Pauvre insecte, dit-il, la grandeur n’est qu’un rêve ;Par des succès d’un jour ton orgueil est trompé,Mais c’est, dit-on, l’usage : à peine l’on s’élève,On ne se souvient plus que l’on avait rampé.
“Le
Papillon et le Pinson”
Fables[1]
L’observation de l’évolution politique de la Mauritanie
depuis l’avènement de Aziz au pouvoir, et son départ tient en deux éléments :
l’autoritarisme et le pillage. Ces éléments tiennent à la personne elle-même du
général Aziz, tête brûlée (I), à l’impact qu’a eu sur lui son environnement
politique (II) et à la stratégie de la terre brûlée qu’il a déployée pour
neutraliser ses adversaires (III).
Bien qu’ayant
cédé le pouvoir, Aziz reste fidèle à son personnage et à son entourage de
courtisans corvéables à merci, il ne manquera pas d’activer sa stratégie de la
terre brûlée, pour diviser et déstabiliser et assouvir sa soif du pouvoir. Car en
cédant le pouvoir, il n’a jamais pensé le quitter. Ghazouani est dans la ligne
de mire. En effet, Aziz est un homme qui « putsche » plus vite que
son ombre et qui a fait des putsch un argument de …dialogue (IV)
I-
Les éléments tenant à la personne même du général :
Tout est (à) moi.
L’’analyse de la personnalité du général
Aziz, ressortant de ses actes et des multiples analyses qui lui furent consacrées,
peut être résumée en quelques lignes et explique pour une part ce qui est
arrivé et ce qui arrive :
- Aziz est imbu de sa personnalité, il n’écoute
que lui-même, il s’écoute ;
- Il est trop sûr de sa façon de « gérer »
l’Etat et ne reconnait pas ses erreurs ;
- Il est toujours sur la défensive et prend ses
adversaires de haut ;
- Il a trop de certitude quant à sa capacité de
se protéger lui-même (le « syndrome du Basep)
- Il a une négligence manifeste pour le reste de
l’armée mauritanienne qu’il pense amadouer en mettant ses hauts officiers dans
le confort matériel.
La conséquence d’une telle attitude de mépris et
d’autosuffisance ne pouvait que générer la frustration et l’esprit revanchard
de toute une partie de l’armée, notamment des officiers et des sous-officiers
(au front et à la corvée) et d’une classe politique rabrouée et matée
occasionnellement par la force.
II- Les
éléments tenant à l’environnement politique du Général : une courtisanerie
rampante.
Bien qu’il soit resté longtemps dans l’ombre de
Taya, qu’il ait vécu dans les coulisses d’un pouvoir répressif et omnipotent où
il a fait ses classes de putschiste parmi les intrigants de Palais, Aziz n’a
cependant pas assimilé une leçon essentielle : le pouvoir corrompt. Et en
Mauritanie, il corrompt à travers les courtisans.
Les courtisans se sont ceux qui ont fait croire à
Aziz qu’il avait la légalité et la légitimité de gouverner, qui l’on entouré,
dès le premier jour de son accès forcé au pouvoir, applaudissant à se rompre
les « phalanges ».
Ces courtisans se sont ceux qui lui ont
confectionné un parti fantôme (UPR) et qui lui ont fait croire qu’il gouverne
avec une légitimité partisane. A-t-on jamais vu un parti qui nait après des
élections présidentielles et qui se déclare « majorité présidentielle ». Le
ridicule ne tuant pas, il induit son homme en erreur. Aziz en fut un.
Des courtisans brassant à bout de bras les
deniers de l’Etat sous la bénédiction d’Aziz (des banquiers des commerçants
cousins), des projets bradés à la parentèle (blocs, aéroports, concessions
diverses de service public, marchés publics…).
Aziz accapare et distribue dans une stratégie
aussi vielle que le temps : une bouche pleine ne peut parler, un ventre
rassasié s’endort et un intérêt partagé est un soutien.
Mais Aziz a vite oublié que ce qui s’obtient par
la force finit toujours par être rendu par la force. Et que ce qu’il aurait dû
faire c’était d’œuvrer à résorber une violence qu’il a inaugurée, depuis son
coup d’Etat. Car la violence n’engendre que la violence et doublée d’injustice,
elle emporte son homme.
Aziz n’a ni bâti la paix intérieure et encore
moins la paix extérieure. Cette dernière a été sacrifiée aux alliances floues
(avec des groupuscules) et aux accords secrets (avec des factions) qui ont miné
toute crédibilité de son action sincère dans la sous-région.
Ses courtisans avides de gains à l’intérieur, sa
médiocre diplomatie à l’extérieur, finiront par avoir raison de lui. Ses
blessures aujourd’hui, il les doit à cette situation. Car ce n’est pas un
ennemi potentiel, El Qaida qui les lui a infligées, c’est bien des éléments de
son propre environnement interne.
III- Les éléments tenant à la politique du Général, au pouvoir : la stratégie
de terre brûlée.
La stratégie d’Aziz est celle de la « terre
brulée ». Elle consiste à saper, devant tout mouvement qui se crée, la
possibilité de progresser et de se développer. Et cela en lui enlevant ses
moyens, en les corrompant ou en les attirant à lui.
Cette politique est à la base d’une stratégie
militaire qu’Aziz à redéployée dans le monde politique.
« La politique de la terre brûlée est une
tactique consistant à pratiquer les destructions les plus importantes
possibles, impliquant, en cas de conflit militaire, de détruire ou d'endommager
gravement ressources, moyens de production, infrastructures, bâtiments ou
nature environnante, de manière à les rendre inutilisables par l'adversaire.
Cela peut concerner une tactique offensive, consistant à ravager les
territoires de l'adversaire afin de l'empêcher de reconstituer ses forces ou de
trouver un refuge, ou bien une tactique défensive consistant, face à une armée
d'invasion, à se déplacer ou à se retirer (retraite) en détruisant ou en
brulant tout derrière soi (habitations, récoltes, bétail, routes, ponts, moyens
de communications et de production), afin d'ôter à l'ennemi toute possibilité
de ravitaillement.
Au sens figuré, cette expression désigne
aussi l'attitude d'une personne qui, risquant de perdre face à un adversaire,
saccage la place que celui-ci s'apprête à prendre afin de minimiser ses gains
et de gêner toute progression ultérieure. »[1]
Rappelons-nous durant ses mandats, les exemples
fort illustratifs amplement relayés par les médias. Pour les islamistes (I),
le mouvement du 25 février (II), le mouvement estudiantin (III),
l’opposition (IV). Une même et unique stratégie.
I)
L’assagissement des
intégristes : La raison sans raison
L’on se rappelle la volonté du pouvoir de ramener
à la « raison » les intégristes emprisonnés en leur envoyant les oulémas en
prison et en leur dispensant des montants financiers en contrepartie de leur
renoncement à leurs activités. Aziz pensant ainsi récupérer le mouvement
intégriste en amadouant certains de ses membres virulents. Sur ce plan, l’échec
a été cuisant. Refusant sa « raison » ils ont été expédiés dans un coin du
désert au mépris de tous les principes des droits de l’homme. N’ayant pu les «
phagocyter », il s’en est débarrassé.
II) Le mouvement du 25 février : manipuler
pour diviser
Lorsque les jeunes mauritaniens, à l’instar de
ceux de la sous-région se révoltèrent, Aziz trouva le moyen de les diviser à
travers des jeunes recrutés à cet effet et qui se constituèrent en « partis »
soutenant Aziz et dénigrant le mouvement, allant même jusqu’à s’identifier
faussement à d’anciens membres de ce mouvement pour entrainer son éclatement.
La politique de la terre brûlée, a consisté à mobiliser une partie de la
jeunesse désœuvrée et intéressée pour contrer une autre qui menace son régime.
La première a été présentée comme le véritable moteur du mouvement du 25
février entrainant ainsi des difficultés de déploiement pour ce dernier.
III) le mouvement estudiantin : nommer pour
neutraliser
Lorsque le mouvement revendicatif s’est amplifié
à l’université, Aziz s’est aussitôt entouré d’un recteur et d’un étudiant
dirigeant d’un des mouvements. Le premier fut nommé chef de cabinet, le second
conseiller au cabinet. Ces deux “nommés” firent un travail de fond pour assagir
le mouvement dont on n’entend plus guère parler aujourd’hui. Aziz a pris les
devants en intéressant des acteurs du mouvement.
Si, aujourd’hui et à juste titre, un bon nombre
de partis de l’opposition crie au « scandale et à la trahison », c’est parce
que Aziz a su phagocyter certains partis pour assoir ses desseins de pouvoir.
L’accord signé, avec Boidiel et autres compères
(dont Ould Boulkheir) n’avait d’autres objectifs que de mettre en quarantaine
le reste de l’opposition et fortifier le pouvoir du général. C’est un accord
qui n’est que l’expression de la politique de la terre brûlée : diviser
l’opposition et la priver de ses moyens dont le premier est son unité face au
pouvoir. Sans unité et divisée à propos d’un accord, l’opposition sombre dans
les chamailleries et les coups bas. Et cela arrange le pouvoir. Il en profite à
travers le temps qu’il gagne (continuant ainsi à « gérer » le pays) et à jouer
« l’arbitre » du match qu’il a gagné d’avance.
Quel est l’instrument de cette stratégie de la «
terre brûlée » ? Simplement la « phagocytose ». Connue dans le monde
cellulaire, la « phagocytose » est une forme de capture d’éléments à détruire
se trouvant dans le milieu ambiant. Soit que ces éléments menacent l’organisme
soit qu’il s’en nourrit.
Depuis l’arrivée d’Aziz au pouvoir, son régime ne
fait que « phagocyter » les mouvements, les biens et les personnes. Il happe
tout mouvement partisan ou populaire qui le menace, et produit immédiatement
son contraire (partis et jeunesse manipulés) pour le neutraliser, il
s’approprie les biens de l’Etat (à travers les privilèges qu’il octroie à ceux
qu’il phagocyte) et immobilise les personnes qui le contredisent (à travers son
système judiciaire et pénitentiaire).
II-
Les éléments tenant à la politique du Général, hors du
pouvoir: le putsch
Aziz est un militaire qui a fait
sa carrière militaire dans la soie. A l’ombre du palais. C’est un putschiste de
palais. Qui n’agit que dans l’ombre. La lumière le gène. Et la lumière en tout.
La nature est ainsi faite qu’il y des dirigeants des lumières et des dirigeants
de l’ombre.
En effet, c’est un personnage qui
fut dans l’ombre de Taya, qu’il renversa. Dans l’ombre d’Ould Mohamed Vall, qu’il
isola, dans l’ombre de Sidioca, qu’il renversa. Avec Sidioca il accomplit
(c’est dire l’exploit!) de renverser sa propre ombre. N’est-ce pas inimaginable
?
Bref, il fut dans tous les coins
d’ombre du palais. On comprend donc que cet homme qui a toujours vécu dans l’ombre et
qui fut un jour en pleine lumière, se sent à découvert. Et quand il avait pris
le pouvoir et n’ayant plus d’ombre puisqu’il a renversé la sienne, il en cherchait.
Alors il mettait les gens à l’ombre assouvissant ainsi inconsciemment, son vœu
intérieur d’être lui-même à l’ombre.
Pourquoi le général Aziz
affectionne-t-il l’ombre, pour lui et pour les autres ? La réponse est à
chercher dans la psychanalyse.
La psychanalyse
jungienne nous donne la signification de « l’ombre » :
« L'ombre est la personnification
de tout ce que le sujet refuse de reconnaitre et d'admettre en lui. Se mêlent
en elle les tendances refoulées du fait de la conscience morale, des choix
qu'il a faits pour sa vie ou d'accéder à des circonstances de son existence, et
les forces vitales les plus précieuses qui n'ont pas pu ou pas eu l'occasion
d'accéder à la conscience.[2]
»
Dans l’analyse Jungienne «
L'ombre est la personnification de tout ce que le sujet refuse de reconnaitre
et d'admettre en lui ».
Effectivement Aziz ne veut pas
admettre qu’il n’est qu’une « ombre » et refuse de reconnaitre qu’il ne
peut ni ne sait gouverner. Qu’il s’est contenté de s’assoir sur un fauteuil
usurpé et pense gérer les affaires de l’Etat en les confiant à des individus
acquis à sa vision limitée du devenir de la Nation. De même qu’il « refuse
d’admettre » que les mesures qu’il prenait (à part les inévitables permis de
prospection minière qu’il entérine dans son conseil des « ministres ») étaient néfastes
et impopulaires (le recensement en cours en est l’illustration la plus
absurde). En poursuivant son ombre, il pensait personnifier l’Etat, alors qu’en
fait sa politique n’est que l’ombre de lui-même… et d’elle-même.
Toujours dans l’analyse Jungienne «
les tendances refoulées du fait de la conscience morale » prennent une place
très importante dans « l’ombre » du sujet. Quelles sont, alors, celles qui sont
refoulées dans le subconscient du putschiste de 2009 ?
L’on sait en effet, que le
subconscient peut se manifester à travers les actes dominants du sujet,
lorsqu’il doit, à travers ses actes, s’exprimer dans une situation critique. Or
la première des mesures ostensibles que tout le peuple mauritanien a constatées
c’est la prolifération des goudrons. Aziz s’est mis à goudronner les voies, à
bitumer à tour de bras. C’est l’attitude d’un homme qui cherche à ouvrir une
voie, un chemin. En somme une route.
Déjà au début de son mandat forcé
il voulait s’en sortir. C’est l’ombre, sa « conscience morale » qui le
poursuit. Qu’à-t-il tant fait dans l’ombre pour que l’ombre semble pour lui le
refuge idéal et dans laquelle il confine tous ceux qui, pour lui, auraient
quelque chose à se “reprocher” ?
Toujours est-il qu’il craint que
son ombre ne le rattrape. Pour preuve sa modification la Constitution pour
empêcher les coups d’Etat.
Le général craint désormais son
ombre comme le traduit bien le proverbe maure : «إخاف
من ظـــــلٌّ ) ». Il est sur le qui-vive. August Jung n’est donc pas loin.
Criminalisation des coups d’Etat sans
effets rétroactifs. L’ombre se protège du soleil. Mais il n’y a point d’ombre
sans lumière. Ghazouani, lui fait maintenant trop d’ombre, car c’est lui qui
est au soleil, et Aziz homme de l’ombre déteste cependant qu’on lui en fasse. Or
rappelons-nous l’analyse Jungienne « les tendances refoulées du fait de la
conscience morale » prennent une place très importante dans « l’ombre » du
sujet.
Et s’il y a deux chose qu’Aziz
regrette, certainement, aujourd’hui c’est d’avoir inscrit dans la constitution
(article 2 nouveau) la criminalisation des coups d’Etat et
d’avoir cru que la loyauté est synonyme de complicité.
Ainsi, par ses déclarations Ghazouani,
l’alter ego, ayant provoqué l’ego, la stratégie de la terre brûlée a déjà commencé.
Tête brûlée, terre brûlée. Pays consumé
par la pauvreté et le désespoir.
Pr ELY Mustapha
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