vendredi 21 septembre 2007

Les finances publiques de l’Etat mauritanien

Fragilité et dépendance

Lorsque l’on examine les finances publiques de l’Etat Mauritanien on ne peut que se rendre compte de la fragilité économique du pays et de l’aléa de ses ressources financières.
En effet lorsque l’on analyse le budget de l’Etat deux caractéristiques apparaissent :
- Des ressources fiscales qui constituent quasiment la moitié des ressources budgétaires
- Des ressources non fiscales qui en constituent la seconde moitié et proviennent de revenus de ressources naturelles.

I- Des ressources fiscales pénalisant une économie fragile
Au niveau de ressources fiscales l’on pourrait penser que l’Etat se finance sur des recettes fiscales donc des ressources propres et que c’est une bonne chose. Mais l’examen de ces recettes fiscales montre qu’elles sont issues d’une ponction budgétaire réalisée sur les agents économiques par l’Etat et qui n’a rien a voir avec les capacités de création de richesse et donc de plus-value réalisées par le tissu économique. Un tissu économique fragile. Cette ponction fiscale outre qu’elle pénalise de façon durable le développement économique, constitue l’un des facteurs majeurs de la cherté et de la baisse du pouvoir d’achat du citoyen.
Ainsi lorsque l’on examine les recettes fiscales de l’Etat pour le budget 2007on constate la part importante qu’occupent les taxes sur les biens et les services (52%) suivis des impôts sur le bénéfices et les revenus nets (28%) et par les impôts sur le commerce et les transactions internationales (19%).
Si l’on sait que les entreprises mauritaniennes sont des petites entreprises qu’elles sont essentiellement des entreprises commerciales et de services on se rend compte de l’influence négative qu’une telle imposition peut engendrer pour l’économie mauritanienne. En effet, les entreprises industrielles et manufacturières sont à peine une centaine. Elle ne créent pas de valeur ajoutée significative pour l’économie et les bénéfices qu’elles réalisent se décomposent en marge commerciale acquise sur un bien importé et vendu sur le territoire national. La transformation industrielle y est limitée, et la valeur ajoutée technologique ou immatérielle est inexistante .

Cherté de la vie et besoin de financement structurel
La valeur ajoutée réelle dans l’économie étant faible, comment le tissu économique peut-il supporter une telle pression fiscale ? En effet, ce que l’entreprise paye au fisc c’est une part des bénéfices qu’elle réalise (l’Impôt sur les sociétés étant calculé sur le bénéfice net imposable) or le bénéfice est un retour financier de la valeur ajoutée économique créée par l’entreprise. En fait le bénéfice nait davantage d’une marge commerciale fixée par l’entreprise sur un produit souvent importé vendu au consommateur que d’une véritable création de richesse. Ce qui signifie que la ponction fiscale réalisée sur l’entreprise est répercutée sur le consommateur car l’entreprise peut moduler ses marges commerciales face à la variation du taux d’imposition, ce que le consommateur ne peut pas faire puisqu’il est dépendant d’un revenu qu’il ne peut moduler à la hausse ou à la baisse par lui-même. Le consommateur est donc nécessairement dans une situation d’achat d’un bien dans le prix duquel l’entreprise a déjà répercuté ses charges fiscales. D’où la formidable flambée des prix , facilement manipulables par les entreprises dans un système de contrôle des prix défaillants et où la concurrence ne joue pas pour établir un quelconque prix du marché. Ainsi lorsque 52% des recettes fiscales de l’Etat proviennent des taxes sur les biens et services et 28% des impôts sur les bénéfices et les revenu, on comprend alors le drame de l’économie mauritanienne . Le drame de sa stagnation auquel participe cette politique fiscale.
Pression fiscale irrationnelle, confiscation de l'épargne et appauvrisssement
En effet, dans cette perspective, il n y a ni épargne (par les ménages) ni investissement par les entreprises.
Il y a un appauvrissement du consommateur par une confiscation de son revenu entièrement tendu vers la consommation empêchant toute possibilité d’épargne et pénalisation des entreprises dans leurs investissements car l’épargne n’étant pas disponible , le financement de leurs investissement est fortement compromis. C’est en effet, la part de revenu non consommée (Epargne) déposée par les agents institutionnels, notamment les ménages dans les institutions financières et de dépôt qui participe à financer l’économie (crédits aux entreprises, pour favoriser l’investissement et crédit aux ménages pour relancer la consommation etc.).
C’est ainsi que l’économie mauritanienne se trouve dans un besoin de financement perpétuel dû à la ponction des liquidités sur le marché monétaire à travers la politique fiscale et à l’absence d’épargne due à la cherté de la vie et à la faiblesse du pouvoir d’achat. Le entreprises limitées dans leurs investissements ne peuvent participer à la création de valeur ajoutée, d’emploi et de revenus distribuables.

Dilapidation des ressources publiques: schizophrénie budgétaire.
Cette situation aurait pu être améliorées si côté dépense publique, la gestion budgétaire se caractérisait par l’efficience et l’efficacité . C’est-à-dire donner une contrepartie aux prélèvements fiscaux à travers l’amélioration du niveau de vie des populations (cadre de vie, santé, culture ), le soutien au tissu économique (maitrise de compétences de qualifications, mise à niveau commerciale, industrielle et technologique des entreprises) la formation brute de capital fixe (grands projets d’infrastructure et d’aménagements de zone industrielles, de pôles technologiques etc.). Tout cela aurait eu un impact favorable sur l’entreprise nationale, sur sa compétitivité, sur le rendement de son investissement , sur la satisfaction de ses besoins en ressources humaines qualifiées etc.
Or on sait ce qu’il en est. Outre que le budget de fonctionnement absorbe une part importante des ressources de l’Etat, s’ajoutent dans le budget d’investissement les détournements de fonds publics, les concussions, malversations et autres déperditions des ressources nationales qui pénalisent durablement tout développement économique.

L’Etat prend d’une main ce qui ne tombe jamais dans l’autre. Une gestion « schizophrénique » des ressources publiques. La schizophrénie est dit-on « lorsqu’une main ne sait pas ce que fait l’autre ». Un état de dysfonctionnement avancé.
L‘examen à ce niveau du cadre comptable de la loi de finances à savoir le budget de l’Etat exprime bien une fragilité structurelle des finances publiques mauritanienne qui apparaît davantage au niveau de la dépendance des ressources non-fiscales.

II. La dépendance structurelle des ressources naturelles

Lorsqu’on examine la place qu’occupent les recettes non fiscales dans le budget de l’Etat on se rend compte de la dépendance des finances publiques de ressources qui ne sont ni créées par des unités économique (véritable valeur ajoutée de la croissance) ni renouvelables : des revenus de l’exploitation de ressources naturelles. Un financement par une rente.



En effet 51% des ressources budgétaire de l’Etat sont non fiscales. Elles se détaillent en recettes diverses (41%) et en revenus des entreprises et de la propriété (59%)

Les recettes diverses soit un peu moins du quart du budget proviennent des recettes pétrolières c’est-à-dire les retraits du compte pétrolier (96%) et une part non significative de 4% provenant de la dette rétrocédée La dette rétrocédée ou avalisée étant celle contractée par l’Etat au profit entreprises publiques. Elle est gérée par la Direction de la dette extérieure (DDE) avec la dette publique extérieure de l’Administration publique.

Quant aux 49% restants de recettes non fiscales de l’Etat, ils sont constitués par le « Revenu des entreprises et de la propriété. » soit à 75% de redevances, de 20% de revenus des entreprises publiques et des institutions financières et de 5% de revenus divers.
Les redevances sont constitués uniquement des redevances et des amendes de pêche.

Quant aux revenus des entreprises publiques et des institutions financières, Elles proviennent de la Banque centrale, du port autonome de Nouakchott(panpa), de Mauritel et de la Snim. Cette dernière y contribue pour 74 %.
On se rend compte donc que les recettes non fiscales de l’Etat sont constituées essentiellement par les revenus du pétrole, les redevances de pêche et les revenus de l’exploitation du fer (SNIM). Soit des revenus de ressources naturelles non renouvelables.
Si l’on considère maintenant la part des recettes de l’Etat provenant de revenus de ressources naturelles (mines, pêche, pétrole) par rapport à l’ensemble de ses recettes propres (fiscales et non fiscales on se rend compte qu’elles constituent 47 % ! Quasiment la moitié des recettes de l’Etat mauritanien proviennent de ce qu’il ne produit pas ! une manne de la nature par laquelle il se finance et qui en plus n’est pas renouvelable.
Quelles conclusions peut-on tirer de la situation des finances publiques actuelles?

C’est que l’Etat mauritanien est dans une situation de dépendance financière structurelle et que cette dépendance n’est pas celle au moins d’un Etat appuyé sur une économie industrielle et qui tirerait ses recettes de l’activité de création de valeur ajoutée, d’enrichissement et d’expansion de ses entreprises mais de revenus perçus principalement sur de ressources naturelles à savoir une rente qui finira par se tarir. L’autre part des recettes perçue, savoir les recettes fiscales se fait dans le cadre d’une politique fiscale pénalisante pour une économie fragile qui a besoin de ressources pour investir. Une pression fiscale, mal étudiée , s’exerçant essentiellement sur les biens et services qui entraine une cherté de la vie exponentielle, qui prive les entreprises de moyens d’investissement qui annihile l’épargne des agents institutionnels notamment les ménages privant le système financier de ressources d’épargnes essentielles pour le concours à l’économie (crédits aux entreprises et aux ménages).
Des finances publiques structurellement fragiles appuyée essentiellement sur une économie de rente qui ponctionne à travers une fiscalité les maigres ressources des individus et des entreprises.
Une économie qui ignore la croissance et dont les lendemains à l’image de ses ressources naturelles sont incertains. Si l’on ajoute à cela l’incommensurable dilapidation des biens de l’Etat et de ses ressources financières (détournement, malversation..) et les processus d’endettement intérieur (bons du trésor ) et extérieur ( prêts auprès du système bancaire international) que l’Etat utilise pour combler le gap de ses ressources et pour financer ses grands projets publics, on comprend la fragilité de ses finances et la dépendance qu’elles entrainent pour toute une nation.

Pr ELY Mustapha

3 commentaires:

  1. je suis le premier parceque je vais
    contribuer
    pour qu'en mauritanie tout va mal:
    -finance
    -justice
    -education
    -sante
    -sociale
    -tourisme
    nous sommes atteint du syndrome du tier monde famine et maladie et pas n'importe qu'elle maladie sida,tuberculose,paludisme.alors où est ce qu(on va.
    çaha evthourkoum prof.

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  2. Professeur merci pour cette présentation des finances publiques Mauritaniennes claire et très instructive.

    Je tiens aussi à vous remercier pour la rigueur de vos constats en matière d'investissement et de fiscalité et en Mauritanie.

    Ue récente dépèche de l'AFP en date du du 21 septembre confirme de façon significative ce que vous démontrez:

    NOUAKCHOTT, 21 Sept 2007 (AFP) - La Mauritanie propose un environnemennt peu favorable aux investissements privés du fait de nombreuses déficiences structurelles et administratives, a indiqué une récente étude de l'institution fiancière.
    Selon cette étude, qui a notamment visé 237 entreprises du secteur formel et 124 de l'informel, ''des difficultés énormes limitent encore les performances des entreprises'' en Mauritanie.
    Parmi ces diffucultés, la BM cite '' le dysfonctionnement des facteurs de production, la déficience des infrastructures, l'insécurité juridique, les pesanteurs de la fiscalité et de la réglementation et la persistance de la corruption et de ses coûts sur les chiffres d'affaires'' des entreprises.
    Les enquêteurs de la BM ont particulièrement relevé le coût prohibitif des financements bancaires pour les petites structures et les problèmes de distribution de d'électricité, qui perturbent l'ativité de 87% des entreprises.
    s'agissant du cadre réglementaire, la Mauritanie ''a encore beaucoup d'efforts à déployer'', car elle présente '' la fiscalité la plus élevée au monde (105%)'', estime la BM.
    Commentant les résultats de l'enquête, le délégué géneral de la promotion des investissements privés en Mauritanie Mohamed Abdallahi Ould Iyaha a déclaré à la presse que cette étude constituait ''le résultat logique d'un environnement de l'investissement proprement dissuasif, du déficit sévère en infrastructures de base et du manque de compétitivité des facteurs de production''.
    De son côté, le directeur des opérations de la Banque Mondiale pour le Bénin, la côte d'Ivoire, le Mali, la Mauritanie et le Togo, James Bond a recommandé au pays de diversifier sa base productive ''afin d'éviter les conséquences des chocs exogènes tels que les variations des cours de certaines matières premières''.

    M. Economiste BADEA

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Pr ELY Mustapha