Ampleur des dégâts et sous-développement socio-économique
et technoscientifique.
Lorsque j’étais membre de l’éphémère
Haute Commission pour la Réforme de l’Education en Mauritanie qui avait
compétence pour proposer de réformes pour tout le système éducatif (du primaire
au supérieur) j’avais rencontré, dans son bureau, un responsable d’une institution universitaire
qui par courtoisie me présenta une quinzaine de ses collaborateurs et collègues
enseignants en me précisant à chaque fois leur fonction et les qualification académiques,
or à ma grande surprise, certaines de ces personnes présentées comme diplômées
de l’université tunisienne, n’ont jamais foulé le pied de ce pays. Notamment des
docteurs et des détenteurs de masters et autres troisième cycles. Possédant
moi-même une base de données de l’ensemble des diplômes mauritaniens de
Tunisie, remontant aux années soixante-dix et présent moi-même, en tant que professeur à l’université tunisienne
depuis 1987, et doyen du corps professoral mauritanien en Tunisie, je fus fortement étonné par cette situation. Si
l’on ajoute à cela que bon nombre de ceux avec lesquels j’ai pu discuter de
matières relevant de ma discipline, ne semblent avoir ni les qualifications ni
le niveau requis pour enseigner.
Discrétion oblige je m’en suis tenu à l’observation
mais avant de quitter Nouakchott une visite de courtoisie chez le même directeur
me permit de lui poser la question suivante :
- -
Cher collègue,
je suis certain que vous n’ignorez pas que beaucoup de ceux que vous m’avez
présentés en qualité d’enseignants n’ont pas les diplômes qu’ils prétendent posséder…Pourquoi
ne procédez-vous pas une vérification auprès des institutions concernées ?
M’attendant de sa part à une requête
pour plus d’explicitation ou à au moins à un appui pour ce faire, je fus fort
étonné quand il me répondit tout naturellement du monde :
-
- Veux-tu qu’ils
me tuent…
Ce « ils », qu’il utilisait, ne concernait pas seulement les enseignants, porteurs
de faux diplômes, mais allait bien
au-delà ! Il y avait une loi du silence, une Omertà qui maintenait un
statu quo à la sicilienne, sur la question des faux diplômes…
En
effet, je n’avais pas alors mesuré le danger que pouvait représenter pour lui le
simple fait de penser à vérifier les diplômes, il était lui-même pris au piège.
L’ampleur de la falsification était telle qu’elle
toute touche toute la sphère de l’université, de son administration interne, de
l’administration de tutelle et même toute l’administration mauritanienne si l’on
s’en tient uniquement au service public…l’enseignement privé, lui, n’était
certainement pas épargné.
Ceci me fut encore confirmé lors d’un
récent séjour à Nouakchott et visitant quelques administrations publiques
de la place, je fus surpris par le nombre de personnes qui s’interpelaient par
le terme “Docteur”. Dans un ministère j’en ai même compté une vingtaine par étage. Tous les directeurs, les chefs de
services, et la plupart des cadres se donnaient du “Docteur”. Du “Docteur” en
veux-tu ? En voilà.
J’aurai été ravi de cette situation si
elle n’était pas quelque peu bizarre. Et ce n’est point un jugement de valeur
puisque je connais le cursus universitaires de certaines des personnes
rencontrées et qui ne pouvaient ni de près, ni de loin se prévaloir du
titre de docteur. Et pourtant, elles s’en targuaient. Alors que se passe-t-il
pour qu’un titre universitaire aussi prestigieux, chèrement acquis aux prix de
l’intellect, et du sacrifice d’années entières d’une vie de recherche
souvent difficiles, et durement passées, puisse aujourd’hui devenir un titre
que chacun porte?
Cette situation porte gravement
atteinte au développement du pays (I) et se doit de trouver une solution
à travers l’analyse de la situation, ses origines et de son ampleur (II)
vu les préjudices causés aux véritables diplômes mauritaniens (accaparation des
emplois par les faux diplômés, ternissement de l’image du véritable diplômé
mauritanien) et au développement du pays (incompétence, culture de la
médiocrité, atteinte au développement dans tous les secteurs).
I) Les faux doctorats et les
conséquences sur le développement du pays
Les développements qui suivent peuvent
être appliqués, quant aux conséquences, à tous les faux diplômes. Toutefois, la
falsification du doctorat revêt une importance particulière du fait de la
nature de ce diplôme (a) et des conséquences que ce diplôme peut avoir
sur le développement du pays (b)
a) Le doctorat qu’est-ce que c’est?
Le doctorat (du latin doctorem,
de doctum et supin de de docere, enseigner) est
généralement le grade universitaire le plus élevé. Le titulaire de ce grade est
le docteur. Dans la plupart des pays, la préparation d'un doctorat dure en
général trois ans (durée jugée normale en sciences formelles et naturelles) et
peut se prolonger plus longtemps en sciences humaines et sociales (six ou sept
ans en droit)(Wikipédia).
La durée du doctorat et son appellation
dépendent des pays et des universités. Sur cette variété, nombre d’article résume
la situation pour un certain nombre pays
Nous nous attacherons simplement à
donner le schéma classique d’aboutissement au Doctorat. Schéma qui correspond à
la plupart des cursus universitaires sérieux et reconnus. Ainsi distinguons
trois types de diplômes qui portent cette appellation de “doctorat”, mais qui
ne sont ni équivalent dans leur durée ni dans l’échelle des études
universitaires. Le Doctorat de troisième cycle, le doctorat d’université et le
doctorat d’Etat.
Le doctorat de troisième cycle, comme
son nom l’indique sanctionne des études de troisième cycle. Il porte
l’appellation Doctorat suivant les universités, certaines universités ne
délivrent que des diplôme de troisième cycle équivalent appelés DEA
(Diplômes d’Etudes approfondies), ou plus récemment Mastères de troisième
cycle. Ces derniers suivant les récentes réformes se subdivisent, grosso modo,
en “Masters spécialisés (ou “professionnels”) et en Masters généraux (ou de
“recherche”). Seuls ces derniers donnent la possibilité de s’inscrire en
doctorat. Mais ni les premiers, ni les seconds ne confèrent, en tant que
diplômes de troisième cycle, le titre de Docteur.
Le titre de docteur est attribué aux
titulaires d’un Doctorat d’Etat, premiers doctorats reconnus par les
universités, et les titulaires des doctorats d’université, crées ces
dernières années.
Ainsi, sans entrer dans
l’exhaustivité ,(systèmes classiques/récents LMD) et quelle que soit la
pluralité des systèmes, le règle est claire: n’est docteur que celui qui est
titulaire d’un doctorat d’Etat ou d’université ou d’un titre équivalent
en nombre d’années de recherche, et cela après l’obtention d’un diplôme de
troisième cycle quelle qu’en soit l’appellation (d’une durée de deux ans dont
une année d’étude et une année de recherche) après une maitrise ou un licence
de ( trois à quatre ans ). Le doctorat (notamment d’université lui-même variant
dans sa durée entre 3 ans et 5 ans. Le doctorat d’Etat, pouvait aller jusqu’à 7
ans et l’on a pu constater qu’il pouvait même aller au-delà.
Pour résumer : Baccalauréat >>
Maitrise >> Diplôme de Troisième cycle >>Doctorat.
Tout autre circuit pour
l’obtention d’un Doctorat est incomplet et dans tous les cas douteux. Et
cela quelle que soit l’université ou le pays qui le délivre.
Ceci ne concernant pas les Doctorats
“Honoris Causa”, qui sont des doctorats d’honneurs délivrés par des
universités à des personnalités pour leur action dans des domaines divers à
l’échelle nationale ou internationale (politique, diplomatique, social etc.).
Mais même là encore, ce diplôme n’honore pas forcément l’université qui la
délivré ni celui qui le reçoit (certains dictateurs avaient reçu ce doctorat
honoris Causa). C’est autant dire donc que l’obtention d’un Doctorat est
une affaire à prendre avec la plus haute importance et cela est d’autant plus
impératif que les conséquences des faux diplômes sur le développement des pays
sont extrêmement graves.
b) Les conséquences faux doctorats sur
le développement en Mauritanie: la destruction du capital humain
Dans l’approche économique, les
différentes théories (du capital humain, du filtre et du signal et du statut
social, notamment) attribuent des fonctions extrêmement importantes
aux diplômes dans le développement. Il ne fait pas de doute
qu’ils sont l’indicateur premier des qualifications du capital humain dont
dispose un pays. On série les qualifications suivant le niveau du diplôme
obtenu, l’expérience acquise venant renforcer ces qualifications. Les
statistiques sur les diplômés permettent de donner une image non
seulement du niveau d’éducation mais des capacités des ressources humaines dont
dispose le pays. Le diplôme est aussi dans la théorie du filtre et du signal,
un moyen de détecter ceux qui sont potentiellement capables de remplir les
fonctions attendues. Ils signalent un niveau d’étude et permettent de prétendre
passer par le “filtre” de sélection des recruteurs publics ou privés. Ce qui
est extrêmement important, pour l’emploi des compétences; et des études
récentes montrent que l’existence de ces filtres sont des déterminants de
l’investissement de compagnies étrangères dans certains pays en développement.
Enfin, dans la troisième approche, le
diplôme permettant à celui qui le détient un statut social spécifique, il lui
offre un positionnement non seulement sur le marché du travail (théorie du
capital humain, du filtre et du signal), mais aussi sur le plan social. Le
niveau du diplôme déterminant sa prétention à de fonctions plus élevées, à une
meilleure rémunération et à un niveau de vie plus élevé.
Le doctorat est par essence un diplôme
délivré à une personne qui, à travers un cursus universitaire accompli a acquis
après plusieurs années de recherche, un savoir et une certaine maitrise
de son domaine de compétence. Dans les universités de renom, seuls ceux qui ont
obtenu de bonnes mentions à la fin des différents cycles par lesquels ils sont
passés, sont autorisés à s’inscrire en Doctorat. C’est autant dire que le
Doctorat est par essence sélectif et concerne des personnes qui ont une
certaine latitude scientifique et veulent continuer dans ce sens pour le
développement de la connaissance. C’est autant dire donc que celui qui obtient
son doctorat a un précieux bagage scientifique et intellectuel qu’il est appelé
à enrichir et à transmettre.
Le docteur c’est, donc celui qui a
accumulé une importante somme de connaissances dans son domaine, qui a maitrisé
les outils conceptuels, méthodologiques, pédagogiques et techniques lui
permettant de faire de sa discipline un champ fructueux de recherche, de
développement et de progrès. C’est autant dire que son apport pour le développement
est important.
Le diplôme de docteur, permettant à son
titulaire d’occuper des hautes fonctions du moins des fonctions clefs dans
l’enseignement, la recherche, l’administration publique et privée (tous
secteurs confondus), on comprend alors non seulement la déperdition que subit
la nation entière en ne l’employant pas. Et l’on comprend par là même, la
catastrophe que pourrait subir une nation en employant de faux docteurs.
Et il ne fait pas de doute que
l’existence de ces faux docteurs va pénaliser les véritables titulaires des
doctorats. D’abord en introduisant l’incompétence, l’ignorance et
l’inefficacité dans les emplois qu’ils occupent indument, ils ternissent
l’image de ce titre et de ses porteurs. D’autre part, cette incompétence va
entrainer une chute certaine de la croissance dans tous les secteurs du
développement où l’emploi des compétences est requis.
II- La situation en Mauritanie des faux
docteurs: quelle ampleur, quelles solutions?
Eut égard, à la situation qui prévaut
actuellement, et qui est perceptible à tous les échelons de la vie économique,
il convient de s’interroger sur ses causes (a), pour proposer quelques
solutions (b)
a- Les causes de la floraison des
docteurs en Mauritanie
Si l’on entend souvent parler de faux
diplômes, on entend, par contre, peu parler des “faux-vrais”
diplômes (ou de “vrais-faux” diplômes)
Il convient de les distinguer,
bien qu’ils aient les mêmes objectifs (infiltrer l’ensemble de l’appareil
politique, économique et social du pays par des individus sans foi ni loi) et
ils ont tous les mêmes effets (profiter d’un droit indu, engendrer
l’incompétence, la médiocrité et le sous–développement).
Les faux diplômes :
Qu’est-ce qu’un faux diplôme?
“Une façon simple de définir les
faux diplômes serait de procéder par exclusion, en les définissant comme tous
les prétendus diplômes ne satisfaisant pas aux conditions de définition des
vrais diplômes. Malgré son caractère englobant, une telle définition ne permet
pas d’approfondir l’analyse, d’où la nécessité de la dépasser. Les faux
diplômes peuvent être classés en deux grands types, à savoir, la contrefaçon
pure et simple d’un vrai diplôme et la création ex nihilo d’un document
écrit attestant un titre ou un grade, délivré par une institution souvent
virtuelle et non habilitée à le faire.
Dans le premier cas, le faux diplôme en
question porte des signes distinctifs cherchant à imiter le vrai diplôme, comme
le nom ou le logo de l’institution dument habilitée à le délivrer. Une telle
falsification est relativement similaire, au moins sur le plan analytique, aux
faux billets ou aux fausses pièces d’identité. Dans le deuxième cas, qui
retiendra la majeure partie de notre attention, le faux diplôme est un document
délivré (ou plutôt vendu) par une institution non reconnue, et ne répondant pas
aux critères minimaux (personnel qualifié, cours, examens, etc.) permettant de
délivrer le titre concerné. La notion de faux diplômes est étroitement liée à
celles d’« usines à diplômes » (diploma mills), c’est-à-dire
d’institutions non habilitées ou bénéficiant d’habilitations douteuses. Ces
habilitations douteuses peuvent correspondre à une large variété de stratégies,
comme l’habilitation par des organismes eux-mêmes non habilités à le faire, des
« usines à accréditation » (accreditation mills) ou le mensonge pur et
simple en affichant une habilitation contrefaite d’un organisme réellement
accrédité” 1
Sans préjuger des droits des
véritables détenteurs de vrais diplômes de ces pays et qui exercent en
Mauritanie, il reste que beaucoup de pays ont été la source de délivrance
à grande échelle de faux diplômes de la licence au doctorat. De ce fait
les pays arabes sont touchés de façon dramatique. Le Koweit, la Syrie, l’Arabie
Saoudite, le Soudan, l’Irak, la Jordanie, l’Egypte, pour ne citer que ceux-là,
ont une “élite” qui s’est illustrée par les faux diplômes. Comme en témoigne la revue de Presse
suivante 2:
·
Journal koweïtien Al-Nahar
A publié un article le 7 Juillet 2008, de l'écrivaine,
kafieh Ramadan dans lequel elle a révélé la propagation du phénomène au Koweït.
·
Quotidien saoudien Al-Wasat
Publié un article le 14 Novembre 2010 de l'écrivain
Mohammed Haidar intitulé "la farce des titulaires de doctorats".
·
Journal Saoudien Okaz
A révélé dans un article daté du 17 avril 2010
l'arrestation d'u vendeur de contrefaçon de doctorats
·
Le Forum indépendant - Jordanie
Ce journal a publié le texte suivant le 3 août 2008
"Des dizaines de médecins jordaniens qui ont acquis
de la notoriété, ont acheté leurs doctorats d'un américain, pompier de son état
et le vendeur de faux certificats. Cet américain travaillant avec sa femme dans
le commerce des diplômes aux États-Unis.
·
L'Echo de Syrie
Ce journal a publié le texte suivant le 14 Septembre 2009
: "Mise à pied d'agents de police à la suite de la découverte de leurs
faux diplômes"
Sur le même site on peut lire le 20 août 2008 la
fermeture de l'institution internationale "El Maamoun" qui vend des
faux certificats à Alep et à Mezze à Damas.
·
Site « Iris » de Jordanie
Article du 3 février 2009 Février: " 200 faux Ph.D.
travaillant au sein du ministère de l'Éducation.
·
Voix de l'Iraq
A publié le 27 Octobre 2010: " de faux certificats
et les diplômés sont au chômage".
·
Le journal américain "Spokesman Review" d'Août
2008
A publié 180 noms de ressortissants du Golfe AYANT obtenu
de faux certificats des Émirats arabes unis, Bahreïn, Qatar, etc.
·
Le journal, « la ville » saoudienne
A publié un article le 5 Septembre, Septembre 2010, que
"50 fonctionnaires éducatifs et enseignants ainsi que les directeurs
d'école ont reçu des diplômes de doctorat de manière informelle délivrés pas
des universités ne reconnues.
·
Site Web de la
Province de « Tarif » Arabie saoudite
Publié le 19 août 2008 la liste des noms de centaines de
personnes qui ont acheté leurs doctorats.
·
Site Souria.Com
La chambre sociale de Syrie a écrit le 11 avril 2009 à
l'adresse suivante: 3 faux doctorats de collaborateurs du ministre de
l'Intérieur.
·
Le Réseau des
Nouvelles du Najaf
A publié un article le 5 Septembre 2009 sous la rubrique
"La Commission d’intégrité poursuis cas de 905 faux diplômes détenus par
des responsables irakiens."
·
Le Réseau des
Nouvelles d’Irak:
Publié le 26 avril 2008, une longue enquête menée contre
des ambassadeurs portant faux diplômes et ayant des niveaux d’éducation très
faibles..
Sur des sites du Soudanais : «De faux titres
scientifiques et des faux diplômes pour des doyens d’université iraquiennes
travaillant au Soudan.
·
Forums des
contributeurs au développement économique (Saoudien)
spécialisé dans les actions et les titres saoudiens sur les marchés financiers.
A publié le 13 Août 2008 : « 68 Docteurs saoudiens ont
acheté leur doctorat aux États-Unis au prix de 8000 $. »
·
Qods Al-Arabi - Londres
A publié un rapport le 1er Septembre 2009 Rapport qui a
révélé que 1088 propriétaires de faux diplômes occupent des hauts postes dans
le gouvernement irakien. Et Selon des rapports irakiens on a découvert 3165
documents d’études falsifiés dans des domaines sensibles qui ont été achetés
d’un certain nombre de pays européens.
·
Echarq el awsat 16 Septembre 2010
Dans un style ironique Fandy Mamoun a écrit, « on appelle
le chauffeur de taxi, docteur . De même pour l’employé public lorsqu’il
apparaît à la télévision on l’appelle toujours « Docteur ». Et l’on ne sait pas
si ce doctorat obtenu est un doctorat coutumier ou doctorat de convenances.
Dans un article récent sur le site irakien « Massress »,
intitulé : « Le phénomène de la contrefaçon des diplôme un aspect de la
corruption », l’auteur , Mustapha Mohamed gharib, écrivait : « L’estimation de
ces diplômes falsifiés en Irak est de 35 000 (universités iraniennes notamment,
et des certificats contrefaits délivrés par les universités dans les États du
Golfe, le Liban et le Maghreb arabe )»3.
Aux Etats-unis beaucoup d’entreprises –dîtes “moulins à
diplômes” - très lucratives se sont spécialisées dans le marché des diplômes.
Et le site “spokesman review a publié , en 2008, suite aux enquêtes
judiciaires, une partie “des noms de près de 10.000 personnes
apparues dans une enquête fédérale d'un moulin à diplômes à Spokane-qui
vendait des faux diplômes ainsi que la contrefaçon des études secondaires… .4”
D’autre part des milliers d’entreprises à travers le
monde, vendent des diplômes. Tel ce site chinois qui convertit les diplômes en
euros ou cette entreprise américaine qui délivre les diplômes par
téléphone et retour de courrier.
Le vrai-faux diplôme:
Si les faux diplômes sont, en principe, faciles à découvrir notamment en
écrivant à l’institution qui les a délivrés (quand il s’agit d’une université
reconnue) ou en vérifiant l’existence, la réalité et la validité de
l’institution auprès des autorités du pays (Ministère de l’Enseignement
supérieur, de la recherche scientifique ou de l’Education, par exemple), par
contre le faux-vrai diplôme ne peut être prouvé que d’une seule façon: l’incompétence
de celui qui le détient.
Un faux-vrai diplôme est celui qui est obtenu d’une véritable
université accréditée et reconnue par les autorités du pays, mais ce n’est
pas son titulaire qui a fait le travail pour l’obtenir.
Ainsi le mémoire de fin d’études ou la thèse qu’il a présentée ont
été confectionnés par d’autres personnes, souvent un enseignant de ladite
université et qui l’aide dans sa soutenance à travers des jurys de
complaisance. Le diplôme reçu est donc vrai mais la personne le reçoit
indument. C’est un incompétent diplômé. Les détenteurs de “faux-vrais”
diplômes participent souvent aux recrutements sur dossier et évitent les
concours, et les entretiens de recrutement. Sinon ils tomberaient sous l’effet
de la théorie du filtre et du signal (développée plus haut).
Mais qu’il soit détenteur d’un faux diplôme ou
d’un vrai-faux diplôme, cet individu est assimilable à un délinquant. Dans le premier cas, il tombe sous le
coup de la répression pénale sous le chef d’accusation de “faux et d’usage de
faux”. Dans le second, il sera souvent mis sous la sellette dans le cadre
de l’activité professionnelle dans laquelle il sera toujours un clandestin. Et
dans tous les cas ces deux délinquants porteront atteinte gravement à la
profession qu’ils rejoindront et au développement du pays tout entier.
b) Quelles solutions pour endiguer le fléau des
faux diplômes
Les stratégies les plus utilisées ont été toutes guidées par la volonté des
pouvoirs publics d’enrayer le phénomène. C’est ainsi que certains pays
ont, à travers leurs institutions habilitées (Ministère de l’Education,
de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique), adopté des
mesures administratives, judicaires et professionnelles à l’égard de porteurs
de faux diplômes. Parmi ces pays on retrouve notamment l’Irak, le Togo,
Madagascar etc. Dans ce dernier pays un programme a été mis en place avec
l’aide la Banque mondiale et de la coopération française pour faire face aux
faux diplômes. D’intéressantes mesures ont été prises dans le cadre de ce
programme.
Toutefois l’ampleur du phénomène a poussé à une réflexion qui est allé très
loin jusqu’à concevoir une “dématérialisation du diplôme”, c’est-à-dire de supprimer
le support papier et d’en faire un document numérisé auquel on adjoindrait
alors toute une technologie de cryptage et de d’authentification électronique.
D’autres pays ont envisagé des diplômes “biométriques” à l’image de la carte
d’identité “infalsifiable”, c’est le cas des Comores.
Le secteur public des pays en développement souffre beaucoup de l’embauche
des faux diplômés et cela n’est pas sans conséquences sur son rendement, mais
fonctionnant sur des ressources publiques, produisant des biens non marchands
et non soumis aux critères d’efficacité et d’efficience, il est le lieu
privilégié des faux diplômés. Et pour trouver une solution, il faut passer
nécessairement par la volonté des pouvoirs publics. Sans cette volonté,
l’Etat tout entier continuera à souffrir de cette plaie.
Par contre le secteur privé et notamment les moyennes et les grandes
entreprises ne peuvent souffrir une charge financière d’un personnel
incompétent. Il en va de leur propre existence. C’est pourquoi, la chasse aux
faux diplômes y trouve plus d’attention. C’est ainsi que pour répondre à ce
besoin, des sociétés se sont spécialisées dans la vérification des
diplômes des prétendants aux emplois. Ce service est payant pour la société qui
recrute mais cela lui fait souvent gagner beaucoup plus. Parmi ces entreprises
on trouve “verifdiploma” qui offre aux entreprises la vérification des
diplômes des candidats en quelques secondes sur son site.
En Mauritanie, la solution ne pouvant provenir que des pouvoirs publics, il
est nécessaire cependant que la volonté y soit. Ainsi la création d’une commission
nationale de vérification des diplômes serait une solution. Toutefois on
sait pertinemment que c’est une solution qui ne manquera pas de rencontrer les
difficultés suivantes:
- La crainte de l’ampleur que peut prendre la découverte du phénomène
et le nombre de personnes impliquées à tous les échelons de la vie politique,
économique et sociale de la nation
- la force d’inertie de l’administration publique elle-même qui ne
fera pas avancer les investigations puisqu’elle est, elle-même, concernée par
le phénomène des faux diplômés.
Aussi, à notre avis, seule une commission indépendante du système
politico-administratif mauritanien et comprenant des membres neutres pourra
accomplir cette mission. Mais quand des ministères qui auraient entrepris la vérification des diplômes des
enseignants du supérieur optent pour « le classement sans suite du dossier »,
on comprend l’ampleur de la catastrophe :
« Le
ministère de la fonction publique avait, pour sa part, entrepris auparavant,
des démarches destinées à certifier l’authenticité de certains diplômes
appartenant à des Professeurs du Supérieur.
Le
département s’est enquis à ce propos auprès des universités qui ont délivré les
dits diplômes. Il s’est dégagé de cette vérification, que les diplômes dont
certains sont détenus par des hauts fonctionnaires de l’Etat, ont été
enregistrés par ces académies au nom de personnes appartenant à d’autres pays.
Vu le caractère sensible du sujet, le dossier a été classé sans suite. »
(voir : http://www.cridem.org/C_Info.php?article=687211
)
Ne nous étonnons donc pas que nos édifices publics penchent, que nos aéroports
coulent, que nos hôpitaux sont des mouroirs, que notre système éducatif forme à
la médiocrité, que nos administrations sont incompétentes et que notre économie
est exsangue…
Toute nation qui se veut solide et prospère, éduque ses enfants à la meilleure
école.
En Mauritanie, on vend les écoles et on achète les diplômes…quel avenir ?
Pr ELY Mustapha
________________________________________________
1. Gilles Grolleau et Tarik
Lakhal « Éléments d'analyse économique des faux diplômes », Revue
internationale de droit économique 2/2007 (t. XXI, 2), p. 115-128.
URL : www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2007-2-page-115.htm. DOI : 10.3917/ride.212.0115.
URL : www.cairn.info/revue-internationale-de-droit-economique-2007-2-page-115.htm. DOI : 10.3917/ride.212.0115.
2.Ces références
de Presse sont rapportées par M. Nahed Ismail dans son article publié sur le
site « ettagyir » à l’adresse : http://www.al-tagheer.com/arts6353.html
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Pr ELY Mustapha