Comment est-il possible qu’un Etat
rejette ses propres citoyens pour une présomption de contamination virale et
leur ferme ses frontières ?
Pire encore, comment un Etat peut-il
reconduire à la frontière ses propres citoyens qui ont rejoint leur propre pays
malgré l’infamante interdiction qui leur a été faite de franchir ses
frontières ?
Comment un Etat peut-il interdire à
ses citoyens leur propre pays ?
Au mépris du droit international, de
l’éthique et de la morale, l’Etat mauritanien s’est comporté comme si le
citoyen mauritanien, n’existait pas et qu’il gérait un ramassis d’individus dont
l’appartenance à sa nation et l’allégeance
à son Etat n’étaient qu’une vue de l’esprit.
Enfermés hors des frontières,
meurtris, affamés, malades, des citoyens sont sur le territoire d’autres
Etats et qui ironie du sort les tolèrent, alors que leur propre Etat leur
refuse l’accès à son territoire, à leurs foyers et leurs familles.
Alors que des Etats dépêchent des
flottes entières civiles et militaires
pour rapatrier leurs citoyens, les autorités mauritaniennes se comportent avec une
incroyable froideur, comme si tous ceux qui n’étaient pas sur le territoire
n’étaient pas Mauritaniens et qu’ils n’avaient
pas droit à sa protection, son secours et sa diligence !
Il ressort de l’attitude des autorités
mauritaniennes, une forme de mépris manifeste du citoyen sinon une inconscience
manifeste qui, alliée à l’ignorance du
peuple de ses droits, fait qu’elles se
comportent de la façon la plus immorale possible.
Contenir des citoyens à l’étranger pour faire valoir l’idée qu’ils
peuvent être porteur d’un virus et générer chez des populations entières l’
animosité à leur égard, est l’une des attitudes
les plus repréhensibles qui soit et en contradiction réelle avec le rôle de
l’Etat en tant que représentant de la collectivité nationale, de toute la
collectivité nationale.
« Laissez mourir l’autre, pourvu que
je vive ! » : l’égoisme d’Etat.
« laissez mourir l’autre ,
pourvu que je vive ! », véhiculant l’idée que le sacrifice de citoyens aux frontières
sauvera ceux confinés dans les
frontières. Et à ce credo, se joignent les ulémas du pouvoir pour condamner les « clandestins » et leurs passeurs, qui franchiraient la frontière,
érigeant en un crime le vouloir de regagner sa patrie. L’imbécilité , comme pour les rois, n’épargne
pas les oulémas.
Ne fallait-il pas simplement, se
comporter en Etat digne de ce nom, rapatrier ses citoyens, les mettre en
quarantaine, les soigner, s’il y a lieu, panser leurs blessures et leur ouvrir
les portes de leur patrie.
Si ce virus a montré les faiblesses de l’humain dans ce monde , il a révélé en
Mauritanie, la faiblesse de l’humanité
de ceux qui nous dirigent, leur manque de conscience et leur incapacité à donner à l’Etat ses
lettres de noblesse qu’il tire de la bienveillance qu’il doit à ses ressortissants
où qu’ils se trouvent.
Si ce virus , dans son immense
désastre , nous a révélé, sinon confirmé,
une chose , c’est bien que ceux qui nous dirigent n’ont ni le sens de l’Etat, ni du
devoir. Ils agissent hors du droit et des normes qui régissent l’état de droit.
Et si dans leur mépris du droit, ils
avaient au moins la compassion que prône dans nos cœurs de musulmans notre sainte religion, ils
auraient agi autrement à l’égard de leurs frères et sœurs dans le désespoir,
l’infortune et le dénuement.
Où est-elle cette
« Solidarité » entre citoyens ? Où est-elle cette solidarité du
peuple ? Le peuple qui aurait dû réclamer
le retour d’une partie de lui-même, pour lutter ensemble au lieu de se confiner
dans une lâcheté couverte par ses gouvernants ?
La
responsabilité paternaliste de l’Etat : l’éthique et la santé publique
Où est-elle cette « solidarité »
qui caractérise la responsabilité paternaliste de l’Etat et qui fait les vrais Etats
dans les grandes catastrophes.
Cette responsabilité paternaliste
qui ressort de la relation entre
l’éthique et la santé publique.
Cette responsabilité paternaliste
définie par la doctrine comme étant le « devoir d’intervention que l’État
se voit attribuer par les citoyens pour protéger la santé comme bien commun.
L’État, agissant au nom de la collectivité, exprime ainsi un « sentiment
d’empathie » à l’égard des souffrances vécues par certains et un « engagement à
leur porter assistance »[1].
La doctrine considère qu’un État a
d’abord une responsabilité envers la santé de ses habitants et le reste du monde et c’est que réaffirme le professeur de droit
Lawrence Gostin de l’université de
Georgetown: « Les devoirs des États ne se limitent pas à prendre soin de leur
propre peuple, mais s’étendent également à favoriser une communauté mondiale
interdépendante et fonctionnelle dans laquelle la survie mutuelle est une
question d’intérêt commun.[2]».
La survie mutuelle est l’affaire de tous[3].
Mais si ni le droit, ni l’éthique , ni
la morale ne sont de mise, comment se fait-il que ceux qui nous gouvernent
croient en ce prophète, le dernier de
tous les prophètes, Mohamed (Paix soit sur lui) qui disait : « Allah compatit à
celui qui a de la compassion. Soyez cléments et bons envers ceux sur terre et
ceux dans les cieux auront de la compassion à votre égard. » (Tridi, Birr, 16) » ?
Seuls Dieu dans son omniscience et ceux
qui gémissent à nos frontières, vous le diront.
Pr ELY Mustapha
[1] Raymond
MASSE, Éthique et santé publique – Enjeux, valeurs et normativité,
Saint-Nicolas (Québec), Les Presses de l’Université Laval, 2003, p. 126.
Wendy
E. PARMET, Populations, Public Health, and the Law, Washington, D.C.,
Georgetown University Press, 2008, p. 11.
[2] « States’ duties are not limited to caring
for their own people, but also extend to fostering a functioning,
interdependant global community in which mutual survival is a matter of common
concern. » - Lawrence O. GOSTIN, Global Health Law,
Cambridge (Massachusetts) & London
(England), Harvard University Press, 2014, p. xiii.
[3]
Voir
ces références rapportées par Marie-Eve COUTURE MÉNARD et David PAVOT dans
leur article « Les pandémies et le
droit » en introduction à la Revue
de Droit de l’Université de Sherbrook- Volume 46 – Numéro 2- année 2016
consacrée au Colloque « Les pandémies et le droit ». Page 251.
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