vendredi 8 août 2008

Lettre au Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi.

-
Monsieur le Président,

Maintenant que vous avez le temps de nous lire et que vos préoccupations voyagistes se sont amenuisées, permettez-moi de vous dire que tout au long de votre présidence, on vous a critiqué sur ce blog. Parfois de façon acerbe, mais toujours avec respect et conscience de l’utilité de la critique positive.

Hélas, nous sentions, que ce que nous disions, à l’instar de tout ce que les mauritaniens de bonne foi, écrivent sur le net ou dans les journaux, ne vous parvenait pas. Etait-ce le mur de conseillers que vous vous êtes érigé autour de vous ? Est-ce une négligence de la part de vos services de presse, est-ce une négligence de vous-mêmes ou votre penchant pour les voyages (Voir : Où allez-vous monsieur le Président?)?

Toujours est-il qu’observateurs objectifs d’une vie politique qui grouillait autour de vous, nous avions à maintes reprises sonné l’alarme sur le guêpier dans lequel vous vous trouviez.
Nous avions fait mille et une propositions pour que vous puissiez trouver les moyens de contrer les critiques, d’asseoir votre autorité en prenant les décisions qui s’imposent quand elles s’imposaient.

Parmi ces modestes propositions auxquelles, nous avions consacré maints articles et analyses, nous préconisions :

- L’éloignement des roumouz el vessad de l’activité politique pour éviter le pillage des ressources publiques et redorer le blason de l’Etat auprès des populations. Et nous avions proposé toutes les solutions économiques, sociales et juridiques permettant de réaliser cela (voir : La gabegie en symbole )

- La consécration prioritaire de vos énergies à rehausser le niveau de vie économique et social du pays car c’est là ou le peuple sentira votre présence et votre utilité (Voir : 30 mesures.)

- Le contact avec les populations. A savoir aller sur le terrain, aller au-devant des populations, s’enquérir de leurs préoccupations. Vivre avec elles leurs souffrances et leur désarroi face à la crise économique. En somme montrer que vous occupiez d’eux. Contrairement à cela, vous gardiez une distance qui aujourd’hui se ressent. (Voir : l’équation )

- La communication avec les mass-média et avec l’environnement vous faisait , à vous et à votre gouvernement, cruellement défaut. Combien de fois vous vous êtes adressé au peuple ? Combien de fois avez-vous utilisé les moyens de communication, qui sont à votre disposition, pour entrer en communion avec les masses et leur insuffler une vision positive de l’Etat et de leur devenir. (Voir : baisser la tension)

- La lutte contre les lobbies et les trafiquants qui minent le pays en faisant appel, s’il le faut, aux spécialistes nationaux et internationaux. Afin de reprendre le contrôle sur le pays et sur son économie (Voir: un faucon ).

- L’audit des finances publiques, l’estimation des avoirs réels financiers et patrimoniaux de l’Etat pour détenir une véritable maitrise et une transparence des ressources publiques. Jamais vous ne vous êtes intéressé publiquement à ce chapitre, laissant le nerf vital de l’Etat entre les mains de responsables qui en font à leur guise (Voir : fragilité et dépendance)

Monsieur le président,

Lorsque les pressions sur votre personne et votre autorité ont commencé à voir le jour à travers notamment :

- la fronde des parlementaires,
- les critiques de la fondation de votre épouse,

aux fins de protéger votre personne et d’éviter les pressions et leurs conséquences sur la stabilité et la sécurité de l’Etat, on avait immédiatement proposé les solutions rapides :

- La Dissolution du parlement et organisation d’élections libres (voir : Dans l’arrière cour)

- L’audit financier et de gestion en bonne et due forme, de la Fondation KB. Dans les plus brefs délais. Cette solution vous aura évité de voir rejaillir sur vous, les présomptions de malversation soulevées à l’encontre de cette fondation. (Voir : Audit et règlement de comptes)

Monsieur le Président,

Aujourd’hui, vous avez été renversé et malgré toute votre bonne foi, le peuple ne voit que les réalisations immédiates) qui améliorent son sort, sa vie quotidienne et les actes et les décisions qui éloignent de lui ceux qui l’on pillé depuis des décennies. (voir : un peuple sur le divan )

Le peuple voit le pain avant les lois. Il voit les voleurs avant l’Etat. Il voit l’idéal avant les hommes.

Or sous votre présidence, le pain est devenu difficile, les voleurs ont été nommés au sommet de l’Etat et vous n’avez insufflé à ce peuple aucun idéal ni même une image d’un devenir radieux. L'auriez-vous pu? (Voir: le soufi et les loups et bienvenue sous la tente ocre )

Monsieur le Président,
_
les peuples ayant des démocraties arrachées par leurs révolutions sont légalistes, le peuple mauritanien ne l'est pas. Il a eu comme vous le savez, une démocratie octroyée. Octroyée par des militaires. Il a tenu à cette démocratie tant que son espoir était que la vie sous un régime démocratique sera meilleure que de vivre sous un régime militaire. Et son espoir a été déçu.

Moins de deux ans, me diriez-vous était insuffisant pour tout faire. Je vous dirai que si cette période aussi courte soit-elle, avait été consacrée au peuple et à ses préoccupations économiques, à son idéal d’un Etat épuré de sa corruption, de sa malversation, à consacrer une image de travail de terrain au côté du peuple, de sacrifices visibles de vous-mêmes et de votre gouvernement, auprès de lui (par vos actes salvateurs et vos discours de soutien et de confiance) ,le peuple serait, contre vents et marées, descendu dans la rue pour vous défendre et contrer pied-à-pied ceux qui vous ont renversé.

Hélas, les militaires sont revenus. Et leur première proposition au peuple est de « changer sa condition et de résoudre tous ses problèmes ».

Voyez-vous , monsieur le Président ,un peuple qui refuserait cela après tant d’années de privations ?

Pas le peuple mauritanien. Il y croira. Il a besoin d’idéal.
En effet, le peuple applaudit, non pas parce qu'il supporte forcèment ceux qui viennent d'arriver, mais vivant toujours sa misère, il a l'espoir que le nouveau régime sera meilleur que le précédent.

Ce peuple là n’a pas acquis sa démocratie (celle justement que vous aviez représentée durant ces quelques mois) , elle lui a été offerte ; Offerte sur un plateau d’argent. Il n’en connait ni l’inestimable valeur, ni comment la garder . Comme toute chose reçue sans efforts.(La démocratie assassinée)

Les peuples qui tiennent à leur démocratie, ce sont ceux qui l’ont acquise par la force de leur révolution. Ceux qui ont souffert pour l’obtenir en y laissant leur propre sang. Cette démocratie là, monsieur le président, n’est pas celle à laquelle vous avez participé.

Et si les militaires vous ont renversé, c’est parce qu’ils reviennent reprendre ce qu’ils ont donné. Vous relever de vos fonctions car, pour eux, vous êtes leur créature. Vous deviez les « rassurer » que la démocratie octroyée se fera à leur avantage et vous en avez voulu autrement.

Aussi, ne comptez pas sur le peuple pour défendre la légalité. Car il n’a vu de l’Etat, qui personnifie la légalité, que corruption et arbitraire.

A moins que le bon Dieu n’en décide autrement, ne comptez pas sur le peuple pour descendre dans la rue vous défendre. Car vous ne lui avez pas enlevé l’épine de la misère du pied. Et ce qui le préoccupe encore c’est l’épine. Pas vous.

Monsieur le Président,

Si par hasard ces lignes tombent entre vos mains, sachez en tout état de cause que le peuple mauritanien ne porte pas la haine en lui. Que ce qui lui arrive, et auquel vous avez participé, il ne le mérite pas. Qu’il mérite une vraie démocratie, des hommes qui le sortent de sa misère et qui lui insufflent l’espoir d’une vie meilleure.

Nous autre épris de liberté nous militerons jusqu’à notre dernier souffle, pour que la légalité, la démocratie et les institutions soient rétablies. Mais nous le savons déjà , il n’ ya pas de démocratie octroyée. Il n’ y a que celle qui vient de la volonté et de la force du peuple.
-
Avec mes respects.
-
Les respects d'un citoyen qui sait pertinemment qu'en Mauritanie, l'on n' écrit des lettres qu'à ceux qui sont au pouvoir, mais qui vous l'écrit, à vous, parce que pour ce citoyen là le devenir de son peuple et plus important que le pouvoir et ses transitaires.

Pr ELY Mustapha

4 commentaires:

  1. Cher Professeur,
    Très bon article comme d'habitude , je dirai que celui-ci est plein de compassion, pour un homme qui n'aurait jamais du être président.

    RépondreSupprimer
  2. محمد الداه8 août 2008 à 18:25

    أستاذي العزيز:
    شكرا على غيرتكم على الوطن وتحليلاتكم الدقيقة و العلمية ،للوضع الموريتاني، إنني كما هو حال جل الموريتاننيين لست في حاجة لإدانة الانقلاب مهما كانت الأسباب الواهية المقدمة لتبريره من طرف "الميليشيات"التي قامت به.
    كما أنني لست من هواة حمل السكاكين التي تكثر عند سقوط" الثور" إن كان المثل ينطبق على حالتنا.
    لكنني أستاذي العزيز لست في حاجة إلى تذكيركم بان أي مجال سياسي يخضع لقواعد اللعبة على حد تعبير:

    " ألم يقبل السيد الرئيس السابق بقواعد هذه اللعبة المحرفة؟ألم يساير العسكر في اختياراتهم Pierre Bourdieu"
    ولعل آخرها الحكومة الحالية والتي تبدو بصمات الجنرالين الفذين" إلى حين" بادية عليها الم يخلط الرئيس مابين ما هو عائلي ومهامه كرئيس دولة لكل الموريتانيين؟
    لم يستفد من أن السبب الأساسي من بين أخرى لزوال نظام ولد الطايع هو التدخل السافر لحرمه في شؤون الدولة ؟
    ثم ما مدى صحة" الإشاعة" التي تقول إن تعيين الوزير الأول" الحالي" تم مقابل مبلغ محترم تسلمته حرم الرئيس مقابل إقناعه؟
    أين هو مناخ تطبيق الديمقراطية؟وكيف لها أن تستمر في ظل" نخبة سياسية " جشعة تسير من طرف أميين أو أشباه مثقفين منتحلين لشهادات علمية عليا هي براء منهم.نخبة همها الوحي د التهافت لإرضاء جلاديهم سابقا.
    أما العسكر فلا حرج عليهم لكونهم مريضين بالنرجسية و الأنانية وحب السلطة والكبرياء والنفاق والنكوص بالعهد......
    مصداقا لقوله تعالى:( ليس على المريض حرج) لذلك يجب علاجهم اولا.

    RépondreSupprimer
  3. C'est parfait prof.Cette donnera á reflechir non seulement a l'ex president mais aussi aux nouveaux arrivants.Si seulement ce Sidioca avait suivi vos conseils il en sera sûrement autrement.Mais dommage.Une missive á mediter.

    RépondreSupprimer
  4. Pas chanceux ,il etait president que sur papier ,trop passif devait au moins gouverner de main forte disons un peu staline un peu Chavez.A l'exterieur il est connu comme president elu apres des elections libres ,porte drapeau de democratie en Afrique mais le plus important est ignore'c'est sa gouvernance du pays qui s'est terminee par un fiasco.Sans compter son entourage qui a joue'le principal role dans la destruction petit a petit du pays.
    Interessant de savoir ou sont passes l'argent de vente du petrole et tous les dons octroyes suite aux inondations de Tintane.
    Salutations fraternelles.
    UA

    RépondreSupprimer

Bienvenue,

postez des messages respectueux des droits et de la dignité des autres. Ne donnez d'information que certaine, dans le cas contraire, s'abstenir est un devoir.

Pr ELY Mustapha