dimanche 30 mars 2008

Déclaration de la mission du Fonds monétaire international à Nouakchott

Faut-il croire le FMI ?

Une mission du Fonds monétaire vient de séjourner en Mauritanie. L’article IV des statuts du FMI disposant, en effet, que chaque pays membre est dans l’obligation de se soumettre à une consultation annuelle afin de discuter de l’évolution de sa politique économique.
Et comme à l’accoutumée, elle a fait sa déclaration. En Mauritanie, comme d’habitude, on s’en satisfait. On se congratule. Les organes officiels relaient les chiffres comme des gris-gris anti-sous-développement. On attend sa copie et on espère être un « bon élève ». Mais faut-il croire le FMI ?
Avant d’analyser ce point de vue, il convient d’abord de s’interroger sur la situation actuelle de la Mauritanie (I) après 23 ans de politique d’ajustement structurel (II) et ensuite d’évaluer l’importance qu’il faut accorder aux appréciations qu’émet cette institution à l’égard de l’évolution économique des pays (III)



I- Mauritanie-FMI :L’Etat des lieux

1- Vingt-trois ans d’ajustements structurels et nous sommes toujours pauvres.


Avant d’examiner sa récente déclaration pour la Mauritanie, voyons d’abord quels sont les engagements financiers réciproques entre notre pays, membre du FMI depuis le 10 septembre 1963 et ce lui-ci.
La coopération financière avec notre pays est ancienne et est même antérieure au programme d’ajustement structurel de 1985 .
En 1979, la Mauritanie avait déjà bénéficié de l’assistance du FMI a l’occasion de son programme de redressement économique. Le plan de redressement économique et financier (PREF), le Plan de consolidation et de relance (PCR) asseyaient déjà la philosophie des Plans d’investissements publics (PIP) et la grande saga des cadres de lutte contre la pauvreté (CSLP), des Cadres des dépenses budgétaires à moyen termes (CDMT)et autres Budget consolidés d’investissement (BCI).
L’ajustement structurel démarra effectivement en 1985, avec son défilé de missions du FMI et ses financements. Le FMI, devînt une manne pour les autorités mauritaniennes qui, au-delà d’un semblant d’ajustement structurel (dont on mesure aujourd’hui, après plus de 20 ans d’application, les résultats !), affina la stratégie d’autorités publiques corrompues et budgétivores à se spécialiser dans l’utilisation des mécanismes de l’endettement pour « pomper » les moyens du FMI.


Ainsi pour mieux bénéficier des avantages d’un tel système la Mauritanie déclara son éligibilité à tous les mécanismes de la pauvreté internationale. Ses dirigeants la déclarèrent parmi les PMA (les pays les moins avancés), puis pour encore mieux bénéficier d’un régime plus favorable, ils déclarèrent la Mauritanie PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).

Une mendicité internationale qui, contrairement à la mendicité locale, avait son financier international : le FMI.

Mais qu’à tiré la Mauritanie de cette assistance du FMI ? Regardons autour de nous.


Le déficit budgétaire s’est-il résorbé ? Nos entreprises sont-elles devenues plus compétitives ? Notre tissu industriel est-il devenu une référence ? Nos infrastructures portuaire et routière sont-elles un exemple du genre? …. Et pourtant à chaque mission du FMI, on annonce une croissance économique (rarement en deçà de 4%), un progrès dans le rétablissement des équilibres macroéconomiques, alors que notre balance des paiements est plus que jamais déficitaires et que l’endettement s’accroît. Le chômage est plus qu’inquiétant et le pouvoir d’achat des citoyens rivalise avec le niveau de la mer. Bien que d'ailleurs, suite à la fonte des glaces, le niveau de la mer monte... alors que le niveau de vie du citoyen baisse suite à la contraction du patrimoine national... un réchauffement climatique, un gel économique.

Vingt-trois ans d’ajustement structurel et nous sommes encore pauvres parmi les pauvres et pourtant la mission du FMI vient de nous dire « que les indicateurs de performances sont satisfaisants ». La seule chose que nous ne savons pas encore c’est pour qui profite la performance et la croissance ?

Depuis vingt ans que la Mauritanie tire des Droits de tirage spéciaux, DTS (unité de compte du FMI), elle n’arrive plus à lâcher cette mamelle. Et le FMI n’arrivant pas à la sevrer est pris au piège d’un pays dont les problèmes résident moins dans le besoin d’assistance que dans l’intégrité morale des hommes qui l’ont dirigé.

2- Le FMI pris en « otage » par la mafia de la finance mauritanienne


Avec le FMI, la Mauritanie a expérimenté, en tant que PVD, PMA et PPTE, tous les circuits de l’assistance du FMI.

Du point de décision, à celui de l’achèvement en passant par celui de la transition, les autorités mauritaniennes ont engrangé des millions de dollars au titre de leur engagement avec le FMI (voir la position financière de la Mauritanie arrêtée au 31mars 2005).

Ainsi rien que pour cette période , la Mauritanie a reçu 86,16 Millions de DTS. Les autorités de la transition on laissé une ardoise de plus de 30 milliards d’ouguiya, alors qu’elles déclaraient quitter le pouvoir en laissant les caisses du Trésor garnies. Situation que l’actuel premier ministre dénoncera devant le parlement mais elle ne sera encore que l’un des points sombres de l’utilisation des finances publiques mauritaniennes qui souffrent d’une manipulation à un degré tel que le fond monétaire n’ y voit que du feu. Naïveté des experts du FMI? Connivence de certains d’entre-eux avec les autorités mauritaniennes (dénoncée en 2006 par certains medias)? Toujours est-il que de telles manipulations ne pouvaient echapper à une institution en rapport étroit avec un pays qu’elle finance. Et pourtant…

L’histoire récente de la Mauritanie nous montre que de janvier 2006 à juin de la même année la Mauritanie s’est vue refusée l’effacement de sa dette pour ces six mois, du fait que le FMIa été induit en erreur par les chiffres falsifiés de l’économie mauritanienne fournis par les autorités mauritaniennes depuis 2003 !

Cette attitude a couté à la Mauritanie environ 86 millions de dollars de dette non épongée pour les six mois et le remboursement des montants reçus durant la falsification (toute l'année 2003 et la première moitié de l'année 2004.

Des millions de dollars perdus par la Nation par la faute de personnes qui aujourd'hui, publiquement , encore se portent au mieux de leur carrière...

Voici une institution internationale pullulant d’experts, disposant des moyens statistiques les plus fournis sur tous les pays, y compris la Mauritanie et qui se laisse mener en bateau par des chiffres fournis par des institutions nationales sans possibilité de les vérifier sur le terrain, de les recouper avec des données historiques, de les analyser par référence au contexte international de l’évolution économique internationale et des données fleuve des institutions et des observatoires économiques internationaux.

Le fond monétaire international, induit en erreur ! Ce que d’ailleurs, dans une conférence restée dans les annales de l’inconscience de la gestion publique, un gouverneur de la banque centrale mauritanienne, un ministre des finances mauritanien révèleront lors d’une conférence en 2006 à Nouakchott.. ET cela a coûté à la Mauritanie des Millions de dollars de dette non épongée du fait du report de l’effacement de la dette de six mois. Une poignée d’individus a faussé les données fournies au Fonds monétaire international.

Le 30 mars 2006, « Le gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie, M. Zeine Ould Zeidane, a indiqué que le Conseil d'Administration du Fonds Monétaire International(FMI) a invité son pays à rembourser des versements atteignant 8,7 millions de dollars obtenus sur la base de fausses déclarations effectuées sous l'ancien régime.
Dans un communiqué publié jeudi à Nouakchott, le gouverneur a expliqué que le FMI a, d'une part, demandé le remboursement des décaissements contrevenants effectués dans deux opérations l'année dernière et totalisant les 8,7 millions de dollars, et a examiné, d'autre part, un autre décaissement contrevenant opérée en 2003 dans le cadre de la facilité accordée à la Mauritanie pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance au titre du programme 1999/2002. Le gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie a expliqué que le gouvernement de transition en place depuis août 2005 a établi la fausseté des déclarations fournies par l'ancien gouvernement et a exprimé ses regrets quant aux pratiques de falsification suivies de longue date par les Anciennes autorités.
Il a également souligné que les autorités actuelles ont donné les garanties nécessaires pour un arrêt définitif de ces pratiques et ont pris les mesures qui s'imposent pour fournir des données crédibles au FMI
. »

En plus clair, les autorités financières publiques mauritaniennes avaient tout simplement présenté au FMI, des données dont elles ont « purgé », les grandes dépenses extrabudgétaire sur financement de la BCM pour toute l’année 2003 et le premier semestre 2004 !

On retrouve sur le site du FMI, cette pathétique « entourloupe » techniquement exprimée en ces termes :

« The issue of misreporting arose because of inaccurate information provided to the IMF relating to the implementation of one of the prior actions required for the approval of the arrangement. Revised data for 2003 and the first half of 2004, provided to the IMF in September 2004, showed large extrabudgetary spending and corresponding central bank financing in the first quarter of 2003 that were excluded from data provided to the IMF in May 2003 and on the basis of which the arrangement was approved. Directors regretted the occurrence of misreporting under the 2003 PRGF arrangement. They stressed that the provision of inaccurate information to the IMF on the PRGF-supported program over a period of one and a half years was a very serious matter.” (Voir le site du FMI: http://www.imf.org/external/np/sec/pn/2005/pn0571.htm)

Et voilà le FMI "roulé dans la farine" par nos technocrates qui sont les mêmes qui reçevaient en ce temps là la mission annuelle du FMI en Mauritanie.

Déclaration optimiste d’une institution sur la santé économique financière d'un pays qui plie sous la misère et le sous-développement et qui est sous la menace d’une terrible famine en 2008 annoncée par le Programme alimentaire mondial !

Voilà qui relève soit d’un ridicule statistique, d’une inconscience économique ou d’une ténacité libérale qui place les intérêts (et le principal) d’une institution financières au-dessus des réalités miséreuse de tout un peuple sacrifié à un plan d’ajustement structurel.

II- Taisez vous… on déclare pour vous !

Qu’en est-il alors de cette déclaration de la dernière mission du FMI à Nouakchott ?
Reprenons-là terme par terme.


Constatons d’abord que même ceux qui ont été à l’intérieur même du système de Bretton woods dénoncent les aléas de leurs déclarations

Pour preuve J. Stiglitz, prix Nobel d’Economie en 2001, ancien vice-président et Premier économiste de la Banque mondiale a écrit que : « la procédure normale du FMI, consiste à rédiger un projet de rapport avant de se rendre dans le pays client. La visite n’a pour but que d’affiner ce projet et ses recommandations […]. En pratique, le projet de rapport consiste à insérer des paragraphes entiers empruntés au rapport d’un autre pays. ».
Un rapport préétabli, un rafistolage de rapports approchants fait sur la situation d’autres pays, voici de quoi est faite la substance e la déclaration du FMI.
La visite annuelleau titre de de l’article IV des statuts, que rend le FMI à chaque pays c’est pour faire coller les réalités économiques du pays… à ce qu’il a déjà voulu que ces réalités soient ! En somme du dirigisme décalaratif.

Les recommandations du fond monétaire internationales sont-elles libres de toute subjectivité ? En somme sacrifie-t-il les intérêts des Etats et donc des populations à sa philosophie libérale ? Cela influe-t-il de façon dramatique sur ses recommandations, et son évaluation des économies des pays ?
Le doute subsiste car à l’examen de la littérature économique qui lui est consacrée on remarque que d’éminents observateurs des interventions et des programmes du FMI en font un constat préoccupant.

Ainsi J.Stiglitz, dans son ouvrage « Globalization and Its Discontents » affirme que les responsabilités pratiques du FMI nuisent à l’exactitude des chiffres qu’il publie. Et que pour donner l’impression que ses plans réussissent il doit impérativement ajuster les prévisions économiques. Beaucoup d’utilisateurs de ces chiffres ne comprennent pas qu’il ne s’agit pas de prévisions ordinaires. Celles du produit intérieur brut ne sont pas fondées sur un modèle statistique complexe, […] ce sont simplement les chiffres qui ont été « négociés » dans le cadre d’un plan du FMI ».

Alors qu’en est-il de la dernière déclaration pour la Mauritanie ?

D’abord , le FMI a fait de cette déclarations sur la Mauritanie, une continuité...

Ainsi en 2002, pour le FMI la Mauritanie avait une croissance…robuste !

Pour mémoire, voici , en effet, un extrait tiré du bulletin du FMI 2002 :

« À Nouakchott, où il a rencontré le Président Maaouiya Ould Sid Ahmed Taya, M. Köhler a salué les progrès notables accomplis par ce pays dans la dernière série de programmes de réformes appuyés par le FMI durant la décennie écoulée..
La Mauritanie a enregistré une croissance robuste accompagnée d’une faible inflation et, surtout, d’un recul de la pauvreté. Le Président Taya a fait de la lutte contre la pauvreté la priorité de son pays, dont les efforts ont été renforcés par les succès enregistrés dans la mise en oeuvre du document de stratégie pour la réduction de la pauvreté, qui décrit les objectifs à moyen terme et les mesures prévues pour les réaliser.
La Mauritanie vient de bénéficier d’un allégement de la dette de 1,1 milliard de dollars au titre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés.
(http://www.imf.org/External/Pubs/FT/SURVEY/fre/2002/111102F.pdf) »


Et voilà… une croissance robuste qui a mené la Mauritanie où elle est 6 ans plus tard.

Faut-il désormais mieux écouter l’homme de la rue que les experts du FMI ? Y-a-t-il plus de réalité dans le panier de la ménagère que dans les tables du FMI ?


On a tendance à le croire à l’examen de la déclaration 2008 de la mission du Fonds monétaire international (FMI) qui a séjourné à Nouakchott du 8 au 20 mars 2008 avec un double objectif : procéder aux consultations de l’année 2008 au titre de l’article IV et mener la troisième revue sous le programme triennal appuyé par la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et Pour la Croissance (FRPC).

Outre les points généraux que la mission a discuté (le cadre fiscal de l’investissement, l’accès au crédit, les infrastructures de base, la bonne gouvernance, l’efficacité du système judiciaire et du système financier et la sécurité alimentaire, le chômage), la mission a revu l’évolution économique récente et l’exécution du programme d’ajustement structurel avec l’Etat Mauritanien.

Aussi nous portons ici nos observations critiques à la suite de chaque élément de la déclaration.

Déclaration : « l’exécution du programme qui continue de se dérouler d’une manière satisfaisante. Tous les critères de performance et les repères pour fin décembre 2007 ont été atteints. Les évolutions macroéconomiques au quatrième trimestre 2007 ont été globalement conformes aux objectifs du programme malgré une conjoncture difficile. »


Observations : D’abord l’imprécision de la terminologie et ensuite son caractère diffus qui prête réellement à discussion. Qu’est-ce que pour le FMI, la notion de « satisfaisante » relative aux critères de performance portant sur l’exécution du programme ? Et que signifie : les évolutions macro-économiques ont été « globalement » conformes aux objectifs du programme ?


En effet, cette « satisfaction » vaut pour qui et pour quoi ? Pour qui, en ce sens que nous savons pertinemment que l’économie mauritanienne vit depuis 2005, une conjoncture difficile. Que les prix des denrées de première nécessité ont flambé que l’inflation est à son pic et que le budget accuse de graves déficits dénoncés jusque par les pouvoirs publics eux-mêmes. Cette satisfaction vaut-elle pour le citoyen qui a vu son pouvoir d’achat chuter et son revenu en baisse constante.

Satisfaction pour quoi? Est-ce dans les performances de l’économie mauritanienne, en terme de création de valeur ajouté du tissu commercial et industriel, d’emploi et de répartition des richesses ? Ou de performance à l’échelle internationale par les exportations de nos entreprises industrielles et manufacturière suite à une compétitivité économique remarquable ?


Si l’on se référe de façon étroite aux critères de performances tels que pronés par le FMI, à savoir les critères financiers (exemple, le niveau du déficit, ) et structurels (par exemple, la privatisation d'une entreprise publique), alors de cette performance, la satisfaction du FMI doit être absolument relativisée.


D’abord le budget général de l’Etat continue à accuser un déficit structurel, les fonds spéciaux sont toujours là et on en crée encore, la restructuration du secteur public est en sourdine et la maximisation des choix budgétaires en matière de développement n’est pas à l’ordre du jour. Ensuite la rationalisation des dépenses publiques et leurs modes de gestions jusque dans leurs documents budgétaires ( prévision et autorisation) et comptables (exécution) continuent à être une vue de l’esprit.


Déclaration : La croissance du PIB non-pétrolier a atteint presque 6% sur l’année 2007 bénéficiant du rebond de la production agricole et du développement de nouveaux projets miniers. Le niveau des réserves extérieures a dépassé légèrement l’objectif fixé pour fin 2007.

Observations: 6% hors pétrole ! La croissance du PIB due au « rebond la production agricole( !) " dans un pays qui souffre d’un déficit agricole évident et qui importe à tour de bras ses produits agricoles. Et le « rebond de la production agricole » aurait soutenu sensiblement le PIB ! Soyons réaliste c’est surtout le second terme du constat de la mission qui est le plus significatif (« développement de nouveaux projets miniers ») ! En somme nous n’avons pas quitté l’auberge : cette pseudo-croissance est encore due à la rente perçue par l’Etat par l’exploitation de ses ressources naturelles (le fer notamment !). Doit-on alors parler de croissance ? Evidemment que non. Si on supprime cette rente la « croissance » sera alors nulle sinon négative !

En fait ce chiffre est trompeur et porte sur la croissance au sens de "l’expansion du revenu national", c’est-à-dire ce "fourre-tout" dans lequel on fait figurer le revenu de la Nation quelle que soit sa provenance!

La croissance est ainsi celle du "revenu national" pas celle de la somme des valeurs ajoutées des unités économiques du pays et qui s'exprimeraient par des variations du Produit Intérieur Brut (PIB) réel (corrigé de l'inflation) ou nominal (exprimant la valeur marchande des biens et des services produits par un pays.).

Donc la croissance dont il s'agit est bien celle du Revenu National et non pas de l'économie nationale!

En effet, la croissance économique, telle qu’elle est calculée, ne mesure que la variation quantitative d’un agrégat économique, elle n’est donc pas synonyme de développement.

Le développement est généralement associé à la croissance, mais il peut y avoir croissance sans développement. C'est le cas de la Mauritanie où les taux de croissance affichés ne sont que ceux du revenu national (rente nationale).
Si la croissance économique résulte de la production totale de tous les biens et services d’un pays au cours d’une période donnée, alors on comprendra qu'en Mauritanie la croissance est bien négative; car où sont les biens et services qui en Mauritanie engendrerait une telle croissance à 6 % ?

D’ailleurs si l’on se réfère aux rapports de la Banque Centrale de Mauritanie et notamment le plus récent (2006) on lit en toutes lettres que :

« Le produit intérieur brut, évalué en prix constants (base 100 = 1998) et sur la base de données provisoires, a marqué en 2006, une progression de 11,7%, attribuable pour près des deux tiers à la production du pétrole brut, qui a démarré en février 2006 à partir du champ de Chinguitty.


Les productions des sous- secteurs autres que celui du pétrole ont enregistré un taux de croissance en recul d’un point de pourcentage, se situant à 4,4 % contre 5,4% l’année précédente. Ce ralentissement significatif de la croissance du PIB hors pétrole est imputable à la contre-performance observée au niveau des branches de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, des BTP et, dans une moindre mesure, des administrations publiques. » (rapport BCM 2006)

Quel est donc ce miracle en 2007 !

LaBCM note bien que la croissance du PIB (11,7%) est dûe aux deux-tiers à la production du pétrole brute! En faisant donc le calcul cette croissance du PIB est de 3,9% (y compris la production de minerai)! ( un tiers de 11,7 %).


Comment donc en une année elle a bondit à 6%? Soit un gain de 2,1 % et hors pétrole! Explication : le rebond de la production agricole?


Inconcevable. Car la contre-performance dans tous les secteurs y compris celui de l’élevage et de l’agriculture, moins de six mois auparavant constatée par le rapport de la BCM ne permet pas logiquement au FMI de déclarer une croissance du PIB en 2007 de 6% bénéficiant notamment « du rebond de la production agricole »...et hors pétrole!


Il suffit que la mission du FMI passe pour que l’économie sectorielle se mette à "bondir" pour soutenir les agrégats économiques nationaux .


Déclaration : « Le déficit budgétaire a été maintenu dans les limites prévues par le programme. En dépit de tensions inflationnistes liées notamment à la hausse des prix d’un certain nombre de produits alimentaires importés, l’inflation (mesurée à Nouakchott) en termes de glissement annuel est passée de 8.9% fin 2006 à 7.4% à fin 2007. »


Observations : « le déficit budgétaire a été maintenu dans les limites prévues dans le programme » ! Ce déficit est pour la l’année 2008 de 37 Milliards d’ouguiya ! Sans commentaires.


A moins que nous puissions dire que si ce chiffre s’inscrit bien dans les limites « prévues dans le programme », alors vraiment il n’y a pas de limites au déficit. A l’endettement et à la crise prochaine des finances publiques.
Enfin, selon le FMI l’inflation a reculé est s’est établie à 7,4% fin 2007. Et de quelle inflation s’agit-il? Celle mesurée à Nouakchott !


Une inflation se mesure sur l’ensemble du territoire géographique d’un Etat, pas dans une seule ville fut-elle la capitale. Ainsi concevoir par exemple un simple indice des prix à la consommation nécessite une approche plus complexe. Son champ est le territoire national et il doit couvrir tous les biens et services consommés sur l’ensemble du territoire, par les ménages résidents et non-résidents (comme les touristes).
Comment donner un avis sur un recul d’inflation consigné dans une ville unique, portant sur quelques produits importés et en déduire un constat national.

Déclaration : « Le déficit du compte courant de la balance des paiements s’est creusé atteignant environ 11 % du PIB en 2007 du fait principalement de la baisse des exportations de pétrole conjuguée à l’effet négatif de la hausse des prix à l’importation. »


Observations : Ceci on le savait. A la différence prêt que le FMI a au moins le mérite de porter son jugement sur « la balance des paiements » et non pas sur « la balance commerciale » . Ce Poste de la balance des paiements que les autorités mauritanienne ont utilisé pour faire parler « d’excédents » et donc de bonne santé de l’économie mauritanienne. (voir ici sur ce blog mon article intitulé : « excédent quel excédent ? »).
Le compte courant est un compte principal de la balance des paiements qui porte sur toutes les opérations (autres que celles du compte capital et financier) comprenant l’échange de valeurs économiques (biens, services et revenus de placement) et les transferts d’une valeur économique courante sans contrepartie (transferts courants).


Il est normal donc qu’il soit structurellement déficitaire. Cela ne nous apprend rien sinon dans son creusement perpétuel. En effet, si Le compte courant présente les échanges de biens et de services avec les autres pays, et les revenus de placements comme les intérêts, les dividendes et les bénéfices réalisés par les entreprises mauritanienne au pays et à l'étranger ainsi que par les établissements mauritaniens d'entreprises étrangères., on comprend donc que ce n’est ni la performance de nos entreprises (qui n’intéresse qu’incidemment le FMI), ni leurs avoirs (déclarés ?) ou bénéfices (faramineux !) réalisés à l’intérieur ou l’extérieur qui vont relever le déficit du compte courant de la balance des paiement de Mauritanie.


Dire donc que le déficit de ce compte a atteint 11% du PIB, c’est jouer sur l’espoir qu’il se résorber, or on ne doit parler que de ce qui peut économiquement se réaliser eut égard aux performances réelles d’une économie et ne doit point servir un espoir injustifié.

Déclaration :
« Les autorités mauritaniennes continuent de réaliser des progrès au niveau des réformes structurelles. Elles ont notamment renforcé l’administration fiscale en constituant un fichier central des contribuables. Les autorités ont également poursuivi leurs actions en matière de bonne gestion et de transparence en publiant l’audit des comptes à fin 2006 de la Société Mauritanienne des Hydrocarbures (SMH).

Observations : Encore un satisfecit sur des progrès tout-à-fait relatifs. Le problème n’est point le fichier, mais le contribuable, son revenu, ses facultés contributives. Le problème est moins l’audit d’une société des hydrocarbures, mais l’audit de toutes les finances publiques , y compris les périodes où le FMI distribuait ses satisfécits et qui aboutirent aux coups de forces qui dénoncèrent « la dilapidation des biens publics » et la confiscation du développement.

Déclaration: "Des progrès ont également été réalisés dans l’assainissement du système financier, malgré le poids des créances douteuses. »
Observations: C'est là tout-à-fait une contre-vérité. Quelles sont les mesures qui ont été entreprises pour "assainir" les finances publiques? Aucune.
Et cela s'explique par une raison simple: On ne peut réaliser un assainissement des finances publiques qui si, au préalable, leur audit ait été réalisé pour les périodes précédentes de gestion et pour celle en cours. Or aucun audit de cette gestion n'a été fait, ni même programmé pour les raison que l'on sait et pour les resistances politiques et partisanes qui ne voudraient pas que les responsabilités dans la dilapidation des ressources publiques soient établies.
Alors sans audit, il est absolument inédéquat financièrement de parler "d'assainissement "des finances publiques.
Le FMI, le sait, puisqu'il n'ignore pas que le "poids des créances douteuses" est un frein à cet assainissement...Et cela est une preuve évidente de ce que l'on vient d'affirmer.
En effet sous cet "euphémisme" (ou FMIsme) se cache en effet, une part considérable de la "gabegie" dont on souffert les finances publiques.
Une créance douteuse est celle qui n'a put être versée au créancier (prêteur, ici l'Etat) à la date de son exigibilité (la date à laquelle elle doit être payée ). Cela signifie, que si "ces créances douteuses" influencent, par leur "poids", l'assainissement des finances publiques c'est donc qu'elles sont très importantes.
Et à quoi (ou plutôt à qui?) ont été conscarés ces prêts de l'Etat?
Il suffit de survoler la période d'avant la transition (et la transition elle-même) pour constater que ce sont les emprunts de "complaisance", aux passes-droits, aux "entrepreneurs" fictifs, aux commerçants notoirement véreux et autres "financiers" qui les répercutent indirectement dans les sphères du pouvoir.
Les créances douteuses, sont en fait des créances d'un Etat à la gestion "douteuse" et qui ne pourra assainir ses finances publiques tant que les rouages de l'Etat ne sont pas eux-mêmes assainis de leurs gestionnaires douteux....Ceux là-même qui ont dèjà induit le FMI en erreur!

En définitive, cette déclaration à la valeur de toutes celles qui l’ont précédées durant les vingt dernières années. Il ne convient de lui accorder d’importance que ce qu’elle a. A savoir justifier la continuation du programme et des engagement du FMI à l’égard de la Mauritanie. Toute autre information à en tirer pour fixer la réalité de l’économie mauritanienne, est incertaine.


Aussi rappelons-nous les assertions de l’économiste Stiglitz, dans son ouvrage « Globalization and Its Discontents » : les responsabilités pratiques du FMI nuisent à l’exactitude des chiffres qu’il publie. Et que pour donner l’impression que ses plans réussissent il doit impérativement ajuster les prévisions économiques. Beaucoup d’utilisateurs de ces chiffres ne comprennent pas qu’il ne s’agit pas de prévisions ordinaires. Celles du produit intérieur brut ne sont pas fondées sur un modèle statistique complexe, […] ce sont simplement les chiffres qui ont été « négociés » dans le cadre d’un plan du FMI ».

Aussi donc faut-il croire les déclarations du FMI ?


On ne peut que répondre par la négative pour trois raisons essentielles. D’abord pour les raisons historiques précitées, pour leur contenu relatif démontré mais aussi pour une raison tirée de l’expérience des autres Etats du monde.
Cette expérience qui nous apprend que certains Etats face aux « erreurs » commises par le FMI ont simplement décidé de l’ignorer.


III-Les transformations de la mission du FMI, ses erreurs et son boycott


Le FMI ne remplit plus la mission qui originellement lui avait été confié (par ses statuts) car il est devenu une autorité différente. Ce qui transparaît à travers ses actes.


Ce que le FMI est…d’après ses statuts.

Le FMI a été créé à la conférence de Bretton Woods en 1944, pour stabiliser les taux de change internationaux et surveiller le système monétaire international. Les 44 pays présents aux négociations voulaient se prémunir contre des situations qui avaient contribué, pensaient-ils, aux deux guerres mondiales. Il s’agissait également de favoriser le commerce international pour faciliter la reconstruction en Europe et en Asie.
Le travail du FMI est de : 1) rendre toujours possibles et faciliter les paiements internationaux (éviter les cas de cessation de paiement) ; 2) assurer la stabilité des taux de change entre monnaies, afin de permettre de conclure des contrats à long terme. Outre ces deux objectifs primordiaux, le FMI a pour tâche : 3) d’entretenir une coopération et une négociation permanentes entre ses membres (à l’heure actuelle, 177 pays, y compris les pays d’Europe centrale et orientale) sur les questions monétaires. Tout cela afin de poursuivre son quatrième objectif : 4) favoriser l’expansion du commerce international. Le FMI a donc une doctrine libre-échangiste clairement reconnue dans ses statuts.


Ce que le FMI est….d’après ses actes.

Le visage que transparaît des actes du FMI à très bien été illustré par un prix Nobel d’économie : Le FMI a été créé après la Seconde Guerre mondiale parce qu’on estimait que les marchés fonctionnaient souvent mal. Depuis, voici que le FMI est devenu le champion fanatique de l’hégémonie du marché. Et c’est précisément cette idéologie – la foi pure et simple dans le libre marché – qui sous-tend toutes les actions de l’institution. A cela s’ajoutent également la logique interne du FMI, ou plutôt son absence de logique, ainsi que sa lenteur à comprendre ou accepter ses erreurs et la résistance de la Banque mondiale et du FMI aux idées nouvelles de la science économique moderne. « Le problème est que le FMI présente comme une doctrine reconnue des thèses et des politiques sur lesquelles il n’y a pas de consensus […]. Le FMI ne s’est jamais demandé ce qu’il y avait de faux dans ses modèles, il n’a jamais aimé discuter des incertitudes liées aux politiques qu’il recommande. Avec cette attitude et cet état d’esprit, il lui est difficile de tirer les leçons de ses erreurs. Le FMI a reconnu des erreurs dans la crise asiatique mais il s’est efforcé de limiter les critiques et les débats. » (Stiglitz, « Globalization and Its Discontents ».Version française : « La Grande Désillusion » Fayard. 2002)


Le FMI a déjà commis des erreurs sans précédent dans son évaluation et ses prévisions de l’économie des pays relevant du fameux article IV de ses statuts.
Ses erreurs amplifiant la crise asiatique et sur celle de pays d’Amérique latine sont restées dans les annales.


Relativement à l’Asie :

c’est la libéralisation des mouvements de capitaux, imposée à la fin des années quatre-vingt, qui a été « le facteur le plus important dans la genèse de la crise ». Elle a mis des pays qui n’avaient aucun besoin de capitaux supplémentaires (du fait de leurs taux d’épargne déjà élevés) à la merci de l’humeur des spéculateurs, laquelle est conjoncturellement pro-cyclique : les capitaux entrent pendant la phase d’expansion, alimentant les bulles spéculatives (par exemple, celle de l’immobilier) et sortent pendant la récession, au moment où l’on en aurait besoin! Après avoir ainsi préparé les conditions structurelles de la crise, le FMI a commis des erreurs qui l’ont amplifiée (austérité budgétaire en pleine récession, résorption des déficits de balance commerciale sans mesures ouvertement protectionnistes ni dévaluation, hausse des taux d’intérêt (dans l’espoir de faire « revenir » les capitaux étrangers et de soutenir le taux de change), ce qui a précipité dans la faillite un grand nombre d’entreprises….)


En Argentine et vue les erreurs accumulés du FMI, le gouvernement argentin du président Nestor Kirchner a décidé d’ignorer dans sa politique économique les recommandations du fond monétaire international.
Il considère que le FMI et ses politiques de libéralisme économique comme responsables de la crise économique de 2002 qui avait vu une chute de plus de 11% du Produit intérieur brut argentin. Il a décidé de rembourser la totalité de la dette de son pays au FMI pour ne plus se soumettre aux conditions du Fonds. Le Brésil, l’Uruguay, l’équateur et le Venezuela ont emboité le pas.
Depuis, le gouvernement Kirchner s'est engagé dans une voie assez éloignée du "consensus de Washington", vanté par le FMI et les autorités américaines, qui fait du secteur privé et de la non-intervention de l'Etat les piliers d'une gestion économique "saine".


Le CEPR (Center for Economic and Policy Research à Washington) place les fondements des décisions du FMI sur une base conflictuelle: “Les sous-estimations dans les prévisions du FMI sont survenues à un moment où le Fonds était en conflit avec les autorités argentines sur une série de mesures économiques qui, contrairement aux estimations du FMI, se sont révélées fructueuses".
Les recommandations du fond monétaire internationales sont-elles libres de toute subjectivité ? En somme sacrifie-t-il les intérêts des Etats et donc des populations à sa philosophie libérale ? Cela influe-t-il de façon dramatique sur ses recommandations, et son évaluation des économies des pays ?
Le doute subsiste car à l’examen de la littérature économique qui lui est consacrée on remarque que d’éminents observateurs des interventions et des programmes du FMI en font un constat préoccupant.
A l’égard des pays dans lesquels il intervient le FMI est une institution opaque. La plupart des documents qu’il utilise sont exclusivement à usage interne. Le mode de décision au FMI est classique : lorsqu’un pays a un besoin de financement, les fonctionnaires du FMI définissent conjointement avec le gouvernement un programme qui accompagne obligatoirement le prêt. Les projets sont élaborés techniquement, puis sont présentés pour vote au conseil d’administration.
Ainsi ni les associations, ni même les représentations nationales du pays emprunteur ne sont associées à la définition des plans d’ajustement structurel. Ces documents sont pourtant d’une importance capitale pour la définition de la politique que suivra le pays emprunteur. En définitive, au moment où le vote intervient, les documents sont déjà prêts, et les membres du conseil d’administration, délégués par leur gouvernement, doivent l’accepter ou le rejeter, leur pouvoir d’amendement étant pratiquement inexistant.
Le pouvoir de "proposition" du Fonds est considérable. Le seul moyen de pression consiste donc à influer sur le vote de l’administrateur par tous les moyens possibles lorsque l’on juge les projets impropres à soutenir le développement durable des pays soumis aux programmes du FMI.
C’est pourquoi beaucoup d’ONG on fourni des pour le fonctionnement et le contrôle du FMI :

Recommandations des ONG sur le fonctionnement et le contrôle du FMI :

Annulation de la dette injuste et impayable des pays les plus endettés Création d’un département d’évaluation indépendant
Transparence sur les activités du FMI, et publication des documents cadres Contrôle démocratique des politiques imposées aux pays emprunteurs et des consultations au titre de l’article IV
Participation des syndicats et associations aux consultations de l’article IV, et publication des documents
Promotion des principes de développement durable dans les programmes macro-économiques 1

Malgré son rôle de surveillance, le FMI n’a pu prévenir :
- la situation de cessation de paiement du Mexique et la crise du peso.
- les émeutes de la faim qui éclatèrent en Zambie après la hausse de 120% des denrées alimentaires. "Les conditions liées aux prêts d’ajustement structurel sont intolérables" Déclarera en 1986, le Président zambien.
- Le doublement de la dette totale des pays du Tiers monde de 1984-1993 , passant de 895 milliards de dollars à 1770 milliards.


Vox FMI, vox Dei ?

En conclusion, la Mauritanie, comme tous les pays devenus dépendant de programmes et d’engagements avec le FMI, fait l’objet d’une déclaration d’une mission annuelle du FMI. Cependant, il convient de comprendre que la faillibilité de l’institution même qui fait cette déclaration n’est plus à démontrer et qu’au lieu de s’accrocher aux termes d’une déclaration pour justifier la validité d’une gestion économique, il serait plus préférable de se tourner vers les réalités quotidiennes du pays. Et prendre la véritable mesure de son développement et de l’impact de ses choix économiques en les puisant dans le quotidien du peuple et le vécu du citoyen.
Le couffin de la ménagère et l’état de l’asphalte sont bien meilleurs indicateurs économiques que le rapport d’une cohorte d’experts.

Pr ELY Mustapha

[1] Les politiques macro-économiques du FMI au regard du développement durable. Association les Amis de la terre.2000

samedi 29 mars 2008

Justice constitutionnelle

A quand un contrôle de la constitutionnalité des lois de finances en Mauritanie?

Enregistrement sonore de la conférence que j'ai donnée à l'Académie Internationale de Droit Constitutionnel sur "le contrôle de la constitutionnalité et compétences budgétaires". Colloque international sur la "Justice constitutionnelle"

Les grands axes de cette intervention:
- Les réalités et les inerties du contrôle constitutionnel mauritanien,
- Les difficultés techniques liées à la lecture des lois de finances,
- Les prédispositions des assemblées à recourir au contrôle de la constitutionnalité des lois de finances en Mauritanie,
. .- Les perspectives du contrôle des lois de finances.

lundi 17 mars 2008

La double nationalité :

Nationalité en double ou doublement national


Le législateur mauritanien a-t-il le droit d’exclure des enfants du pays de leur droits dans leurs propres pays du fait de l’acquisition d’une seconde nationalité?

Le « jus solis » (le droit du fait du sol) et le « jus sanguinis » ( le droit du fait des liens de sang), peuvent-ils être renvoyés dos-à-dos par une disposition quelconque d’un législateur quelconque?

Face au droit positif, y a-t-il un droit naturel d’appartenance à son propre pays et qui transcende toute disposition permanente ou conjoncturelle d’un Etat quelconque visant à exclure un citoyen du fait qu’il l’est devenu d’un autre Etat sans pourtant renoncer à sa nationalité première ?

La perte d’une nationalité doit-elle être prononcée de façon autoritaire par le législateur comme dans le cas mauritanien ou doit-elle exclusivement résulter de la volonté de celui qui la porte ?

En quoi le port d’une seconde nationalité pourrait-il porter préjudice à l’Etat d’origine de celui qui porte une double nationalité ? Ne pourrait-il pas, au contraire, constituer une richesse inestimable et une ouverture merveilleuse sur le monde et l’humanité ?

Le rejet de la double nationalité par le législateur mauritanien, n’est-il pas en flagrante contradiction avec la volonté d’unité et de solidarité avec les pays du Maghreb (Grand Maghreb arabe), l’Afrique tout entière (Etats unis d’Afrique) prônée par mille statuts et chartes ratifiés ?

Au moment ou les peuples se fédèrent, s’associent, s’unissent et adoptent des passeports uniques, pourquoi excluerait-on les citoyens d’une terre-patrie parce qu’ils conçoivent la terre entière comme patrie?

Aussi aux fins d’un article à venir, et quelle que soit votre (double) nationalité ou votre allégeance, veuillez avoir l’obligeance de répondre à ce sondage. Soyez-en, par avance, remerciés.

Pr ELY Mustapha

Ce que nous coûtent nos ambassades.

Pour une comptabilité diplomatique fiable



A L’examen du budget général de l’Etat pour l’année 2007, l’allocation budgétaire pour l’ensemble des ambassades et consulats mauritaniens à l’étranger s’élève à plus de six milliards d’Ouguiyas (6 071 123 800) . Mais à cette allocation on doit ajouter un montant affecté au sein du budget du MAEC appelé « fonctionnement des ambassades et qui s’élève à 1 062 150 000 qui porte l’allocation totale à plus de 7 milliards d’ouguiyas (7 133 273 800) Soit plus 4 % du budget de fonctionnement (hors intérêts de la dette).
.
Quant à la loi de finances pour 2008, elle alloue un budget de 7 milliards 234 millions 564 mille 819 ouguiyas au Ministère des Affaires étrangères, les ambassades en obtiennent 5 Milliards 105 Millions 848 Mille 693 ouguiyas soit plus de 70 % de ce budget. Si on y ajoute le chapitre 20 « fonctionnement des ambassades » (590 150 000) ce pourcentage est de 78 %. Ce qui signifie que nos ambassades, consulats et représentations à l’étranger coûtent à la nation 5 Milliards 695 Millions 998 mille 693 ouguiyas ! Pour quelle rentabilité pour un pays pauvre?
.

Eu égard aux ressources limitées du pays, il convient de se poser la question à savoir si nos missions diplomatiques et consulaires, pour justifier de telles allocations, sont rentables ?

Il paraîtrait curieux au premier abord de traiter de la rentabilité de ce qui dans les esprits ne peut être évalué : la relation diplomatique.


Or il n’en est rien. Et c’est ce que nous allons montrer de façon suffisante pour que cela puisse justifier la mise en place d’une « comptabilité diplomatique ». Non pas au sens d’une dérivation de la comptabilité publique à savoir la « comptabilité des missions diplomatiques et consulaire » qui est une comptabilité-deniers tenue par ces services eux-mêmes mais d’une comptabilité « diplomatique » spécifique tenue par les autorités centrales notamment le ministère de la coopération et des affaires étrangères.
Avant de définir cette comptabilité diplomatique et son intérêt, faisons un tour du propriétaire, l’état des lieux.

I –Quel est l’état des lieux ?

Au niveau des ambassadeurs et des consuls


Les ambassades et consulats de la République Islamique de Mauritanie à l’étranger ont été sujet à critique et la perception que le citoyen en a n’est pas des plus satisfaisantes. Depuis bien des années l’on dénonce dans les médias et à travers les témoignages des mauritaniens à l’étranger notamment la carence de ces institutions. Elle sont considérées comme des villégiatures pour fonctionnaires et autres personnels qui les reçoivent en contrepartie de « services rendus » au régime ou sur la base de parentés et autres liens tribaux ou partisans loin des considérations de compétences ou d’efficacité . Ainsi l’ambassadeur ou le consul qui « débarquent » dans les ambassades et les consulats non pas souvent une volonté de servir mais souvent de se servir. L’ambassade est un lieu de repos et de villégiature dont le locataire usait et abusait car, ne sachant pas combien de temps, il allait y perdurer en faisait un fond de commerce par lequel transitait vers la Mauritanie la consommation énorme qu’il faisait au frais de l’ambassade des « duty-free » et autres approvisionnements au marché libre.

Comment se maintenaient les ambassadeurs et autres consuls à leurs postes ? Par un appui dans l’administration centrale et par une allégeance à un « cercle » de personnes qui leurs servaient d’arrière garde et qui dans l’administration centrale bénéficiaient périodiquement de leurs largesses. Le voyage d’un ambassadeur ou d’un consul en Mauritanie est l’occasion pour lui de rémunérer en « cadeaux » et autres « offrandes » ce cercle d’influence qui lui assure le maintien à son poste. C’était une politique du donnant-donnant, dans laquelle tout le monde y trouvait son compte.

L’ambassade n’était qu’un endroit de séjour pas une administration aux services de quelconques intérêts. Les chefs de missions étaient davantage préoccupés par leur maintien dans leurs privilèges que de la gestion des intérêts de l’Etat dans le pays hôte.
La mission diplomatique s’en ressentait et souvent même les autorités du pays hôte devant l’inactivité de ces missions les ignoraient complètement. C’est ainsi que l’on a pu voir une ambassade qui était tellement ignorée par le pays hôte, que le Ministère des affaires étrangères de ce pays ne répondait même pas au courrier qu’elle lui adressait.

La mission diplomatique ne remplissait , justement aucune de ses missions. Le volet culturel de son activité n’existait pas. Le volet commercial encore davantage. Son rôle se limitait à confectionner une valise diplomatique qu’elle expédiait périodiquement au pays dont on peut soupçonner le contenu et la valeur au vu de son inactivité.

Au niveau du personnel des ambassades et des consulats

Le personnel des misions diplomatiques, titulaires et de contractuels, se caractérise par un effacement total et une routine des plus caractéristiques des administrations qui tiennent à leurs privilèges. Outre une allégeance souvent frisant le ridicule au chef de la mission diplomatique, le personnel tourne autour du comptable de la mission qui est le pivot central et le complice de toute la mauvaise gestion. Le contrôle de gestion, et l’inspection des services comptables étant absents, le comptable est passé maître dans la fructification des allocations budgétaires à son profit et parfois au profit du chef de la mission diplomatique et avec sa bénédiction.

Les comptes rémunérés auprès des banques par lesquels transitent les bourses des étudiants et les salaires du personnel avant de leur être versés, les manipulations du taux de chancellerie au moment des paiements, le trafic sur comptes en devises, les factures d’achat de biens et de services fictifs, la revente en local des produits achetés en duty-free à travers la complicité du personnel et même de réseaux externes etc. sont autant de pratiques qui font l’originalité de nos missions mais qui n’échappent pas aux autorités du pays hôte qui le leur rendent bien dans leurs relations. Ces pratiques sont d’ailleurs couvertes par les soins qu’apportent nos chefs de missions diplomatiques et leurs comptables dans la disparition des documents et pièces comptables. Ainsi les archives sont toujours inexistantes ou dans un état empêchant leur consultation.

Dans cette situation, l’on comprend que les missions diplomatiques et consulaires dans leur état actuel sont loin de servir le pays.


II- Qu’attend-t-on des missions diplomatiques et consulaires de Mauritanie à l’étranger ?


Ces missions, comme leur nom l’indique ont un objet celui d’assurer une présence de notre pays auprès d’un pays hôte. Cette présence se matérialise par deux rôles que doivent jouer ses missions. L’un à l’égard de l’Etat hôte à travers la volonté des deux Etats d’assurer le suivi et la coordination de leur coopération dans tous les domaines . Le second à travers l’encadrement et l’assistance des ressortissants du pays sur la terre de l’Etat hôte.


Au niveau du rôle de coordination et de coopération.

Pour illustrer cette mission voici comment le chef d’Etat d’un pays dont la diplomatie est l’une des plus efficace d’Afrique décrit le rôle joué par sa diplomatie :
« De par ses qualités, la force de sa personnalité et son esprit d'initiative, l'ambassadeur a le devoir de donner une image vivante et réelle de notre pays.
Le comportement et la conduite exemplaires de tout le personnel exerçant dans nos missions et ambassades et une gestion saine et rationnelle constituent autant de facteurs propres à conforter cette image.

C'est dire la nécessité pour tous de s'engager dans le travail sérieux, fondé sur une vision claire de la politique du pays -- qui a bénéficié d'un consensus national -- et des objectifs qu'elle vise à réaliser dans l'intérêt général. Leur mission n'en sera que facilitée et ils auront l'autorité morale nécessaire pour l'accomplissement de leurs lourdes responsabilités de la façon la meilleure.L'une de ces responsabilités , et non des moindres, consiste à faire connaître la politique du pays et à expliciter ses programmes et objectifs, non seulement à travers les canaux officiels, ce qui est naturel, mais aussi à travers la presse et autres moyens de communications, de manière à lui garantir respect, considération, compréhension et appui et à renforcer le prestige dont elle jouit non seulement dans le pays hôte, mais aussi dans la région où le diplomate exerce. Je n'ai nul besoin d'attirer votre attention sur les efforts que vous êtes appelés à déployer à cette fin.C'est que dans le développement de la coopération et des échanges commerciaux et techniques avec l'étranger, le rôle de nos missions diplomatiques est essentiel à une époque où la conception de la diplomatie a évolué. D'une action qui ne dépassait guère les manifestations de courtoisie et l'apparat, l'activité diplomatique est devenue, pour une large part, une action soutenue, tendant à la conquête de nouveaux marchés pour les produits nationaux et à la recherche d'opportunités de financement et d'investissement. »

Désormais, l'aptitude des ambassadeurs eux-mêmes, à assurer l'ouverture des marchés extérieurs aux produits tunisiens, à faire connaître ces produits ainsi que les possibilités de coopération et d'investissement dans notre pays, compteront parmi les principaux critères que nous adopterons dans l'évaluation des résultats de leur action et de leur tâche.

La situation des colonies tunisiennes constitue l'un des principaux axes de notre politique nationale.Aussi, considérons-nous que le rôle des missions diplomatiques et consulaires dans l'encadrement de ces colonies et la préservation de leur sécurité et de leurs droits n'est pas de moindre importance que leurs autres devoirs.

J'ai eu l'occasion, à maintes reprises, d'évoquer la question de l'émigration, les mutations qu'elle a connues du fait des développements de la crise économique mondiale et de ses retombées sur les politiques des pays d'accueil, ainsi que les pressions accrues subies par les émigrés en ce qui concerne leurs conditions de travail et de résidence, sans compter les problèmes nés du poids croissant de la deuxième génération et la problématique qui en découle et qui a trait essentiellement à leur vie familiale et à la consolidation de leurs liens avec la patrie.

Nul doute que nos colonies sont conscientes du rôle qui leur incombe dans le renforcement de nos plans de développement et la réalisation de projets économiques. Elles ont, du reste, apporté leur contribution à l'effort national.
Nos représentations sont appelées à être en contact permanent avec ces colonies et à inciter les travailleurs parmi elles à épargner davantage, à encourager les hommes d'affaires à investir dans leur pays, en faisant valoir les opportunités et les avantages qui leur sont offerts. » (Allocution du Président de la république tunisienne Zine El Abidine Ben Ali à la clôture de la conférence des ambassadeurs - Carthage, 1er août 1989)


III-Quels instruments de gestion pour la mission diplomatique ?

La comptabilité denier et matière : des documents et….des principes

La comptabilité des ambassades est une comptabilité denier et matière , tenue par le comptable de la mission. C’est une comptabilité tenue à l’image de la comptabilité ménagère. Une présentation en « Revenu/dépenses ». Les allocations faisant ici figure de revenu. Aucune information ne transparaît de cette comptabilité… jusqu’à ce qu’apparût la comptabilité à partie double. Mais cette comptabilité pourra-t-elle aider à palier les insuffisances de celle à partie simple jusque-là utilisée ?

Pour répondre à cette question voyons comment le comptable diplomatique et consulaire enregistre les opérations de la mission. La comptabilité des comptables des missions diplomatiques, en tant que comptable secondaires du Trésor, utilise quelques comptes issus de trois classes :

- la classe 3 : les comptes de liaison. Recettes (390.21) et dépenses (390.20)
- La classe 4 : comptes d’imputation provisoire en recettes (476.4) et en dépenses (472.4)
- La classe 5 : compte caisse (561.4), compte banque (551.4) et compte mouvements de fonds (581.4)
A cette comptabilité denier, s’ajoute celle des valeurs inactives qui retrace les opérations de vente au comptant de ces valeurs (timbres, tickets etc.)

Ainsi la comptabilité des postes diplomatiques donne lieu à des opérations d’enregistrement simples. Des recettes enregistrées au comptant et des dépenses sur crédits délégués à la mission diplomatique (crédits budgétaires ouverts par la loi de finances aux différents postes diplomatiques et consulaires) et les dépenses induites par les variations de change.

Ainsi un comptable qui émettrait une dépense dont il et assignataire créditera un compte dépense (type 390.20) et débitera un compte caisse (561.4) ou banque (551.4). Les comptes de dépense augmentant au débit et diminuant au crédit.

Il aura donc réalisé un enregistrement correct de l’opération du point de vue comptable. Cette opération portée au livre-journal, puis au grand-livre enfin, un extrait du grand-livre constituant un bordereau mensuel de versement, accompagné des pièces justificatives des recettes et des dépenses est expédié au Trésorier général de Mauritanie pour centralisation.

Mais là ou le bât blesse et où la comptabilité ne peut strictement rien c’est la grande manipulation qui touche les montants figurants dans les pièces justificatives de dépense accompagnant les bordereaux.

En effet, soit par eux-mêmes et à leur profit, soit par connivence avec l’ordonnateur de la mission, les comptables se livrent à la production « vraies-fausses » pièces justificatives. Celles peuvent être rangées en une multitude de catégories dont voici quelques unes ostensibles et notoires !

- Les fausses factures (exemples : achat d’un bien ou d’un service fictif)
- Les factures surévaluées (Un bien ou un service est facturé plusieurs fois sa valeur réelle)
- Les factures d’achat morcelé (un bien est acheté dégroupé pour bénéficier sur chaque facture de frais de transport ou de livraison fictifs)
- Les reçus de frais divers à l’occasion de réceptions, d’invitations fictives ou de déplacements sans objets.
- Etc.
Il est donc facile de centraliser la comptabilité d’un comptable secondaire par un comptable principal, mais quelle efficacité à cela sur la réalité de la gestion comptable du poste diplomatique.

Ce formalisme, certes nécessaire cache des réalités de dilapidation des deniers publics. Une dilapidation de ces crédits alloués à ces postes diplomatiques qu’aucune comptabilité ne peut appréhender. Et cela porte sérieusement préjudice aux moyens alloués à la mission et fait d’ailleurs que nos ambassades sont inefficaces et souvent dans un délabrement visible. Et de cette situation ne profite personne à part un comptable, un ordonnateur et un réseau local bien huilé de production de fausses factures et autres canaux de détournement.

S’il est vrai que le comptable produit une comptabilité, à savoir des documents, il reste que cette comptabilité est loin de répondre aux principes mêmes qui doivent régir son établissement et notamment à celui de la sincérité. Si la régularité formelle est respectée, la sincérité est absente. L’écriture comptable ne faisant pas ressortir la réalité de la gestion du poste comptable, elle s’analyse en une transcription formelle, en classes, comptes et sous-comptes d’opérations rapportant des « mouvements de fonds à l’initiative du comptable » mais ne peuvent faire apparaître l’essentiel, les malversations, dilapidation et détournements « réguliers » des ressources publiques.
En effet, il est impératif que la production d’une comptabilité par un poste comptable soit accompagnée d’une appréciation des pièces justificatives fournies à travers notamment :

- Une grille de lecture établie à l’avance pour chaque poste diplomatique et consulaire rapportant des indices, dans le pays considéré, pour la valeur de biens et de services notamment ceux auxquels recours les missions diplomatiques et consulaires (biens meubles ou immeubles, services locaux etc.). Cette grille est actualisée chaque année pour tenir compte de la variation des prix dans le pays considéré. Une copie en est transmise au responsable du poste diplomatique et consulaire pour information. Cette grille de lecture est tenue par les services de la Trésorerie générale, pour apprécier les montants figurant dans les pièces de dépenses fournies par les comptables avec leurs bordereaux.

- Un historique des comptes des différents postes comptables, permettant de dégager sur une période donnée les variations dans la gestion du poste (consommation des crédits, types de dépenses etc.) afin de déceler les fonctionnements erratiques ou les dysfonctionnements dans l’emploi des crédits alloués.

- Une mission périodique de « contrôle sur pièce et sur place » qui se rendrait dans les missions diplomatiques pour évaluer la gestion, la réalité des biens et des services, leur valeur réelle sur le marché local et la sincérité de la tenue comptable. Il suffirait ainsi par exemple que « l’inspection générale des ambassades » du Ministère des Affaires étrangères et de la coopération (disposant d’un budget pour 2008 de 9 millions 452 mille ouguiyas) se mettent à jouer le rôle qui lui est dévolu et à bénéficier des moyens pour ce faire.

D’autres solutions pourraient être envisagées pour donner à la comptabilité des postes diplomatique et consulaire une « réalité » . Car quel que soit le mode de comptabilisation (simple ou à partie double) la vérité de la gestion des deniers publics ne peut transparaître qu’à travers un contrôle rigoureux des pièces comptables et de l’activité de ceux qui les tiennent au « secondaire. »

Sans cela la comptabilité sera probablement régulière (car respectant les modes d’enregistrement) mais elle ne sera jamais ni sincère ni fiable et ne donnera jamais une image fidèle de la gestion comptable de nos postes diplomatiques et consulaires. Prolongeant à l’extérieur une gabegie de l’intérieur.

Mais les moyens financiers fournis aux ambassades ne sont qu’une logistique pour réaliser leurs objectifs. Nous avons vu les handicaps comptables qui ne sont certes pas étrangers à l’immobilisme de nos missions diplomatiques mais peut-on évaluer leur « rentabilité » ?

IV- Peut-on évaluer la rentabilité d’une mission diplomatique ou consulaire ?

La réponse à cette question est certainement positive. Mais il convient de dire qu’il ne peut s’agir d’une évaluation quantitative qui raisonnerait en termes de prix mais à travers une optique qualitative en termes de coût-avantage.

Si les coûts sont connus notamment à travers les allocations budgétaires, les avantages se doivent d’être précisés. Ils pourraient tenir en une question : quels sont les avantages que l’Etat attend de son ambassade dans un pays donné ?
Ces avantages peuvent être identifiés principalement aux niveaux suivants : diplomatique, commercial, culturel, technique etc.
Ces avantages peuvent aussi se concevoir en ce que l’Etat donne et reçoit à travers la coopération dynamique dont l’ambassade ou le consulat est la cheville ouvrière.
Si ces attentes sont définies, il reste à s’interroger sur la possibilité de les évaluer à travers un outil d’appréciation de l’activité de la mission. L’on pourra préconiser l’introduction d’une comptabilité diplomatique de programmes.
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La comptabilité diplomatique de programme

Le rôle du chef de mission est d’autoriser les dépenses, celui du comptable assignataire est de les payer. Dans ce processus, la comptabilité de programmes aura un rôle essentiel dans la synchronisation des autorisations et des paiements. D’autre part, cette comptabilité déterminera le calendrier des engagements de la mission et permettra d’apprécier l’équilibre prévisionnel de trésorerie par référence bien entendu au niveau des crédits budgétaires délégués à l’ambassade.

Elle fournira une information précieuse pour les gestionnaires des missions diplomatiques et les autorités centrales par le rattachement des charges financières d’intervention de ces missions aux programmes assignés. En somme cette comptabilité de programme permettra de dégager à travers la relation coût-avantage, une appréciation de l’apport de la mission diplomatique ou consulaire au pays.

Certes, si le coût est connu, quel pourrait être l’appréciation des avantages résultant d’une mission diplomatique ?
La réponse à cette question résulte uniquement dans la capacité des autorités centrales en collaboration avec les chefs de missions à fixer un « canevas » d’objectifs et de réalisations à atteindre sur une période déterminée (annuelle ou pluriannuelle). Les résultats serviront à apprécier l’efficacité de la mission. Ainsi, l’utilisation des taux de réalisation des programmes culturels, commerciaux, économiques assignés aux ambassades dans le pays hôte sur la base de lettres de missions précises délivrées aux responsables de ces ambassades, seront de bons indicateurs pour évaluer leur rendement pour la nation.

Fixation des objectifs pour chaque ambassade et consulats, hiérarchisation des objectifs par priorité, affectation d’un indice de réalisation en fonction de la priorité.

Pour ce faire, il faudrait que la philosophie qui a guidé, jusque-là, la diplomatie mauritanienne soit revue et corrigée eut égard aux exigences d’un monde en pleine mutation dans ses relations et ses échanges.
En effet, la diplomatie mauritanienne a toujours été un simple instrument de relais politique et moins un outil efficace au service d’un rayonnement culturel, économique et technologique à valeur ajoutée pour le développement de la nation. Les ambassades de Mauritanie se doivent désormais de remplir une mission pleine et entière et non plus seulement le rôle très restreint de relais politique, de centre d’accueil de responsables en mission et de payeur de bourse pour les étudiants.

Un comptable secondaire disposant d’une comptabilité sincère et sous surveillance des services du Trésor, un chef de mission disposant d’une comptabilité administrative contradictoire, des services centraux partageant avec les missions une comptabilité de programme pour évaluer leurs activités et en tirer les conclusions nécessaires pour l’élaboration d’une stratégie diplomatique à tous les niveaux ( culturels, économiques etc.) au bénéfice du pays, voilà une structure au service de la nation.

Une telle articulation d’instruments comptables financiers, administratifs et de programmes est un préalable à toute volonté de faire de nos missions diplomatiques et consulaires des instruments au service du pays. Car c’est dans l’opacité financière, le laisser-aller d’une gestion au grès des responsables des missions et de leurs comptables que se situe le premier niveau de l’inefficacité qui touche ces missions.
Le second niveau reste à traiter à une echelle centrale, à savoir faire du Ministère des Affaires étrangères , un département qui met en place une stratégie globale dans laquelle s’inscrivent les instruments de gestion précités dans le cadre d’une politique qui privilégie l’intérêt supérieur de la nation , loin de cercles d’influence qui font de l’intérêt de quelques uns, un intérêt d’Etat. Mais cela est-il pour demain ?

Pr ELY Mustapha

mercredi 5 mars 2008

Voyages et bonne aventure


Pourquoi n’ai-je pas rencontré le Président à Tunis ?


Je n’ai pas sollicité à rencontrer le Président de la République durant sa visite en Tunisie car la moindre des politesses que l’on puisse rendre à un voyageur aux semelles de vent, est de ne point l’arrêter en chemin. Mais aussi pour que l’on ne croie pas que l’on puisse lui dire des choses que l’on n’aurait pas pu lui confier ailleurs.

Pourquoi rencontrerai-je le Président de la république ? Lui dire ce qu’il sait déjà ? Le comprendrait-il mieux dit à l’étranger que dit dans son propre pays ? La confiance est-elle mieux placée à l’étranger qu’au national ?

Ou irai-je encore, à travers un bref entretien, lui rappeler ce qu’il a laissé derrière lui ?

Lui rappellerai-je qu’il vient de poser pied dans un pays à croissance économique et humaine remarquable et qui dispose d’à peine du dixième des ressources dont dispose son propre pays ?

Irai-je lui dire que ce pays a acquis son indépendance à la même époque que la Mauritanie ? Irai-je lui dire que le budget de l’Etat actuel tunisien (13 milliards de dollars US en 2008 !) est plus que dix fois supérieur à celui de la Mauritanie (moins d’un milliards de dollars US ! Soit 918.606.978 USD ) et que ses compétences et son savoir-faire s’exportent jusqu’en Asie ? Que l’infrastructure socio-économique bat tous les records et que son plan de développement économique et social est un modèle du genre. Que son système sanitaire reçoit les patients d’Europe, du monde arabe et de toute la sous-région y compris les contingents mauritaniens.

Alors que dans notre propre pays, des hôpitaux où des patients rangés dans des mouroirs voient passer sous leurs fenêtres des médecins mauritaniens au chômage et criant misère ?

Irai-je lui montrer la photo de ce handicapé hémorragique se trainant sur le bitume tenant un enfant dans ses bras et mendiant à même l’asphalte d’une grande avenue de Nouakchott. Irai-je lui montrer celle de cette ambulance-corbillard, issue de la créativité malsaine de notre système administratif et sanitaire maladivement corrompu.

Irai-je lui dire ce que tout jeune mauritanien au chômage et sans emploi dans un pays où la jeunesse est laissée à sa misère et à son désœuvrement, que le pays a besoin de solutions sur le terrain et moins de solutions importées.

Alors que dans le pays qu’il visite les programmes d’emploi des jeunes sont une priorité du chef de l’Etat et que le ministère du travail et de la formation professionnelle, à travers ces agences de l’emploi traite pied à pied avec les entreprises nationales et étrangères en Tunisie pour la promotion et l’emploi des jeunes diplômés. Et qu’aucun étranger ne peut être employé ou recruté en Tunisie sans que des conditions donnant des avantages similaires ne soient données à l’employé tunisien et recruté dans la même compagnie.

Que l’Etat veille à l’insertion de son capital humain dans les lieux de productivité, développe ses pôles technologiques et se fait une fierté de mettre ses compétences à la disposition d’une multitude de pays et d’organisations nationales et internationales à travers le monde.

Alors que dans notre pays, le travailleur est bafouillé, jusque dans ses droits les plus élémentaires aussi bien par les sociétés nationales qu’étrangères et que l’administration mauritanienne ne se préoccupe même pas de défendre ses droits, comme s’il était un pis aller. Que le savoir et la science sont le dernier des soucis de l’Etat mauritanien qui leur consacre la part congrue de son budget et de son action, que la culture elle-même est un faire-valoir de chants séculaires remontant à peine le moral de troupes enfoncées dans des tranchées de misère. Une industrie culturelle frisant le ridicule où les rares espoirs artistiques crèvent la dalle, s’exilent ou admirent leur production enregistrée se vendre sur le trottoir en multitudes de supports enregistrés sous d’autres cieux.

Que nos ambassades, dont celle qui le reçoit, est un lieu de villégiature pour fonctionnaire en excès d’applaudissement et que notre diplomatie est l’une des plus inefficace et des plus corrompue de la planète. Où le moindre acte légal se négocie au cousinage ou en monnaie locale. Où le ressortissant est reçu comme on reçoit la peste et où la bourse de l’étudiant est mieux reçue que l’étudiant lui-même car plus productive en placements bancaires à intérêts évidents et en manipulations comptables en taux de changes multiples.

Ambassades-havre de paix pour comptables véreux et ambassadeurs en complicité permanente pour profiter au mieux d’un budget qui est un patrimoine à eux acquis.
Alors que dans le pays qu’il visite, les ambassades sont de véritables instruments d’une stratégie de développement, de coopération et de concertation avec le reste du monde. Les ambassadeurs sous l’autorité directe du chef de l’Etat auxquels ils rendent compte directement sont de véritables chefs de mission. Une mission tout orientée vers le rayonnement du pays et son image pour le reste du monde. Ce que la diplomatie tunisienne apporte à son pays en terme de coopération, d’investissement, de financement et de renforcement de la présence de la Tunisie dans le monde et les instances internationales, en fait l’une des diplomaties les plus efficaces du continent. Sans aller trop loin, il suffit de comparer l’apport de l’ambassade de Tunisie en Mauritanie à la Tunisie, à l’apport de notre ambassade de Mauritanie en Tunisie… à la Mauritanie. Et l’on comprend que la première développe, introduit, et concrétise les projets tunisiens en Mauritanie, assiste les investisseurs tunisiens, et engrange une valeur ajoutée considérable pour la Tunisie tant en termes d’apport économique qu’en terme de coopération fructueuse et hautement appréciée.

Alors que notre ambassade, à l’image de toutes nos ambassades est une boite d’enregistrement, une réception pour délégations en mal de voyage et de villégiature et n’apporte rien au pays si ce n’est quelques rapports confidentiels dont l’efficacité est douteuse consignés dans une valise diplomatique qui elle-même est alourdie par les mille et une offrandes à qui de droit en Mauritanie. Rien qui serve le pays, rien qui enrichit notre patrie. Pire une dégradation permanent d’une image déjà hautement entamée par le comportement de nos diplomates à l’étranger.

De quoi aurai-je pu l’entretenir ?

Que des ménages mauritaniens entiers manquent de ressources du fait de la dilapidation et du détournement des biens publics au vu et au su de tout le monde, alors que dans le pays qu’il visite les ménages, épargnent, planifient , investissent, construisent et élèvent des générations studieuses, saines et résolument préparées à l’avenir. Alors que dans notre pays des générations entières, d’écoliers et d’étudiants sont mal formés, mal encadrés et souvent laissés à la charger de la rue au désoeuvrement, à la misère et aux familles déchirées.

Que dans le pays auquel il rend visite, l’enfance, la femme et la famille sont non pas simplement des "ministères" confiés à des parentèles et autres consanguinités ou régionalités, mais de véritables programmes exécutés avec une volonté continuelle et assistée par la plus haute autorité de l’Etat dont les réalisations dans les soins et la protection de l’enfant, de la promotion de la femme et de la famille ne se comptent plus. Alors que, comble du ridicule, dans notre pays de hauts esprits s’interrogent encore si la femme peut être magistrat, si l’excision n’est pas une pratique spirituelle et si la famille doit exister en dehors d’une tribu.

Que dirai-je au président de la république en visite en Tunisie ? Que la capitale Tunis, qui le reçoit compte à elle seule plus de 2 millions d’habitants, quasiment l’équivalent des deux tiers de population de toute la Mauritanie et elle est gérée par un maire ! Alors qu’avec tant d’administrations, tant de ministères, tant de moyens économiques financiers et humains, l’Etat mauritanien n’arrive même pas à gérer convenablement le bien-être de moins de trois millions d’habitants, sa population paupérisée !

Que dirai-je au président ? Que les commissions mixtes n’accouchent que de souris, lorsque les avantages sont à sens unique du fait du manque de suivi de ceux parmi nos négociateurs qui font de ces rencontres: des rendez-vous de complaisance et un justificatif pour conquérir un malheureux perdiem au détriment de ce qu’attend notre coopération économique et culturelle de telles rencontres.

Que nos ressortissants attendent que leurs représentants dans le pays d’accueil soient des interlocuteurs valables et capables de défendre dans le respect mutuel leurs intérêts. Actuels représentants intravertis et se préoccupant bien plus des avantages qu’ils peuvent tirer de leur position "adminitrativo-diplomatique" que des intérêts des ressortissants.

Que dirai-je au Président de la république, sinon qu’un pays ne peut continuellement être assisté et ses dirigeants en course effrénée à la recherche des dons et des subventions à travers la planète. Qu’il doit se recentrer, gérer au mieux ses ressources et surtout exister par lui-même et pour lui-même ! Que la Tunisie que je connais depuis tant d’années a développé chez ses enfants, à travers une éducation nationale et patriote de ne compter que sur eux-mêmes et de tirer le meilleur parti du monde pour le bien-être de leur nation.

Et nous qu’apprend-t-on à nos enfants ? Qu’ils appartiennent à une tribu, avant même de savoir qu’ils appartiennent à un pays, à un Etat, à une nation.
Ils deviennent des citoyens d’une caste, des fonctionnaires d’un clan, des hommes d’affaires et des commerçants d’une tribu, qui ne tirent profit que pour eux-mêmes et peuvent sacrifier leur pays pour une participation au capital d’une entreprise quelconque et vendre leur âme pour une transaction intéressée avec un Etat hors-la-loi.

Que dirais-je au président en visite en Tunisie ? Que les tunisiens, forts d’une tradition hospitalière séculaire le recevront bien, mais ce n’est qu’une hospitalité passagère. Et qu’il reviendra forcément revoir la misère de son pays. Cette misère qu’aucune nation au monde ne l’aidera à en sortir qu’elle que soit sa bonne volonté et sa fraternité.

Dirai-je au président de la République que ce qu'il a consacré en dépenses à tous ces voyages, en délégations multiples, aurait suffit à lancer un programmes d’emploi des jeunes, à fournir la pharmacie de l’hôpital national en médicaments et produits d’urgence ou au mieux à soutenir les encore déshérité de Tintane et d’ailleurs, à payer des centaines de bourses pour nos étudiants sans bourses et vivotant à l’étranger. Mais pourrait-on dire à un président qui a un budget de voyages de ne pas voyager ? Certes que non. Mais lui dire que ce qui doit être fait est en Mauritanie et nulle part ailleurs.

Mais à la fin aurai-je vraiment voulu dire tout cela au Président de la République ?

Certes que non.

Tant de conseillers autour de lui, tant de ministres, tant de chargés de missions le savent certainement déjà.

Et si le Président voyage, c’est qu’il y trouve un intérêt et je ne saurai dire lequel; mais la seule chose que je sais c’est que la coopération internationale ne remplace jamais le labeur des hommes ; ni les bonnes intentions, leur pain quotidien.

Pr ELY Mustapha