samedi 29 décembre 2007

Arrêt sur image



L’ambulance-corbillard :
le guichet unique du trépas.
.
.
En Mauritanie entre les soins et la mort, dans les hôpitaux et les cliniques, passer de vie à trépas est plus plausible que la guérison. Comme en témoigne d’ailleurs cette fourgonnette qui est à la fois ambulance…et corbillard !

En effet, l’inscription sur cette fourgonnette exprime à elle seule toute la politique de santé en Mauritanie : « secours des malades et transport des morts », l’un ne va pas sans l’autre. Le guichet unique du trépas. Secourir le malade dans un corbillard et le transporter mort dans une ambulance.

Deux en un.

Un même service.

Un même véhicule.

Suivant la route que ce véhicule prend vous savez soit que vous êtes mort , soit qu’il vous transporte à l’hôpital , ce qui n’est qu’un simple raccourci.

A-t-on simplement imaginé la panique du malade qui lirait l’inscription sur ce véhicule qui va le transporter ? A-t-on pu imaginer simplement qu’une telle inscription est contraire à toute humanité et érige le croque-mort en médecin et vis-versa ? A-t-on pu simplement imaginer qu’il ne faut pas mettre la vie et la mort au même endroit ?

Bref, a-t-on au moins compris que c’est là , au-delà du bon sens , un manque de tact qui renvoie une image des plus déplorables de l’imaginaire d’une société éreintée.

Mais paradoxalement n’est-ce pas la preuve la plus éclatante de ce que ressent tout un peuple affamé, démuni et sous-développé auquel on ne reprocherait pas de faire l’amalgame entre une vie devenue si difficile et une mort devenue si présente.

Secours des malades et transport des morts.

Ambulance-corbillard.

Peuple en arrêt devant un guichet unique.


Pr ELY Mustapha
.
Ps: Photo prise sur l'avenue Gemal abdenasser. Nouakchott. Copyright@elyMustapha 2007

lundi 24 décembre 2007

Roumouz el Vessad:

La gabegie en symbole
.
.
Un fameux « xouldy » en dénombra 500 et la liste est encore sur son blog. Une liste qui suscita maints remous et réponses. Certains s’y retrouvèrent d’autres pas. Certains s’en offusquèrent d’autres pas, mais toujours est-il que le fait existe (« la gabegie ») et que ceux qui l’ont accompli (« Roumouz ») sont toujours là.

Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Autant de questions qui taraudent l’esprit et qui ne laissent pas indifférents ceux qui tiennent à ce que la question cruciale de la dilapidation des biens publics soit résolue. Mais elle ne devrait pas cacher une autre préoccupation non moins importante : celle de préserver la dignité et l’intégrité morale de ceux qui injustement pourraient être qualifiés de « roumouz el vessad ». Aussi une préoccupation majeure s’impose : cerner le contenu de cette appellation non contrôlée et de définir ce concept aux fins de protection des droits de chacun.

« Roumouz el vessad », littéralement « symboles de la gabegie »,exprime en arabe dans la forme masculin pluriel une collection d’individus qui tous se partagent à des degrés divers la commission d’infractions.

« Roumouz el vessad » est un appellation fort utilisée qui a pris son essor avec les dénonciations publiques d’infractions par la presse écrite et sur le net.
Comment donc cerner cette notion si ce n’est par des approches éloignées d’une subjectivité populaire fort légitime qui ne s’expliquerait que par tant d’années de dilapidations de biens publics au vu et au su d’un peuple laissé pour compte.
Une approche économique d’abord, une approche sociologique ensuite et une approche juridique enfin nous permettrons de mieux cerner cette notion, de l’appréhender et de pouvoir mieux identifier ceux qui en sont couverts.

I- L’approche économique : L’overdose d’un enrichissements sans cause

Roumouz el vessad et l’Etat : L’enrichissement sans cause

Tout un chacun est conscient de ce que la gestion de l’Etat, c’est –à-dire de la « chose publique » a donné durant ces trente dernières années. Une infrastructure délabrée, un peuple affamé, une économie en décroissance réelle et une classe super-opulente et qui s’est enrichie sans cause.
Il est connu qu’économiquement une personne ne peut s’enrichir légalement que de trois façons :
- Par le travail (physique ou intellectuel)
- Par l’héritage (attendu ou exceptionnel)
- Par le gain inattendu ( dons ou jeux de hasard)
Nulle autre forme d’enrichissement matériel n’est possible à moins de trouver sa source dans l’illégalité à savoir :
- Le vol
- Le détournement de fonds publics ou privés
- La concussion et la malversation
- La corruption

Or depuis quelques années en Mauritanie, l’enrichissement fulgurant d’une certaine classe à travers certaines personnes aux revenus de fonctionnaires qui se sont mises à bâtir des châteaux est l’expression immédiate d’un enrichissement qui trouve ses explications ailleurs que dans leur revenu.
Pour être plus pratique prenons un exemple concret : le revenu d’un fonctionnaire de l’Etat .
Un fonctionnaire de l’Etat qui occupe un poste de directeur général, par exemple suivant la grille salariale de la fonction publique mauritanienne, il recevrait au titre de ses émoluments environ 400 000 UM et poussières
Or ce fonctionnaire possède deux villas cossues d’une valeur estimées à 250 millions d’ouguiyas chacune de deux tout-terrains d’une valeur estimée à 90 millions d’ouguiyas d’un troupeau de chameaux de 75 têtes d’une valeur moyenne de 50000 UM par tête et qui a inscrit au nom de sa conjointe trois terrains de 800 m² viabilisés dans une zone résidentielle estimés à 300 millions d’ouguiyas et qui possède deux boutiques au marché central et un dépôt loué à une entreprise publique pour une valeur globale de 345 millions d’ouguiyas et d’un dépôt en compte bancaire enregistrant des opérations commerciales estimées en moyennes à 100 millions mois sans compter les intérêts afférents…. Et biens d’autres biens en or et en argent occultes dont l’estimation reviendrait à recenser le patrimoine de sa conjointe et de ses enfants.
Tout cela accumulé au service de l’Etat avec un salaire annuel net de 5 millions d’ouguiyas (448 000 UM/mois). Soit 100 millions en vingt ans. A supposer même que ce fonctionnaire ait conservé l’intégralité de son salaire en vivant d’amour et d’eau fraiche , aurait-il pu réaliser une telle fortune ?
Le bons sens nous dit bien que non. Car pour y arriver ii aurait dû thésauriser l’intégralité de son salaire , jeûner nuit et jour jusque-là et cela pendant un peu moins de cinq siècles ! Soit exactement 487 ans et 7 mois !
En effet sa fortune étant estimée à 2 milliards, 438 millions et 750 000 UM de la diviser par son salaire annuel net (soit 5 millions) pour avoir cet ordre de grandeur .

Ainsi économiquement chaque « ramz el vessad »a pris au pays un part de son avenir et a hypothéqué son futur. 5 siècles, 4 siècles, 3 siècles … chacun des roumouz el vessad peut être qualifié économiquement par le nombre d’années d’investissement et de croissance qu’il a volé au pays et qu’il a investit dans ses biens personnels.
Au niveau des départements ministériels 2 milliards, 438 millions et 750 000 UM c’est :
- quasi-équivalent au budget de tout le ministère de la justice pour 2008 (soit exactement 2 250 869 358 M)
- trois fois supérieurs au budget 2008 du ministère du commerce et de l’industrie (soit 784 879 520)
- Cinq fois le budget du ministère de l’artisanat et du tourisme (soit 523 115 277 UM)
- La moitié de celui de l’agriculture et de l’élévage (Soit 4 895 793 872)
- Supérieur au budget 2008 du ministère de la fonction publique et de la modernisation de l’administration
- Etc.

C’est ainsi qu’un individu a pénalisé( au sens propre et figuré) par ses actes tout un système judiciaire (en privant les juridictions et leurs magistrats de leurs moyens et en les poussant vers la corruption). C’est ainsi qu’un individu par ses détournements a privé toute une économie des moyen de son intervention commerciale et industrielle et des moyens financier de sa croissance.

En matière de santé
, 2 milliards, 438 millions et 750 000 UM, c’est :

- Plus de 4 fois le budget 2008 du Centre Hospitalier national de Nouakchott ( qui s’élève à 562 951 980 UM) !
- 13 fois le budget 2008 du Centre hospitalier de Nouadhibou ( 180 697 680 UM ) !
- Et c’est une trentaine de fois le budget des autres centres hospitaliers du pays (kaedi, néma, kiffa…)

Et l’on comprend pourquoi par manque de moyens les hôpitaux sont des mouroirs du fait justement de ceux qui ont mis leurs budgets (de soins de médicaments et de traitements) dans la pierre des villas cossues et dans leurs comptes..

Au niveau de l’Education nationale, 2 milliards, 438 millions et 750 000 UM, c’est :

- Un peu moins du budget 2008 de l’Université de Nouakchott ( 2 770 633 391 UM)
- le budget des écoles d’application 7 et 8 de Nouakchott (4 400 000 UM) pendant 554 ans !
- etc. etc…
Les exemples peuvent être multipliés sur l’impact économique et financier de ce que les « roumouz el vessad » ont coûté à la Mauritanie. Chacun d’entre-eux est porteur d’une responsabilité dans le retard économique de notre pays. Et c’est sur cette base économique que leurs actes se doivent d’être appréciés.

Rouz el vessad et la drogue : l’enrichissement par overdose

Jusque-là l’enrichissement des roumouz el vessad a été appréhendé sous l’angle du détournement des biens publics, de la concussion, de la malversation etc, en somme sur le « vol» au sens générique du terme.

Ceux qui se sont enrichit de cette façon peuvent être qualifiés de « Roumouz el vessad » de premier niveau ou primaires. Ils se sont servit dans les caisses de l’Etat. Par contre une seconde catégorie recoupe la première sans ce pendant se confondre avec elle et qui, elle, s’est enrichit en se servant de l’Etat. Cette catégorie peut être qualifiée de second niveau, secondaire.
Les roumouz el vessad se conçoivent en deux couches superposées et qui interfèrent à travers notamment la circulation de l’argent, son blanchiment et son intégration dans leur patrimoine ;

C’est ainsi que dans les "roumouz el vessad" primaires on retrouve :

- des fonctionnaires influents (sécurité, douanes..) se servant à travers les détournements de projets ou de budgets confiés, la corruption et les passe-droits qu’ils délivrent.
- Des commerçants (de gros notamment) se servant à travers les appels d’offres qu’ils obtiennent à coup de corruption et de connivence et la logistique qu’ils offrent pour couvrir leurs actes.

Dans les « roumouz el vessad » secondaires on retrouve :

- Des fonctionnaires (civils et militaires) et agents publics (à tous les points du territoire et dans l’administration centrale) toutes catégories confondues qui sont tenus dans le secret des transactions occultes qui traversent le territoire et dont ils facilitent l’acheminement et qui reçoivent en contrepartie rémunération.
- Des commerçants qui ont mis au service de ces transactions leur logistique portuaire et de transport et qui bénéficiaient de protections institutionnelles et qui reçoivent en contrepartie leurs entrées et leurs passe-droits.

Ainsi la récente enquête effectuée par « Interpol » a mis en évidence une interaction très importante entre les pouvoirs publics et le réseau de trafic de stupéfiants en Mauritanie. Une enquête dont la dimension est telle qu’elle achoppe encore sur plusieurs blocages qui restent à lever.
Toujours est-il que les « roumouz el vessad » qui se sont enrichis à travers l’overdose des populations en Mauritanie, dans la sous-région et au-delà, on drainé un argent qui a servi à la corruption et au trafic d’influence. Leur rôle dans la dénaturation du jeu politique en Mauritanie à travers leur poids financier n’est pas négligeable.

Enfin si l’on additionne tout ce dont la Mauritanie a été « siphonnée » financièrement durant ces trente dernières années cela se chiffrera à des centaines de milliards. Tant d’années perdues sur la route de développement, Tant de vies humaines mortes par défaut d’un système sanitaire adéquat, Tant de jeunes sans travail par manque d’éducation, tant de misères par manque de moyens qui sont allés choir dans les comptes de quelques individus sous la bénédiction de l’Etat.

20 ans, dix ans, 5 ans de retard économique cela compte dans la vie d’une nation. Tout est de savoir comment le rattraper en réintégrant les biens volés à la nation. C’est alors que l’approche sociologique et l’approche juridique peuvent aider à mieux cerner les choses.


II- L’approche sociologique: la gabegie une exclusivité nationale.

En Mauritanie, « tout se sait ». Cette formule résume en fait un système d’information, qui fait que les mauritaniens sont proches d’une information politique dont ils ont fait, durant ces dernières années de plomb, un « additif » à leur fade quotidien. Et les « Roumouz el vessad » sont un assaisonnement au goût amer dont pourtant ils savent s’entretenir. Ainsi, s’est constituée une perception populaire de ces symboles de la gabegie. Une perception qui nous renseigne utilement sur ce que ces personnes peuvent être réellement.

Il est unanimement admis que les roumouz el vessad sont des mauritaniens. Des nationaux. On ne retrouva pas des roumouz qui seraient des étrangers . Tous les roumouz el vessad sont des enfants du pays. La gabegie une exclusivité nationale.

Les roumouz el vessad sont soit au pouvoir, soit tournent autour du pouvoir. IL n’ ya pas de roumouz el vessad en dehors du système étatique. Ils sont soit fonctionnaires soit acteurs économiques ou financiers en interaction avec ce système. La gabegie une affaire d’Etat.

Les roumouz el vessad ont leur terrain de prédilection. Ils se regroupent quasiment tous dans une aire géographqiue bien déterminée : Tevragh Zina et les environs immédiats. La mémoire populaire n’en recense pas un du côté de « netegh jemba », quartier fort célèbre mais déserté par le roumouz. La gabegie a son espace d’épanouissement.

Les roumouz el vessad font étalage de leurs richesses, notamment à travers leur progéniture qui sillonne en tout-terrains rutilants le parcours la corniche-le palais des congrès jusqu’aux lumières vespérales. La gabegie laissée en héritage.

Dans la perception populaire donc les roumouz el vessad sont des nationaux qui ont pillé l’Etat qui logent dans les quartiers résidentiels et qui ont un train de vie ostensiblement riche.

Aussi dans la perception populaire c’est une richesse qu’ils n’ont pas mérité et qui génère une sourde animosité.
Une animosité latente qui s’exprime dans les foyers des pauvres gens à l’occasion d’évènements ou de nominations relatés dans l’entourage ou dans le medias. « Ah celui-là, ou celle-là… il ou elle a pillé le projet public tel ou s’est approprié le budget de tel établissement ou a détourné le financement ou les vivres destinées à telles populations ou a vécu d’une corruption notoire sur les marchés publics ou sur les conventions de prêts ou de prospection minéralières ou les licences de pêche ou s’est appropriés pour s’enrichir les cachets de la douane ou les passe-droits du ministère de l’économie ou des finances etc. etc. »

Et l’on cite des noms et des qualités et souvent certains noms, tant ils reviennent pour les mêmes faits, génèrent une forme d’unanimité qui ressemble étrangement à un verdict populaire de condamnation sans retour. Et si les preuves matérielles nécessaire à toute justice restent nécessaires, il n’en demeure pas moins que pour le peuple beaucoup de monde est déjà les grilles de sa conscience.

Mais la conscience populaire est-elle suffisante pour qu’une qualification si grave puisse être donnée à quiconque sans passer par la justice de l’Etat ? Et si cette justice se devait d’être appliquée, comment peut-elle s’y prendre pour que ceux que le peuple qualifie de « Roumouz el vessad » puissent rendre compte de leurs actes sans porter préjudice à ceux qui ne le sont pas ?
C’est là où l’approche juridique prend tout son sens.


III- L’approche juridique : des symboles à qualifier

De l’énumération à la définition

S’il est vrai toutefois que cette appellation a un objet réel, elle n’a jamais bénéficié d’une approche juridique rigoureuse qui permettrait de la placer dans le champ de l’objectif et du saisissable. Cette appellation se fondait sur l’énumération pas la définition. Ainsi Roumouz el vessad c’est davantage une liste de personnes tenues pour telles, à travers une accusation, des faits avérés ou non, des actes notoires ou des présomptions qui prennent leur sources dans l’objectivité mais aussi dans la subjectivité. Cette liste est d’autant plus accusatoire que deux arguments militent matériellement en sa faveur .

D’abord un argument politique : la plupart de ceux qui y figurent ont été au pouvoir, durant le régime précédent dans son giron ou en furent des instruments directs ou indirects, ensuite un argument socioculturel : « En Mauritanie, tout se sait, tout le monde se connait »

Si la liste tire sa source d’un argumentaire sociopolitique qui n’est pas sans intérêt du point de vue du droit et des obligations notamment en matière procédurale (établissement de la preuve) il reste que l’ identification sur la base de critères juridiques définis est plus à même de rendre compte de la réalités , de la valeur du contenu de la liste eu égard aux infractions commises.
Du point juridique on pourra donc considérer que « roumouz el vessad », est un groupe de personnes qui sont responsables d’infractions de nature pénale diverses commises à l’encontre de l’a collectivité nationale.

De la qualification de l’infraction : qu’ont-ils fait ?

La qualification c’est la dénomination que la loi confère aux situations susceptibles de tomber sous son application. Cette qualification est prononcée par le juge eu égard aux faits dont il est saisis, C’est par la qualification que l’on détermine le régime juridique ou les effets d’une situation.
La "qualification", c'est, d'après les éléments qui en constituent la définition juridique, la dénomination que la loi attribue aux situations et aux contrats. La qualification en détermine le régime juridique et les effets.

Le droit pénal général détermine les principes généraux concernant les infractions, les conditions générales d'incrimination et les modalités de fixation des peines. Il fixe les principes de responsabilité pénale, les causes d'irresponsabilité ainsi que les causes d'atténuation ou d'aggravation des peines.

Les principes fondamentaux du droit pénal relèvent du droit constitutionnel. En matière pénale, le législateur ayant seul compétence pour déterminer les incriminations et les peines pour les crimes et délits alors que les contraventions sont de la compétence du pouvoir réglementaire.
« Sont du domaine de la loi : (…) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la procédure pénale, l’amnistie, la création et l’organisation des juridictions, le statut des magistrats » (Article 47 de la constitution mauritanienne)
Comment donc qualifier les actes qui ont donné à ces « Roumouz el vessad », leur triste célébrité ?

La qualification repose sur la mise en conformité d’un acte avec la description qu’en donne la loi.
Ainsi si l’on s’appuie sur les termes les plus utilisés pour qualifier la multitude d’actes commis par ce groupe on y retrouve invariablement un fond commun : le « vol ».
Celui étant bien entendu défini comme « une soustraction frauduleuse du bien d’autrui ». Le caractère frauduleux emporte l’intention de nuire et l’acte matériel qui en résulte.

Lorsqu’une telle soustraction porte sur les biens de la communauté nationale, la qualification prend une dimension différente et revêt un contenu et une gravité qui va au-delà d’un simple acte de soustraction d’un bien.

Cette soustraction peut en effet se faire de mille et une façon. Cela peut aller de l’extirpation forcée de la chose du fait de la détention d’une autorité quelconque par celui qui fait l’extirpation soit par le recours à des moyens légaux (recours en justice contre les indigents par des personnes influentes). Il peut aussi s’agir de l’accaparation de la chose à travers la falsification de documents de propriété ou de titres publics par l’usage de ses propres fonctions ou par le recours à une complicité administrative, judiciaire ou politique.

Tous ces cas de figure ont été observés en Mauritanie. Des dépositaires publics de l’autorité à leurs « clients et courtisans » intéressés de la sphère politico-financière à la sphère socio-économique le pillage a pris toutes les formes et les figures.

Les actes des « roumouz el vessad » se définissent alors par une batterie de qualifications qui peuvent être rangées en deux grandes catégories sévèrement punies et classés par le droit positif. Il s’agit notamment en sacrifiant à la classification pénale, des crimes et délits qui couvrent les crimes et délits contre la chose publique et ceux contre les particuliers. Ce que le code pénal qualifie justement des crimes et délits « «contre la paix publique ».

Il s’agit notamment :

Faux et contrefaçons :
- Contrefaçon des sceaux de l'Etat, de billets de banque, des effets publics et des
- poinçons, timbres et marques
- Des faux en écriture publique ou authentique
- Du faux en écriture privée, du commerce ou de banque
- Des faux commis dans certains documents administratifs, dans les feuilles de route et
- Certificats

De la forfaiture et des crimes et délits des fonctionnaires publics dans
l'exercice de leurs fonction :
- Des soustractions commises par les dépositaires publics.
- Des concussions commises par les fonctionnaires publics
- Les délits de fonctionnaires qui se seront ingérés dans les affaires ou commerce
incompatibles avec leur qualité
- De la corruption des fonctionnaires publics et des employés des entreprises privées
- Des abus d'autorité contre les particuliers
- Des abus d'autorité contre chose publique
- Des délits relatifs à la tenue des actes de l'état civil
- De l'exercice de l'autorité publique illégalement anticipé ou prolongé


C’est autant dire que l’on retrouve tout un arsenal juridique qui correspond bien à tous les actes reprochés jusque-là aux roumouz el vessad.


Responsabilité pénale : que doivent-ils subir ?

Suivant le principe de responsabilité l’obligation est faite pour toute personne de répondre de ses actes illicites sur la base des sanctions pénales prévues par la loi. Et nul n'est responsable pénalement que de son propre fait. C’est la personnalité de la peine.

Si l’on examine tous les actes commis et qualifiables on peut dire que les peines sont variables mais elles sont pour la plupart sans commune mesure avec la gravité de l’acte. Le code pénal ne sanctionne pas de façon sevère la commission des actes qui touchent les biens de la collectivité. Jugeons-en plutôt. Un simple « vol » par un citoyen à l’étalage est puni sévèrement (amputation des mains et des pieds et flagellation suivant la récidive) et un acte de détournement de biens publics par un dépositaire public est puni de 6 mois à quatre ans de prisons et d’une amende.

Voici le cas du détournement de biens publics :

Ainsi et à titre d’exemple pour les « soustractions commises par les dépositaires publics » le code pénal dispose :

« Tout agent civil ou militaire de l'Etat d'une collectivité publique ou d'un établissement public, d'une coopération ou association bénéficiant du soutien de l'Etat, d'une société dont l'Etat ou une collectivité publique détient la moitié au moins du capital, qu'il soit ou non comptable public, toute personne, revêtue d'un mandat publie ou tout officier public ou ministériel qui aura commis dans l'exercice de ses fonctions les détournements ou dissipations prévus à l'article 379 ART. 379 du présent code ( Quiconque aura détourné ou dissipé, au préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs des effets, deniers marchandises ou objets quelconques, billets, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail salarié ou non salarié, à la charge de les rendre ou représenter ou d'en faire usage ou un emploi déterminé, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins à quatre ans au plus, et d'une amende de 5.000 à 600.000 ouguiya), sera puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans; en outre, une peine d'amende de 5.000 UM à 1 million UM sera obligatoirement prononcée.(article 164) »

Sera punie des mêmes peines toute personne désignée à l'article précédent qui, à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, aura soustrait des effets, quittances ou écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, ou qui dans toute autre circonstance aura obtenu frauduleusement de l'Etat ou d'une collectivité publique au moyen de pièces fausses ou de manœuvres quelconques des sommes d'argent ou des avantages matériels qu'elle savait ne pas lui être dus (article 165)
La recherche et la constatation des délits ci-dessus spécifiés lorsqu'ils auront été commis au préjudice de l'Etat ou des organismes publics ou semi-publics visés à l'article 164 seront confiées à des agents de l'Etat habilités à cet effet, conformément aux dispositions réglementaires prises en application de la présente loi.
Préalablement à toute poursuite, les auteurs des délits susvisés auront été mis en demeure, par
l'agent de l'Etat chargé de l'enquête, de rendre ou de représenter les effets, deniers, marchandises ou objets quelconques, billets, quittances ou écrits, contenant ou opérant obligation ou décharge qu'ils avaient détournés, soustraits ou obtenus frauduleusement (Article 166) »

Et voici le cas du vol à l’étalage :


Quiconque a soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartenait pas est coupable de vol et sera condamné à l'amputation de sa main si toutes les conditions suivantes sont remplies:
1. Si le voleur est sain d'esprit et majeur;
2. Si la soustraction est frauduleuse;
3. Si la chose soustraite est susceptible d'appropriation;
4. Si le coupable n'a droit à aucune revendication légitime vis-à-vis de la victime du vol;
5. Si la valeur de la chose soustraite est égale ou supérieure au quart de dinar en or;
6. Si le vol n'a pas pour mobile immédiat une nécessité de fait;
7. Si la soustraction a été opérée dans un lieu habituel de gardiennage ou de conservation de la
chose soustraite;
8. Si le coupable n'est pas autorisé à pénétrer dans le lieu où s'est déroulée la soustraction;
9. Si le coupable n'est pas un ascendant de la victime de la soustraction;
10. Si la chose soustraite est sortie du lieu de sa soustraction;
11. S'il n'existe aucun lien conjugal entre l'auteur et la victime de la soustraction et que la chose soustraite ne peut donner lieu à un vol entre les deux.
Dans tous les cas, l'amputation de la main droite du coupable n'est prononcée que lorsque toutes les conditions ci-dessus énumérées ont été réunies.
Si le coupable est récidiviste primaire, il sera amputé de son pied gauche. S'il est tri-récidiviste, il sera amputé de la main gauche. S'il est récidiviste pour la quatrième fois, il sera amputé de son pied droit. S'il est récidiviste pour la cinquième fois, il sera flagellé et emprisonné.

Les preuves du crime de vol ne peuvent être rapportées que par les modes suivants :
1. L'aveu libre, volontaire et conscient du coupable et qu'il ne se soit pas rétracté de son aveu
de façon plausible;
2. La déclaration de deux témoins de bonne moralité de sexe masculin.
Dans tous les cas, le témoignage d'une seule personne, fut-elle sous la foi d'un serment, ou encore celui d'un homme et de deux femmes ne sauraient être pris en considération que pour la condamnation, la restitution ou le remboursement de la valeur de la chose volée.

Cet article 351 du code pénal ne s’adresse pas aux « roumouz el vessad » mais aux autres voleurs du petit peuple. Comme quoi les mains qui volent l’Etat et réduisent le peuple à la misère ne sont pas celles que l’on coupe.
Outre que cet article du code pénal pourrait réduire tout une classe (politique) en manchots et pieds-bots, il reste complètement hors du champ de la sanction d’un vol bien plus grave que celui d’un gagne-pain à savoir le pillage des maigres ressources de toute une communauté.


L’amalgame du droit et de la politique : Faut-il punir ?

Il ne fait pas de doute que les « roumouz el vessad » sont une réalité. Comme il ne fait pas de doute que beaucoup d’entre-eux font l’unanimité quant aux actes qu’ils ont commis. Il ne fait pas de doute non plus que les actes qu’ils ont commis entrent bien sous le coup de la législation pénale.
Faut-il cependant punir ces « roumouz el vessad » ?

Le crime existe, les criminels existent, l’arsenal juridique existe. Mais faut-il punir et comment punir ?
La réponse varie en fonction des personnes et de leurs intérêts. Il y a ceux qui pensent qu’il faut « tout oublier et éviter une chasse aux sorcières préjudiciables » à la continuité de l’Etat à la tranquillité sociale, d’autres pensent au contraire que tant que les « roumouz el vessad « n’ont pas été punis, il n’ y aura jamais de continuité réelle d’un Etat véritable et non corrompu garant du développement et une colère sourde continuera à gronder chez le peuple et les laissés pour compte.

Hélas, il n’ y a pas de solutions intermédiaires et le silence actuel qui plane sur ce sujet ne présage pas d’un bon augure.

En effet le pays a payé un lourd tribu aux pilleurs de ses ressources . Pilleurs qui hypothéqué des décennies entières sur la voie de son développement et qui n’ont même pas quitté la scène politique . Mieux encore ils peuplent les allées du pouvoir. « Je t’ai volé, je te dirige et tu n’y peux rien ».

C’est là l’image que le peuple reçoit de ce qui constitue encore l’Etat. Et c’est justement cette image qui décrédibilise l’Etat . Une image qu’il gardera toujours tant que la question des Roumouz el vessad n’a pas encore été résolue.

Mais la politisation de la question a caché sa « judiciarité » et l’on s’est pris à faire l’amalgame entre le droit du peuple à se faire restituer ses ressources , droit inaliénable, et la volonté du politique de l’en priver qui va à l’encontre de ce droit. Volonté politique qui fut dictée par des échéances électorale et qui aujourd’hui ne peut plus rien justifier.
Les ressources manquent, la vie est chère, la misère peuple les quartiers et chacun s’en prend à penser que s’il est dans cet état c’est à cause de ce qu’on lui a volé.
Mais passé les constats c’est moins de faire état de tout le préjudice subi par la nation (évaluable et identifiable) du fait de ces « roumouz el vessad » que de trouver une voie permettant à la collectivité nationale de leur demander des comptes.

C’est dans ce sens qu’il convient de réfléchir. Toute solution se devrait de prendre en compte les deux éléments suivants :
- La nécessité de préserver la paix sociale
- La nécessité de restitution des biens de la nation

Aussi le recours aux voies judiciaires serait intéressant mais les concevoir comme accessoires aux fins d’arriver à une solution plus adéquate et plus originale préservant les nécessités mentionnées.

Il pourra s’agir de la mise en place d’une commission spéciale (« commission du patrimoine public ») chargées de recouvrer les biens publics détournées assistée d’un appareil judiciaire, le ministère public auprès d’une juridiction et qui dresserait la liste de tous ceux sur lesquels pèse une présomption de détournement de bien publics.

Mais il va de soi qu’il ne s’agit pas d’une présomption issue d’une conviction ou d’un témoignage individuel ou collectif, mais d’une présomption qui serait établie sur la base d’un comité indépendant (« comité du rapport ») qui aurait recensé le patrimoine de tous ceux qui figureraient sur cette liste. Il dresserait alors un Etat du patrimoine de la personne auquel sera joint l’Etat de ses services (son parcours de fonctionnaires ou d’agent public, ses émoluments ses revenus propres etc.) sur la période définie. Un document final de rapprochement sera alors soumis à la commission sur lequel elle assoira sa décision. Bref, une présomption établie sur des faits et qui emportera l'intime conviction.

Exemple d’une décision à rendre :

- Vue la situation patrimoniale de l’intéressé au moment de sa prise de fonction (attestée par tels documents, tels témoignage, tels faits etc.)
- Vue les investissements réalisés de puis sa prise de fonction (en maisons, véhicule, achats de terrains, de bétail ou de transferts d’argent ou de participation dans le capital de sociétés ou de toute opération d’enrichissement…)
- Vue sa situation patrimoniale actuelle qui est la suivante :…
- Et par application d’un rapport établi par la commission entre le patrimoine actuel et celui qu’il aurait pu se constituer du fait de sa fonction (salaires avantage ou patrimoine parental ou familial ou de tout autre revenu légal,) l’intéressé est invité à restituer à la collectivité les biens indument acquis soit en l’état soit en leur contrevaleur actualisée telle qu’estimée par le comité du rapport.

Les décisions de cette commission auront force de chose jugée et exécutées dans les même formes que les jugements pénaux (pénalités de retard, obstructions à l’exécution etc.)

Enfin, par dérogation aux dispositions du code pénal relatives à la forfaiture notamment (par une modification des textes), la personne qui aurait restitué le patrimoine détourné conformément aux décisions de la commission aura fait amende honorable et ne fera pas l’objet de poursuites. Dans le cas contraire son dossier sera transféré aux tribunaux criminels et sera traités conformément aux dispositions pénales en vigueur relativement aux actes commis (peines de prison, amendes, restitution des biens et déchéance civique).

La procédure exceptionnelle qu’instruirait et exécuterait cette « commission du patrimoine public » aura l’avantage d’offrir une voie de non pénalisation des actes commis en contrepartie de la restitution des biens de la collectivité nationale par ceux qui l’ont extirpé. Elle préservera la paix sociale et l’intérêt national. Ce qui répond bien aux préoccupations actuelles.

En effet, si les « roumouz el vessad » sont essentiellement perçus dans la littérature qui leur est consacrée comme ceux qui ont « volé » des biens publics, il reste cependant qu’ils sont plus que cela. Ils sont l’image même que le citoyen se fait de l’Etat et tant qu’ils restent impunis la crédibilité de l’Etat et sont respect restent sous caution.

Les « Roumouz el vessad » ne sont pas seulement les symboles d’une gabegie ils sont pires que cela : ils représentent un certain Etat dans le conscient d’un peuple qui aujourd’hui a besoin d’effacer cette image pour pouvoir croire en quelque chose. De croire en un Etat moral, en un Etat qui n’est pas bâti sur les crimes d’un passé qu’il fait semblant d’ignorer mais qui n’échappent au plus démuni des charretiers aux tréfonds de sa bidonville.


Pr ELY Mustapha

dimanche 18 novembre 2007

Roumouz El Vessad

Essai d'une définition

Deux sondages (à gauche) pour un article en cours sur les symboles d'une gabegie.

Merci de participer, même symboliquement ;-)

Pr ELY Mustapha

samedi 10 novembre 2007

Réflexions sur le vif…

Baisser les prix et baisser la tension

Suite aux évènements qui se déroulent sporadiquement en Mauritanie, il convient que les autorités publiques agissent dans le sens du dialogue et de l’apaisement et non pas dans celui de l’ignorance de ce qui se passe afin de mettre frein aux accès de colère. Il y va de l’intérêt de notre pays et de sa stabilité. Si la situation est à ce stade c’est qu’elle est surchauffée par les conditions difficiles des populations.

Et s’il est une attitude qu’il ne faut pas prendre c’est de réprimer et d’adopter la manière forte. L’argumentaire des « éléments déstabilisants, des meneurs à buts inavoués » est une mauvaise stratégie. Car le problème n’est ni dans ceux qui utiliseraient de telles réactions populaires mais la source du problème. Et cette source est sans aucun doute existante et ne fait pas l’objet de contradiction. C’est la condition socioéconomique difficile des populations.

Aussi la meilleure des politiques n’est pas le durcissement d’un ton qui déjà est perçu comme aggravant de la tension chez des populations qui en ont déjà vu d’autres et qui en fait ne cherchent qu’à attirer l’attention sur leur condition. Le pouvoir doit alors leur envoyer des signes positifs et réels par l’action sur le terrain.

Le gouvernement dans la rue !

Que le gouvernement descende sur le terrain que les ministres et leurs staffs rendent visite aux populations que chacun porte sur son dos un sac de riz, de blé ou de mais et le remette en main propre aux familles nécessiteuses, que les ONG les accompagnent et sillonnent le pays avec l’appui d’organisations. Que le gouvernement descende de son piédestal politico-technocratique et conquiert la rue. Il diminuera ainsi cette distance qui le sépare des masses. Masses populaires qui ne perçoivent dans le gouvernement que des cols blanc enfermés dans leurs bureaux sur le petit écran ou des pigeons voyageurs sillonnant les pays.
De tels actes de rapprochement seront certainement perçus positivement et donneront à la population l’image d’un gouvernement qui gouverne pour la rue et non point pour lui-même. Il faut qu’il se dégage de cette image à lui collée par tant de régimes passés de négligence de laisser-aller et de répression. Image d’un gouvernement qui ne s’interface avec le peuple qu’à travers la force publique. Il faut qu’il s’interface par lui-même. Qu’il laisse la force en réserve et qu’il aille vers le peuple.
Le peuple a besoin de cela. Il a besoin dans un régime démocratique que ses propres enfants qui le guident politiquement s’associent aussi à sa condition et lui montrent qu’ils sont dans le même monde et non point de planètes différentes.
Briser la distance gouvernement-peuple est le premier facteur psychologique aidant à baisser la tension.

Des mesures au profit de qui?

La souplesse et l’association des populations est meilleure solution pour réduire les tensions.
Les mesures déjà annoncées de réduction ou de suppression des droits de douane sur les produits alimentaires de première nécessité vont indubitablement dans ce sens, mais c’est la nébuleuse commerçante qui risque d’absorber tout le gain issu de cette exonération douanière, pas le peuple. Qui garantie en effet que les commerçants vont répercuter sur les prix du marché cette exonération ? Et si cela était, qui garantirait que cela se fera proportionnellement à l’exonération douanière obtenue ?


Il faudrait que le Président de la République s’adresse à la nation pour la rassurer et prennent les mesures nécessaires pour réduire les tensions. Ces mesures doivent immédiatement toucher le niveau de vie des populations. Ces mesures se doivent d’être rapides et doivent être de nature financière et politique.

Des mesures financières :
- De dégager des fonds immédiats pour mettre sur pied et financer une caisse de compensation des produits alimentaires et de base. Avec une annonce médiatique "immédiate" auprès des populations à l’intérieur. Son financement peut provenir de sources différentes au gré des disponibilités financières de l’Etat et notamment celle dont l’échéance d’utilisation par l’administration publique est supérieure à trois mois. Un retrait sur le fond pétrole auprès du Trésor public avec remboursement à échéance serait une solution immédiate. Un prélèvement sur les crédits budgétaires en réserves quitte à les compenser plus tard (fonds spéciaux du trésor, dépenses diverses imprévues) etc..Aux bonnes volontés, il ne manque pas de solutions. Et les solutions immédiates sont une priorité.

Des mesures politiques :
- appel patriotique du président à tous les commerçants de Mauritanie de baisser les prix des matières alimentaires de première nécessité dans une marge soutenable en attendant la mise en œuvre d’une Caisse générale de compensation

En définitive, au-delà de cette tension, que nous espérons passagère, il ne faudrait pas que ce régime démocratique rate le coche de cette expérience politique, car il est certain que c’est une mise à l’épreuve dont dépendra largement l’avenir des relations entre le politique et le peuple. La gérer par la force pourra avoir des conséquences et des séquelles graves qu’il faut absolument éviter, la gérer par le dialogue et l’action de terrain est une bien meilleure solution qui préservera les intérêts supérieurs de la nation.
Hausser le ton quand les prix sont en hausse, c’est condamner le dialogue et ouvrir la voie aux tensions. En effet rien n’est pire qu’une inflation économique que l’inflation du pouvoir.

Pr ELY Mustapha

Circulez…à droite

Les caractères d’une police sans caractères

De nouvelles nominations viennent d’être opérées à la tête des directions de la police nationale. Rien de neuf sous le ciel. Des policiers qui ont été mutés d’une direction vers l’autre ou d’un service à l’autre avec un impact tout relatif sur les améliorations tant attendues en profondeur. En effet, la Police nationale n’est pas une simple affaire de cooptation ou de nominations de personnes, c’est une institution qui a montré ses limites et ses dérives, ses incapacités et ses dangers pour l’Etat de droit et la sécurité du citoyen.
Il n’est pas un responsable nommé à quelque poste qu’il soit dans l’appareil policier qui ne soit connu de tous et chacun peut apprécier à son niveau les tenants et les aboutissants des nouvelles nominations aux directions centrales et régionales de la police nationale.
Apporter une solution à ce corps est moins affaire de personnes, dont on sait dans le passé ce qu’elle ont fait de cette police, qu’une affaire de réorganisation, de rénovation et de réglementation rigoureuse du corps de police avec les droits, les obligations et les sanctions sans lesquelles la Police nationale, qu’elles que soient les personnes nommées continuera a voguer dans une impunité qui ne trouve ses limites nulle part. Ni les responsables de ce corps n’en ont donné une image respectable, ni les institutions qui les encadrent ne les ont obligé à la donner. Et pour cause : c’est une police qui, pour bon nombre de citoyens, est sans caractères, frustrée et corrompue.
En effet, depuis bientôt trente ans la police est devenue une institution au service des intérêts de ses chefs. Un corps gangrené par la corruption et les népotismes. Même ceux qui de l’intérieur de ce corps ont réagi à cette déviation notoire de la police se sont vus écartés.
Une police qui ne donne même pas d’elle-même une image attendue d’un corps d’Etat démocratique.
Pour s’en convaincre, il suffit d’apprécier l’état des lieux qui renvoie une image sociale des plus sombres de la police. Mais si cette image est due au comportement ostensiblement répréhensible de cette police, il reste que les raisons de ce mal prennent leur source dans des considérations bien moins évidentes.

I -L’image de la police : l’état des lieux en Mauritanie

Si partout dans le monde le mot « police » n’inspire pas forcément un élan de joie et d’enthousiasme, en Mauritanie il a cette caractéristique de déclancher automatiquement un élan vers... sa poche.

Une police fiduciaire : confusion entre judiciaire et monétaire

Il suffit de visiter les postes de police pour s’en convaincre. Des agents débraillés avachis qui sirotent le thé à la devanture de leurs bureaux. En surnombre et prêts à bondir au premier billet vert. Des agents qui vous auscultent des pieds à la tête qui vérifient vos signes extérieurs de richesse ou de pouvoir sur lesquels ils ajustent toutes leurs attitudes, leurs manières et le niveau de service que vous méritez.
Quant aux chefs de poste, il faut les chercher pour les trouver. La plupart arrondissent leurs fins mois en dehors des bureaux. A croire que c’est la seule notion retenue du concept administratif « d’arrondissement de police » ou municipal. Une police qui prend tout ce qui est rond au premier degré. Tout lui inspire la monnaie dans ses différentes divisions, les point ronds, les panneaux de signalisation, les nids de poule. Une police fiduciaire. Au sens divisionnaire du terme. Sens giratoire obligatoire, sens interdit, les procès verbaux sont quant à eux une véritable monnaie scripturale.

Une police politique : confusion entre sûreté et liberté

Mais la police n’est pas seulement perceptrice d’argent indu, elle joue aussi un rôle qui est bien plus répréhensible : la répression au service du politique. Celui-ci a depuis bien des années mis une certaine police à son service. Une police rampante qui n’a de police que le nom et qui torture jusque dans les locaux de l’école de Police.
Une police qui s’est spécialisée dans la falsification des documents, des faits et des preuves d’accusation et qui sous la bénédiction de certains de ses chefs a mené à des incarcérations arbitraires et des procès fictifs de centaines de citoyens.
Les fameux procès politiques, les incarcérations privatives d’exercice de leur activité des opposants à l’ancien régime en a été l’expression la plus immédiate. Ce qui guide cette police ce n’est pas le respect de la déontologie ni des codes de procédures, c’est une volonté de réduire la contestation légitime, c’est de juguler l’idée même qui naîtrait dans le conscient du citoyen de défendre ses droits. Une confusion manifeste entre servir la « sûreté » de l’Etat et servir des intérêts politiques. Et sur ce plan la Direction de la sûreté de l’Etat s’est érigée en véritable administration de répression de mouvements politiques légaux internes qu’une direction assurant la sûreté de la Nation.

Une police en gras : confusion entre servir et se servir

Il fallût qu’un avion balance quelques kilogrammes de drogue sur l’aéroport de Nouadhibou pour que l’on se rende compte que depuis vingt au moins la Mauritanie était une importante plateforme de la mafia des narcotiques en Afrique de l’Ouest . Vingt ans ! Et depuis plus de vingt ans la police nationale n’a pas « pipé » un seul rapport officiellement connu sur ce trafic, ni n’a lutté ouvertement contre cette mafia ni n’a alerté l’opinion nationale ou internationale sur cette pratique.
Pourtant la direction de la police judiciaire, la direction de lutte contre les crimes économiques existent et pourtant c’est comme si durant ces vingt dernières années le trafic de drogue n’a jamais existé. Que peut-on en tirer comme conclusions ?
Naïvement que la Police nationale n’était pas au courant. Ce qui est une réponse d’autant plus ridicule que la Police est au courant de tout or pour être plus juste chacun sait que la police nationale était au courant de tout et qu’elle ne voulait rien laisser transparaître. Mais alors la question devient plus cruciale : au profit de qui gardait-elle le silence ? Dans les corps militaires et paramilitaire, le secret ne vaut que lorsqu’il s’agit de sécurité nationale, d’un impératif national. Qu’en était-il du trafic de la drogue ? Un telle argumentation ne pouvait donc s’appliquer à un telle dissimulation qui prend sa source ailleurs. Et si l’on se réfère au bon sa les raisons de cette dissimulation ne trouvent leur explication que dans la police elle-même. En effet, à moins d’une incompétence flagrante de ses agents d’un aveuglement permanent de ses chefs, il est impossible sue la police nationale n’ait pas été au courant de ce trafic. Alors pourquoi n’a-t-il pas agit ? La réponse ne peut être que de deux ordres : où elle est neutralisée par ses chefs ou elle est elle-même partie prenante à ce trafic. Dans le premier cas ses chefs se sont servie de l’institution pour bénéficier de ce trafic, dans le second cas c’est toute l’administration de la police nationale, ou tout au moins ses services affectés à cette mission, qui est impliquée directement dans le trafic des narcotiques en concert avec d’autres corps constitués militaires et paramilitaires.
C’est autant dire donc que la logique nous pousse à dire que la Police nationale a été durant ces dernières années aux mains de lobbies internes et externes qui l’ont instrumentalisée pour leurs intérêts. Les grandes richesses de Nouakchott faîtes en temps record issues de ce corps et du corps militaire et paramilitaire en témoignent largement.
Ainsi la police nationale se doit d’être fondamentalement restructurée et remodelée à l’image et aux missions du nouvel Etat démocratique et ce ne sont pas des nominations de personnes qui vont réaliser cela mais une réforme en profondeur de toute l’institution. Il faut que cette police qui s’est engraissée par le trafic et qui mine encore les rouages de la police nationale par le trafic d’influence, la corruption soit identifiée et écartée. Il ne s’agit pas de faire un « mouvement » dans le corps de la police mais de faire une translation complète d’un bord vers l’autre. Il ne s’agit pas de modification, mais de mutation.

Une police sans caractères : confusion entre les genres

Lorsque l’on examine de près les raisons des déviations qui touchent la police nationale on y retrouve à la fois un élément matériel doublé d’un élément psychologique. Du côté matériel ce qui pousse le agents à la corruption c’est davantage le manque de moyens de subsistance qu’une nature portée à la corruption. Le salaire du policier est dérisoire dans une société où les salaires les plus importants ne résistent pas à la cherté de la vie et la famille nombreuse.
Toutefois, cette situation a entrainé par sa pratique répétée une corruption d’usage difficile à combattre. C’est une corruption qui est devenue spontanée, le policier se sert comme s’il allumait une cigarette, un geste non retenu qui prend sa source dans l’habitude qui n’a trouvé en face ni résistance civique ni dénonciation de la part des pouvoirs publics. Et pour cause souvent toute la hiérarchie était mise à contribution.
Mais si la corruption est visible est ostentoire, il reste que l’autre élément sournois invisible et non dit mais pourtant visible à travers ceux qui le représentent: la frustration.
En effet, notre police n’a pas d’identité, depuis des dizaines d’années elle est gouvernée par les militaires et ses chefs sont nommés dans ce corps. Cela lui enlève tout caractère, c’est un corps dont la tête ne lui appartient pas. Une gorgone frustrée.
La police ne s'est donc pas perçue ces dernières années comme un corps homogène, une institution bénéficiant de structures de direction propres issues de ses rangs et gérées dans le cadre d’une stratégie à laquelle elle participe et dans laquelle elle est partie prenante à travers ses cadres supérieurs. Jusqu’aux nominations de ce 7 septembre 2007, la Police c’est des policiers dirigés par des militaires et tout corps constitué ressent dans ces conditions la frustration. Alors ses membres s’en détachent, vont à la dérive et gèrent leurs propres intérêts en dehors d’un corps auquel ils ne s’identifient que partiellement.
Il n ya donc pas de police en Mauritanie, au sens institutionnel mais une multitude d’agents au service de l’institution militaire.
Durant ces vingt dernières années, la police n’a été qu’un instrument dont le politique gère le dénuement et la frustration.

II-L’image de la police : l’état des lieux en Afrique

A la Conférence sur la reforme de la police et la démocratisation dans les pays africains post conflictuels (Kenya 12-15 mars 2007) il a notamment été souligné :

« L’exigence d’une réforme de la police, pour la rendre plus responsable, se fait sentir dans le
monde entier. Différentes raisons expliquent un tel consensus international à ce sujet. Voici
quels sont les facteurs favorisant l’exigence d’une réforme de la police :

1. Constat, au sein des services de police, que les agents sont systématiquement
corrompus.
2. Le gouvernement abuse de ses pouvoirs de police, surtout lorsqu’il s’agit de réprimer et
brutaliser les censeurs et les opposants au régime en place, les minorités et les groupes
les plus exploités.
3. Constats de cas de violence à l’encontre de certains membres de la société civile ou d’une sous-culture, identifiable comme telle au sein de la société (raciale, ethnique, sociale, religieuse, et en tant que classe sociale, d’âge ou d’appartenance sexuelle).
4. Transition d’un régime autoritaire à une forme de gouvernance démocratique et vice versa : les fonctions de police s’en trouvent alors redéfinies.
5. Sortie d’une situation de conflit (guerre civile) pendant laquelle les forces de police ont réussi à ne pas se désintégrer.
6. Accroissement du taux de criminalité et du sentiment d’insécurité, qui donne au public l’impression que la police est inefficace.
7. Développement socioéconomique (par ex., urbanisation rapide, industrialisation, différentiations au sein de la population) et mutations technologiques (par ex. l’informatique), procurant aux criminels de nouvelles formes d’action, qui sont autant de nouvelles difficultés pour la police censée les réprimer.
8. Engouement mondial en faveur des Droits de l’Homme, en politique, dans les milieux universitaires et dans la société civile en général.
9. Mondialisation : entraîne la mondialisation de la criminalité également, alors qu’elle se cantonnait antérieurement au niveau local et dans des entreprises particulières.
A certaines époques et dans certains pays, ces facteurs ont joué en faveur de la réforme de la
police, car le public exigeait par conséquent qu’elle devint plus efficace, responsable et
réactive.

Sans forces de police responsables, représentatives, réactives, effectivement présentes et efficaces, la transition démocratique et le développement économique en Afrique ne sauraient que stagner et régresser. Il est donc urgent que les pays africains prévoient et appliquent des mesures exhaustives de réforme de la police, en vue de parvenir à une bonne gouvernance – favorable au développement économique, à la sécurité et à la paix civile. (Réformes des polices en Afrique :

Dans la littérature en sciences sociales émanant de la plupart des pays africains les forces de police sont décrites comme très brutales, corrompues, inefficaces, pas assez réactives ni responsables à l’égard des populations. C’est pourquoi les forces de police africaines ne jouissent pas de la confiance d’une large partie de la population qu’elles sont censées servir.
Inefficacité, corruption et brutalité s’attachent à la façon dont les populations perçoivent les agents de police, ce qui a conduit à un manque total de confiance envers les institutions publiques de police. De même, des milices se sont formées, afin de fournir les services que la police de l’état ne rendait pas. Le plus souvent, ces milices sont payées par les communautés locales pour les défendre contre les abus commis à leur encontre par les agents de police. Ces problèmes ont incité maintes nations africaines à exiger la réforme de leur police.
Gouvernements et citoyens africains s’accordent quant au besoin urgent de réformer la police.

Mais c’est dans un petit nombre de pays seulement que les organisations émanant de la société civile, parfois en collaboration avec des agences étatiques, ont placé cette exigence de réforme en tête de leurs priorités politiques (c’est le cas de l’Afrique du Sud, l’Ouganda, le Kenya, le Mozambique, le Ghana et le Nigeria). Dans beaucoup de pays, par contre, les projets de réforme de la police n’ont pas dépassé le stade des grands discours ou de protestations sporadiques de la part d’activistes en faveur des droits civils.
Dans nombre de pays du continent, on relève un manque de confiance de la part du public par rapport à leur police. Les données tirées de l’enquête menée dans 15 pays africains par l’Afrobarometer2 en 2002 et 2003 démontrent que les citoyens se défient fortement de la police, surtout au Nigeria, en Afrique du Sud, au Kenya, en Zambie, en Ouganda et au Cap Vert (tableau 1).

Dans beaucoup de pays africains, les citoyens percevaient leur police comme corrompue (tableau 2). Ces données apportent la preuve de l’existence de certains problèmes rencontrés par les forces de police africaines et de l’urgence des réforme. Les agents de police étaient aussi considérés comme beaucoup plus corrompus que les fonctionnaires de justice. Au Nigeria, en Ouganda, au Kenya, au Mali et au Ghana, les citoyens estimaient que les agents de police étaient très corrompus.

La réforme de la police est une tâche redoutable, pour plusieurs raisons. Le premier problème a à voir avec le terme même de réforme. Il suggère qu’il existe une situation, soit inacceptable soit indésirable, qui appelle par conséquent l’introduction de mesures politiques correctives, pour améliorer la situation. On suggère une réforme suite à l’observation de carences de la police ou de sa désaffectation aux yeux de la nation. Or, dans ces circonstances, se dressent alors des intérêts âprement défendus, de l’intérieur et à l’extérieur des forces de police, qui s’acharneront à résister au changement parce qu’ils profitent largement du statuquo. L’action de la police dans des pays en situation de « transition » ou de « démocratisation » est empêtrée dans des contradictions multidimensionnelles et des intérêts de classe contradictoires. Dans les pays en voie de démocratisation, on attend donc des réformateurs de la police qu’ils comprennent ces contradictions et oppositions, et tâchent de les résoudre. Sous les régimes totalitaires antérieurs, s’est développée une culture caractérisée par l’impunité, l’existence de milices et une forme d’intervention policière marquée par la violence. Cette culture ne disparaît pas comme par magie pendant la transition vers un système politique fondé sur le droit et la liberté.

Depuis quelques décennies, la réforme de la police en Afrique reçoit le soutien des gouvernements étrangers et de donateurs, surtout grâce à l’action du « UK Department for International Development » (DFID, Secrétariat d’Etat du Royaume Uni pour le Développement International) et le « United States Aid for International Development » (USAID, Aide au Développement International, aux Etats-Unis). Cependant, ces efforts ne se sont pas avérés aussi efficaces que prévu. Un échec comparable a été constaté dans les pays d’Amérique-Latine où ont été engagées des réformes, elles aussi menées par des instances étrangères. Voici ce qui a été observé ailleurs qu’en Afrique:
les efforts visant à rendre les forces de police actives, responsables et respectueuses de l’état de droit seront mis en échec, à moins d’accorder toute l’importance qu’elle mérite à la nature des contextes politiques et économiques d’où ces pays tentent de sortir – contextes qui bénéficiaient précédemment de la protection de la police.
Aujourd’hui, la réforme de la police en Afrique s’engage au sein d’un environnement dans lequel la transition démocratique n’a fait que de faibles progrès et qui même, dans certains cas, n’a fait qu’empirer.

La réforme des polices africaines doit relever plusieurs défis. Certains d’entre eux exigent qu’on leur prête grande attention:
· Absence d’un cadre légal, économique et politique compatible avec une gouvernance démocratique capable de garantir une action démocratique de la police.
· Non-reconnaissance du besoin de programmes nationaux de développement politique et socio-économiques, au sein desquels prédominent des programmes de justice pénale visant à empêcher les délits et menaces mettant en péril la sécurité et la paix civile.
· Absence d’une stratégie nationale exhaustive en termes de police, comprise comme faisant partie d’une réforme plus large et plus complète du secteur de la justice.
· Absence d’instances capables de développer les éléments de réforme de la police au moyen de partenariats entre l’état et les organisations de la société civile.
· Faiblesse d’un plan d’action réaliste en vue d’appliquer la réforme de la police, même dans des pays où le gouvernement est fermement décidé à réformer sa police.
· Régulation inadéquate et mauvaise coordination entre les initiatives privées et publiques en faveur de la sécurité et de la paix civile.
· Les ressources en formation sont extrêmement faibles au sein des forces africaines de police.
· Ressources inadéquates pour appliquer les réformes dans la police.
· Absence de partenariats et de réseaux capables de soutenir réforme de la police et action policière démocratique.
· Manque d’éducation civique : au lieu d’orienter la population dans le sens d’un partenariat avec la police, l’hostilité mutuelle reste à l’ordre du jour.
· Contrôle démocratique inefficace par la société civile de la police, pour s’assurer qu’elle fournisse un service en harmonie avec les principes démocratiques d’action policière.
· Subversion du professionnalisme et de l’autonomie opérationnelle de la police par des régimes autocratiques
Il est très important de souligner que les réformes de la police en Afrique sont actuellemententreprises sans pouvoir s’appuyer au préalable sur des données et informations fiables. Les recherches sur la police et l’action policière dans les pays d’Afrique ont besoin d’être développées, et généreusement parrainées par les gouvernements, les organismes privés, les donateurs et les organisations caritatives pourvoyeuses de bourses pour les étudiants.

Sans données fiables, engager les réformes s’apparenterait à préconiser un traitement médical avant tout diagnostic. De même que des médicaments inopportuns ne peuvent qu’aggraver l’état du patient, des réformes lancées sans recherche préalable d’informations ne sauraient que s’avérer contreproductives. » (« Questions et défis » par Etannibi EO ALEMIKA, « IDASA's Police Reform and Democratisation in Post-Conflict African Countries conference (12-15 March 07) » et Etannibi E. Alemika (eds.) Droits de l’Homme et Police, dans le contexte des
pays en situation transitionnelle, The Hague: Kluwer Law International)

III- Les solutions institutionnelles : la police à bras-le-corps


Il convient d’abord d’examiner comment est organisée la Police en Mauritanie et de proposer des solutions d’amélioration.

La police nationale une police..classique.

Du point des textes l’organisant en Mauritanie la police nationale st concentrée administrativement dans une superdirection : La direction générale de la Sûreté Nationale.
Celle-ci comprend sept directions et deux services :

- la direction du Contrôle ;
- la direction du Personnel et de la formation
- la direction de la Sûreté de l'Etat ;
- la direction de la Surveillance du Territoire ;
- la direction de la Police Judiciaire et de la Sécurité Publique ;
- la direction du Matériel et des Affaires Financières ;
- la direction de l'Ecole Nationale de Police.
- le service des télécommunications
- le service de la coopération interpolice

Cette super-direction est chargée :

- de l'administration et de la coordination des services de police ;
- du maintien et du rétablissement de l'ordre ;
- de la surveillance du territoire;
- de la police des étrangers ;
- du contrôle de la circulation des personnes;
- de la sécurité intérieure;
- de la préparation et de l'exécution des textes législatifs et réglementaires relatifs l'ordre public ;
- de la recherche et du la constatation des infractions aux lois pénales ;
- de l'arrestation des auteurs desdites infractions conformément aux dispositions du code de procédure pénale,
- de l'application de la réglementation concernant les réunions, les manifestations, les spectacles publics, les associations, la presse, les publications, le cinéma, les débits de- boissons, les hôtels et garnis, les restaurants, les cafés, les jeux, les marchés, le contrôle des armes et munitions.

Tout comme dans la plupart des pays, la police nationale en Mauritanie se répartie fonctionnellement entre Police administrative et la Police judiciaire qui sont organisées en structures centrales et en structures territoriales déconcentrées. Ces deux polices bien que remplissant des rôles spécifiques sont complémentaires et indépendantes. Elles se répartissent dans des structures centrales et des structures territoriales. Les structures centrales de la Police nationale sont constituées essentiellement de la direction générale et des directions qui en dépendent ainsi qu’une inspection de la Police nationale. Les structures territoriales de la Police nationale comprennent dans les régions des commissariats ayant des compétences sur des arrondissements, des communes ou des quartiers.
La police administrative est une structure destinée à garantir et à assurer l’ordre public. Son image sociale est celle du « policier qui règle la circulation » Elle veille à la sécurité publique et à la protection des personnes, des biens et des institutions publiques; garantir l’ordre, la paix, la tranquillité et la salubrité publiques.
Quant à la police judiciaire, elle est l’auxiliaire des autorités judiciaires, notamment des procureurs et leurs substituts et des juges d’instruction près des tribunaux
Les attributions de la Direction de la Police judiciaire sont celles qui sont déterminées par le Code de procédure criminelle, ainsi que lois et règlements régissant la matière. Elle a notamment pour rôle de constater les infractions aux lois pénales, en dresser procès-verbal, en établir les circonstances et en rassembler les preuves, de rechercher les auteurs des crimes, délits et flagrants délits; de surveiller et rechercher les malfaiteurs opérant ou se réfugiant sur le territoire national coopérer, si nécessaire , avec les organisations étrangères de police; de lutter contre la contrebande et le trafic illicite des stupéfiants; fournir toutes informations susceptibles de prévenir ou de réprimer les atteintes à l’ordre et la sûreté nationale..

La police nationale une police à encadrer et à contrôler

Séparation des corps

La séparation du corps de la police du corps militaire. Ces deux corps ne doivent interférer à l'avenir que pour les besoins fonctionnels de la sécurité nationale (coordination, coopération etc.), non par subordination organique notamment (nomination des chefs de la police dans le corps militaire ou tout autre corps extérieur à la police). De cela dépend l’existence de la police et de son sentiment d’appartenir à un corps qui garantit à travers ses propres structures ses droits et ses obligations.

Mise en place d’une Inspection générale de police

Bien qu’il existe actuellement au ministère de l’intérieur mauritanien une inspection générale de l'administration Territoriale (IGAT), elle ne joue pas le rôle que devrait jouer une inspection générale de polices. Ce rôle est confié par les textes à la « Direction du Contrôle » qui est « chargée d'une façon générale et permanente de l'inspection, de l'encadrement, et du suivi des différents services centraux et territoriaux de la Police Nationale. A ce titre, elle a un rôle à la fois éducatif et répressif. Elle a notamment pour mission de veiller à l'application des instructions de la direction générale de la Sûreté Nationale concernant l'accomplissement de la mission, et l'utilisation des moyens humains et matériels dévolus aux services de police. L'action de la Direction du Contrôle ne peut être mise en mouvement que par le directeur général de la Sûreté Nationale. La Direction du Contrôle comprend deux services : le Service des Inspections et le Service Organisations et Méthodes.
En effet, l’Inspection est un service de conseil, de contrôle et d’enquête. Elle est souvent appelée « police des polices » du fait que son contrôle et ses enquêtes sont menées a l’égard du personnel de la police. Toutefois on entend en Mauritanie très peu parler de cette inspection tout comme d’ailleurs toutes les inspections. Elle doit être dynamisée en personnels et en moyens pour jouer son rôle. Notamment recevoir les plaintes et procéder aux enquêtes relatives aux atteintes aux droits humains et tous autres abus qui pourraient être reprochés aux fonctionnaires de police ou toutes plaintes portées par un citoyen contre un membre de la Police nationale ; assurer l’inspection et le contrôle périodiques des services de police et sur l’état général des forces de police ainsi que sur les problèmes qui portent atteinte à leur bon fonctionnement;

Création d’un Conseil supérieur de la Police nationale

La police nationale doit inscrire son action dans un cadre stratégique national qui détermine ses orientations et fixe ses objectifs au service de la Nation. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de constituer une autorité supérieure devant jouer ce rôle. Ainsi un conseil supérieur de la Police nationale pourra être crée pour définir la politique et les stratégies nationales et tout ce qui est relatif aux missions de la Police nationale. Il initiera et participera de façon directe ou indirecte à la définition des grandes orientations de la politique d’action de la Police nationale. Et dans toutes les circonstances où des mesures touchent fondamentalement ce corps (statut, missions etc.) son avis préalable sera requis.
Ce conseil pourra être présidé par le chef de l’exécutif, et ayant pour membres les ministres de la justice et le ministre de l’intérieur, les directeur généraux de la police, l’inspecteur général de la police, et des représentants du syndicat de la police.

IV- Les solutions humaines : "penser" le corps

Si les critiques que l’on porte à la police prennent leur source dans le comportement et l’apparence de nos policiers, la cause première de ce comportement et de cette apparence reste l’Etat. Si l’on parle de corruption c’est que celui qui en est accusé n’a probablement pas le choix, si on parle de l’infraction à la réglementation et à l’insécurité, c’est que probablement ilk n’a pas les moyens d’y faire face ou de l’assurer. Si l’on parle de déviation de la mission de police c’est que celui qui le fait est probablement sous haute contrainte hiérarchique.
Alors des mesures se doivent d’être prise pour porter remède à cela. Et il ne fait pas de doute que ces remèdes ne peuvent être qu’un révision de la situation matérielle du policier et une reconsidération de son statut.

Le dénuement et l’autorité : pour une police droite

Le dénuement est source de tous les maux. Quand il frappe le simple citoyen, il se transforme en endettement ou en mendicité Quand il frappe un dépositaire de l’autorité, alors l’autorité se monnaye et devient une valeur d’échange. La corruption n’est en vérité que l’expression d’un système d’échange ou l’autorité se convertit en monnaie. Un système d’échange fixe où la valeur de change est proportionnelle au degré d’autorité. Pour supprimer ce marché de l’autorité , il faut « démonétiser » cette autorité, et la rendre non monnayable en neutralisant ses dépositaires à travers leur indépendance financière de ce marché. En somme, rémunérer suffisamment le policier, dépositaire de l’autorité de l’Etat afin qu’il ne recourt plus au marché de la corruption.
Pour cela il convient de revoir les grilles salariales du corps de la police, de développer un système mutualiste des agents de la police nationale permettant de prendre en charge les aspects socio-économiques de la vie du policier et de sa famille (santé, éducation etc.).

La confiance et la sécurité : pour une police à corps

Lorsque l’on examine les journaux officiels de ces vingt dernières années l’on constate un nombre non négligeable de policiers qui ont été radiés du corps pour abandon de poste. Ce phénomène s’explique sans aucun doute par la précarité de l’emploi et l’insignifiance de la rémunération mais il trouve aussi ses origines dans une entropie corporative, une dissolution du policier dans un corps auquel il ne s’identifie que par les signes extérieurs de l’uniforme et non par un adhésion à une mission dans un système qui développe une culture d’intégration de ses membres. Adhésion à une institution dans laquelle, ils ont confiance en leur avenir professionnel et matériel. Le corps développe un sentiment corporatif au sens « administratif » du terme lié au besoin d’emploi et non au sens « familial» lié à l’attachement au besoin de servir une mission à laquelle on adhère du fait de son importance pour la communauté nationale.

Il convient donc de revoir non pas seulement le statut de la police mais celui du policier, d’évaluer sa condition, de définir un système de valeurs et d’appartenance à l’institution policière à laquelle il appartient et auquel il peut s’identifier. Un système de valeurs qui est aujourd’hui défaillant et que le comportement d’un policier, dont les principes sont à la dérive, perpétue jusque devant le citoyen. Et celui-ci lui renvoyant bien son image lui rappelle encore davantage sa condition (comme le montre sondage sur ce blog).

En définitive, qu’ il se mette au gras ou au maigre, le corps de la police n’a de caractères que ce que le style de l’Etat veut bien lui donner. En Mauritanie, durant ces trente dernières années, la police à été forgée par un Etat dont le style était à l’image de ses figures.

Pr ELY Mustapha

mardi 6 novembre 2007

Circulez...à gauche

Article en préparation sur la police.
Sondage... à gauche.
Vous pouvez choisir plusieurs réponses.
Vous pouvez aussi laisser vos commentaires.
Merci.

Pr ELY Mustapha

______________________

Voici les résultats de ce sondage :


Merci à tous ceux qui ont collaboré à ce sondage.

vendredi 2 novembre 2007

Présentez armes!



Faut-il supprimer l'armée nationale?

Art. 12 de la Constitution costaricienne: «L'armée est interdite en tant qu'institution permanente.»

Ne pas avoir d’armée fait-elle qu’un pays s’en porte plus mal ?



"Faut-il supprimer l’armée..." semble être une vue de l’esprit et pourtant les exemples sont là pour prouver le contraire. Mais au-delà de l’actualité la conviction personnelle ne peut se faire qu’à travers les questions que l’on peut se poser: « à quoi sert l’armée nationale ? », « quels dangers fait-elle courir à l’Etat? », ou encore : « justifie-t-elle les charges financières qu’elle fait supporter à la nation ?»


Questions qui ne sont pas dénuées de fondement et leurs réponses se trouvent déjà dans la pratique des Etats.

I - Le coût que fait supporter l’armée à la collectivité

Ce coût est comme on peut s’en douter considérable, si l’on compare le coût aux avantages. L’armée fait supporter à l’Etat un poids financier énorme qui pénalise son développement, mais elle lui fait encore supporter un coût sociopolitique encore bien plus grave.

1. Ce que coûte financièrement l’armée nationale

Si l’on s’en tient uniquement aux allocations budgétaires pour le ministère de la Défense nationale , telles qu’elle apparaissent dans le budget de l’Etat 2007, le montant est de 21 282 442 000 UM (dont 4 milliards et demi revenant à la gendarmerie nationale ). Soit 16 838 442 000 d’ouguiyas pour l’armée nationale y compris son administration. Et ce n’est que son budget de fonctionnement !

Le budget d’investissement, quant à lui, n’apparaît pas dans le budget du Ministère de la Défense nationale. Il s’agit d’une question de sécurité (équipement en armements etc.) , mais l’on comprend bien que cela réduit considérablement l’appréciation que l’on peut avoir du poids total que l’armée fait subir au budget. C’et là une question à reconsidérer et à apprécier du point de vue du contrôle parlementaire notamment.
A ces 16 838 442 000 UM, il convient d’ajouter celui des corps spéciaux notamment la Basep ( Brigade affectée à la sécurité de la présidence de la République) dont le budget apparaît sous le "titre 1" - budget de la Présidence de la République sous l’intitulé « Direction de la Sûreté présidentielle (BASEP) » ( soit 227 905 000 UM) et l’Etat major particulier du Président de la République ( soit 34 500 000). Au total: 17 100 847 000 Um.
Ainsi plus de 17 milliards d’ouguiyas affectés uniquement au fonctionnement de l’armée nationale.
17 milliards d’ouguiya absorbés par le budget de fonctionnement de l’armée nationale c’est l’équivalent :

- De ce que l’Etat paye au titre des intérêts de la dette extérieure et intérieure soit 17 067 000 000 Um ou plus de trois fois l’amortissement de cette même dette (soit 5 700 000 000 UM ) au titre de l’années 2007


- Du triple du budget consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique


Et les exemples peuvent être multipliés à l’infini pour ce budget faramineux d’une armée en stationnement. Et il ne s’agit encore une fois, que de son budget de fonctionnement, le budget d’investissement restant une inconnue.




A quoi peuvent être utilisés ces 17 milliards ?



Avec ces milliards, l’Etat Mauritanien peut réaliser des centaines d’investissements socio-économiques à grande valeur ajoutée pour le développement. Il pourra aussi les placer dans des projets rentables à l’échelle nationale ou internationale. Dans des projets pour la jeunesse, pour la technologie, pour l’éducation, la santé pour la lutte contre la pauvreté etc. Les raisons d’investir ne manquent pas.






2 - Ce que coûte sociopolitiquement l’armée

Des casernes entières de soldats au salaire qui laisse à désirer et qui depuis l’indépendance sont aux aguets d’une guerre qui ne vient pas. La seule expérience fut celle du Sahara occidental et notre armée n’a pas pu empêcher les sahraouis d’arriver aux portes de la capitale. C’est autant dire son efficacité historique.

L’armée mauritanienne est une armée de coups d’Etats. Elle est devenue un machine en quête de pouvoir et non point au service des institutions. Jusqu’à l’avènement du régime démocratique en mars dernier, le pays a souffert des coups d’Etats successifs et d’une gestion militaire qui l’a laissé exsangue.
L’armée a infiltré les structures sociopolitiques et a déstabilisé les institutions pour longtemps encore et jusqu’à nos jours, elle n’a pas encore quitté les allées du pouvoir. Forte de sa dissuasion armée à l’égard de civils qu’elle a su pétrir à son bon vouloir durant ses putschs successifs, l’armée est devenu un système intraverti dont la vigilance n’est tournée que vers les frontières du pouvoir pas celles du territoire.
Le développement de la société en a pâti dans tous les domaines du fait du trauma qu’elle lui a fait subir.


L’armée est à l’origine de ce que la société mauritanienne est actuellement. Une société traumatisée par le recours à la force systématique qui a développé une crainte intérieure, un sentiment d’instabilité permanent qui a rendu le citoyen indécis, et a fragilisé sa capacité de se prendre lui-même en main.
Une société traumatisée et qui le restera tant qu’une force armée est toujours prête à bafouer les institutions, les lois et à assujettir l’Etat à ses intérêts.


Pour que le peuple reprennent confiance en son devenir, il faut que cette force disparaisse, se réduise ou se neutralise. On remarque que aussi paradoxal que celui puisse apparaître, c’est cette force même qui est sensée garantir la sécurité de l’Etat qui la viole constamment.


Le coût social est donc grand et la société mauritanienne depuis trente ans n’a pas connu un seul régime civil, ni ne s’est vue reconnaître un quelconque droit à l’existence par elle-même. Elle a été gouvernée de façon autoritaire, non discutée et violente. Et cela n’est pas sans conséquence sur ce que la société est devenue aujourd’hui.


Le coût politique est encore plus grand. Des institutions faites sur mesure, des droits octroyés, une gestion désastreuse et malsaine des deniers publics, une culture de soi et un environnement de courtisans qui ont pillé l’Etat et avili la société.

Une classe politique réduite au silence, sinon incarcérée, une répression policière guidées par des chefs militaires.


L’armée a fait du politique son Etat major, l’Etat sa caserne et le peuple son maréchal-ferrant.


Une telle « armée » se doit d’être reconsidérée dans son existence ou tout au moins dans une reconfiguration nouvelle la mettant au service de l’Etat et non l’inverse.

II Qu’est-ce qui justifie, en Mauritanie, l’existence de l’armée ?

La réponse à cette question passe par l’examen des justificatifs stratégiques et pseudo-stratégiques fondant le maintien ou non d’une armée régulière lourde et coûteuse.

1. De l’existence d’une armée régulière en Mauritanie

Si financièrement on sait déjà que l’armée est coûteuse, son existence est-elle justifiée pour autant.

Si l’on résume les menaces qui peuvent peser sur la Mauritanie elles tournent toutes autour de la fameuse stratégie politique qui justifie tous les excès : « l’ennemi extérieur». Cependant si certaines de ces menaces sont « avouées » et conscientes d’autres menaces ne sont pas dîtes et relèvent d’un inconscient collectif.

Les menaces conscientes que l’on dit :

Nous appelons ces « menaces conscientes » car elles sont apparentes, elles sont visibles et elles apparaissent dans l’attitude sécuritaire des pouvoirs publics. Elles peuvent s’appréhender en deux types : les menaces directes et les menaces indirectes.


Des menaces directes : L’Etat s’est constitué une menace principale et qui pèse dans tous ses discours sécuritaires : les infiltrations d’éléments armés à travers la frontière. Ces éléments sont un amalgame de groupes qui vont des salafistes, et autres « intégristes », aux sahraouis en passant par.... les immigrants clandestins. En sommes l’armée se doit de repousser toutes ces infiltrations et servir de rempart aux frontières.

Des menaces indirectes : Ce sont celles qui prennent leur fondement dans la justification même de l’existence de l’armée en tant que corps indispensable. Ces menaces sont imprévisibles, elles peuvent surgir à tout moment; un voisin tranquille peut soudain avoir des velléités d’expansion, un conflit frontalier entre éleveurs peut faire craindre une occupation etc. etc. Dans cette approche tout justifie l’existence de l’armée.

Ce sont ces menaces directes et indirectes qui sont le fondement de l’opposition à toute idée de de remise en cause sur l’existence de l’armée.

Les menaces inconscientes que l’on ne dit pas :

On l’a particulièrement sû lors du dernier régime militaire en Mauritanie. L’armée est bien un vase clos où tendent de s’équilibrer des forces qui trouvent leur résultante dans le pouvoir en place. Ces forces sont tribales, raciales et ethniques.


L’armée est dans l’imaginaire de franges du peuple mauritanien comme un rempart contre la «dérive » éthnique.


Il suffit, pour s’en convaincre, de voir ce qu’il est advenu de l’armée durant le régime précédent où tour à tour des militaires d’éthnies ou de tribus se sont vu radiés de ce corps, incarcérés ou fusillés au nom de l’idée que se fait le pouvoir en place de l’armée et de la répartition du pouvoir dan l’Etat.


L’armée est donc au service d’une menace inconsciente qui, si elle était publiquement avouée, serait tout simplement un justificatif pour la réformer au sens propre et figuré.


Mais tant quand elle reste du domaine de l’inconscient collectif et inavouée, cette menace reste la plus forte dans la justification de l’existence de l’armée.


Il convient donc de l’exorciser en mettant sur la table ce qu’une armée doit-être, ses justificatifs et son devenir, mais ni l’Etat, ni ceux qui détiennent le pouvoir imbu de leur tribalisme, de leurs régionalisme et de leurs faveurs mal acquises ne sont prêts à se prêter au jeu et d’ailleurs le voudraient-ils que l’armée elle-même si opposerait.

2. L’armée nationale : Un Etat dans l’Etat

Depuis 1978, en réalisant leur premier coup d’Etat militaire, les chefs militaires ont pris « le pli » du pouvoir.

On sait pertinemment que le pouvoir corrompt et c’est ce qui advînt à la série de colonels qui se sont succédés au pouvoir. Ils ont pris et ont transmis à leurs subalternes le « goût » du pouvoir. Ils ont « squatté » l’Etat et en ont fait une vaste caserne d’intérêts et de courtisans.

La république du treillis a cette caractéristique de transformer les institutions républicaines à l’image de ceux qui les détiennent : des autorités qui gouvernent par la dissuasion et l’intérêt.
Et de cette stratégie il en est resté quelque chose qui se perpétue encore sournoisement dans l’Etat et qui fait dire que la Démocratie actuelle est une institution au talon d’Achille.


En effet, les militaires ont durant ces trente dernières années façonné l’Etat à leur image.

Ils ont accumulé des richesses considérables, se sont tissés des relations commerciales et financières durables au sein du système économique mauritanien et une bonne frange d’acteurs économiques de poids en Mauritanie leurs doivent encore une allégeance ostensible. Sans compter tout un fonctionnariat servile (dans l’administration centrale, territoriale et à l’étranger) qu’ils ont façonné à leur service durant tant d’années de pouvoir.


Les militaires ne sont pas partis, ils tiennent encore une place considérable dans les rouages du pouvoir politique et économique.


C’est ainsi que l’armée est un « Etat » dans l’Etat, une force qui développe à l’ombre du pouvoir ses stratégies et ses privilèges. Une sphère qui échappe à ceux-là même qui ont été élus démocratiquement et qui ne peuvent s’en défaire.
Et pourtant des solutions existent.

III- Les voies et les moyens de se défaire de l’armée : la stratégie nihiliste et la stratégie progressive.

Le cas mauritanien n’est cependant pas une impasse car des Etats se sont défaits de leur armée et ne s’en portent que mieux alors que d’autres l'ont réduite progressivement pour en faire une armée dont le rapport coût avantage se conçoit au profit de la collectivité.


Si le premier cas est difficile à réaliser en Mauritanie du fait de son caractère particulier et historique, par contre la réduction progressive du poids financier et humain des armées et, par la même leur poids politique, est une solution envisageable.



1.La solution nihiliste : l’expérience costaricienne

"Au Costa Rica, la décision de supprimer l’armée fut prise en 1948 et le budget de l'armée est transféré à l'Education nationale. Les banques sont nationalisées, l'Institut costaricain de l'électricité créé et les assurances maladie et vieillesse rendues obligatoires. Cinquante-six ans plus tard, le Costa Rica possède toujours le meilleur système éducatif et de santé de toute l'Amérique centrale. Il est un cas exemplaire de démilitarisation volontaire non imposée par l'étranger."

Pour un témoignage récent et très expressif de l’appréciation que font les autorités costariciennes actuelles des effets de cette mesure de suppression, l’ambassadeur Javier Sanch Bonilla du Costa Rica, déclarait en 2006 devant la réunion d’experts sur « la limitation des dépenses militaires et la promotion d’une plus grande transparence de l’acquisition d’armement » (Washington) :

« À la lumière de cette réunion, nous démontrons l’intérêt de nos pays, spécialement ceux qui sont les plus pauvres, à réduire leurs dépenses militaires et à accorder la priorité aux investissements dans l’éducation, la santé et le logement, autrement dit, dans le capital humain. En d’autres termes, nous déclarons notre engagement d’avancer dans la tâche de consolidation d’un continent dans lequel la paix durable, la démocratie et le développement humain deviennent les principaux piliers qui sous-tendent le bien-être de nos peuples.


Nous agissons ainsi parce qu’en dépit d’une réduction substantielle enregistrée récemment, les hauts niveaux de pauvreté dans le Continent américain continuent d’être inacceptables. De même, on ne peut accepter non plus le fossé toujours croissant entre pays riches et pauvres, un gouffre chaque jour plus difficile à combler. Il nous incombe donc d’ajuster nos budgets aux vraies exigences de nos sociétés et de concrétiser le droit dont jouissent chaque homme et chaque femme des Amériques de bénéficier d’une meilleure éducation, de services de santé et d’occasions de progrès durant cette période de mondialisation et d’ouverture.


Cette réunion coïncide avec l’un des événements les plus pertinents de l’histoire de mon pays, le Costa Rica. Le 1er décembre de chaque année, le Costa Rica célèbre le “Jour de l’abolition de l’Armée”. Cette journée a été instituée sous la présidence de M. Oscar Arias-Sánchez en 1986.


Au Costa Rica, la décision de supprimer l’armée fut prise en 1948 par José Figueres Ferrer, seul général victorieux qui, au summum de la victoire, rejeta toute tentative de faire de l’armée un mécanisme permettant de se maintenir au pouvoir. Par ce geste insolite, cet homme extraordinaire a exposé haut et fort la vocation pacifiste et démocratique des Costaricains. Permettez-moi de rappeler ses paroles prononcées un jour comme celui-là il y a cinquante-huit ans:
«L’Armée régulière du Costa Rica, digne successeur de l’Armée de libération nationale, remet aujourd’hui la clé de cette caserne aux écoles pour que ce bâtiment devienne un centre culturel.
La Junte fondatrice de la Deuxième République déclare officiellement dissoute l’Armée nationale, parce qu’elle considère suffisante l’existence d’un corps compétent de police pour la sécurité de notre pays.
Nous sommes les supports définitifs de l’idéal d’un nouveau monde en Amérique. À cette patrie de Washington, Lincoln, Bolivar et Marti, nous voulons lui dire: Oh Amérique! D’autres peuples, tes fils également, t’offrent leurs grandeurs.
La diminutive Costa Rica souhaite t’offrir toujours, comme maintenant, conjointement avec son cœur, son amour envers la civilité, envers la démocratie!»


En ouvrant cette réunion, nous demeurons convaincus que la limitation des dépenses militaires – tout en maintenant une capacité conforme aux légitimes besoins de sécurité des États – ainsi que la promotion d’une plus grande transparence de l’acquisition des armements, constituent des mesures fondamentales à adopter pour accroître la stabilité, sauvegarder la paix et la sécurité continentale et internationale, et consolider la démocratie, conditions indispensables à la promotion du développement humain et du bien-être des populations américaines. C’est pour elles que nous déployons ces efforts. »

2. La solution progressive : l’expérience européenne.


La Suisse, qui a faillit en 1982 introduire un article17 dans sa constitution (« la Suisse n’ a pas d’armée ») sous l’impulsion de puissants regroupements hostiles à l’armée et à l’armement, a fini par conserver dans sa constitution de 1999, la référence à une « armée suisse composée de milices ». Toujours est-il que la Suisse n’est qu’un exemple d’un vaste mouvement qui en Europe prône une action en vue de réduire le corps militaire. Ce mouvement prend sa source dans des idées qui se développèrent davantage suite à la chute du mur de Berlin. La guerre froide cessante, il devenait naturel de revoir ses forces. Le mouvement suit davantage une réduction des effectifs des armées que leur suppression pure et simple.


En France cette réduction est depuis longtemps à l’ordre du jour. De 1996 à 2002 l’armée française fait apparaître une réduction de 23 % de l'ensemble des effectifs. Réduction qui tire ses conséquences de la décision du chef de l’Etat français le 22 février 1996 de suspendre la conscription c'est-à-dire l'appel obligatoire de jeunes hommes sous les drapeaux et de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.


Certains observateurs soulignent qu’aujourd’hui malgré la publicité affichée par l’armée pour les recrutements cela en fait ne concerne que des embauches sur des contrats à durée déterminée de 5 à 8 ans maximum. L’objectif est de limiter l’armée française, d’ici 2012, de 130000 militaires à 80 000. Il s’agit d’une professionnalisation de l’armée.

En offrant des contrats à durée déterminée , la stratégie est d’offrir un emploi non pérenne mais aussi et surtout de permettre ce créer, en quittant l’armée pour d’autres emplois dans la vie civile, des réservistes formés et qui peuvent être appelés sous les drapeaux s’il y a lieu.


Mais là où le bas blesse c’est que face à une situation contractuelle provisoire les recruteurs ne trouveront pas candidats. Mais il s’agit là en fait d’un élément de cette stratégie dissuasive. Mieux encore l’armée française a opté pour de vastes programmes non pas de recrutement mais de facilitations pour les militaires qui voudraient quitter l’armée. C’est la stratégie d’aide à la reconversion des militaires dans la vie civile.


Le ministère de la Défense français souligne que chaque année, 27 000 militaires quittent l'armée. Il met à leur disposition des moyens d'accompagnement adaptés pour les aider à s'orienter et se former.
D’autre part, le ministère de la Défense accompagne les militaires engagés dans une démarche de reconversion afin de faciliter leur retour vers un emploi civil : aide au choix de l'orientation, formations, conseils en techniques de recherche d'emploi, périodes d'adaptation en entreprises sous statut et rémunération militaires, aides à la création ou à la reprise d'entreprise, sessions d'accompagnement vers l'entreprise.


Ce programme de reconversion concerne « tous les militaires de carrière, servant sous contrat ou volontaires et son objectif est de « favoriser le retour à l’emploi des militaires dès qu’ils
La Mauritanie pourra s’inspirer largement des programmes de reconversion des armées d’autre pays.

Toutefois, il faudrait se poser la question fondamentale de savoir si la Mauritanie comme tous les pays en voie de développement a vraiment la latitude, le libre arbitre et l’autonomie pour entreprendre une quelconque action visant son armée.

Si pour le Costa Rica, le phénomène est historique si pour les pays européens c’est un choix de puissances économiques et militaires, la Mauritanie ne vît-elle pas justement un autre statut et d’autres réalités d’un pays en voie de développement sous contrainte.

IV- Face à son armée, la Mauritanie a t-elle le choix ?

1. Les contraintes intérieures : une économie d’entraînement.


L’armée mauritanienne n’est pas seulement un corps militaire en stationnement, elle occupe une part importante de l’emploi dans l’Etat, elle est un « projet social » de distribution de revenus et participe à l’effet d’entraînement dans les lieux où elle s’implante sur l’économie locale comme d’ailleurs tout organisme qui dispose de revenus à dépenser.

Même si l’armée y est prédisposée, procéder à une réduction des forces armées ne peut donc se concevoir sans risques majeurs pour l’économie et la société.


Y procéder se serait en fonction d’une stratégie de reconversion des militaires dans la vie civile, par l’intéressement et la subvention pour monter des projets collectifs ou individuels à travers la création d’entreprise.


S’il est une chose certaine, c’est que le niveau de vie des soldats ne s’est nullement amélioré depuis des décennies et leurs soldes sont très bas. Une stratégie visant à améliorer leur revenu et leur situation matérielle en général même hors de l’armée serait bien accueillie.


En effet, naturellement le soldat vient à l’armée pour l’emploi pas pour la guerre. Et c’est en axant sur les avantages avec l’appui de l’Etat d’une reconversion dans la vie civile active que l’Etat pourra à moins ou long terme réduire les effectifs de l’armée et alléger sa charge financière.

Pour cela, le travail est davantage à réaliser auprès des chefs de ses armées pour les associer à ce projet afin qu’ils en soient partie prenante, car il ne fait pas de doute que ceux qui tiennent plus à l’armée, eu égard à leurs conditions matérielles et humaines, ce sont moins ses soldats que ses chefs pour les raisons déjà évoquées. Pour le soldat, l’armée est un gagne-pain, pour le chef, l’armée est un gagne-pouvoir, un gagne-Etat.

2. les contraintes extérieures : les marchands d’armes et d’influence

En 2005 les ventes d’armes mondiales ont atteint environ 1,81 trillions de dollars, la Mauritanie y a un pourcentage aussi infime soit-il et est, comme tous les pays sous-développés, soumise au dictat des puissances de l’armement, elle n’a pas le libre arbitre de supprimer son armée car derrière ce corps se profilent des intérêts qui dépassent souvent de loin l’unique question de défense.


Les lobbies de l’armement tiennent souvent les Etats sous leur coupe sinon créent à leur égard une dépendance de laquelle ils ne peuvent se soustraire. Les marchands d’armes qui ne sont autres que les puissances militaires y compris celles constituant le conseil de sécurité lient souvent leur aide au développement à l’achat de leur armement et mettent souvent des conditionnalités aux Etats en développement pour bénéficier de leurs coopérations, de leur influence diplomatique, de leur intercession auprès d’autres Etats ou d’institutions internationales (financières notamment).
Dans cette optique l’armée n’est pas simplement un corps de défense d’un territoire, c’est aussi une institution à travers laquelle l’Etat réalise et négocie des objectifs qui paradoxalement sont étrangers à la Défense.



En définitive, la question « faut-il supprimer l’armée nationale » réveille bien des sentiments et des ressentiments. Aussi le sondage effectué depuis trois jours sur ce blog et les réactions qu’une telle question a suscitées fait bien apparaître des divergences sur cette question. Mais le propre d’une démocratie c’est d’essayer de poser les bonnes questions, les réponses, quant à elles, naissent de la volonté humaine et de l’empreinte du temps.















Pr. ELY Mustapha