mardi 21 avril 2020

NON !



Comment est-il possible qu’un Etat rejette ses propres citoyens pour une présomption de contamination virale et leur ferme ses frontières ?

Pire encore, comment un Etat peut-il reconduire à la frontière ses propres citoyens qui ont rejoint leur propre pays malgré l’infamante interdiction qui leur a été faite de franchir ses frontières ?

Comment un Etat peut-il interdire à ses citoyens leur propre pays ?

Au mépris du droit international, de l’éthique et de la morale, l’Etat mauritanien s’est comporté comme si le citoyen mauritanien, n’existait pas et qu’il gérait un ramassis d’individus dont l’appartenance à sa nation et  l’allégeance à son Etat n’étaient qu’une vue de l’esprit.

Enfermés hors des frontières, meurtris,  affamés, malades,  des citoyens sont sur le territoire d’autres Etats et qui ironie du sort les tolèrent, alors que leur propre Etat leur refuse l’accès à son territoire, à leurs foyers et leurs  familles.

Alors que des Etats dépêchent des flottes entières civiles  et militaires pour rapatrier leurs citoyens, les autorités mauritaniennes se comportent avec une incroyable froideur, comme si tous ceux qui n’étaient pas sur le territoire n’étaient pas  Mauritaniens et qu’ils n’avaient pas droit à sa protection, son secours et sa diligence !

Il ressort de l’attitude des autorités mauritaniennes, une forme de mépris manifeste du citoyen sinon une inconscience manifeste qui,  alliée à l’ignorance du peuple de ses droits,  fait qu’elles se comportent de la façon la plus immorale possible.

   Contenir des citoyens à l’étranger pour faire valoir l’idée qu’ils peuvent être porteur d’un virus et générer chez des populations entières l’ animosité à leur égard, est l’une des  attitudes les plus repréhensibles qui soit et en contradiction réelle avec le rôle de l’Etat en tant que représentant de la collectivité nationale, de toute la collectivité nationale.


« Laissez mourir l’autre, pourvu que je vive ! » : l’égoisme d’Etat.


« laissez mourir l’autre , pourvu que je vive ! », véhiculant l’idée que  le sacrifice de citoyens aux frontières sauvera ceux confinés  dans les frontières. Et à ce credo, se joignent les ulémas du pouvoir pour condamner  les « clandestins » et leurs  passeurs, qui franchiraient la frontière, érigeant en un crime le vouloir de regagner sa patrie.  L’imbécilité , comme pour les rois, n’épargne pas les oulémas.

Ne fallait-il pas simplement, se comporter en Etat digne de ce nom, rapatrier ses citoyens, les mettre en quarantaine, les soigner, s’il y a lieu, panser leurs blessures et leur ouvrir les portes de leur patrie.    

Si ce virus  a  montré les faiblesses de  l’humain dans ce monde , il a révélé en Mauritanie,  la faiblesse de l’humanité de ceux qui nous dirigent, leur manque de conscience  et leur incapacité à donner à l’Etat ses lettres de noblesse qu’il tire de la   bienveillance qu’il doit à ses ressortissants où qu’ils se trouvent.

Si ce virus , dans son immense désastre , nous a révélé, sinon confirmé,  une chose , c’est bien que ceux qui nous dirigent n’ont ni le sens de l’Etat, ni du devoir. Ils agissent hors du droit et des normes qui régissent l’état de droit.

Et si dans leur mépris du droit, ils avaient au moins la compassion que prône dans nos cœurs  de musulmans notre sainte religion, ils auraient agi autrement à l’égard de leurs frères et sœurs dans le désespoir, l’infortune et le dénuement.

Où est-elle cette « Solidarité » entre citoyens ? Où est-elle cette solidarité du peuple ?  Le peuple qui aurait dû réclamer le retour d’une partie de lui-même, pour lutter ensemble au lieu de se confiner dans une lâcheté couverte par ses gouvernants ?


La responsabilité paternaliste de l’Etat : l’éthique et la santé publique


Où est-elle cette « solidarité »  qui caractérise la responsabilité paternaliste de l’Etat et qui fait les vrais Etats dans les grandes catastrophes.


Cette responsabilité paternaliste qui  ressort de la relation entre l’éthique et la santé publique.

Cette responsabilité paternaliste définie par la doctrine comme étant le « devoir d’intervention que l’État se voit attribuer par les citoyens pour protéger la santé comme bien commun. L’État, agissant au nom de la collectivité, exprime ainsi un « sentiment d’empathie » à l’égard des souffrances vécues par certains et un « engagement à leur porter assistance »[1].

La doctrine considère qu’un État a d’abord une responsabilité envers la santé de ses habitants et  le reste du monde  et c’est que réaffirme le professeur de droit Lawrence  Gostin de l’université de Georgetown: « Les devoirs des États ne se limitent pas à prendre soin de leur propre peuple, mais s’étendent également à favoriser une communauté mondiale interdépendante et fonctionnelle dans laquelle la survie mutuelle est une question d’intérêt commun.[2]». La survie mutuelle est l’affaire de tous[3].

Mais si ni le droit, ni l’éthique , ni la morale ne sont de mise, comment se fait-il que ceux qui nous gouvernent croient en ce prophète, le dernier de  tous les prophètes, Mohamed (Paix soit sur lui)  qui disait : « Allah compatit à celui qui a de la compassion. Soyez cléments et bons envers ceux sur terre et ceux dans les cieux auront de la compassion à votre égard. » (Tridi, Birr, 16) » ?


Seuls Dieu dans son omniscience et ceux qui gémissent à nos frontières, vous le diront.

Pr ELY Mustapha


[1] Raymond MASSE, Éthique et santé publique – Enjeux, valeurs et normativité, Saint-Nicolas (Québec), Les Presses de l’Université Laval, 2003, p. 126.
Wendy E. PARMET, Populations, Public Health, and the Law, Washington, D.C., Georgetown University Press, 2008, p. 11.
[2] « States’ duties are not limited to caring for their own people, but also extend to fostering a functioning, interdependant global community in which mutual survival is a matter of common concern. » - Lawrence O. GOSTIN, Global Health Law, Cambridge (Massachusetts) & London (England), Harvard University Press, 2014, p. xiii.   
[3] Voir ces références rapportées par Marie-Eve COUTURE MÉNARD et David PAVOT dans leur  article « Les pandémies et le droit »  en introduction à la Revue de Droit de l’Université de Sherbrook- Volume 46 – Numéro 2- année 2016 consacrée au Colloque « Les pandémies et le droit ».  Page 251.

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