dimanche 13 octobre 2019

Les langues nationales en alphabet arabe: facteur d’unité nationale.



 
Tout moyen (ou toute idée) qui permettrait de rapprocher les mauritaniens et d'éponger les clivages tribaux, ethniques et raciaux ainsi que les barrières linguistiques et socio-économiques se doit d’être révélé et discuté. Cet article en tire son essence. 


Ainsi, dans une optique de rapprochement de la communauté nationale maure et négro-africaine de notre pays, la transcription des langues nationales en alphabet arabe permettrait d’apporter les bénéfices suivants :

-          Un même alphabet de base arabe sera enseigné à tous dès le primaire.

-          L’apprentissage de l’arabe sera plus accessible en lecture et en écriture aux enfants négro-africains.

-          L’apprentissage des langues nationales utilisant l’alphabet arabe sera plus accessible en lecture et en écriture aux enfants maures.

-          Le partage d’un même alphabet de base facilitera la diffusion, l’édition et la vulgarisation de l’arabe et des langues nationales

-          L’accès à travers un même alphabet de toutes les communautés maures et négro-africaines aux sources écrites de leur religion commune, l’islam et son apprentissage.



La phonétique des langues nationales (Poular/Wolof/Soninké…) demandant un lettrage supplémentaire pour traduire cette phonétique, cela fut réalisé pour l’alphabet arabe  pour l’écriture des langues africaines en arabe (voir plus loin dans cet article,  « l’Ajmi ») .


Jusque-là,  les langues africaines sont pour la plupart écrites en semblant de lettres latines mais cela fut un échec total dont les raisons résident dans la « phonétisation » de l’alphabet devant permettre la transcription de ces langues ce qui a mis en échec à une véritable transcription latine de ces langues.


Cette transcription phonétique a mis en échec toute possibilité d’édition ou de publication des écrits en ces langues car l’alphabet supposé être latin, qui n’en était pas véritablement. Et cela à cause de l’introduction et de l’invention de lettres nouvelles devant rendre compte de la phonétique des langues africaines. La littérature mondiale ne foisonne pas d’ouvrages écrits en langues africaines et les maisons d’édition n’en publient pas des centaines.

Alors pourquoi continuer à écrire nos langues nationales en alphabet latin hybride « phonétisé », alors que nous pourrions utiliser l’alphabet arabe ?

 En effet, qu’on le veuille ou non la transcription des langues africaines en Alphabet latin hybride phonétisé est un échec. Les spécialistes sont unanimes à ce sujet et cet échec est originel puisqu’il prend sa source dans la façon avec laquelle l’alphabet utilisé par les langues nationales a été conçu pour justement les transcrire.


« Ces alphabets, écrit un spécialiste, ont été conçus par des personnes ayant une triple caractéristique :

– C’étaient des spécialistes de linguistique, qui utilisaient systématiquement l’alphabet phonétique international pour transcrire les langues africaines, comme on leur avait appris durant leur cursus universitaire. Alors que cet alphabet a été conçu pour faire des recherches de phonétique et non pour créer des alphabets. Le résultat est que la majorité des langues africaines des pays francophones sont écrites avec des caractères phonétiques spéciaux qui sont absents de la plupart des polices de caractères en usage chez les imprimeurs et sur Internet.

– Ces linguistes étaient généralement dénués de tout sens pratique. Ils ne connaissaient rien aux techniques de la presse, de l’édition et de l’imprimerie, et ils s’imaginaient que les industriels allaient construire du matériel d’impression conforme à leurs désirs et leurs directives.


– C’étaient souvent des nationalistes culturels qui voulaient totalement rompre avec l’influence française, et qui donc ne se posaient pas le problème de la coexistence du français et des langues africaines (paradoxalement, ils furent soutenus par certains milieux politiques qui voulaient entraver l’usage écrit des langues africaines et les cantonner dans le simple domaine de la recherche universitaire).


Le résultat est que le système graphique conçu pour les langues africaines est parfois si éloigné du français, qu’un bachelier est incapable de lire sa propre langue maternelle, qu’il n’arrive pas à reconnaître. »[1]

Même l’UNESCO s’est découragée pour éditer en langues nationales phonétiquement latinisées.

« Les problèmes posés à l’édition par la graphie des langues africaines »

« (...)En 1995, l’Unesco a édité une Anthologie de la poésie d’Afrique au sud du Sahara où devaient figurer des poésies en de nombreuses langues africaines, avec la traduction en français. Or, que s’est-il passé ? Le service édition de l’Unesco a jugé qu’il était trop compliqué d’imprimer des textes en langues africaines à cause de la présence des caractères phonétiques. Seules les traductions en français ont donc été éditées. Conclusion : l’Unesco est incapable d’appliquer les décisions qu’elle a elle-même prises. »[2]. L’UNESCO avait, proposé en 1980, « Alphabet africain de référence », mais sans succès.



L’histoire plaide en faveur de la transcription : un retour aux sources




Alors devant cette incapacité de l’alphabet latin à rendre compte de la richesse phonétique de nos langues nationales, l’alphabet arabe est un atout à envisager car il est riche, phonétisable à l’infini et surtout pour les raisons de cohésion, de rapprochement de nos communautés, citées plus haut. Et beaucoup plus que tout cela c’est un patrimoine national. Ainsi « le peul s’écrit en caractères arabes depuis au moins le XVIIIè siècle[3]. »

Ainsi aujourd’hui encore « L’adjami (en arabe عجمي ʿaǰamī) est un ensemble d’alphabets dérivés de l’alphabet arabe, utilisés en Afrique. Ces alphabets ont été ou sont encore utilisés en Afrique de l’Ouest, pour l’écriture du haoussa, du peul, du wolof, du diola-fogny et de plusieurs langues mandingues comme le mandinka, le bambara et le dioula, et en Afrique de l’Est pour l’écriture du swahili ou du somali.

En Afrique de l’Ouest, une harmonisation a été organisée par l’Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) et l’Organisation islamique pour l'éducation, les sciences et la culture (Isesco) au niveau international. Au niveau national, les adjamis sont normalisés au Sénégal avec les Caractères coraniques harmonisés et au Tchad avec l’alphabet national tchadien. [4]»

« C'est l'Islam qui donna l'écriture aux foulah; ils puisèrent dans le Coran les caractères indispensables pour fixer leurs mots. Les observations qu'on peut faire pour l'arabe sont à peu de chose près les mêmes pour le peulh.

Ils écrivent de droite à gauche, sans ponctuation pour fixer leurs propositions ou leurs phrases; pas de distinction de majuscules à minuscules. La première page chez eux est la dernière chez nous. Par contre la langue peulh n'est pas aussi gutturale que l'arabe, aussi les caractères ont-ils des équivalents plus doux. Par l'accord qu’ils font souvent dans les terminaisons à même assonance, c'est une langue musicale et harmonieuse, qui gagne beaucoup à être étudiée. [5]

A méditer pour les générations et leur devenir futurs au-delà des ressentiments et des préjugés présents.

Pr ELY Mustapha



[1] Gérard GALTIER, « Les langues africaines, l’éducation et l’édition suivi de Le cas de Mayotte », in Foued LAROUSSI (dir.), Mayotte, une île plurilingue en mutation, Les Editions du Baobab, Mayotte, 2009, pp. 49-66.
[2] idem
[3] Marie-Eve Humery « L’écriture du Pulaar (Peul) entre l’arabe et le français, dans la vallée du fleuve Sénégal » Thèse en Science de la Société- (CMH-ENS) / Sorbonne Panthéon - Paris I. -2013
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Adjami
[5]Manuel pratique de langue Peulh", par L. ARENSDORFF, Commis aux Affaires Indigènes de l'Afrique Occidentale Française. 1913.

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