samedi 1 mars 2025

Confrontation Trump-Zelensky : rien ne sera plus comme avant dans les relations internationales. Par Pr ELY Mustapha

 Le 28 février 2025, ce qui devait être une rencontre diplomatique ordinaire entre le président américain Donald Trump et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky s'est transformée en un affrontement public sans précédent qui a secoué la scène internationale. Cet événement extraordinaire, diffusé en direct à la télévision mondiale, a non seulement révélé la profonde fracture dans les relations américano-ukrainiennes, mais a également catalysé une reconfiguration potentielle des équilibres géopolitiques mondiaux. L'analyse de cet incident diplomatique majeur permet de comprendre comment une simple réunion bilatérale a pu avoir des répercussions systémiques sur la perception des relations internationales contemporaines.

La rencontre à la Maison Blanche était initialement prévue pour aboutir à la signature d'un accord-cadre sur l'exploitation des ressources minières stratégiques de l'Ukraine. Cet accord devait donner aux États-Unis un accès privilégié aux minerais ukrainiens en compensation de l'aide militaire et financière fournie depuis le début de l'invasion russe en 2022. Cependant, ce qui devait être une démonstration de coopération s'est rapidement transformé en un échange d'une hostilité rarement vue dans l'enceinte du Bureau ovale.

La confrontation Trump-Zelensky a provoqué une onde de choc diplomatique mondiale, avec des réactions fortement contrastées selon les acteurs.

Les dirigeants européens ont rapidement formé un front uni de soutien à l'Ukraine. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a immédiatement assuré Zelensky qu'il n'était "pas seul". Le président français Emmanuel Macron a rappelé qu'il y avait "un agresseur qui est la Russie, il y a un peuple agressé qui est l'Ukraine", appelant à "respecter ceux qui depuis le début se battent". Le chancelier allemand Olaf Scholz a affirmé que "l'Ukraine peut compter sur l'Allemagne et sur l'Europe", tandis que le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez a déclaré : "Ukraine, l'Espagne est avec toi".

Ces réactions unanimes témoignent d'une solidarité européenne réaffirmée, mais également d'une inquiétude profonde face à l'évolution de la politique américaine. La cheffe de la diplomatie de l'Union européenne, Kaja Kallas, a même ouvertement remis en question le leadership américain en déclarant : "Aujourd'hui, il est devenu clair que le monde libre a besoin d'un nouveau leader". Cette déclaration sans précédent marque potentiellement un tournant dans les relations transatlantiques.

Transformation des perceptions des Relations Internationales

Cette confrontation spectaculaire a profondément modifié la perception des relations internationales contemporaines sous plusieurs aspects fondamentaux.

La Remise en question du leadership américain

L'incident de la Maison Blanche a considérablement ébranlé la perception du leadership américain dans le monde occidental. La brutalité de l'échange et l'ultimatum lancé à un pays en guerre défendant son territoire contre une invasion ont choqué les observateurs internationaux et les alliés traditionnels des États-Unis. La déclaration de Kaja Kallas sur la nécessité d'un "nouveau leader pour le monde libre" représente une remise en question frontale sans précédent du leadership américain par un haut responsable européen.

Cette érosion de confiance envers Washington s'inscrit dans un contexte plus large marqué par une série de décisions unilatérales de l'administration Trump, notamment l'organisation de pourparlers avec la Russie sur l'Ukraine sans impliquer Kiev ou les alliés européens. Pour de nombreux analystes, cet incident marque potentiellement un point d'inflexion dans l'hégémonie américaine sur l'ordre international libéral d'après-guerre froide.

La rencontre a mis en lumière une conception profondément transactionnelle des relations internationales portée par l'administration Trump. L'insistance répétée sur la "reconnaissance" due aux États-Unis pour leur aide, le lien explicite entre l'exploitation des ressources minières ukrainiennes et le soutien américain, ainsi que l'approche du conflit russo-ukrainien comme une négociation commerciale témoignent d'une vision des relations internationales fondée sur des rapports de force et des échanges de services plutôt que sur des principes ou des valeurs partagées.

Cette vision contraste nettement avec l'approche traditionnelle occidentale basée sur des alliances fondées sur des valeurs communes, comme la démocratie et l'état de droit. Le fossé qui s'est révélé entre cette conception transactionnelle américaine et l'approche plus normative européenne pourrait annoncer une reconfiguration profonde du fonctionnement des relations internationales occidentales.

Fragilisation du multilatéralisme

L'organisation de pourparlers russo-américains en Arabie saoudite sans la participation de l'Ukraine ou des Européens, suivie de cette confrontation publique, signale un affaiblissement significatif des approches multilatérales de résolution des conflits. La tendance à privilégier les rapports de force bilatéraux plutôt que les cadres multilatéraux établis, soulève des questions fondamentales sur l'avenir du système international fondé sur des règles et des institutions communes.

Cette érosion du multilatéralisme intervient à un moment où de nombreux défis mondiaux, du changement climatique aux pandémies en passant par la régulation du numérique, nécessitent précisément plus de coopération internationale structurée. L'incident Trump-Zelensky participe ainsi d'une tendance plus large qui pourrait transformer durablement la gouvernance mondiale.

Au-delà des effets immédiats sur les relations américano-ukrainiennes, cette confrontation pourrait accélérer plusieurs tendances de fond dans la recomposition géopolitique mondiale.

L'incident a renforcé la conviction de nombreux dirigeants européens que l'Europe doit développer sa propre capacité d'action autonome sur la scène internationale. La déclaration de Kaja Kallas sur la nécessité pour les Européens de "relever ce défi" du leadership mondial souligne cette prise de conscience. Les appels à une mobilisation européenne accrue en faveur de l'Ukraine, comme celui de la Première ministre italienne Giorgia Meloni pour un "sommet" entre les États-Unis, l'Europe et leurs alliés sur l'Ukraine, témoignent également de cette volonté d'initiative européenne.

Ce mouvement vers une plus grande autonomie stratégique européenne pourrait accélérer les projets de défense commune et de politique étrangère plus intégrée au sein de l'Union européenne, redéfinissant à terme l'équilibre transatlantique et la nature même de l'OTAN.

La proximité affichée entre Trump et Poutine, combinée à la confrontation avec Zelensky, suggère une reconfiguration potentielle des alignements géopolitiques traditionnels. L'apparent rapprochement américano-russe aux dépens de l'Ukraine et des alliés traditionnels des États-Unis pourrait annoncer une redéfinition des blocs d'influence dans le monde post-guerre froide.

Cette évolution intervient dans un contexte où d'autres puissances, notamment la Chine (bien que non mentionnée dans les sources disponibles), observent attentivement ces développements et pourraient ajuster leurs propres stratégies en conséquence. La fragmentation apparente du front occidental face à la Russie offre des opportunités d'influence et de positionnement pour d'autres acteurs mondiaux.

Criminalisation de la Politique Internationale

Un aspect frappant de cette confrontation est l'utilisation d'un vocabulaire éminemment moral et accusatoire. Zelensky qualifie Poutine de "tueur", Trump accuse Zelensky d'être "irrespectueux" et de "jouer avec la Troisième Guerre mondiale". Cette criminalisation du discours politique international, où l'adversaire est dépeint comme moralement condamnable plutôt que comme un acteur poursuivant rationnellement ses intérêts, marque une évolution préoccupante du langage diplomatique.

Cette tendance à la criminalisation morale rend plus difficiles les compromis et les résolutions pacifiques des conflits, puisqu'elle transforme les désaccords politiques en confrontations entre le bien et le mal. L'incident Trump-Zelensky illustre comment cette rhétorique peut rapidement dégénérer en rupture de communication.

 

La confrontation Trump-Zelensky du 28 février 2025 constitue un moment charnière dans l'évolution des relations internationales contemporaines. Par sa brutalité et sa publicité, elle a mis à nu des dynamiques sous-jacentes qui transforment progressivement l'ordre mondial établi après la Guerre froide. L'érosion de la confiance dans le leadership américain, la montée des conceptions transactionnelles des relations internationales, l'affaiblissement du multilatéralisme et l'émergence de nouvelles dynamiques régionales dessinent les contours d'un système international en pleine mutation.

Pour l'Ukraine, les conséquences immédiates sont potentiellement graves, avec la menace d'un affaiblissement du soutien américain crucial à sa défense. Pour l'Europe, cet incident constitue à la fois un défi et une opportunité d'affirmer un rôle plus autonome sur la scène mondiale. Pour la Russie, il représente une victoire diplomatique inespérée. Et pour l'ordre international dans son ensemble, il révèle les fragilités d'un système de gouvernance mondiale fondé sur des règles et des institutions communes face à la résurgence des rapports de force bruts.

L'histoire retiendra probablement cette confrontation comme l'un de ces moments où la trame des relations internationales se transforme visiblement, non pas tant par les bouleversements qu'elle provoque directement que par les tendances profondes qu'elle révèle et accélère. Dans un monde en quête de nouveaux équilibres, l'incident Trump-Zelensky pourrait bien être perçu rétrospectivement comme l'un des signes annonciateurs d'une reconfiguration majeure de l'ordre international du XXIe siècle.

Pr ELY Mustapha

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