On les sait, par expérience et d’avance : le sommet de
la Ligue arabe de Nouakchott accouchera d’une souris.
La ligue arabe c’est la boite à Pandore
des déclarations de bonnes intentions, qui ne se réalisent que dans l’esprit de
ceux qui y assistent. La fameuse devise qui est attribuée à cette organisation
résume bien depuis des décennies la légendaire « efficacité » des
gouvernements arabes qui la composent : « Ils se sont entendus pour
ne jamais s’entendre ».
Ils repartiront de Nouakchott, en
s’étant entendu sur ce qu’ils ne pouvaient s’entendre. Bien-sûr ce sera soft.
Un bouquet de déclarations de condamnations, une résolution dite
« commune » qui ne présagera pas de la communauté des positions. Et bien entendu ce que l’organisateur du
sommet attend le plus, un satisfecit déclamé dans une déclaration solennelle
par laquelle toute la Ligue arabe, délégations confondues à l’unisson avec son
Secrétaire général, se félicite de l’excellente tenue du sommet, de l’accueil,
l’organisation etc. etc. Sommet qui n’a pu se tenir que grâce au Président
Mohamed Ould Abdelaziz... et le général se pavanant aura mis une chape de de
plomb sur le pays rien que pour ça.
Bien entendu c’est le satisfecit
des non-dits : c’est le sommet sunnites versus chiites, c’est le sommet de
l’opposition à Bechar el Assad (qui occupe déjà le siège de la Syrie à la ligue
arabe) versus Bechar. ...c’est le satisfecit des interventions saoudiennes au
Yémen...Et quand l’essentiel des questions précédentes aura été vidé, ce sera
le chapelet de déclarations, de dénonciations du terrorisme et de soutien du bout
des lèvres à la « cause palestinienne ». Et puis cerise sur le gâteau
de l’exaspération par le Régime en place des différentes communautés
mauritaniennes non-arabes : Un sommet arabe ne se tient que dans un pays
arabe !
En somme, un sommet, qui, comme
tous les autres sommets, aura été celui des partis-pris, des alignements
négociés, au détriment des peuples, et du pouvoir des pétrodollars. Ce ne sera
pas le sommet d’éveil du monde arabe, de son développement humain et
intellectuel et de son insertion dans le concert des nations aspirant à la paix,
à la justice et la prospérité
D’ailleurs, le lieu où il se
tient s’y prête-t-il vraiment : la Mauritanie? Un pays pillé, dirigé
par un régime militaire issu d’un putsch légalisé, dont la population vit en
dessous du seuil de pauvreté, dont l’économie exsangue est mise en coupe réglée
par des commerçants véreux avec la bénédiction de son dirigeant et dont les
finances publiques tenues dans l’incompétence absolue, ne sont que la tirelire
du pouvoir.
Un sommet dans un pays assommé de
misère.
Et chacun rentrant dans son pays, Nouakchott retrouvera son
insipide environnement et ses dirigeants béatement satisfaits d’avoir pour
quelques jours mis en conclave des dirigeants arabes qui, déjà, les auront oubliés.
Lorsque le Maroc se désista pour abriter le sommet arabe, en
Avril dernier l’argumentaire de son dirigeant, à travers son ministre des
Affaires étrangères Salaheddine Mezouar était clair :
« Au regard des défis auxquels fait face le monde arabe
aujourd'hui, le sommet arabe ne peut être une fin en soi ou devenir une simple
réunion de circonstance. Les conditions objectives pour garantir le succès d'un
sommet arabe, à même de prendre des décisions à la hauteur de la situation et
des aspirations des peuples arabes, ne sont pas réunies ».
Mais la question est : y
a-t-il jamais eu un succès de sommet arabe ? C’est autant dire que si le
Maroc doit attendre les «conditions objectives pour garantir le succès d'un
sommet arabe », le sommet ne se tiendra jamais au Maroc !
Il fallait donc trouver un pays,
qui aurait érigé la faillite politique en stratégie internationale et qui
aurait été surtout frustré par ses frères arabes de son droit d’organiser ce
sommet. Et on l’a trouvé.
Le 3 mai 2016 devant les
populations de Néma, le général Aziz déclara :
« J’ai personnellement
décidé la tenue de cette rencontre internationale, jamais organisée dans les
annales de l’histoire de notre pays, que les arabes rayaient de cet agenda
d’hébergement de ces assises, chaque fois que son tour d’abriter ce sommet se
présentait.
On ne peut exiger de la
Mauritanie que ce qu’elle détient. Notre pays tient fermement à son droit
d’organiser ce sommet arabe en sa qualité d’Etat arabe et islamique. »
La frustration aidant, la
Mauritanie est donc partie pour organiser le sommet, alors on déclenche les
procédures de « maintenance et de "lavement" du pays ». On bétonne les
trottoirs au lieu de les paver, on pourchasse les immigrants dans la rue, on
expulse les mendiants des rues on purge les bidonvilles des potentiels miséreux
qui pourraient durant le sommet protester, on arrête les dirigeants et les
opposants virulents, on déclare Nouakchott zone militaire.
Et c’est l’appel du pied diplomatique aux souverains du
Golfe pour réclamer un appui matériel et ce sont les voitures de luxe, don du Koweït,
qui débarquent en cargo, à Nouakchott, c’est la prise en charges de
l’organisation par des aides et dons des pays arabes frères....De gros avions transportant la contribution des
Emirats Arabes Unis , en dizaines de véhicules attendus. La Chine
elle-même s’y met et va fournir son lot de voitures pour le sommet, comme si
Nouakchott n’était pas déjà un cimetière de voitures et un infernal bled
d’embouteillages.
Cela pourrait-il être autrement
dans un pays appauvri par ses dirigeants ? Un pays dont les délégations au
sommet qu’il organise s’installent dans un pays voisins, et se font transporter
par des voitures issues de dons, renvoie l’image de la pauvreté de son Etat, de
son infrastructure hôtelière et du manque de confiance dans l’intégrité de son
administration.
Mais que restera-t-il donc de ce
sommet après le passage de ses opulents invités ?
La guérison d’une frustration de
n’avoir jamais pu organiser un sommet de la ligue arabe ?
-
Certes, non. Un pays
pauvre, mal gouverné, restera pauvre et mal gouverné après le sommet. La seule
chose qu’il aura gagné c’est d’avoir montré au monde, grâce aux médias,
l’étendue de sa misère et de sa mal-gouvernance.
La dilapidation des maigres
ressources du pays et la monopolisation de ses énergies civiles et militaires
pour une poignée de déclarations au sommet, probablement sans suite ?
-
Certes que oui. Cela ne
profitera qu’au « m’as-tu vu » présidentiel soit une belle image qu’un
pays veut se forger diplomatiquement à l’échelle internationale, alors que le
moindre journaliste, dirigeant ou organisation au bout du monde, connait sa
misère à l’échelle interne.
La violence à l’égard de populations
entières déshéritées pour les faire taire durant le sommet, et les dégager de
leurs modestes habitats usant de la force publique brute ?
-
A moins de faire atterrir
tous les visiteurs du sommet à Nouakchott en pleine nuit, la misère du pays se
voit même du ciel ! De bidonvilles en bidonvilles, les visiteurs verront.
Et s’interrogeront sur la finalité des richesses de la Mauritanie.
Un pays où ses 3
millions d’habitants sont sous le régime militaire, est-il un lieu pour un
sommet qui se veut digne de ce nom ?
Un pays dont 46% de sa population vit en dessous du seuil
de pauvreté, ses 26 % de déshérités sans logement, ses 90% sans prévoyance ni sécurité
sociale, ses 75% de sa jeunesse au chômage, est-il crédible pour organiser un
sommet où des milliards public et privés sont dilapidés ?
Un pays où 85 %
des femmes sont sans emploi, ses 78 % de familles vivent de l’informel, ses 75
% vivant de l’aide alimentaire internationale, ses 90% de ses richesses entre
les mains de 5 % de la population, ses 60% d’analphabètes, peut-il se
targuer de vouloir se faire une image internationale sans que cela ne soit (et
se sait) une poudre aux yeux ?
Un pays avec ses 78 pour mille de mortalité
infantile, son 0,6 d’indice de développement humain, son administration à 99 %
corrompue, ses politiques à 100% aigris, ses intellectuels à 90% suivistes, ses
fonctionnaires à 100% endettés, ses ambassades duty-free, son gouvernement de
laudateurs, ses commerçants banquiers-véreux, ses
députés sans assemblée, ses sénateur gagne-pain révoltés, peut-il recevoir
le reste monde sans que celui-ci ne vienne en hypocrite, applaudir la misère en « bas de
soie ».
Un pays avec ses
hôpitaux-mouroirs, ses pharmacies-boutiques, son économie surendettée, ses
mines pillées et bloquées, ses régions déshéritées, sa police corrompue, son
armée piégée, ses élèves entassés, ses enseignants déconsidérés, ses familles
en déliquescence, ses enfants dans la rue, ses mendiants dans les avenues, ses
imams rétrogrades, sa justice avariée, sa société en otage,sa dignité
bafouée, son peuple piétiné, son désert qui avance, ses quartiers nauséabonds,
ses bidonvilles à ciel ouvert, sa drogue à fleur de rue, ses médias confisqués,
ses consciences achetées, son pétrole liquidé, ses contrats falsifiés, ses
terroristes déguisés, ses marchés publics privés, son trésor public pillé, peut-il prétendre être une vitrine de
l’excellence en organisant un sommet ?
Certes que
non.
Ce que le monde
intelligent retiendra de ce sommet, c’est qu’à vouloir farder la réalité du
peuple, à travers les déclarations, des satisfécits et des accolades, on pense
mettre, pour quelques jours, entre parenthèses, ce qui, déjà, est un facteur multiplicateur de la
misère : la flagornerie des dirigeants.
Un sommet qui se
lève sur un pays, qui n’a pas sa place...au soleil.
Pr ELY Mustapha
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