mardi 14 juillet 2009

Rancunes et rancœurs : le pacte introuvable





Qui est prêt à perdre ?

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En vérité, la question que chacun se pose, n’est pas la bonne. Dans ce jeu électoral, la vraie question n’est pas de savoir « qui va gagner ? », mais plutôt « qui acceptera de perdre ? ».

En effet, l’examen des principaux candidats en lice, ne laisse pas indifférent ; non pas quant à leur capacité de gagner, chacun, qui comme on le sait, ayant ses atouts, mais à leur capacité de perdre sans plonger le pays dans la zizanie.

Au lendemain du 18 juillet 2009, une personne sera élue. Il n ya qu’un seul fauteuil pour un unique président. C’est alors moins la connaissance du vainqueur qui compte que l’attitude qu’auront les vaincus. Et je crois que l’avenir de la Mauritanie dépendra beaucoup moins de celui qui sera élu que de ceux qui voudront bien le reconnaître.

En effet, les dissensions qui existent actuellement entre les candidats du fait de leur background politique et leurs divergences d’antan présage bien d’une situation dans laquelle, il serait probable qu’un consensus sur l’élu ne se fasse que difficilement.

Aziz, accepterait-il d’être vaincu ? Accepterait-il que ELY soit élu ? Daddah malgré son alliance avec Ould Boulkheir accepterait-il d’être coiffé au poteau au dernier tour par ce dernier ? Ould Boulkheir se fera-t-il à l’idée que Aziz ou ELY soit élu ?

Autant de questionnements dont la réponse se trouve déjà dans la façon avec laquelle chacun appréhende ses chances de gagner et donc d’écarter les autres.

Les sempiternels cris aux « élections truquées » et autres « boycotts d’investitures », vont-ils réapparaître au lendemain du 18 juillet ? Va-t-on revoir pointés les canons aux portes de la présidence et un énième reniement d’élections?

On se dira que c’est trop tôt pour en parler. Mais il est des menaces qui se doivent d’être fixées avant qu’elles n’adviennent.

Aziz : « l’Etat c’est moi ! »

Aziz, sur cette lancée électorale, au vu de ses propos et de sa façon de tenir encore l’armée dan son giron est dans notre opinion, un candidat qui n’acceptera pas de perdre. Les enjeux pour lui sont éminemment importants. « Son » coup d’Etat, son objectif de conquérir la présidence du fait des concessions « qu’il a bien voulu accepter » pour permettre ces élections et son investissement personnel, humain et matériel dans sa campagne présage qu’il ne souffrira pas d’être battu. Sa situation d’être l’instigateur de cette élection, d’en être le pourvoyeur et le « maître » d’œuvre, ajoutés à son tempérament du « j’y suis j’y reste » (l’éviction de Sidioca en témoigne), ne facilite pas l’idée de croire qu’il lâchera de sitôt les brides d’un Etat dont il n a jamais quitté les alcôves et qu’il a même décidé depuis 2007, avec l’élection de Sidioca d’en être le mentor.

Voyez-vous cet homme là du jour au lendemain céder la bride de son Leviathan, au profit du premier venu ?

Il faut être naïf pour le croire. Aziz, a appris, le jeu de la force et il sait qu’elle a sa disposition. Il n’a jamais en vérité quitté son habit de militaire. C’est toujours un candidat en kaki et qui ne renoncerait pas à continuer à squatter le sommet de l’Etat. N’en déplaise aux autres candidats : Aziz a le plus investi dans le pouvoir. Il a fait des coups d’Etat, il a « maintenu » un président démocratiquement élu au pouvoir, il l’a destitué à ses risques et périls, il a défié la communauté internationale et enfin il a gagné en forçant des élections en y impliquant toutes les tendances opposantes confondues.

Croyez-vous que cet homme-là va laisser « sa » place, chèrement gagnée à une opposition qui n’est même capable de présenter un candidat unique ?

Aziz dispose de la force, des fonds de tiroir de la république, de quelques centaines de sous-fifres chèrement nommés dans les rouages de l’Etat et de cette formidable capacité de notre classe politique courtisane à faire volte-face au premier froissement d’un billet de banque. Dans la politique du ventre, idéologie de nos élites politiques, Aziz tient la cuillère et la soupière.

Daddah : « C’est moi, c’est moi ! »

Quant à Daddah, le voyez-vous battu pour la énième fois ? Si après le 18 juillet, il accuse encore une défaite exponentielle, va-t-il encore aller « féliciter » l’heureux élu ?

On en doute fort. Et même s’il le faisait (il en est bien capable) rappelez-vous ses félicitations à Sidioca lors de son élection et la reconnaissance qu’il lui avait publiquement accordée. Le jour du coup d’Etat du 3 août 2008, il était parmi les premiers à soutenir le putsch.

Il pourra bien se courber encore une nouvelle fois et reconnaître le vainqueur, à moins que ce ne soit Aziz qui comme ses prédécesseurs l’on mené en bateau. Saura-t-il accepter sa défaite et s’en retourner à son RFD ?

Rien n’est moins sur. Le syndrome de Koubenni, pourrait très vite revenir infester la scène. A moins que Ould Boulkheir gagne et que Daddah, lui propose d’être son…Premier ministre. Mais cela calmera-t-il Aziz ? Ferait-il patienter ELY ?

Et si Daddah gagnait les élections, il est fort probable que Ould Boulkheir serait un digne perdant qui récolterait les fruits de ses voix pour entrer au gouvernement ou le diriger mais il n’aura pas le réflexe revanchard de renier les élections à moins que, encore, Daddah, n’ait rejoué le « coup bas » de la dernière transition.

ELY : « l’espoir c’est moi ! »

Quant à ELY ould Mohamed Vall, perdre les élections serait encore pire. Pour cet homme « artisan » de la « démocratie en Mauritanie », se voir renié aux élections c’est toute son aura qui disparaît. Cela démontrera le peu d’attachement que le peuple lui a accordé et le peu de cas qu’il a fait de sa fameuse transition par laquelle il s’est présenté au monde comme « l’homme qui a remis le pouvoir aux civils et instauré la démocratie ». Son image en prendra un sérieux coup et tous ses espoirs de regagner un pouvoir qu’il avait si minutieusement convoité s’effriter.

ELY ould Mohamed n’est pas prêt de renoncer à la victoire ; mais il a la capacité de s’allier avec le premier qui accéderait au second tour. Il le fera avec Daddah, affinités durant l’avant dernière transition aidant. Rappelons-nous que ELY ould Mohamed avait miroité durant toute la transition le siège de président à Daddah qui y a cru dur comme fer et ce jusqu’à la déception « Sidioca » (candidat dit-on de Aziz) .

Si ELY réunit quelques pourcentages intéressants au premier tour, il aura à s’allier avec un probable vainqueur du second tour. ELY est sans doute un homme de compromis, faudrait-il cependant qu’il puisse le mettre sous le label « sauver la nation », « consolider la démocratie » et autres expressions de défaites mais qui préservent une part de dignité et une portion du gâteau.

Et si, par miracle, ELY accède au second tour sans Aziz, alors le pire est à craindre au propre et au figuré. Au civil et à l’armée. Toute son énergie sera de maintenir ce dernier dans ses quartiers.

Ould Boulkheir : «un cheval pour mon royaume»

Ould Boulkheir ne craint qu’une seule chose que le ciel ne lui tombe sur la tête ou qu’il tombe de son cheval FNDD. Je ne crois pas que la défaite sera pour lui un prétexte de semer la zizanie ou de prendre en otage les élections à travers les contestations paralysantes du scrutin ou de rejet de leur issue.

A moins que de véritables fraudes ou irrégularités n’entachent ces élections , il est certain que Ould Boulkheir respectera le verdict. À moins qu’Aziz ne gagne et que Ould Daddah n’attrape sa crise de Koubenni entrainant ainsi la contestation ou que le vainqueur ne propose pas un quelconque compromis gouvernemental connaissant les prédilections que l’opposition a pour « le gouvernement d’union nationale ».

Ould Boulkheir s’il est élu pourra entrainer autour de lui un consensus à deux conditions que Aziz ne montre pas les dents et que ould Daddah ne montre pas les dessous de sa veste.

Ce sont là les deux pôles desquels peut provenir la déstabilisation de ould Boulkheir, ce qu’il n’acceptera pas et qui peuvent le mener à tout contester. Face à Daddah ould Boulkheir pourrait être un cheval gagnant à la seule condition que Daddah… accepte de perdre. Et Aziz de le suivre.

En définitive l’avenir dira si la féroce volonté de chacun de ces candidats de gagner les élections cédera la place à un consensus sur le vainqueur en oubliant les rancunes et les rancœurs du passé.

La politique, dît-on souvent, est l’art du compromis. En Mauritanie on l’a souvent trop compris dans le sens du « tout pour moi et rien pour les autres ». Ce qui est l’ingrédient principal de la dictature qui peut naître aussi bien d’un gouvernement civil que d’un gouvernement militaire.

Aussi ce qu’il aurait fallu c’est, avant ces élections, d’engager toutes les parties dans un pacte national de respect des résultats des élections et le faire adopter par tous. Un pacte civique qui permettra de faire prendre chacun ses responsabilité dans l’intérêt du pays tant il est vrai que ces élections plus que toutes autres portent en elles-mêmes une charge émotionnelle et une tension contenue depuis bien longtemps par les différentes parties et qui nee demandent qu’à surgir à la faveur du moindre incident électoral.

Mais déjà aux portes des élections, il ne reste qu’à souhaiter que celui qui perd, bien plus que celui qui gagne, prenne en considération le devenir de la nation. C’est la première présidentielle mauritanienne ou le vaincu sera certainement plus important que le vainqueur.

Pr ELY Mustapha

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