en soutien aux unités

3. Former les unités aux techniques du harcèlement et les moyens sécurisés d’y répondre

4. Développer la surveillance frontalière et limiter l’engagement des unités en profondeur dans les territoires. Limiter les conditions de poursuite cause d’embuscades.

5. Développer des moyens de renseignements locaux dans les zones frontalières (permettant de déterminer dans ces zones les lieux d’approvisionnement et de recrutement d’AQMI, et d’anticiper ses actes)

II- Un plan d’action interne pour contrer les actions d’AQMI

Ce qu’il convient de comprendre avant tout, c’est qu’AQMI, ne mène pas une guérilla étrangère pour occuper par des troupes étrangères un territoire, c’est un combat politique qu’elle mène en utilisant les natifs du pays comme chair à canon. Son but n’est pas de continuer éternellement un harcèlement aux frontières ni des embuscades mais de prendre à terme le pouvoir dans les pays qu’elle vise. Elle n’hésitera donc pas à frapper à l’intérieur du pays et non plus par des prises d’otages mais par une véritable stratégie de la terreur, comme cela s’est vu en Algérie et ailleurs.

Les stratèges d’AQMI travaillent aussi sur les esprits. Ceux qui se sont fait exploser en son nom sont l’exemple même de l’endoctrinement et du « travail » psychologique dont AQMI est capable. Et cela s’exporte parmi les populations. AQMI, utilise le mental humain dans sa dimension la plus cruelle pour atteindre ses objectifs d’accaparation du pouvoir.

Jusque-là, il faut le dire, AQMI joue le jeu d’une guérilla classique, s’en prenant aux étrangers et à l’appareil militaire d’Etat.

Avec la dernière bataille livrée par l’armée mauritanienne au Mali, AQMI a compris qu’elle doit désormais utiliser des moyens pour affaiblir ce pouvoir en place qui lui envoie son armée jusque dans son fief. Elle ira donc dans le fief de son ennemi.

C’est la raison pour laquelle l’attaque précitée de l’armée mauritanienne contre AQMI au Mali est éminemment contre-productive. Les « stratèges » d’AQMI savent très bien que pour réduire à néant les efforts de l’armée aux frontières, il suffit de frapper à l’intérieur. Choquer l’esprit des populations, semer la peur , disloquer la confiance au régime, mettre à genou l’économie et l’investissement feront très vite descendre dans les rues, les pauvres, le mal lotis, les désespérés du régime en somme tous ceux qui constituent les recrues potentielles D’AQMI.

Comment alors faire pour que cela n’arrive pas ?

Outre l’attitude militaire à adopter, mentionnée plus haut, le pouvoir politique se doit d’accompagner sa lutte militaire par une lutte socio-politique et économique dont les éléments sont les suivants :

- Adopter une stratégie de discrédit contre AQMI, en y associant les personnes les plus influentes des classes politique, sociale et religieuse,

- S’atteler de façon effective à améliorer les conditions de vie locale (à l’intérieur du pays et aux frontières). Recenser les familles déshéritées, les jeunes sans emplois, les chômeurs et offrir le soutien et l’emploi.

- Engager rapidement une politique économique et sociale pour la jeunesse pour l’associer au développement économique et social du pays. Notamment généraliser les microcrédits à des taux préférentiels en mettant à contribution les banques, financer les d’entreprises jeunes en engageant des capitaux risques publics et privés, dynamiser les jeunes chambres économiques et les chambres de commerce et d’industrie.

- Lancer une politique de l’emploi des qualifications mauritaniennes, en accordant des incitations et autres avantages aux entreprises créatrices d’emploi.

- Générer une politique de communication et d’information vers les populations « sensibles » à la propagande d’ AQMI, à laquelle associer les dignitaires du pays.

Il ne s’agit là certes que de quelques éléments permettant de rendre moins arable pour AQMI, le terroir social mauritanien.

En effet combattre la misère (le chômage et la pauvreté de tous et de chacun) qui plonge dans le désespoir incitant à s’accrocher à la première théorie nihiliste venue, constitue le premier devoir contre AQMI.

Les opérations militaires ne sont qu’un aspect d’une violence légitime contre une violence aveugle qui s’est manifestée aux frontières. Mais une autre violence sournoise, qui servira AQMI, est celle que fait l’Etat à ses populations en les laissant dans la misère.

Pr ELY Mustapha

vendredi 17 septembre 2010

Mon Deuil de Alioune Ould Tomy

 

Mon ami, mon frère!

Dieu sait que je n’aurai jamais aimé de ma vie écrire ce billet; ni même de penser que l’évènement qui en est l’objet puisse jamais arriver. Dans sa terrible dimension, le fait est  douloureux, pénible, insupportable et désespérément triste à vider l’esprit de toute résignation et le corps de toute mortification.

Il y a à peine quelques jours je le taquinais au téléphone et, comme à son habitude, il protestait de sa voix qui m’est si familière depuis plus de 45 ans entrecoupée d’un léger bégaiement que, déjà, à l’école primaire je lui connaissais.

Je suis en deuil et pour longtemps de mon frère et de mon ami d’enfance, de mon ami de toujours. Alioune Ould Tomy.

“Tom” et moi nous gambadions depuis notre tendre jeunesse dans les rues de Nouakchott et nous partagions les mêmes espoirs et les mêmes rêves. Nous étions inséparables, tout comme le furent nos deux familles arrivées ensemble en 1959 à Nouakchott. Son père Ahmed était aussi le mien et dans la petite maisonnée de la famille de Tomy nous faisions les quatre cents coups entre le primaire, le collège et le lycée. C’était chez moi, c’était chez Tom.

Tom disparu, il y a sans aucun doute un pan de moi-même qui s’est effondré. Comment retrouverai-je les traces de mon enfance, celles de celui qui m’accompagna toute ma vie durant ?  Alioune ould Tomy occupait une place que nul ne peut combler et en disparaissant il emporte avec lui une part de moi-même.

Je me rappelle encore, qu’en découvrant qu’il était le personnage clef de mon dernier roman  (“Oualata: le secret d’une Mauritanie heureuse”) il s’en était profondément ému. Aurai-je su que c’était  le dernier hommage que j’allais lui rendre?

Mais ma Mauritanie, à moi,  ne sera plus heureuse sans Alioune.

Avec lui finis les souvenirs d’une enfance heureuse que l’on évoquait ensemble, finies les belles histoires de notre adolescence entre les dunes de Nouakchott, finies les virées d’antan dans les quartiers aux heures tardives qu’il savait raconter avec un humour à nul autre pareil.

Avec Tom est parti, l’homme intègre et sans reproche qu’il était devenu, vivant à la sueur de son front et élevant ses enfants à la manière des anges. Ahmed et Mimi auxquels je pense le cœur serré.

Avec Tom est parti le petit élève de CP1 que j’ai connu, timide, joufflu et sympathique qui se roulait avec moi dans le sable  de la Cour de l’école du marché.

Avec Tom est parti mon inséparable ami de collège qui partageait souvent avec moi sa piaule en me récitant entre deux verres de thé les vers appris le matin même. Est parti mon ami de lycée qui éblouissait par sa maitrise des langues et son inénarrable sensibilité littéraire.

Je me rappelle que déjà au collège, il avait composé un poème. Je le garde encore en mémoire:

“Je te vois à chaque vers d’une strophe

A chaque page que je décèle

Tu es  l’unique étoffe

D’une toile universelle”

Je ne sus jamais quel fut son destinataire. Je ne lui ai jamais posé la question. J’avais l’intention de la lui poser. J’ai toujours l’intention. Et je sais que l’on se retrouvera. C’est ma seule consolation dans ce deuil. Alioune, mon ami, mon frère.

 

ELY Mustapha

lundi 9 août 2010

Spartacus à Carthage

 

imagesCA30LEQ5 ça IRA plus , si ça va mieux

 

J’ai rencontré Biram Ould Dah Ould Abeid  (BDA) durant son passage à Tunis. Curieusement l’homme n’est pas au rendez-vous de l’image que les medias mauritaniens donnent de lui. Il n’est ni vindicatif, ni agressif ni porté sur la polémique. Très posé, j’ai pu m’entretenir avec lui à bâtons rompus sur toute la thématique qui traverse son discours et ses prises de position qui ont fait les points d’orgue de la sphère médiatique et les bémols de la critique politique .

Voici ce que nous avons retenu de son attitude et  de ses positions ( I ) et les idées partagées avec lui  ( II )

 

I- Un homme de conviction : ça IRA, si ça va pas.

BDA, est profondément attaché à son pays et aux hautes valeurs que  prône la société mauritanienne. Seulement  BDA, n’est pas un conformiste, il préfère mettre les pieds dans le plat politique et renverser la gamelle de ceux qui en voudraient les miettes.

En cela son discours, ne plait pas. Il s’attaque à des “impondérables” et surtout à des “tabous” que certains ont érigés en juteux placements pour leur “carrière” religieusement politique ou politiquement religieuse. Au choix du moment et du revers de la veste.

Nul doute que BDA dérange. Pour preuve ces “têtes à majorité” qui s’attaquent à son discours comme si, en le faisant, elles prouvaient qu’elle valent mieux que celui qu’elles dépècent.

En vérité, l’entretien avec BDA a permis de comprendre la dérive dans laquelle se placent les médias et les détracteurs politiques. Il y a en effet, une réelle confusion entre l’homme, ce qu’il est ou ce qu’il fut et les idées qu’il véhicule. L’amalgame est facile et ceux qui le critiquent sont davantage portés sur sa personne que sur les fondements de ce qu’il prône.

Ces idées les voici:

- l’esclavage existe en Mauritanie, il doit être éradiqué

- l’éradication de l’esclavage est contrée par une mentalité ancrée dans des préceptes  auto-entretenus par une minorité religieuse;

- L’Etat est handicapé par un chapelet d’oulémas qui lui enlèvent toute volonté de combattre, dans une vision objective basée sur le droit positif, notamment les ordonnances en vigueur, le phénomène esclavagiste;

- Le citoyen mauritanien est pris au piège d’uen société mauritanienne qui n’arrive pas à se libérer du carcan politico-militaro-religieux  qui l’assujettit à sa volonté et empêche son libre arbitre dans un Etat moderne et laïc.

- Le pouvoir politique manipule et “achète” des franges de la société et notamment une part de l’intelligentsia mauritanienne (y compris des haratines) pour assujettir les contestataires de la communauté harratine et en fait ses suppôts pour faire échouer sa cause;

- La guerre contre le terrorisme est une manipulation du pouvoir (en connivence avec une puissance étrangère)  pour “accaparer” l’opinion nationale et brandir des arguments “sécuritaires” pour noyer toutes les causes légitimes, notamment la cause harratine,  et les multiples revendications du peuple et de ses représentants.

- La communauté harratine est la plus démunie et la moins instruite. Une politique entretenue par le pouvoir en place pour continuer à l’assujettir.

Pour développer ses idées , BDA utilise un argumentaire appuyé sur une approche méthodologique spécifique (voir l’article “Spartacus au pays de l’opium”) et n’hésite pas à s’inscrire en faux par rapport au milieu politqiue ambiant. Seulement si l’on a bien compris BDA et les idées qui sous-tendent son élan, il n’en demeure pas moins que par certains aspects il y a des élèments essentiels à prendre en considération qui détermineront l’avenir de son mouvement.

II- Un mouvement en deux temps: ça ira, si ça va mieux.

Lors de notre entretien, j’ai pu partager avec BDA, mon opinion sur son  mouvement. Cette opinion tient dans les quelques appréciations suivantes. 

Le “hic” du mouvement, c’est son enfermement de fait sur une frange de la population: les harratines. Bien qu’il soit certain que des membres d’autres communautés l’aient rejoint, il n’en demeure pas moins que ce flux reste peu significatif pour mettre ce mouvement dans une orbite nationale lui permettant de défendre une cause à forte assise  politique.

la stratégie du mouvement se devraient de prendre en considération les deux éléments suivants:

- drainer les membres des autres communautés nationales (Maures “blancs”, négromauritaniens) pour accroitre l’assise populaire du mouvement.

- Elargir le programme politique à des objectifs nationaux de développement ( Genre, Education, Economie, social etc.) transcendant et se juxtaposant à la cause défendue.

A travers cette approche, le mouvement revisera les modalités de son action et inscrira sa cause dans une approche intégrative d’opinions nationales, proches ou sympathisantes, qui y trouveront matière à adhésion.

Les bénéfices de cette stratégie sont multiples.

D’abord à travers un programme politique étoffé, le mouvement pourra prétendre à plus de dynamique institutionnelle et à plus d’émancipation par rapport à son statut actuel de mouvement fermé sur une cause (escalavagisme) qui le place sous le régime d’une ONG à envergure limitée.

Ce mouvement restant encore tributaire des conditions de sa naissance est encore lié à son environnement partisan (El Horr, APP, SOS Esclaves, etc…) et il ne pourra s’en détacher que s’il développe une stratégie d’autonomie institutionnelle (Statutaire et politique), s’il élargit sa base à des communautés autres que harratines qui adhèrent  à sa cause et justifient donc son universalité en Mauritanie.

Cette stratégie permettra alors de contrer  les critiques portées actuellement au mouvement. Notamment son caractère sectaire, son isolement par rapport au reste des communautés et son discours “secessionniste” et non partagé.

Enfin, dans cette optique, les idées que développe BDA, ne seront pas celles d’un homme pris singulièrement comme tel (un harratine “revanchard”), ni celle d’une communauté à velleïté spécifique (les harratines) mais de tout un mouvement à différentes composantes, développant un programme national (dans lequel s’inscrit la lutte anti-esclavagiste) et qui draine des militants de tous bords.

Il est vrai que, face à la structure sociale et politique en Mauritanie, il est vain de vouloir se battre et gagner à l’échelle nationale en étant le porte-étendard d’une communauté spécifique, sans rencontrer les infranchissables barrières des autres communautés qui, elles, n’échappent pas à des convictions tout aussi fortes que celles que véhiculent leurs “mentors” ou que leur impose, par l’autorité et les moyens,  le pouvoir en place.

Certes, un mouvement basé sur une idée force (abolition de l’esclavage), développant une communication aggressive à propos de cette problématique à haute teneur humanitaire (l’esclavage) s’attirera la sympathie et sans doute le soutien (moral ou financier)  d’une communauté internationale, mais il ne sera entendu que comme une ONG et n’aura jamais l’envergure qu’il doit avoir et qu’il recherche: devenir un mouvement politique visant à bâtir, une société meilleure par une participation effective et  programmée à l’exercice du pouvoir.

Pr ELY Mustapha

lundi 28 juin 2010

Adieu Grand Frère N’Gaïdé

 

J’ai appris avec consternation le décès de Hamidou N’gaïdé, et c’est avec une infinie tristesse que je republie ici un article que j’ai écrit à propos de cet homme il y a quatre ans.

Et je le réitère encore ici avec la ferme conviction qu’avec la disparition de cet homme, il ya quelque part une Mauritanie qui s’éteint. Celle de la simplicité, de la générosité et de la tolérance envers tous ses enfants. Ina lillahi wa ina illeyhi raji’oun.

Il était une fois… la Mauritanie autrement : 

le salon de N'Gaïdé

Beaucoup d’étudiants et de familles qui sont passés en Tunisie connaissent bien ce diplomate mauritanien qui dans les années quatre-vingt avait grand ouvert les portes de sa maison à tous les mauritaniens.


Voyageurs de passage, étudiants en rupture de bourse, expulsés de pays voisins, sans papiers… tout le monde se retrouvait chez N’Gaïdé et jamais il ne se plaignait. Il recevait tout le monde et personne ne déclinait son identité pour bénéficier du toit de N’Gaïdé. Il avait besoin d’un toit, d’un gîte ou d’un couvert, N’Gaïdé le lui offrait. C’est autant dire que le salon de N’Gaïdé était le lieu de rencontre de tous les mauritaniens, sans distinction d’ethnie, de langue, de couleur ou de provenance.


Dans ce salon, les femmes maures, toucouleurs, soninké, oulofs et de bien d’autres ethnies s’occupaient des bébés des unes et des autres, cuisinaient ensemble, partageaient les mêmes lieux avec un sens infini de l’amitié et de l’entraide…. Les enfants eux-mêmes s’attachaient souvent à des femmes qui n’étaient pas leurs propres mères et quand le temps arrivait de se quitter, on assistait à d’émouvants adieux. Jamais on n’a pu voir une telle osmose de gens de différentes ethnies, de différents langages que dans le salon de N’Gaïdé.


Et ces enfants qui dans le salon de N’Gaïdé se sont assoupis dans les bras de quelque étranger de passage , ces enfants toucouleurs qui ont vécu et joué avec des enfants maures dans le salon de N’Gaïdé sous le regards de leurs pères à l’heure d’un thé partagé et ces femmes qui nourrissaient des bébés d’autres femmes en leur absence et qui ne savaient même pas comment leur dire « mange » dans leur langue, sont des images d’une grande sagesse …Et quelles images sont-elles là,  sinon ce que devrait être la Mauritanie.


Le salon de N’gaïdé, n’est pas une allégorie, il a eu l’immense avantage d’exister pour tous ceux qui l’on visité durant ces années-là . Il leur en est resté une inestimable expérience ; celle d’avoir vécu la Mauritanie autrement.


Nous voulons un Etat à l’image du salon de N’Gaïdé. Un Etat où tous nos enfants se sentent enfants de Mauritanie, sans distinction, de couleur de race ou d’ethnies. Nous voulons que l’Etat soit un toit pour nos enfants de demain tel que le fut dans la tolérance et le partage le salon de N’Gaïdé.


Le salon de N’Gaîdé où souvent a éclaté la bonne humeur en langues et dialectes multiples a certes donné à tous ceux qui y sont entré la chaleur d’un foyer loin du pays mais plus important que cela encore, il est certain que ceux , tous ceux, qui y ont trouvé cette osmose se sont certainement retournés en le quittant . Ont-ils compris que ce qui nous sépare est bien moins important que ce qui nous unit ?


A la vieille de cette démocratie naissante, faisons que pour nos enfants, demain l’Etat mauritanien ressemble au salon de N’gaïdé.


Pr ELY Mustapha

Cet article a été publié la première fois sur Cridem le 13 Mars 2007.

samedi 12 juin 2010

Bertrand Fessard de Foucault- Diplomate

Contre vans et marais

Lire les écrits de Bertrand Fessard de Foucault, ceux d’hier et d’aujourd’hui, c’est se rendre compte de l’importance que revêt cet analyste et commentateur de la vie politique en Mauritanie. Une source de réflexions qui nous renvoie une image irremplaçable de cette Mauritanie que le personnage a su saisir depuis les premiers balbutiements  de sa politique volontariste, aux heures de l’indépendance, à ce qu’elle est devenue aujourd’hui un gargouillement insipide de politiques agglutinés au giron du pouvoir.

Lire Bertrand Fessard de Foucault dans ses pages sur ce qu’était la Mauritanie, témoin vivant de l’épopée “contre vents et marées”, observateur averti des années kaki et de leur chape de plomb, c’est comprendre que ce diplomate a apporté dans ses écrits bien plus de choses à méditer pour les générations actuelles et futures qu’aucune école mauritanienne n’a su apprendre à ses  enfants.

Mais Bertrand Fessard de Foucault, est malheureusement en train de sombrer dans le piège que le microcosme mauritanien lui a tendu. Un microcosme appuyé sur un système militaro-courtisan entièrement dévoué à la désinformation, aux coups bas et à la sournoiserie instituée en politique d’Etat.

Bertrand Fessard de Foucault, en est aujourd’hui à dénoncer le piratage de son adresse mail, son faux-vrai courrier d’excuses au régime azizien publié par cridem… Bref, il utilise sa plume pour dénoncer  ce qui ne devrait pas être, mais qui, dans l’insipide politique mauritanienne, est la pratique de tous les jours.

Ce diplomate, n’a-t-il pas compris que depuis une trentaine d’années, la politique mauritanienne, répond à un seul principe: “Où tu es avec nous ou tu es contre nous”? Principe qui aurait pu acquérir une certaine noblesse (du temps révolu des mousquetaires), si dans le microcosme (“micromiasme”, devrions-nous dire)  politique on avait au moins du respect pour son adversaire politique.

Bertrand Fessard de Foucault, n’ayant jamais, dans ses écrits tels que nous les connaissons sur la Mauritanie, développé une inimitié pour personne, on comprend donc la virulence injustifié du système politique en place. Système n’épargnant que ceux qui tout en se spécialisant dans les courbettes, s’aplatissent en toute circonstance.

C’est autant dire que Bertrand fessard de Foucault est face à des vans entiers d’équidés politiques dressés à ne jamais ruer dans les brancards de leur cocher politique. Des bêtes… de “sommes” (sonnantes et trébuchantes), pour noyer dans les marais de leurs maîtres les moindres soupçons de vérité sur les relents de leur politique.

Contre vans et marais, Bertrand Fessard de foucault devra se battre s’il veut qu’un quelconque de ses écrits passe la barrière des marécages et des chevaux de Troie. Aujourd’hui plus qu’hier, la vérité n’est pas de mise; car ceux-là même sur laquelle elle porte, sont des usurpateurs d’un Etat, d’un régime.

Que Bertrand Fessard de Foucault ait exposé  les tenants et les aboutissants des tractations tout azimut  d’un régime mauritanien pour obtenir un financement international auquel ses pratiques politiques ne lui donnent pas droit;  qu’il ait contribué à mieux éclairer l’opinion nationale et internationale sur ce qui est, cela aurait dû lui attirer plus d’égards.

Mais en Mauritanie, l’analyse politique indépendante est une insulte. Nos dirigeants, cochers de leurs équidés, abhorrent ne pas être caressés dans le sens du poil. Après tout, c’est eux qui font et défont l’Etat, c’est eux qui s’identifient à leurs fonctions acquises par la voie des armes et légalisées par la voie des mauvaises âmes.

L’Etat mauritanien, est aujourd’hui est plongé dans un “micromiasme” politique.

Un marécage où s’affronte une opposition qui a vendu, depuis l’accord de Dakar, son âme au Diable et une “majorité” compromissoire qui applaudit, à se rompre les omoplates, un président putschiste-légalisé qui depuis son putsch a mis les pieds dans le plat face à un peuple traumatisé (lire ici)

En effet, celui qui est à la tête de l’Etat mauritanien est un individu qui fut, du temps du président soufi-sidi (lire ici), tourmenté par son “alter ego” (lire ici) et continue aujourd’hui à prendre des vessies pour des lanternes (lire ici)

Quant à l’opposition, son leader fut souvent le valet des putschistes successifs et jusque-là, il n’a jamais formulé un quelconque “mea culpa” (lire ici), on pourrait même dire qu’au lendemain du putsch de 2005, il a fait rater à la Mauritanie une occasion historique unique de chasser les militaires  du pouvoir (lire ici). Mais il s’est fourvoyé en compromissions et en égoïsme politique (lire ici) dont il a payé le prix tout en sacrifiant son pays sur l’autel des putschistes (lire ici)

Quant au reste du micromiasme politique mauritanien, il vaut ce qu’il vaut. Une opposition du ventre et une “majorité” de l’opportunisme.

Bertrand Fessard de Foucault, s’est inscrit, par ses analyses, dans cet espace.

Mais un tel espace politique mérite-t-il vraiment qu’on s’abaisse, “contre vents et marées”, à l’analyser? Ou que l’on daigne le critiquer même positivement?

La réponse, malgré tout, est oui, car on sait, depuis Camus  “ qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser”.

Camus l’a compris après qu’une certaine peste soit passée… Et en Mauritanie, les rats courent toujours….impunément.

Pr ELY Mustapha

mardi 11 mai 2010

Seigneurs de la guerre et destinée d’un peuple

 

warning

Face à tant de tensions, qui risquent d’enflammer notre pays, je vous livre ici deux articles:

Le premier est un essai d’explication de ce qui arrive au peuple mauritanien:

Sur le  Divan: Analyse psychique d’un peuple qui se démène

Le second fut un amer constat qui devint aujourd’hui une douloureuse réalité :

Une société mauritanienne traumatisée : Les seigneurs de la guerre.

Pr ELY Mustapha

samedi 24 avril 2010

Spartacus au pays de l’opium


  ça ira... ça IRA


chaineL'examen des différentes sorties médiatiques de Biram, montre que le personnage tient un discours qui inquiète. Un discours dont le contenu déroge à la tradition discursive  de nos hommes politiques.
Le discours de Biram , s'inscrit comme un pavé dans la mare de nos  séniles canards politiques. Si le discours de Biram inquiète, ce n'est pas seulement pour ceux qui se pavanent depuis des années dans les rouages politiques mais aussi pour tous les tenants d'une approche de la solution des problèmes socio-ethniques en Mauritanie. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître le discours de Biram  n'est pas en lui-même une révolution, ni dans son contenu ni dans son mode d'expression, alors pourquoi un tel discours met-il les autorités publiques sur les dents et fait l'objet d'une telle vulgarisation médiatique?  Et,  au-delà de son contenu, le discours de Biram ne stimule-t-il pas une lame de fond qui stagne depuis des années sous le fleuve tranquille du microcosme sociopolitique. Et laquelle?
Comment donc un discours aussi commun peut-il générer des attitudes publiques non communes (représailles , interdictions à l'égard du personnage et de son mouvement...) ?
Aussi pour répondre à ces questionnements et comprendre son impact sur le microcosme sociopolitique mauritanien,  voyons d'abord quel est le contenu du discours de Biram (I), sa stratégie (II) et ses conséquences (III)


I- Le discours d’un Spartacus:  “moi” c’est “ça”

Le discours de Biram est commun, puisque regroupant les constantes du discours classique de l’opposition (intérieure et extérieure),  mais  il tire de la médiatisation du personnage et de sa provocation les premiers ingrédients de sa force.Et ce n’est pas que cela.

En effet, si l'on se devait de faire défiler les mots-clés du discours de Biram ce serait: "esclavage, racisme, droits humains, exclusion, discrimination, séquelles, impunité, classe, minorité, passif humanitaire, oppression, déni de droits, exploitation, intimidation, discrédit"
En somme son discours, en employant uniquement ces mots clefs au-delà du détail et du factuel, se retrouve dans tous les discours des dirigeants de l’opposition de Messaoud à Daddah en passant par Mouloud et Sarr.

Mais s’il est vrai que l’on retrouve dans le discours de Biram, les constantes des discours de l’opposition, il n’en demeure pas moins que ce discours a quelque chose de plus. C’est un discours qui s’enrobe d’une couche de provocation et de volontarisme que l’on ne retrouve pas chez celui de l’opposition qui se caractérise par une faiblesse apparente et un fort relent de recherche permanente de compromis avec le pouvoir.

Biram inaugure par un ton, que l’on retrouvait d’ailleurs chez Messaoud au premières heures de son engagement politique, une nouvelle façon de “traquer” les autorités sur les thèmes sensibles et les pousser à réagir en les mettant sur la défensive.

Mais pourquoi le discours d’une certaine opposition, qui reprend pourtant les mêmes constantes, n’a pas eu les mêmes effets que celui de Biram?

La raison en est simple. Le personnage s’est confondu avec son discours. Il est à la fois le dénonciateur et le dénoncé, l’orateur et le sujet, le libérateur et l’esclave, le justicier  et la victime. Le moi et le ça.

Il s’est placé tout entier dans une stratégie de matérialisation de son discours par sa propre image. Il est lui-même l’expression personnifiée de ce qu’il clame. Il est le sujet de son propre verbe.

Toute sa personne est tendue vers ce qu’il dit (racisme, esclavage, exclusion) et tout ce qu’il dit s’exprime dans son état (discriminé, esclave, exclu). Cette stratégie de la confusion de la personne et de sa cause a donné de l’effet à la cause.

Le premier des effets a été, sous l’impact des contraintes et des représailles subies par le personnage lui-même, de donner une dimension médiatique et une force de conviction non négligeables à son discours. Il fut relayé de façon systématique sous le label: “la parole confisquée du militant interdit.”

II- La stratégie de Spartacus: faire trembler l’Etat sur ses fondements 

Spartacus est dit-on “l’esclave qui fit trembler Rome sur ses fondements”. En ce sens, Biram s’inscrit bien dans cette logique.

Le second des effets a été,  du fait de la particularité de sa situation, de pouvoir dénoncer des tabous. Le premier effet médiatique hors du commun a été celui de dénoncer les dérives des “oulémas” en Mauritanie notamment en ce qui concerne le statut des esclaves, leur mutisme face aux discriminations et exclusion et leur assentiment permanent au détenteur du pouvoir. En somme, en matière d’esclavage et de soumission à la dictature , les oulémas mauritaniens  ont utilisé la religion comme “un opium du peuple”. Bien que cette expression n’ait pas utilisée par le personnage, ses attaques sur la mauvaise interprétation que font les  oulémas mauritaniens du rite malékite se situent bien dans cette direction.

Il dit en effet: “ les plus grands ennemis de l'Islam dans ce pays, ce sont les Ulémas qui ont travesti ses préceptes, rendant licite l'exploitation, l'esclavage et l'oppression. Sans eux, le pays n'aurait pas connu les maux qui le minent.”

Biram en connaisseur de la philosophe, sait pertinemment que depuis Karl Marx: “la critique de la religion est le préalable à toute critique”. Elle en est le portail et la voie indiquée pour déstabiliser les consciences dont l’attachement au spirituel, entretenu par le clergé, les empêche d’appréhender leur réel, leur vécu; bref leur condition. L’esclavage en est un en Mauritanie.

Dans une démarche intellectuelle ascendante, Biram, veut faire de la critique de la religion, une critique du système juridico-politique tout entier soumis à une théologie de clergé. “Le rite Malékite n'est pas l'apanage des Ulémas du pouvoir qui le servent d'ailleurs mal, dira-t-il.”

“Ce que Biram condamne, déclare le porte parole de l’IRA, ce n'est pas le rite Malékite dans sa pureté originelle, mais cette copie travestie pratiquée en Mauritanie pour établir la domination de classe, justifier l'esclavage et l'oppression"

Et les dès son jetés. La stratégie suit alors son cours comme un vers dans le fruit. Les soubassements théologiques de tout le système sont ébranlés. Spartacus a frappé dans le pilier justificatif de tout le microcosme socio-politique mauritanien: la Religion.

La religion qui jusque-là se présentait en inquisitoire dans  le social et le politique se retrouvait, pour la première fois de l’histoire de la Mauritanie, dans une situation accusatoire. Et c’est là où le chef de l’IRA frappe les soubassements du système.

C’est la raison pour laquelle tout le système a réagi d’un seul tenant. Biram est qualifié d’hérétique, de blasphémateur et autres ingrédients de fatwas en puissance. Et ce que ce Spartacus a introduit, au-delà des constantes partagées de son discours, c’est cette stratégie qui a consisté à accompagner ce discours d’une “mécanique” intellectuelle redoutable. Dont on retrouve déjà les prémisses dans les thèses de Feuerbach et l’instrumentalisation dans la “critique de la philosophie du droit de Hegel”.

La lutte de Biram en Mauritanie , ressemble à cette lutte contre l’establishment mauritanien, comme, au début du siècle, les intellectuels allemands d’obédience Marxiste  pensaient que : "La lutte contre le présent politique de l’Allemagne est la lutte contre le passé des peuples modernes”. Et Marx n’est pas le voisin spirituel des Oulémas et moins encore de ceux que Biram qualifie “d’Oulémas du pouvoir”.

Toujours est-il que Biram, par cette stratégie, s’est placé au centre du système et y a généré un paradoxe qui semble avoir, comme un virus, commencé à grignoter les soubassements du système socio-politique mauritanien.

Et il n’est pas faux de dire qu’au-delà de sa lutte, Biram a bien touché des cordes sensibles qui liaient des tabous et maintenaient tout un peuple dans des chaines que personne, avant lui, n’eût le courage de dénoncer. Et à ces chaines, la religion n’est pas étrangères.

La religion a, en effet, pris en Mauritanie, à travers l’usage fort intéressé que certains cercles religieux et oulémas en ont fait,  une dimension qui a totalement assujetti le temporel (champ d’action de l’homme et de sa volonté dans ses rapports avec sa société) au spirituel (champ d’action du croyant dans ses rapports avec Dieu). C’est ainsi que la religion instrumentalisée a introduit deux attitudes négatives freinant le développement social et économique de l’individu et freinant sa liberté. Le fatalisme, d’un côté,  et l’obéissance aveugle à celui qui détient le pouvoir, de l’autre.

Le Mauritanien est fataliste. Tout est à Dieu, tout revient à Dieu et nul n’y peut rien. Cette attitude fataliste, a fait qu’il remet tout à Dieu, baissant les bras devant l’adversité, l’oppression et l’injustice. Et de cette situation ceux qui détiennent un semblant de pouvoir (dirigeants), économique (commerçants) social (chefs de tribus), en profitent. Ce fatalisme est pour beaucoup dans le silence et la résignation des petites gens, des faibles, des pauvres et des esclaves. Dans la société mauritanienne l’être ne prend par lui-même sa destinée par la défense de ces droits, par la révolte  et les voies institutionnalisées, civiques et légales. En somme ce que les grandes révolutions en Europe et en Amérique ont inculqué au citoyen en forgeant la démocratie, “le pouvoir du peuple par le peuple”.

Seconde attitude négative inculquée par les tenant du clergé, est la soumission sine qua non à celui qui détient le pouvoir. Et cette situation est d’autant plus dramatique que ni les voies et moyens par lesquels cette personne est arrivée au pouvoir , ni les conséquences dramatiques qui en ont découlés ne sont pris en compte.

L’obéissance, à celui qui détient le commandement, en fait  au plus fort, est d’une interprétation telle, qu’elle est pour beaucoup dans le statu quo permanent dans lequel est maintenu le citoyen. Cette situation concerne aussi bien ce dernier face aux dictateurs, que l’esclave face à son maître.

Cette instrumentalisation, de principes religieux appliqués hors de leur contexte socio-historique et de façon intéressée,  est contraire au préceptes de la religion qui dictent  la révolte contre l’oppression,  le prêche du bien et la dénonciation du mal. Mais la  réalité a est toute autre. Les préceptes religieux sont si nombreux et leurs interprétations si diverses que chacun, érudit ou bigot, pourra y trouver l’argumentaire de sa thèse et de son antithèse. Mais  le bouclier contre une telle dérive, ne peut être nullement la bonne foi ou la bonne intention (l’enfer, dit-on,  en est  pavé) mais uniquement la foi inébranlable dans le respect de l’homme, dans  ses droits et dans son être. N’est-il pas le représentant de Dieu sur terre qui l’a crée à son image?

La vérité est que ces dérives ne sont pas imputables à la Religion elle-même, mais à ceux qui s’en sont présentés comme “dépositaires”  (“oulémas du pouvoir”) au sein de l’Etat et  la société mauritanienne. Mais quelle que soit leur attitude, ils ne représentent pas la Religion  car peut-on reprocher à la Médecine, la mauvaise pratique d’un  médecin?

L’on comprend donc bien pourquoi le discours de Biram a engendré un tel lever de bouclier de la part d’une nomenklatura religieuse adossée au pouvoir et qui maintien le statu quo en instrumentalisant certains principes, au détriment d’autres, mais dont la sacralité est un bouclier que jusque-là personne n’a voulu affronter. Il fallait un Spartacus pour défier les centurions. Biram est au combat. ça IRA ou ça IRA pas. Le Rubicon est franchi. Alea Jacta est!

III- Au discours de Spartacus, la réponse de Brutus

Biram n’a pas seulement mis l’establishment religieux sur les dents, il s’est attaqué à ceux-la même qui depuis des années gouvernent, dans un silence complice, face aux malheurs du pays et ont assassiné tout espoir de son développement. Les Brutus.

Face à son inquiétant discours sur les interdits qui mettent la société en esclavage, Spartacus a subit les interdictions de Brutus. Interdiction de voyager, interdiction d’antenne, interdiction de son mouvement etc. Bref, une réaction musclée qui démontre bien l’impact  de ce discours sur le système politique en place.

Mais ce Spartacus défie aussi d’autres Brutus. Ceux de la communauté arabo-berbères qui pratiquent l’esclavage et qui ne le portent pas en sainteté. Et ceux de ses frères harratines qu’il accuse de devenir des mercenaires à la solde du pouvoir pour assassiner la Cause  des harratines. L’un de ces Brutus étant au sommet de la CNDH, les autres sont à divers échelons du système.

C’est autant dure que l’attitude de Biram n’est pas partagée par tous mais il convient d’admettre qu’elle n’est pas un pis-aller dans la configuration actuelle des enjeux politiques en Mauritanie. Car le discours de ce personnage, au-delà de ses constantes, se différencie du discours ambiant en Mauritanie par la stratégie qui le sous-tend et par son adossement à une démarche provocatrice de l’establishment.

Enfin le discours de Biram a ceci d’indéniable, il déroge à celui de l’ensemble de l’opposition par la clarté, par l’absence de détours compromissoires et par un volontarisme qui s’explique davantage par l’engagement de défendre une Cause que par une frénésie irréfléchie d’accaparer le pouvoir.

Cependant, tout autant que le discours de Biram, le chemin est long, le régime est spartiate et  Spartacus doit ménager ses spartiates.

Pr ELY Mustapha

jeudi 22 avril 2010

Un Coup d’Etat

Pour quoi faire?

imagesNostradamus, n’ y est pour rien. Mais les devins mauritaniens se sont mis à l’œuvre. Et des devins nous en avons à la pelle en Mauritanie. L’on se rappelle en effet la tournée de Aziz avant son élection ce que le marabout lui a dit. Vous pas? (Alors  lire ici: “la junte recto-verso”). Eh bien, toute la classe politique est actuellement sur les dents… Et ce n’est plus seulement l’opposition, tout le monde veut la peau de Aziz.  Même les caciques du PRDS se sont ligués pour rejoindre l’opposition. Exprimant le fameux adage: “les rats fuient le bateau qui coule”. Mais le navire Azizien coule-t-il vraiment  et pourquoi cette opposition en appelle-t-elle au '”coup d’Etat”?

I- Le navire Azizien coule-t-il?

AZIZ

Une part de réponse à cette question a fait l’objet de notre article précédent ( “Aziz a besoin d’un fusible” ), notamment en ce qui concerne les risques courus  par le personnage,  du fait de ses actes, à l’échelle nationale mais Aziz est aussi victime de ses alliances à l’échelle internationale.  Sa politique de l’alliance “à tout venant”, des premiers jours de sa présidence pour compenser la carence de légitimité dont il a souffert l’a mené vers les pays les plus honnis de la communauté internationale. Mais si une telle attitude a entrainé les réserves de cette communauté quant au choix des alliances du régime azizien,  le danger semble davantage venir des pays de proximité que de ceux éloignés.

En effet, la “sympathie” de  Aziz pour son voisin le Maroc n’a pas été applaudie dans la sous-région et ses positions tacites à l’égard du “problème sahraoui”, semblent réveiller quelques démons de déstabilisation et d’appel du pied à l’affaiblissement du régime Azizien.

La diplomatie mauritanienne, incompétente par nature  et guidée par une soif de reconnaissance du régime qu’elle sert, fait feu de tout bois. Ignorant la géostratégie sous régionale, elle tâtonne. Guidée davantage par les dosages d’influence, les équilibres tribaux et la reconduction d’un personnel diplomatique pléthorique gérant ses postes à l’image de la “politique du ventre” qui prévaut au pays, la diplomatie mauritanienne n’est guidée par aucune stratégie , ni des directives inscrites dans une vision étatique du devenir du pays. La raison en est simple: celui qui est au sommet de l’Etat, n’est un politique , ni un stratège, ni un leader inscrit dans une option idéologique claire permettant de situer ses options politiques devant guidant l’appareil diplomatique et consulaire. Aziz depuis son accession à la présidence, navigue à vue. Il ne tient pas la barre, il laisse dériver le navire-nation au gré des courants (politiques) qui, dans son giron usent et abusent de son régime pour souvent mettre la nation en péril (voir nos récents articles: “Contre l’extraversion de la nation” et “des partis, mal partis” ). Aziz est davantage guidé par un élan de concrétisation “d’engagements pré-électoraux” , l’inscrivant dans une logique qui semble l’aveugler au titre de “président des pauvres” (construction de routes…) oubliant par la même que les enjeux de sa stabilité politique sont ailleurs; confondant entre superstructure (le politique) et infrastructure (le bitumage des voies et chaussées). (Voir à ce propos le paragraphe “Confusion entre superstructure et infrastructure” de notre article précité.)

Ce manque de lucidité d’Aziz est doublé d’une véritable absence de volonté de dialogue. Alors que son prédécesseur, qui fait aujourd’hui tinter son chapelet du côté de Lemden, était pour le dialogue à excès (voir notre article: “Le poison de l’opposition”) Aziz côtoie la mégalomanie et se refuse au dialogue. Cette attitude du “niet” permanent a frustré l’opposition et même ceux qui par intérêt cherchaient à se rapprocher de lui. Son dernier “niet” à l’UPR à propos de son financement en est l’expression la plus cinglante.

Aziz développant une attitude “intravertie”, ne connait pas le dialogue. L’Etat c’est lui. N’est-ce pas lui qui fit tomber son prédécesseur, n’est-ce pas lui  qui a obligé l’opposition à signer le départ de son président, n’est-ce pas lui qui a fomenté et réussi son coup d’Etat, n’est-ce pas lui qui a résisté durant des mois à la pression internationale, aux menaces des institutions mondiales et régionales? Alors, il ne “doit rien à personne”.

C’est un self-made President.

DaddahMieux encore il a trouvé devant lui une masse de" “hauts-commis” malléables et corvéable à merci. En définitive, il devient démocratiquement le berger dans la bergerie. Loup il fut, berger il devint. Et cela l’opposition boutée hors de la bergerie ne l’a pas digéré. Son appel  au “coup d’Etat” n’est autre qu’un appel à rouvrir l’enclos.

C’est cette situation de blocage qui explique ce “ras-le bol” de l’opposition mais qui paradoxalement la sert. En effet, il ne fait pas de doute que l’opposition profite de cette situation pour déstabiliser le régime. Il n’est de secret pour personne que l’opposition en Mauritanie ne joue pas son rôle et qu’elle est entièrement tendue vers l’accaparation du pouvoir. Elle ne joue aucun rôle d’encadrement et d’éducation des masses, elle patauge dans un flou idéologique permanent, ses dirigeants ne développent ni de vision partagée avec le peuple ni de programme économique et social au profit des masses. L’opposition depuis notamment 2005, est entièrement obnubilée par les diatribes politiques, les dénonciations politiques tout azimut. Bref, elle tourne à vide dans un environnement de frustration politique et de déceptions électorales, passées et récentes, qui expliquent sa position actuelle qui pourrait se résumer en une phrase: “le pouvoir nous a échappé, on est négligé par le pouvoir, nous ne pouvons y accéder de sitôt, alors plus vite sera le mieux en appelant au putsch”. Une opposition qui appelle des solutions hors-la-loi…pour accéder légalement au pouvoir. En somme, un remake par l’opposition de la “méthode Aziz”. Là ou Aziz a réussi, l’opposition le pourra aussi.

II- Un coup d’Etat sur un plateau d’argent.

Les déclarations de l’opposition ont eu pour effet immédiat de mettre le général sur ses gardes.  Suivant le principe même de conservation, tout régime aura tendance à se protéger et donc à éliminer la menace. Cependant ce qui est grave, c’est que cet appel au coup d’Etat a été formulé par le Président de l’Assemblée nationale lui-même (voir ici l’article : “Avons-nous des dirigeants qui méritent le respect des citoyens” ).

C’est autant dire qu’une telle déclaration ne peut avoir que des effets fort négatifs. A court terme, le durcissement du régime, à moyen terme le déclanchement des représailles publiques ou privées et à long terme la déstabilisation des institutions de la République. Et en cas de coup d’Etat, qui y gagnerait?

L’opposition serait naïve de croire que ceux qui feront un coup d’Etat lui serviront le pouvoir sur un plateau d’argent. Un coup-made opposition.

Il semble bien que si l’opposition a appelé au coup d’Etat, c’est bien par une volonté de faire du “forcing” sur un régime qui se refuse au dialogue.Toutefois, cela ne semble pas vouloir s’arrêter là et des sources d’informations diverses font état d’intelligence avec un pays de la sous région qui n’apprécierait pas les positions du général sur le Sahara occidental et son rapprochement de son frère-ennemi frontalier. De telles informations restent cependant à vérifier.

Cependant, s’il  n’y a pas de fumée sans feu, le doute peu être permis quant à l’ingérence étrangère.

Enfin, ce qui est sûr c’est que autant Aziz que l’opposition sont allés trop loin , chacun en ce qui le concerne, dans l’instabilité qui caractérise les institutions de la République. Aziz par son attitude, l’opposition par ses déclarations. Mais une chose est certaine un coup d’Etat est toujours imprévisible et que s’il arrivait, il  n’arrangerait personne à part ceux qui le feront. L’histoire des coups d’Etat en Mauritanie le prouve bien.

Pr ELY Mustapha

Tell me more!

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Apprenez l'arabe!
Rappelez-vous notre vaillant président du CMJD, qui est allé apprendre l'anglais ... en Irlande et dont nous avions rapporté à l'époque (en 2008), la venue fort anglicisée à Nouakchott ( Cliquez ici pour lire l'article: "ELY ould Mohamed Vall apprend l'anglais: The little sheep in the prairie").
Et nous nous étions demandé pourquoi ELY ould Mohamed Vall était allé apprendre l'anglais, alors qu'il avait l'arabe à sa disposition? Mais il avait aussi le français, diriez-vous?
Non, il ne faut pas exagérer le français d'ELY ould Mohamed Vall était approximatif. Son discours au palais des congrès (ou il avait stigmatisé -LOL-les corrompus de l'Etat) , en disait long sur sa moliérité. Mais bon , il se débrouillait quand même, la preuve c'est qu'il avait, paraît-il inventé tout seul le fameux concept de "CMJD"! Bien que Aziz le lui renvendiqua. En effet, Aziz avait dit texto, après son putsch récent: "lors du putsch du 3 Août 2005, ELY ould Mohamed Vall était en train de dormir. On est allé le reveiller pour qu'il vienne avec nous".
Soit dit, en passant, pour le chef de la sûreté nationale de l'époque c'était pas...remarquable. Bon mais passons.
Aziz, tout bon francisant qu'il est, avait inventé encore le non moins fameux concept du CMRD (Comité militaire de redressement de la démocratie - ou de “rectification” de la Démocratie , au choix d'ahmed Daddah, un autre francisant de remplacement.). (Lire ici sur le CMRD)
Cependant, chose curieuse le journaliste, un bon francisant, qui au matin du 6 Août 2008, devait lire le discours du comité s'est rendu compte que phonétiquement CMRD se prononçait "C'est merdé", en fit part au général qui décida alors de remplacer CMRD par Haut comité militaire. C'est pourquoi durant toute la transition Azizienne (qui dura une éternité pour certains), on connait le CMRD mais on ne le prononce pas.
Et le journaliste qui a découvert çette chose, dîtes-vous, où est-il?
Réponse (pour un francisant qui se reconnaîtra) : quand vous contredisez Aziz où vous met-on généralement?
C'est autant dire qu'apprendre le français, c'est important pour nos gouvernants et il faut les encourager. En effet, quand ils se mettent à l'anglais non seulement les résultats ne sont pas probants, comme ce fut le cas d'ELY ould Mohamed Vall, mais ils sont desastreux!
En effet, ELY ould Mohamed Vall qui en apprenant l'anglais voulait se rapprocher des américains, se retrouve embauché...par Chirac pour sa fondation.
Voilà où ça mène d'apprendre l'anglais!
Maintenant, que vous voyez les desastres causés par l'apprentissage des langues française et anglaise, mettez-vous à la langue arabe! Cela vous demandera un effort supplémentaire mais ça a des avantages certains sur les autres langues.
En effet, alors que l'Anglais vous aurait permis de mieux lire, fièrement, les mentions figurant sur les sacs de dons de blé transgénique que nous envoie le peuple américain (gift of the American people....Quelle fierté nationale!) , alors que le français vous aurait permis de mieux lire les arrétés de kachérisation et autres décrets d'expulsion, en apprenant l'arabe vous serez mieux avantagés: cela vous permettra d'apprécier, en version originale, les discours de nos dictateurs arabes.... pour changer de ceux en hassania de ces trente dernières années.
Soyez arabisés, arabisants, arabes, arabesques, “arabiscotés” , arabiaisés, ....mais apprenez l'arabe. Il en restera toujours quelque chose. Tell me more ®.
Pr ELY Mustapha.

dimanche 18 avril 2010

Avons-nous des dirigeants qui méritent le respect des citoyens?

Un langage irresponsable au sommet de l'État

Les sorties récentes de Messaoud Ould Boulkheir n'ont pas été inaperçues. Elles sont, d'abord, un pavé dans la marre d'un status quo politique qui n'a que trop duré entre l'opposition et le pouvoir mais elles expriment aussi, l'immaturité de nos dirigeants politiques.

Dans le premier cas, Messaoud, exprime un « ras-le-bol », déjà fort sensible depuis quelques mois avec l'exclusion de l'opposition des rouages de la gouvernance (le « niet » de Aziz). Dans le second cas, Messaoud illustre par ses propos le niveau réel dans lequel les politiques placent l'Etat, et le respect qu'ils ont des institutions.

En effet, lorsque le président de l'Assemblée nationale, souhaite le renversement du Président de la République, le citoyen se dira alors que ce ne sont pas là les propos d'un dirigeant responsable. Et le danger est d'autant plus grand que celui qui tient de tels propos n'est autre que le Président de l'une deux assemblées représentatives du Parlement. L'un des trois pouvoirs de l'État.

« Notre programme n'est plus le dialogue, notre programme n'est rien d'autre que le départ de Ould Abdel Aziz, la chute de son régime » a déclamé Messaoud Ould Boulkheir.

Comment peut-on demander la chute d'un président en exercice de façon publique médiatique et si vulgairement exprimée?
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Le Président de l'Assemblée nationale, reste tenu par son statut au respect des institutions, dont le pouvoir exécutif.

Même en tant que représentant de la coordination des partis d'opposition, tant son statut de parlementaire que les lois en vigueur lui interdisent de tenir de propos appelant à la crise ou à la destitution des corps constitués.
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On comprend que Ould Boulkheir hausse le ton, pour les raisons précitées, mais ce n'est point une raison pour déclencher la haine, les coups de forces et autres calamités politiques dont la Mauritanie n'a que trop souffert.

Ould Boulkheir devrait d'ailleurs être le dernier à demander le renversement de Ould Abdel Aziz, car ce dernier n'est pas allé tout seul aux accords de Dakar.  Ce n'est pas lui, non plus,  qui a forcé Ould Boulkheir a participer aux élections présidentielles.  Ce n'est pas lui qui fait a fait perdre ces élections à ould Boulkheir  et ce n'est pas lui ,enfin , qui lui a dit de rester à l'Assemblé nationale.

Alors Ould Boulkheir, s'étant reconduit dans ses fonctions de Président de l'Assemblée nationale, en oubliant que c'est Sidioca qui l'a placé là et non pas Aziz. Ayant accepté l'élection de Aziz, en oubliant Sidioca,    Ould Boulkheir n'est pas bien placé, politiquement,  pour demander le « renversement » de Aziz et pénalement, il court un grand risque.
Le ras-le-bol des dirigeants de l'Opposition ne doit pas les mener à l'irréparable. Le ras-le-bol n'est pas un prétexte pour déstabiliser les institutions et générer la crise et la zizanie, dont on sait qu'elle ne profite jusqu'à ceux qui ont les moyens de la coercition armée.

Et au bout du compte quelle image cette opposition (responsable?) donne-t-elle au citoyen?

Celle terriblement médiocre de chefs de partis revanchards (voir l'article : "Profession: opposant" ) qui jouent à pile ou face avec l'avenir de tout un peuple.
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Mais ce que l'on peut constater hélas, c'est qu'à travers les propos de Messaoud, l'opposition a pris le même chemin que les squatters du pouvoirs. Elle en a pris les attitudes et le langage.

En effet, dès son arrivée putschiste au pouvoir, Aziz avait mis à la "mode" un langage qui ne convient pas aux institutions et à leurs garants. L'on se rappelle en effet ses fameuses phrases:
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A propos de Sidioca (alors détenu au Palais des Congrès):

«  Si ce qui vous intéresse c'est seulement la personne de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, nous sommes capables de vous exposer sa dépouille dans les rues de Nouakchott »

A propos de Ould Waghef (alors détenu pour l'affaire « riz avarié »:
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"Si Ould Waghef mange le riz avarié, je le libère. »
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A propos de Daddah (venant d'inventer le concept de « rectification »):

« Daddah, ne sera jamais président même si les chinois votaient pour lui. »
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On voit bien donc que Ould Boulkheir, n'a rien inventé. Il s'inscrit dans la droite ligne phraséologique du Président-putschiste-légalement-élu.

Mais dans tout cela les institutions n'en sortent pas grandies, ni ceux qui introduisent une dangereuse vulgarité dans l'Etat, non plus.

Et face à ce manque de responsabilité et de retenue, le citoyen qui savait déjà qu'il était un dindon sait désormais que l'Etat devient une farce.
 
Pr ELY Mustapha