Au moment où les nations du monde entier cherchent l’émancipation de l’humain à travers la consécration des libertés publiques du citoyen, à protéger sa liberté individuelle, en Mauritanie on en est encore à rechercher des solutions contraires. A défaut de résoudre les difficultés on les sanctionne. C’est dans cet esprit que l’on pense l’impensable : établir des polices parallèles. Des polices qui useraient du spirituel pour résoudre le temporel. Une police religieuse.
Police des mœurs, police religieuse
La police est l'activité consistant à assurer la sécurité des personnes et des biens en faisant appliquer la loi. Etymologiquement c’est un mot qui dérive du grec ancien , polis qui veut dire la « cité ». La police c’est la sécurité de la cité de ses habitants et de ses biens. Elle a une activité temporelle tout orientée vers la protection de ce qui est physique jamais vers ce qui est spirituel. La mission de la police est bien définie dans les textes. On doit, par exemple, à l’article 12 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 une définition citoyenne de cette mission : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux à qui elle est confiée ».
Dans le droit positif des Etats modernes, cette mission a permis de distinguer entre la police administrative et la police judiciaire. La première a pour rôle de prévenir des troubles à l'ordre public, la seconde, la constatation des infractions à la loi pénale, la collecte des preuves et la recherche des auteurs d'infractions. Ainsi dans les subdivisons de la police administrative on retrouve la police des mœurs. Une police qui n’appuie ses missions sur aucun principe religieux mais elle est bâtie sur une définition laïque des mœurs à savoir : «les usages et les façons de se comporter d'un peuple, d'une époque ou d'une société ». Le référentiel étant évidemment la prévention des troubles qui peuvent naître de tels actes : offenses publique, atteinte à la pudeur etc.
La police des mœurs agit sur la base du droit positif à savoir le code pénal, les règlements, les arrêtés régissant tel aspects des mœurs. Ainsi si la loi française, à travers le code pénal, lutte contre la prostitution elle ne vise pas (et la nuance est importante !) tant le fait de se prostituer (tant que cela ne trouble pas l’ordre public) mais le fait de pousser à la prostitution, de favoriser la prostitution d’autrui et d’en tirer profit. Et si ce même code pénal sanctionne les outrages à l’ordre public et aux mœurs, c’est sur la base d’incriminations assurant la protection de l’ordre public non sur la base d’un ordre religieux.
Les lois que la police des mœurs applique sont les lois de la cité, pas des lois divines. Ce n’est pas la sanction d’une morale religieuse, pour contraindre au respect des préceptes divins mais c’est la volonté de la cité pour répondre à des principes de société, aux nécessités de l’ordre public.
D’ailleurs le législateur est sensible à cette différenciation puisque le nouveau code pénal français a substitué à la notion de « bonne mœurs » celle de « décence », moins subjective et répond davantage à une perception objective de l’évolution de la société. La jurisprudence y était pour quelque chose.
Le tribunal de Grande Instance de Besançon déclarait en effet que :« L'outrage aux bonnes mœurs (...) ne peut être défini par rapport à une morale religieuse ou philosophique; la distinction entre ce qui est permis et défendu doit être faite uniquement en fonction de l'état de l'évolution des mœurs à une époque définie et dans un lieu déterminé" (Besançon, 29 janvier 1976, JCP 1977, II, 18640)
Faisant ainsi écho au tribunal correctionnel de Paris qui, déjà en 1972,disposait que la notion de décence bien que susceptible d’évoluer dans le temps se base davantage sur la "recherche d'un certain équilibre entre la liberté d'expression, l'acceptable, et la "licence" (Tribunal correctionnel de Paris, 12 janvier 1972, Gazette du Palais 1972.1.379, in fine) ".
Enfin, couronnant tout cela, le tribunal de Grande Instance de Paris devait déclarer que la recherche de la notion de décence par le juge doit prendre « en compte de toutes les manifestations d'opinions exprimées sous des formes diverses, et notamment des réactions de l'ensemble des associations ou autres "groupes de pression" permettant en principe de déterminer le niveau moyen des mœurs actuelles" (Tribunal de grande instance de Paris, 8 novembre 1976, Dalloz 1977.320).
C’est cette dynamique qui caractérise le droit positif visant la protection des droits et des libertés qui différencie fondamentalement la police des mœurs de la police religieuse.
La police religieuse dans le monde
La police religieuse est une police d'État qui a pour mission d’appliquer aux comportements sociaux les règles et principes religieux.
Plusieurs pays ont mis sur pied cette police religieuse, notamment la Malaisie, l’Arabie saoudite, Brunei, l’Indonésie et l’Afghanistan.
Dans ce dernier pays, elle agissait sous le nom de « Département de la Promotion de la Vertu et de la Prévention du Vice (DPVPV) », très active elle avait des pouvoirs étendus sous le régime des Talibans. Elle fut mise en veilleuse après la chute de leur régime , elle est en voie de restauration sous le régime de Karazaï.
Au Brunei, le sultan est le chef direct de la police religieuse car depuis 1962 il assume tous les pouvoirs et cumule les postes de premier ministre, ministre de la Défense, ministre des Finances, recteur de l'Université, chef de la police et commandeur des croyants. C’est une police active et qui veille au comportements antireligieux et contraires aux principes religieux.
En Indonésie, on appelle « les chemises vertes » une police religieuse, recrutée dans les madarsas et au sein de l'Institut public des Etudes islamiques et elle est spécialement responsable de l'application de la loi musulmane.
Comme en Mauritanie, on invente jamais rien, l’idée de police religieuse est plus ancienne qu’on le pense. Elle renait dans les milieux officiels mauritaniens chaque fois qu’un rapprochement s’opère avec les monarchies du golfe. Il en est ainsi particulièrement avec l’Arabie saoudite qui dispose d’une police religieuse dîtes « Mouttawa » appelée aussi « commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice », composées de volontaires (« moutawiiines ») .
Cette police religieuse a une histoire : « Pilier de l’islam, selon ses partisans, et, en l’occurrence, pilier du royaume des Saoud, la police religieuse est née avec le wahhabisme au XVIIIème siècle. Elle a été en quelque sorte l’aile missionnaire pour son promoteur, Mohammed Ibn Abdel Wahhab, aux côtés de l’aile militaire du père-fondateur Mohammed Ibn Saoud. Aujourd’hui, ce corps de volontaires salariés de l’Etat rassemble plusieurs milliers d’hommes qui quadrillent l’ensemble du territoire, surtout les villes. Il dispose de plusieurs centaines de locaux dotés de gros moyens informatisés pour veiller au respect de l'ordre en matière de prière, de jeûne, d’abstinence ou de stricte séparation des sexes. »
Une police religieuse, en Mauritanie pour les péchés de qui?
La police religieuse serait en Mauritanie une police des mœurs plus pieuse que les autres. Une police qui sait distinguer plus facilement entre le bien et le mal. Et qui saura facilement trouver Satan là, où suivant son expérience spirituelle, son entrainement de terrain et son manuel de campagne, il devrait être.
Une police qui aurait pour champ d’entrainement les terrains vagues du palais des congrès et les rues sombres de Nouakchott.
Mais à quoi peut servir une police religieuse dans un pays dont la police elle-même a besoin de changer ses mœurs ? Et crois-t-on vraiment que les atteintes aux bonnes mœurs sont le lot uniquement de la classe pauvre ou déshéritée. On sait pertinemment qu’il n’en est rien et que ceux-là même qui prônent les bonnes mœurs en sont les premiers réfractaires.
En vérité, si l’on évalue les tenants et les aboutissants de l’idée de créer une police religieuse on se rend compte qu’elle ne s’explique que par la nature même de la décision de nos gouvernants. Comme il est de mise dans nos gouvernements , la décision vise davantage à satisfaire des groupes, des factions ou des intérêts inavoués beaucoup plus qu’à résoudre de façon rationnelle et efficace les problèmes de la nation.
Dans cette optique le projet de créer une police religieuse s’assimile à un aveu de faillite du système socio-économique mauritanien. En effet, il est connu que la faiblesse des gouvernants est de vouloir résoudre par la force ce à quoi ils n’ont pu trouver solution autrement.
Il est plus juste de rechercher à guérir le mal au lieu d’étouffer le patient , de soigner la plante au lieu de l’arracher, de détruire le mal pas le malade. Or la police religieuse est l’expression inverse de cette thérapie. Ce qui fait qu’elle ne se justifie pas.
Ce qui doit se justifier ce n’est pas une quelconque police mais un Etat qui se préoccupe des maux de la société.
Lorsque les mœurs sont dissolues, lorsque l’atteinte à la pudeur devient quotidienne, lorsque le plus vieux métier du monde fleurit dans les rues, c’est la faute à la politique socio-économique de l’Etat.
En effet, les mauvaises mœurs accompagnent l’indigence et la misère. Elles sont à l’échelle de la société les conséquence de la faillite économique ( pauvreté, dénuement, instinct de survie , chômage), éducative (abandon scolaires, scolarisation défaillante), sociale (relâchement de la famille, démission des parents, divorces pour convenances, précarité de la cellule familiale, enfance des rues), normative (inapplicabilité des lois, ignorance du droit social, de la famille et de l’enfant) et Judiciaire (défaillance des tribunaux à assurer la bonne justice, l’aversion du citoyen pour la justice, corruption, malversations, népotisme)
Et ce n’est pas la police religieuse qui résoudra cette faillite mais des mesures efficaces pour guérir le mal à la racine, en rehaussant le niveau de vie des populations, en créant l’emploi, en asseyant un système éducatif solide et efficace, en protégeant la famille et l’enfant en faisant de la cellule familiale l’axe de développement humain en lui assurant bien-être et sécurité dans lequel s’épanouiront les générations de demain.
En somme, en supprimant tout ce qui fait tomber dans les mauvaises mœurs : le besoin, le dénuement et la dépendance.
Et ce qui renforcera davantage tout cela c’est d’œuvrer à rétablir la crédibilité dans l’Etat et ses institutions.
Aucune police religieuse ne pourra, en ce bas monde, empêcher un être de tomber dans le péché quand il y va de sa survie ou du besoin de nourrir ses enfants. Mais y a–t-il un péché plus grand encore, que celui d’un Etat qui, a défaut de nourrir ses populations, les jette dans le péché?
Pr ELY Mustapha
Merci Prof pour nous edifier sur le pourquoi de toutes ces "polices" sous differents cieux.Cette creation de police religieuse est un appel du pied aux islamistes pour les "rassurer" et partant les engager dans le Parti-Etat qui se construit. Cela me rappelle la periode Haidallah. Et si le President s'occupait un peu plus de l'economique et du social et laisser le champ religieux en dehors de la gestion de la cite?Pour mon humble avis, I'll me semble que ce gouvernement ne semble pas differencier entre les causes et les manifestations des prolemes!
RépondreSupprimerPersonne ne parle, personne ne dit rien et vous êtes le seul sur la toile qui nous offre à lire et à refléchir de cette façon sur nos milliers de problèmes. Vraiment sans exagérer je peux dire que vous êtes à vous seul toute une école. Le monsieur ancien de l'indépendance qui vous a écrit en vous disantqu'il est fier de vous, a tout a fait raison. Continuez avec notre soutien.
RépondreSupprimerM'B. Aliou
Nanterre France.
Prof,
RépondreSupprimerEn effet,nos gouvernants ont toujours confondu causes et effets;c'est pourquoi,ils n'ont jamais reussi quelque chose,mais,au contraire ont toujours contribué à aggraver les problèmes auxquels ils veulent apporter des solulutions:éducation,santé,économie,etc.
Nos gouvernants actuels,plus que que tous ceux qui les ont précédé brillent par leur incompétence légendaire.Regardez,par exemple,ce qui se passe à TINTANE où on n' arrive pas à trouver une solution définitive aux populations sinistrées(dixit RFI de ce matin),malgré l'abondance des ressources réçues,largement suffisantes pour créer ex nihilo 50 TINTANE.Regardez,aussi le marché d'enlèvement des ordures de NKT,attribué à une société française pour un montant de 3 milliards,alors que le marché de travail regorge de sans-emplois prêts à nettoyer toutes les villes du pays à un coût 20 fois moins élévé...
A+
Merci
INNA LILLAHI WA INNA ILEYHI RAJI3OUN
RépondreSupprimerPOFESSEUR JE TE PRESENTE MES CONDOLEANCES ET JE LIRAIS SOURATE ELFATI7A SU LA DEFUNTE.
INNA LILLAHI WA INNA ILEYHI RAJI3OUN
Mes condoléances les plus attristées à notre mère à tous. Qu'Allah l'accepte en son sain Paradis. J'ai lu la Sourate El Fatiha sur elle. Inna Lillahi Wa Inna Illeyhi Rajioune
RépondreSupprimermes condeleances cher frere et prof
RépondreSupprimerapres le deces de notre mere allah yerhamha, je lui ai lu la fatiha.
je suis tres triste comme toi et pour toi car je sais ce que signifie la disparution d'une maman quelque soit son age.
inna lillahi we inna ileyhi rajioun
abdellahi ould soueilem
coup de chapeau prof et continuez a nous eclaircir
RépondreSupprimermbarek el ide
ndewna d un article
ileyka ta3azya algalbiya
RépondreSupprimerallah yarhamha
amin