En cas de diffamation envers les
particuliers la poursuite n’a lieu que sur plainte de la personne diffamée ou
injuriée, sauf les cas particuliers de l’action de poursuite d’office définis
par l’ordonnance de 2006 sur la liberté de la Presse
La citation du journaliste Hacen ould Lebatt,
relève de cette situation. Le cheikh Mahfoudh Ould Waled, dit Abu Hafs al
Mauritani, plaignant, dénonce le qualificatif de terroriste par lequel le
journaliste l’a dénoncé auprès des autorités mauritaniennes.
La question est : Hacen ould Lebatt,
dispose-t-il de preuves recevables pour prouver ses allégations. Cela ne fait
certainement pas de doutes. Il les a divulguées sur le net et le plaignant est
fort connu auprès des autorités nationales et internationales.
Ce qui semble curieux, c’est la
diligence du ministère public pour trouver un « accord à l’amiable »
sur une situation pour laquelle la législation en vigueur n’a pas prévu de médiation.
En effet, ni le code de procédure pénale, ni le code pénal, ni l’ordonnance n°
017 – 2006 sur la liberté de la presse, ne prévoit une médiation pénale, telle
que la prévoit, par exemple, le code de procédure pénale français, en son
article 41-1 tel que modifié par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019
Le seul cas cité par le code de
procédure pénale mauritanien relatif au règlement à l’amiable, relève du
domaine de l’amende forfaitaire (chapitre 2 du titre III: Du jugement des
contraventions).
Même en France le fait de procéder, à la
demande ou avec l'accord de la victime, à une mission de médiation entre
l'auteur des faits et la victime n’intervient que lorsque la médiation pénale
permet de résoudre à l'amiable un litige lié à la commission d'une infraction de
faible gravité. Or l’ordonnance sur la liberté de la Presse, article 40,
dispose bien que : « La diffamation commise envers les particuliers
par l’un des moyens énoncés à l’article 32 sera punie d’un emprisonnement de
quinze jours au plus et d’une amende de 400.000 à 1.000.000 UM, ou de l’une de
ces deux peines seulement. » Figurent en effet parmi les moyens définis dans
l’article 32 : « les écrits ».
Pourquoi le ministère public a décidé de
procéder à une mission de médiation que le code de procédure pénale ne prévoit
pas ? Sur demande du plaignant ou
pour des considération d’ordre public ?
En effet, outre cette procédure de
médiation qui, dans ce cas d’allégation de « diffamation » est nulle non
avenue si même elle devait aboutir, si le plaignant a introduit un recours
devant le tribunal, sa requête s’oppose à toute médiation et il faut entamer la
procédure juridictionnelle. Ce qui n’a pas été le cas.
L’affaire, ne pouvant faire l’objet de
médiation si l’affaire porte sur le terrorisme.
Or l’examen les accusations portées par
Hacen ould Lebatt sont toutes étayées de sources, et même si leur fiabilité
reste à l’appréciation de la Justice, il reste qu’elles entrent toutes de la
définition que donne la législation mauritanienne, sur la répression du terrorisme.
C’est ainsi que la loi du 23 février
2019 définit le terrorisme à travers les produits de l’activité criminelle, le
terroriste, l’acte terroriste et l’organisation terroriste.
Produits d'une activité criminelle: tous fonds
liés ou tirés dans le pays ou à l'extérieur directement ou Indirectement, de la
commission d'une infraction sous-jacente notamment tout ce que génèrent lesdits
fonds comme bénéfices, intérêts ou autres résultats, qu'ils demeurent à l'état
initial ou transformés en partie ou en totalité en d'autres biens.
Personne terroriste: Toute personne
physique qui commet, tente de commettre des actes terroristes, participe en
tantquepartenaire,planifie,organise,orienteouordonneàd'autresdecommettredesactes
terroristes par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, ou
participe à un groupe de personnes agissant pour but commun de commettre un
acte de terrorisme visant à accroître l'activité terroriste ou à connaître
l'intention du groupe de commettre un acte terroriste ; peu importe que la
personne accusée du crime soit établie dans le même État ou dans un autre État.
Acte terroriste: Toute
commission, tentative, contribution, planification, organisation, direction ou
ordre à de tiers pour commettre l'un des actes suivants, que ce soit par une
personne ou un groupe de personnes agissant dans un but commun:
1)
Tout acte qui constitue un crime au sens des conventions ou traités pertinents
auxquels la République Islamique de Mauritanie est partie.
2) Tout
acte destiné à causer la mort ou des lésions corporelles d'un civil ou de toute
autre personne ne participant pas aux hostilités dans des situations de conflit
armé, dans le but, de par sa nature ou son contexte, d'intimider la population
ou d'obliger un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou
s'abstenir de faire.
3)
tout acte considéré comme un acte terroriste en vertu de la loi de lutte
contre le terrorisme ou de toute autre loi.
Organisation terroriste : tout groupe deux
ou plusieurs personnes qui:
1)
commet ou tente de commettre délibérément des actes terroristes par tout
moyen, direct ou indirect ;
2)
contribue, en tant que complice, à des actes terroristes ;
3)
organise des actes terroristes ou ordonne d'autres à en commettre ;
4)
participe à la commission d'actes terroristes par un groupe de personnes
agissant dans un but commun, lorsque cette participation est délibérée et vise
à favoriser l'acte terroriste ou qu'elle est apportée en sachant l'intention du
groupe de commettre un acte terroriste. Ainsi que toute organisation considérée
comme terroriste en vertu de toute autre loi en vigueur en Mauritanie. »
Face à la gravité de la situation, la
médiation n’ayant ni base juridique, ni sens, le ministère public se devait d’actionner
l’action publique, après examen de la qualité et de la véracité des moyens de
preuves fournies par le journaliste et s’il y a lieu, procéder, en attendant la
procédure de jugement, aux mesures conservatoires et préventives qui s’imposent.
Cela signifie-t-il que cette affaire va
au-delà du droit et procède d’autres considérations qui empêchent le ministère
public d’engager les recours à l’égard du plaignant?
En effet, cela pourrait être le cas. El Hacen
ould Lebatt, a voulu dénoncer, la présence sur le territoire du pays d’un
personnage sur lequel il détient des preuves de sa dangerosité, appuyées par des
sources de ses activités terroristes internationales notoires.
Cependant
ce journaliste, certainement imbu de patriotisme, et mu par des considérations de
justice, est contredit par le vieil adage selon lequel « lorsque la
politique entre au prétoire, la justice en sort ».
En effet, il suffit de faire quelques
constats qui forcent l’évidence :
-
Les services de sécurité
mauritaniens, savent que cheikh Mahfoudh Ould Waled, dit Abu Hafs al Mauritani,
vit en Mauritanie
-
Ces mêmes services savent quand et
comment, il est entré en Mauritanie.
-
Ils savent aussi, qui lui a
permis de rentrer en Mauritanie.
-
Ils connaissent où il demeure,
ses déplacements et ses rencontres.
C’est autant dire que les révélations de
Hacen Lebatt, ne sont pas pour les autorités un scoop. Vouloir mettre la
Justice à la trousse d’un individu, vivant au grand jour, c’est comme vouloir indexer
ce qui relève de la sécurité intérieure et sur ce plan la Justice mauritanienne
est totalement neutralisée.
En effet, l’analyse géostratégique des
autorités mauritaniennes face aux groupements terroristes dans la sous-région, montre
que cheikh Mahfoudh Ould Waled, dit Abu Hafs, n’est pas un citoyen comme les
autres. Il fait partie d’un processus tacite de gestion des rapports avec les éléments
activistes et que sa présence tolérée, sinon aménagée en Mauritanie, n’est qu’un
maillon de cette stratégie.
Dénoncer la présence de ce personnage aux
autorités, ne se concevra, par ses dernières, que comme une démonstration de
leur incompétence, alors qu’en réalité il sert des objectifs de sécurité, qui
relèvent de la sûreté nationale.
Au vu de la défaillance des procédures judiciaires
à son égard, c’est l’explication la plus plausible.
Et dans cette situation, il est à craindre que
la dénonciation faite par ce journaliste ne soit perçue par les autorités que
comme une menace à l’équilibre tacite et au statu quo mis en place par ces autorités
dans la sous-région et dont la tolérance de cheikh Mahfoudh Ould Waled, repenti
ou pas, sur le territoire mauritanien ne serait qu’un des instruments de la
stratégie.
Et dans ce cas, et avec l’instrumentalisation
de la justice, le « terroriste », risque de ne plus être celui que l’on
croit.
Et dans ce contexte, toute défense se
doit de tenir compte ce qui n’est pas que le droit : les circonstances.
Il y a deux sortes de justice, disait
Coluche : vous avez l'avocat qui
connaît bien la loi, et l'avocat qui connaît bien le juge.
Pr ELY Mustapha
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