La Mauritanie est un pays extraverti qui
regarde vers des pays qui ne regardent pas vers lui. Pris dans son songe
d'arabité, d’africanité, de berbérité (et que sait-on encore ?), il s'oublie
pour aller pourfendre des rêves-moulins à vent. La Mauritanie, un pays-Don
quichotte.
Rappelons-nous, pour mémoire, qu’en 2007,
si les chefs d'Etats des pays arabes ne se sont pas déplacés pour l’investiture
du président de la République mauritanien, c'est que pour eux la Mauritanie
n'est rien d'autre qu'un arrière-pays, sous développé. Un grenier pour demain
auquel on miroite un avenir commun qui n'a de commun que ce que l'on veut en
faire.
De ce qui se dit tout haut (au temps de Hassenein heykal et à celui de Gueddafi, aux déclarations « séoudiennes »)
à ce qui se dit tout bas (et que nous présumons bien), la Mauritanie est
un pays qui, pour le monde arabe, est
une contrée éloignée de tribus et d'ethnies en transhumance qui vivent encore
au temps de leurs ancêtres. Elle n'intéresse ses frères arabes que le temps
d'un investissement, d'un soutien au sein d'une organisation internationale ou
d'une acclamation quelconque qui ne lui profite jamais.
La Mauritanie n'entre dans les
préoccupations d'aucun des pays du
Maghreb et encore moins du Machrek. Elle est tolérée pour ce qu'elle
peut apporter matériellement à ces pays mais elle n'est acceptée que dans le
discours.
Dans la stratégie de ces pays, elle
compte pour des prunes. Disons-le sans détours, la Mauritanie est orpheline de
son arabité qu'elle poursuit à perdre haleine.
C'est pourquoi nous avions appelé, il y
a quelques années, dans un livre largement distribué (« pour demain ») à ce que
la Mauritanie prenne en main sa destinée par elle-même et qu'elle construise
son avenir sans compter sur aucun autre pays qu'elle-même. C'est en enracinant
son identité qu’elle aura sa place dans le concert du monde arabe et africain.
Hélas ! Le Mauritanien ne sent pas
mauritanien au sens où le Tunisien se sent tunisien ou l'Egyptien se sent égyptien….
Le Mauritanien vit encore une arabité et une africanité qui contrairement à ce qu’elles
devraient lui apporter le déracinent. Le Mauritanien n'a pas tiré de ces deux
richesses, une unicité une identité qui fait sa spécificité, il vit
indéfiniment le supplice de l’écartèlement culturel.
Tant que l'Etat Mauritanien n'a favorisé
l’émergence de cette identité du Mauritanien nécessaire pour la construction de
son pays en la tirant de son propre espace socioculturel (afro-arabo-berbère)
et en en faisant une spécificité qui l'identifie par rapport aux autres pays,
il n’y’aura jamais de Mauritanie.
En effet, le Peul de Mauritanie, n’est
ni le Peul du Sénégal, ni de Guinée ou de quelques autres pays. C’est un peul
mauritanien et par l’allégeance à l’Etat mauritanien, son destin et celui de
ses enfants est en Mauritanie, nulle part ailleurs. Cela vaut pour les Wolofs, les
Soninkés de Mauritanie. De même que le Maure de Mauritanie, n’est pas celui du
Sahara occidental, ni du Maroc, ni du Mali ou de quelques autres contrées. Son
destin est fondamentalement lié à celui du Peul, du Wolof et du Soninké de Mauritanie.
Et nulle part ailleurs.
Or il existe une extraversion dans les têtes
et dans les esprits des composantes même du peuple mauritanien, chacune lie son
destin à celui des composantes d’autres pays frontaliers, qui, bien qu’elles
ont la même langue et la même culture ne sont pas mauritaniennes, créant une
extraversion de la Mauritanie, qui l’empêche de s’autocenter sur un peuple qui
s’identifie, par l’allégeance et par le destin commun à la Mauritanie, mais qui s’attache à des communautés éparses au-delà des
frontières, fractions de peuples d’autres
Etats.
Tant que le Mauritanien, quelles que soient
sa tribu, son ethnie ou sa race, ne s’identifiera pas par l’appartenance à un
peuple unique avec sa diversité, il n’y aura jamais de nation.
En regardant le drapeau mauritanien, nos
enfants devront, un jour, pouvoir se dire « je suis Mauritanien ».
Non pas au sens fragile et
culturellement dévoyé qui prévaut dans les esprits d'aujourd'hui. Mais dans le
sens où « je suis mauritanien » signifie, mon pays c'est la Mauritanie, ma
culture est mauritanienne, mon territoire se situe entre les 15èmes et 17èmes
degrés de latitude Nord et les 5èmes et 7èmes degrés de longitude Ouest, mon
Etat est mauritanien. Je fais partie d'un ensemble naturel arabe et africain
qui m'a servi une part de mon identité historique, mais je suis avant tout «
Mauritanien ». Et je privilégierai mon pays à tous les autres ; à l'image de ce
que tous les autres Etats du monde font de leurs pays.
Et c’est avec mon identité et mes
spécificités mauritaniennes que je conçois l'intégration continentale,
régionale, sous-régionale de mon pays.
Mauritanien d'abord, afro-arabo-berbère ensuite.
C'est dans cet ordre que l'on devra concevoir les choses et c'est ainsi que les
dirigeants du monde initient leurs peuples.
Un peuple qui n'a pas une identité et
qui poursuit des chimères ne pourra jamais accéder à un avenir radieux. Car
pendant que ses enfants se cherchent une identité pour que demain ils aient une
nation, une patrie, l'Etat se cherche encore dans des espaces maghrébins,
arabes, africains au mépris du besoin du peuple d'être lui-même, de maîtriser
son destin par lui-même.
Or qu'on se le dise, ni les pays arabes
ni les pays maghrébins, ne voudront (même au nom de la fraternité) dans leur
rang d'un maillon faible. Identitairement, économiquement et socialement
faible.
En somme, le Mauritanien devrait se
regarder d’abord avant de regarder ailleurs. Son avenir, au-delà des
regroupements continentaux ou régionaux, c'est son identité. Celle par
laquelle, il reconnaîtra son frère mauritanien : Peul, Maure Wolof, Soninké. Son frère qu'il
saura identifier dans la multitude des peuples. Et avec lequel, il construit un
pays appelé Mauritanie et dans lequel tous les deux se retrouvent.
La recherche et l’affermissement de
cette nécessaire identité, n'est cependant ni nationalisme, ni isolement, ni
refus du maintenir les liens culturels avec les autres communautés au-delà de
frontières, C’est bien plus que cela c’est l’appartenance à une patrie,
fondement de la Nation. C’est le patriotisme, au sens où il se définit comme
étant « l’attachement profond et le dévouement à la patrie ».
En somme, c’est de se savoir appartenir
à un groupe d'hommes et de femmes qui partagent une culture commune que leurs ancêtres
ont forgée par eux-mêmes sur un territoire spécifique au cours des siècles et
qui n'envie rien à celle des autres peuples. Qu'elle leur est égale et qu'ils
défendront contre toute volonté de la dissoudre dans un espace géographique
quelconque ou de la réduire à une dépendance d'un espace géopolitique ou
géostratégique quelconque.
Cette identité partagée tout en étant une
dynamique respectueuse des volontés des peuples de se regrouper pour un avenir
commun (à toutes échelles continentale, régionale ou sous-régionale), reste l’unique
rempart contre le sacrifice du peuple mauritanien aux intérêts quelconque d'une
nation, d'un Etat ou d'un regroupement proche ou lointain.
L'identité mauritanienne c’est le refus
de l’extraversion pour que, au-delà de ses ethnies, de ses races et de ses
tribus, naisse et se consolide dans l’honneur, la justice et la fraternité, une
communauté de destin dont le dénominateur commun n'est autre que la Mauritanie
d'abord et en fin.
Pr ELY Mustapha.
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