mardi 28 mars 2023

RAISON ET DÉRAISON : peut-on ramener un « extrémiste » à la raison ? Par Pr ELY Mustapha

 
 
En Mauritanie, une pléiade « d’oulémas » s'était introduite dans une prison de Nouakchott avec pour mission de  rencontrer des extrémistes religieux. Leur objectif : les ramener à la raison, sur le « droit chemin".

Suite au  massacre perpétré ces derniers jours par des terroristes s'échappant d'une prison de Nouakchott, la  question qui, désormais, se pose :  peut-on ramener un extrémiste à la raison ?

 

I-          Ramener un extrémiste à la raison.

La « raison » pour laquelle l’extrémiste est justement extrémiste tient d’une perception du monde qui n’appartient qu’à ceux qui ont choisi le néant pour exprimer leur être. Mais tous les extrémistes, n’ont pas la même perception de ce néant. Ainsi pour certains, ce « néant », c’est la destruction de tout ce qui peut contredire leur imaginaire du monde, ou menacer leur propre existence qui est instrumentalisée pour faire de cet imaginaire une réalité. C’est l’extrémisme à vocation « domination du monde ». Pour d’autres, ce néant destructeur est l’expression d’un mal être, d’une oppression, d’une réaction à un anéantissement d’un peuple d’une civilisation.

Entre le palestinien qui se fait exploser et un salafiste qui tue des otages, il y a un point commun : ils utilisent la mort pour s’exprimer. Mais si l’extrémisme du premier est une contre-réaction, non-stratégique et machinale, à la volonté sioniste qui veut détruire son être dans la réalité, l’extrémisme du second est une réaction stratégique préméditée contre la volonté mécréante qui veut détruire son être dans son imaginaire. La réalité du premier : l’occupation, l’humiliation et l’extermination. L’imaginaire du second : la guerre sainte, le pouvoir absolu, l’autoritarisme.

L’extrémisme, même s’il ne s’exprime pas par le terrorisme, a une rationalité qui n’est donc pas saisissable uniquement sous l’angle spirituel. L’extrémisme c’est d’abord une dynamique qui trouve dans la raison errante (des diasporas, des minorités, des exclus, des humiliés, des opprimés, des apatrides), le catalyseur pour l’expression d’êtres en souffrance. L’extrémisme est ensuite, une machinerie politico-spirituelle qui met en action un moteur à explosion qui puise son énergie dans cette masse d’êtres en souffrance. Etres qui en recherchant les moyens d’expression de leur état trouvent dans les milieux extrémistes qui les reçoivent, les instruments et les encadrements nécessaires à la réalisation de cette expression. Et la voie choisie n’étant pas pacifique, l’extrémisme s’exprime alors par les moyens extrêmes, à son image : le néant destructeur.

Alors croire que l’extrémisme est seulement une affaire de religion et que le dialogue pourrait résoudre des extrémistes à renoncer à leur « combat » est d’une naïveté époustouflante. La religion, n’est pas le cœur de l’extrémisme, elle est son instrument. La religion ne sert pour l’extrémiste, qu’à justifier ses actes. Il trouve en elle, la solution psychologique de dilution de son « mea culpa ». Elle lui sert de bouclier pour endiguer sa mauvaise conscience et acquérir les autres à la sienne.

Pour l’extrémisme, la religion n’est pas la finalité, elle est un instrument au service d’ambitions sociales, politiques issues d’un imaginaire sur lequel est construit le monde tel qu’il veut qu’il soit. La connaissance de la religion chez les extrémistes est entièrement bâtie sur l’interdit, la coercition et la violence. Les aspects de cette religion qui prônent la non-violence, la tolérance et le dialogue sont, à escient, au second plan. La religion ne sert alors qu’à justifier l’acte de destruction au service du but assigné : l’accaparation du pouvoir.

La « raison » qui guide l’extrémisme, c’est donc moins la gloire de Dieu telle que cette gloire devrait ressortir d’une religion de tolérance où l’homme y est sacré, mais de la sienne propre qui ressort de la perception d’une religion violente où l’homme y est sacrifié.

Faire entendre « raison » aux extrémistes, en employant l’argumentaire religieux c’est justement oublier que leur « raison » puise ailleurs la dynamique de son action violente. Et cette instrumentalisation de la religion est d’autant plus pernicieuse, que la religion est par excellence dogmatique. Elle se prête tant et si bien à l’argumentaire qu’au contre-argumentaire où chacun pourrait y trouver les mille et un méandres justifiant son acte. Celui-ci invoquant la guerre sainte, celui-là la non-violence. Celui-ci l’interprétation littérale des versets, celui-là leur valeur interprétative contextuelle.

Chacun développant ses sources principales et secondaires, en recourant au Coran, à la Sunna, à la doctrine, à la jurisprudence, à l’ijmaa, à l’ijtihad, à El kiyas. Et cette religion universelle et millénaire a développé, à travers ses érudits, ses écoles, ses obédiences, une galaxie doctrinaire dans laquelle chaque courant pourrait y puiser à satiété des éléments pour justifier de son action.

Alors l’approche à l’égard des extrémistes, ne doit pas, et ne peut, être celle de convaincre. L’argumentaire religieux pouvant toujours trouver un contre- argumentaire religieux à l’infini.

C’est autant dire que vis-à-vis de l’extrémisme, cette démarche spirituelle de vouloir « raisonner » va se heurter à la nature même de cette « raison » telle que nous avons pu la mentionner plus haut. Vouloir le faire c’est confondre entre l’instrument « religion » et le « mobile » réel de l’extrémiste qu’il faut chercher ailleurs dans une volonté de concrétiser son imaginaire.

La religion a certes servi à lui inculquer cet imaginaire dans un endoctrinement qu’il a subit et a permis de justifier, auprès de sa « conscience » ses actes de violence. Mais si la religion est un instrument, elle n’est pas le catalyseur. Et c’est là où le dialogue avec les extrémistes est faussé lorsqu’il prend la religion comme critère.

En effet, l’extrémiste, l’est devenu d’abord au nom de sa condition économique et sociale avant que la religion ne lui serve pour extérioriser son extrémisme. Le catalyseur premier est, comme déjà mentionné la situation précaire, humiliante ou opprimée qui jette dans l’extrémisme. C’est là où ceux qui servent de groupes de réseaux, de filières internationales, recrutent ces parias dans leurs rangs en leur faisant passer les étapes de l’endoctrinement et de la militarisation.

Alors qu’une poignée d’oulémas s’infiltre dans une prison pour faire « entendre raison » à un groupe d’extrémistes, on comprend qu’il s’agit d’un dialogue de sourds. Car ni la raison, ni la volonté, ni la détermination des uns et des autres ne sauraient trouver un point de rencontre.

II- Quel est l’intérêt de « faire entendre raison » aux extrémistes.

La question existentielle est : A quoi va servir cette volonté des oulémas, chapeautés par un département ministériel, de « ramener » ces extrémistes à la raison ?

- Ou l’objectif final est de leur « faire entendre raison », ce qui ne sert strictement à rien pour des individus devant d’abord rendre compte de leurs actes devant la justice.

- ou une telle initiative viserait à soustraire ces extrémistes à la Justice. D’où la gravité d’une telle démarche pour toute la nation.

- Ou de s’attirer leurs « faveurs » pour faire entendre raison à leurs homologues détenant des otages que la Mauritanie et ses partenaires voudraient faire libérer

.Une stratégie pour amadouer des extrémistes…et libérer des otages.

Quoiqu’il en soit, on sait ce qui est arrivé à ceux qui ont voulu dialoguer avec les extrémistes. Les extrémismes s’infiltrent par les ouvertures politiques et profitent de la faiblesse des Etats.

Le dialogue avec l’extrémisme, ne se conçoit pas avec ceux endoctrinés qui, ayant pris les armes, ont semé la mort. Ceux-là ne doivent bénéficier ni d’un dialogue, ni d’une volonté de « les ramener à la raison ». Ce sont des prévenus qui doivent rendre compte à la société et être jugés comme tels. Ils relèvent de la justice. Et toute volonté de quelque partie qu’elle soit de dialoguer avec eux est une atteinte à la bonne marche de la justice et constitue une interférence grave avec le pouvoir judiciaire.

Avec cet extrémisme-là, des réseaux terroristes nationaux et internationaux, on ne dialogue pas. On se bat.

Le dialogue que les oulémas se doivent d’avoir c’est avec la jeunesse des banlieues, des quartiers déshérités de ceux qui croupissent dans la misère et qui sont déjà par leur extrême dénuement, des extrémistes silencieux, mais qui, demain, exprimeront leur extrémisme autrement.

En effet, la société mauritanienne étant devenue depuis une trentaine d’année une société à forte tendance conflictuelle (lire ici « Une société mauritanienne traumatisée : les seigneurs de la guerre ») et l’extrémisme nait souvent là on l’attendait pas ( lire plus loin « la journée d’un terroriste : « Es-tu prêt à prendre ce qui t’appartient, avec l’aide de Dieu ? »).

Dans sa lutte contre l’extrémisme et le terrorisme international, l’Etat mauritanien aligne des oulémas, là ou des nations entières alignent leurs remparts sécuritaires et les alliances anti-terroristes.

C’est d’une naïveté mortelle que de croire qu’en dialoguant avec une poignée d’individus on aura vaincu le terrorisme, renforcé la sécurité nationale et libéré des otages réclamés par les occidentaux. Une raison...déraison.

ELY Mustapha

samedi 14 janvier 2023

La chirurgie linguistique...ou comment manier le bistouri avec sa langue. Par Pr ELY Mustapha.

 

 D'après un dessin original de Bexte sur la COVID (Rigolages sur twitter)

نواكشوط عاصمة للثقافة في العالم الإسلامي للعام 2023 ...

 


نواكشوط عاصمة للثقافة في العالم الإسلامي لعام 2023 ...
"... وَمَا تَفْعَلُوا مِنْ خَيْرٍ فَإِنَّ اللَّهَ بِهِ عَلِيمٌ" ﴿ البقرة﴾
The house of oum el moouminin el hartania.
A masterpiece of Islamic architecture from the cultural city of Nouakchott.
90% of the population living in slums and below the poverty line.
A masterpiece of the Mauritanian's politico-military-mercantile genius art.

samedi 7 janvier 2023

Le descendant de Antar Ibnou Cheddad a dit: La Mauritanie, un pays qui vit sur ses ancêtres. Par Pr ELY Mustapha

كن ابن من شئت واكتسب أدبا
يغنيك محمـوده عن النسـب

إن الفتى من يقول : ها أنـا ذا
ليس الفتى من يقول : كان أبي


Il est étonnant de vouloir être quelque chose en se référant à sa lignée. La Mauritanie, un pays extrémement pauvre, qui vit une misère sociale, économique et humaine de tous les jours et tout le monde se targue d'une noblesse qui sied mal à son environnement et à ses actes.

La question existentielle est : peut-on être si noble et vivre dans un pays si appauvri par sa « noblesse »?
La noblesse est-elle dans la lignée ou dans les actes ?

Chaque mauritanien a son arbre généalogique pour faire de l'ombre à son prochain. Un pays désert où il y a tellement d'arbres qui ne produisent aucun fruit. Sinon celui d'une noblesse déplacée d'un pays déclassé dans le concert des nations.
Les mauritaniens ont excélé dans leurs références généalogiques pour prouver on ne sait plus quoi. Peut-être qu’à défaut de devenir, ils veulent être...ce qu'ils furent. Il est plus facile (sinon plus lâche) de vivre dans le passé que dans le présent. Surtout quand le présent exige des sacrifices.

Pourquoi se référe-t-on à son arbre généalogique en Mauritanie ?

a- La fonction socio-psychologique de vouloir prouver qu’on est bien né.

En Mauritanie, personne ne s’aventurerait à se présenter comme un znagui, ou un elheimi ou même comme un forgeron. C’est une sous race, des "intouchables , des moins que rien. Des sous-hommes et des sous-femmes… Par contre se présenter comme" d’une lignée guérrière, zouaya, chérifienne et autres c’est plus acceptable. Quand on est fils ou fille de personne, on ne doit ni apparaître ni paraître.

Il faut dire que l’ancien régime avait exarcerbé cette situation où on accusait une tribu de monopoliser le pouvoir et donc la tribu a pris une importance institutionnelle particulière. Elle était devenue le refuge et le bouclier que l’on utilisait pour se défendre.
La revalorisation de l’appartenace à la tribu a éclipsé celle de l’appartenance à la nation. Mais la tribu n’est pas en elle-même un danger ce qui l’est par contre c’est de croire que par sa lignée on est plus précieux que d’ autres, qu’on a un "plus" par rapport à d’autres et pire encore, qu’on est dans les grâces Dieu. Et qu’en s'annonçant comme tel on est forcément sous la bénédiction divine. Ainsi par sa descendance guerrière on sera plus aptes à guerroyer que d’autres ou par sa descendance chérifienne on est de facto béni par l’éternel.

b- Charité bien ordonnée commence par soi-même : le descendant de guerrier.

Je sus à 25 ans que j’étais de la tribu guérrière des Oulad Nasser de la fraction des « Laa'natra ». Donc que j’étais un descendant direct de sa seigneurie "Antarata el Abbsy". L’inénarrable guerrier et poête , celui qui déroutait les armées par son sabre et les poêtes par sa langue.

Je le sus, hélas tardivement (car ça aurait expliqué pourquoi je terrorisais mes petits amis d’enfance), que j’étais de sang royal et que je l’étais d’une noblesse à toute épreuve. Prouvée et signée. Donc , il n y avait rien à dire, j’étais de la race des seigneurs. Seulement voilà, je n’avais ni cour ni de droit de cuissage sur qui ce soit.
Et je me demandais d’ailleurs si, à force de l’éloignement de génération en génération depuis la lointaine Arabie et les croisements multiples de mes ancêtres traversant les mille et une contrées afro-berbères, en multipliant les épousailles et les alliances, si donc mon sang royal n’était pas tellement dilué que l’on n’y retrouverait à peine un globule rouge appartenant à mon illustre arrière (exponentiel) ancêtre.
Mais c’était confortable d’être de la race des seigneurs et de se dire qu’après tout c’est le nom qui compte. Et je devrais d’ailleurs réclamer à cors et à cris qu’il y a une erreur dans mon état civil et que mon vrai nom était « Mustapha Ibnou Cheddad », ou « Ould Cheddad » pour rester un peu Mauritanien; car à vrai dire si nous nous rattachions tous aux abbassides ou aux ommeyades, nous devrions émigrer ("rebrousser chemin" serait mieux) au Moyen orient. Et nous devons faire vite pour au moins profiter du pétrole qui nous reste là-bas puisque le pétrole du pays dans lequel nous nous sommes installés est de mauvaise qualité ou plutôt la qualité de ceux qui en profitent est mauvaise.

Mais voilà, je sus aussi que ce n’est pas mon aieul qui viendra m’appporter mon pain quotidien et qu’un nom quel qu’il soit ne nourrit pas son homme. A quoi servait-il de déclamer que l’on est fils de seigneur si l’on n'agit pas comme les seigneurs. A quoi sert-il de dire que l’on est descendant d’une noblesse quelconque si nos actes n’expriment ni la noblesse du geste , ni moins encore la noblesse du cœur.

Les mauritaniens devraient adopter un emblème national similaire à celui des français. : Le coq. Le coq est, dît-on, le seul animal qui chante avec les pattes dans la boue.

Se rattacher à une tribu quoraichites quelconque si ce n’est du grand Hijjaz ou tout au moins du lointain Cham ne sert à rien, car même si cela était prouvé, cela ne donnerait à aucun Mauritanien le droit d’un visa pour aller en pélérinage…chez ses ancêtres.

Mais qu’est-ce que cela rapporte à notre pays, cette continuelle volonté de vouloir être descendant d’un "grand quelqu’un" ?

c- Des exemples publics récents : les chérifs dans les medias.

Deux cas de déclaration de lignée publiquement déclarée récemment se retrouvent dans l’interview accordée par la l’épouse d'un ancien  Président de la République à un journal et dans un article d’un ancien directeur général de la Snim .
A une question posée par un journal qui l’interviewait la première dame répondît ainsi :

« Vous conviendrez avec moi qu’il n’est point aisé de se présenter soi-même, mais je tâcherai quand même de le faire. Je suis Khattou Bint El boukhary, descendante d’une lignée Chérif ».

Un ancien directeur général de la Snim parlant de lui-même à l’occasion d’une réponse au chef de l’Etat : «(...) C’est cependant toujours le même homme, fier de son origine Quraïchite par son aïeul éponyme paternel Abderrahmane Rakkaz et son aïeul Menny (pseudonyme de Fatimetou), fille de l’Imam El Hadramy, de l’épopée de Boubakar Ben Amer et ses compagnons et de l’histoire de la confédération tribale Idoïch ( …) »

Mais les exemples peuvent être multipliés car chaque mauritanien s’attache à son origine et peut souvent remonter très loin dans son arbre généalogique.
Connaître ses racines est une bonne chose. Car on ne peut, dît-on, connaître où l’on va si l’on ne sait pas d’où l’on vient.

Cependant, le Mauritanien s’en sert pour entrainer une présomption de bonne foi à son égard.
On est de telle lignée ou de telle autre donc forcèment on est dans une situation meilleure que les autres. Si ce n'était pas le cas, pourquoi s’évertue-t-on alors à déclamer sa lignée patriarcale ou matriarcale ?

La question est d’autant plus grave qu’elle peut même être constitutive d’une hérésie car Dieu n’a-t-il pas dît que le plus proche de Dieu est le plus croyant d’entre-vous. (إن أكرمكم عند اللهِ أتقاكم )
Et cette croyance en Dieu, signifie que l’on souscrit à toutes les prescriptions de notre sainte réligion.
Prescriptions qui mettent l’homme dans un perpétuel jugement par rapport à ses actes et non par rapport à sa lignée ou à sa descendance...
Que vous soyez descendant direct de tous les rois d’orient ou d’occident ou de tous les saints de la terre, vous ne pouvez vous prévaloir de cette lignée pour justifier vos actes ni devant Dieu ni devant les hommes.

Que les Mauritaniens comprennent que les puissantes nations d’aujourd’hui se sont bâties justement en reconnaissant que tout développement se doit d’être bâti sur l’humain et autour de l’humain, détaché de tout préjugé quant à ses origines ou à sa descendance. Et que le plus valeureux de leurs ancêtres n’est pas un prétexte pour justifier une mauvaise guerre et que le plus chérif de leurs ancêtre n’est pas un prétexte pour prouver sa bonne foi. Car qu'adviendrait-il alors des lois, de la nation et de l'Etat ?
Sinon une concentration d’humains qui chantent les louanges de leur lignée ancestrale dans une misère qu'ils tirent directement de la lignée de leurs actes .

Pr ELY Mustapha (Ould Antar Ibnou Cheddad)

 

dimanche 7 août 2022

Mauritanie : ces « nègres » de la République. Par Pr ELY Mustapha


Il existe et existera toujours ce que l’on appelle les nègres de la politique, qui indépendamment de la couleur de leur peau, leur race où leur religion servent les basses œuvres de ceux qui s’accrochent au pouvoir.

Cependant, en Mauritanie, ces nègres sont de vrais « nègres » au sens de Léopold Sédar Senghor mais avec la dignité et la noblesse en moins. 

Pas ceux qui contribuent à la « civilisation de l’universelle », pas ceux dont : « la Négritude est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu'elles s'expriment dans la vie et les œuvres des Noirs », mais ceux qui ont trahi leurs valeurs communautaires pour des prébendes d’un système politique qui les réduit à servir d’agents absorbeurs de toute volonté de leurs communautés.

Ces nègres-là, ce sont des parias d’un système qui aspirent des mamelles de pouvoir en contrepartie de l’infantilisation politique, économique et sociale de leurs communautés.

 Ce sont des « relais » politiques  du pouvoir dont la fonction est d’absorber...toute aspiration de leurs communautés au changement ou même à une quelconque évolution qui n’irait pas dans le sens de ce que l’on décide pour elles dans la  sphère militaro-tribalo-mercantiliste, source de toute politique de l’Etat.

Ces nègres-là ce sont ceux avec lesquels le pouvoir saupoudre le gouvernement ou quelques postes au sein des administrations centrales, ou diplomatiques  et qui lui feront allégeance, non pas par une impulsion républicaine mais par un gargouillement de  leur bedaine dans un Etat où la voracité de ses fils a eu  raison des communautés.

Qui sont-ils ?

Des ministres …des secrétaires généraux… des directeurs, planqués au sein de l’Etat et dont l’unique fonction, au-delà des apparences et des fonctions qu’ils n’ont véritablement pas, est de réduire à néant tout effort de changement de leur communauté. Ce sont les « nègres-zéros » de la table de multiplication du développement communautaire, ils sont l’élément absorbant de tout effort de leur communauté. Comme le Zéro l’est pour toute multiplication.

Que font-ils ?

Chaque fois que leur communauté a des aspirations et qu’elle l’exprime dans la moindre ville, le moindre village, hameau ou bourg, chaque fois que cette aspiration ne s’inscrit pas dans le moule du dirigisme militaro-tribalo-mercantile central, les « nègres-zéros » se déploient aussitôt. 

Ils voyagent officiellement dans les villes, villages, hameaux ou bourgs pour « prêcher la bonne parole », celle que l’on veut que leurs communautés entendent et qu’ils accompagnent de mille et une promesses, le temps que tout s’oublie. Promesses d’une route, d’un pont, d’un assainissement quelconque, d’une bourse pour une progéniture d’un chef de village, d’un véhicule pour le doyen de la communauté etc. etc.

Les « nègres-zéros » savent machiavéliquement comment manipuler leurs communautés, en usant de leur indigence matérielle, de leur pauvreté, de leurs us et coutumes d’hospitalité et de tolérance, de leurs divisons internes en castes, clans ou tribus et de  l'ignorance de leurs droits….

Leurs discours, sous-tendus par des promesses souvent matérielles, ne visent qu’à les assagir pour un temps, le temps de faire gagner du temps à leurs mandants.

En effets les « nègres-zéros » de la République  savent pertinemment que leur maintien à leurs postes est dramatiquement lié à leur capacité de réduire à zéro toute volonté de leur communauté et de toute aspiration de celle-ci. Ils appartiennent à toutes les communautés ouolofs, peuls, soninkés.

Les jours bénis des nègres-zéros de la république, ce sont ceux qui précédent toute élection (locale ou nationale), et ceux où les communautés sont spoliées (l’exemple le plus éloquent n’est autre que le land-grab des terres paysannes au profit des multinationales.)

Dans toute circonstance où le pouvoir a besoin de soutien des communautés, jusque-là ignorées, les nègres-zéros de la république se déploient. On les voit parcourir le pays, discourir et promettre, rencontrer les notables, distribuer quelques sacs de blé dons des USA ou de riz don de chine ou du Japon. Ils recourent à la politique du ventre et au besoin à la distribution d’argent liquide pour venir « au secours de familles nécessiteuses ». Toujours est-il que leur objectif ultime est la satisfaction de leurs maîtres au pouvoir. Leur devise :  Assagir pour se maintenir.

Toutes les nominations au sein de l’Etat, répondent à cette équation : qui nommer pour assurer la pérennité du système en place par absorption de toute remise en cause. Les nègres-zéros sont un membre absorbant dans cette équation.

Ne pas s’étonner donc que des responsables « négres-zéros » font des sorties médiatiques contraires aux intérêts  leurs communautés pourvu qu’ils gagnent "l’estime" de leurs commanditaires, condition pour continuer à bénéficier de mamelles du pouvoir

 Il ne faudrait donc pas s’étonner que le saupoudrage de l’appareil de l’Etat avec quelques nègres-zéros, connus pour leur servitude  soit l’une des stratégies majeures de la politique actuelle en Mauritanie. Assagir pour se maintenir, diviser pour régner.

Cependant ces nègres-zéros ne se différencient que par la couleur de leur peau ou de leur langue. Ils sont ouolofs, peuls, Soninkés ou maures. Il ne se partagent que le fait qu’ils détruisent l’avenir de la Nation en gangrenant l’espoir des communautés…pour des emplois éphémères.

Contrairement à ce qui devrait être à savoir que ceux qui nommés au sein de l’Etat  servent  « d’élites » des communautés et convoient au sommet de l’Etat leur espoirs et aspirations  de développement afin qu’ils soient pris en considération pour consolider l’Etat et affermir la Nation, ils véhiculent, au contraire,  l’égoïsme d’un pouvoir central qui ne se soucie que de sa pérennité. Oubliant par la même que l’avenir de la Nation s’inscrit dans ses  communautés et que l’intérêt de l’Etat ne devrait être que la somme des intérêts de ses communautés. C’est autant dire la terrible responsabilité du « nègre-zéro » dans la multiplication du sous-développement  du  pays.

Pr ELY Mustapha

vendredi 10 juin 2022

Sujets pour le bac mauritanien : L’inertie en exercices. Par Pr ELY Mustapha

Pour que nos élèves ne passent pas le bac idiots, voici des sujets qui leur permettront à la fois d’exercer leurs talents rationnels et de comprendre l’irrationalité de leur condition socio-politique. Le bac devant aussi former nos élèves à la démocratie, ces sujets sont à traiter au choix.

 

 

Sujet  1

 Si un élu a fait 1000 promesses, en un seul jour à ses électeurs et qu’il n’en a pas réalisé une seule depuis le 1er Août 2019, à la présente date de ce sujet (le 10/06/2022 à 9h 41 minutes) soit 2 ans, 312 jours, 21 heures, 41 minutes et 28 secondes, combien de jours lui faut-il encore au pouvoir pour qu’il les réalise ?

   En supposant qu’il élève au carré son effort actuel, en combien de jours y arrivera-t-il ?  (Noter bien que lorsqu'on élève au carré un nombre compris strictement entre 0 et 1, sa valeur diminue …).

 

 Si ce même élu a pris, pendant ses 2 ans, 312 jours, 21 heures, 41 minutes et 28 secondes au pouvoir, des mesures contraires à ses promesses, et sachant que son prédécesseur a pris tous les jours et pendant 10 ans (soit 10 x 365 jours) des contre-mesures à ses propres promesses, combien de jours lui faut-il pour croiser, en un point "A", sur une courbe de la misère, la trajectoire gabégiste de son prédécesseur ?

  Ecrivez la misérable équation de cette courbe (courbatures, courbettes etc.).

 

 Déterminer le point « A » sur cette courbe de la misère, sachant que celle-ci s’inscrit dans un plan orthonormé, dont l’abscisse est la corruption et l’ordonnée le pouvoir.

  Ainsi, déterminé le point « A » de la courbe de la misère, combien de droites peut-on y faire passer, sachant que la misérable géométrie politique est non euclidienne.

 

 Sujet 2 :

 Une suite géométrique ou progression géométrique résulte de nombres successifs tels que chacun est égal au précédent multiplié par une valeur fixe, appelée raison.

 

Sachant que l’actuel président, à l’image de son prédécesseur, multiplie à chaque conseil des ministres le nombre de ses conseillers, et que ce nombre n’étant jamais égal au précédent, trouver la valeur fixe, ou raison, qui permettrait au Président d’atteindre un nombre de conseillers suffisant pour continuer à ne pas se faire conseiller.

Noter que le facteur de multiplication, la raison, de cette progression géométrique de démultiplication de conseillers doit être strictement différent de zéro et strictement non compris dans l’ensemble des entiers relatifs positifs.

Quel est ce facteur de multiplication (élément de Z- ) qui appliqué au nombre à venir de conseillers, à nommer en conseil des ministres à tenir, permettrait au Président de se faire « conseiller » lui-même.

 

Sujet 3 :

 

 Sachant que l’élasticité mesure la variation d'une grandeur provoquée par la variation d'une autre grandeur.

 Sachant qu’un élu a été porté au pouvoir à la faveur de son amitié d’un ancien élu, quelle est l’élasticité qui mesure la variation du comportement du premier élu, par rapport à l’ancien élu ?

 

 Ainsi, par exemple, si la confiance du second augmente de 15% et que la méfiance du premier, baisse de 10%, alors l’élasticité de confiance, déterminant la variation du comportement, est le quotient de la variation de la confiance rapporté à la variation de la méfiance, soit -1,5 = (15 % / -10 %).

 

Eu égard, à cette définition, qu’elle est l’élasticité caractérisant les rapports actuels Actuel président/Ancien président ? 

  Peut-on en déduire, une influence sur les variations de l’état d’inertie de l’actuel président, à court, moyen et long terme ? (Sachant, avec Keynes, « qu’à long terme on est tous morts »)

 

 Sujet 4:

 

 Sachant qu’une commission d’enquête parlementaire (CEP) a enquêté durant 60 jours, sur un ancien président qui fut le mentor de l’actuel président. 

 Sachant que l’actuel président, est président de l’UPR depuis 2 ans, 312 jours, 21 heures, 41 minutes et 28 secondes alors que son prédécesseur en fut le président pendant 10 ans.

 Sachant que l’UPR a supporté l’ancien président 10 ans dans sa gabegie, et que La CEP comprend 6 membres UPR sur 9.

 

En tenant compte du temps passé par chacun à la tête de l’UPR (x), et du temps passé par l’UPR à les servir tous les deux (y) et du nombre de députés UPR de la CEP (z), établir une fonction de crédibilité de la CEP pouvant expliquer l’inertie de l’actuel président ?

 

 En somme vérifier si l’actuel Président en tant que référentiel galiléen dans un espace en mouvement gabégiste, va conserver son inertie.

 

 Sujet 5: 

  Sachant que la première loi de Newton, la loi d’inertie, dicte qu’en l'absence d'influence extérieure, tout corps ponctuel perdure dans un mouvement rectiligne uniforme.

 

 Sachant qu’un peuple vit depuis 44 ans sous un régime d’inertie, imposé par un corps militaire lui imposant un mouvement rectiligne uniforme (kaki) de sous-développement, quelle force (gravitationnelle, magnétique, électrique, nucléaire etc…) doit-il développer pour qu’il passe de la première loi de Newton à une loi du mouvement perpétuel capable d'imposer une accélération induisant la modification de son misérable état ?

 

Pour les besoins de la démonstration de force de l’exercice 5, manifester …pacifiquement est un indice. 

 

Pr ELY Mustapha


lundi 6 juin 2022

La pauvreté comme modèle de développement. Par Pr ELY Mustapha

 Tout observateur objectif de l’actualité mauritanienne remarquera que toute l’activité du pays tourne autour du politique et du terrorisme. Ces deux pôles constituant les extrémités d’un même axe, représenté par l'Exécutif.

Tout le pays, pouvoirs publics et opposition compris, est tendu vers le politique. Les premiers pour le garder, les seconds pour l’accaparer.

Ce sont, d’un côté, les éternelles chamailleries politiciennes assises sur la mauvaise foi des uns et des autres qui alimentent le quotidien du Mauritanien et de l’autre , la menace du terrorisme, de l'insécurité (y compris alimentaire)  interne et externe ,  qu’on brandit et qui justifient tous les excès  à son égard et à l’égard de la gestion publique.

Depuis des dizaines d’années, la Mauritanie végète dans cet environnement où la seule préoccupation est une lutte pour le pouvoir.

Un pays où les seules nouvelles sont les dénonciations, les invectives partisanes, les pillages, les emprisonnements, les viols, les expropriations, les jugements, les retournements de veste, la pauvreté, la misère, la fraude, les tensions…

Un tel pays a-t-il réellement un avenir ?

Entend-t-on jamais l’annonce de la réussite de projets nationaux d’envergure, d’inventions, de découvertes scientifiques majeures, de réalisations sociales ou économiques significative, de progrès dans un quelconque domaine commercial ou industriel à l’échelle nationale ou internationale?

Eh bien non, il suffit pour cela de se référer à tous les médias écrits et audiovisuels de ce pays  pour s’en rendre compte. 

 Des médias qui ne font que rapporter les emprunts faramineux bilatéraux et multilatéraux, contractés par l'Etat depuis des decennies et qui n'ont jamais servis au développement et dont la destination n'est jamais justifiée aux citoyens, des dons accordés par mille et une organisations et pays étrangers et qui s'évaporent . En somme des médias qui ne rapportent que l'endettement et  qui pourtant sont la vitrine de la pauvrete et de la misère qu'ils rapportent à longueur de colonnes.

Peut-on parler de développement en Mauritanie ? La réponse est certainement non. Car la réalité est là : il n’y a ni progrès ni même ses prémisses ...

Il n’est nul besoin d’être économiste pour s’en rendre compte. La Mauritanie est un pays en récession perpétuelle, alimenté par une rente (ressources naturelles) et une oligarchie commerçante (à investissement improductif) soutenie par une nomnkatura militaro-tribale et qui n’a aucune perspective de développement.

 la Mauritanie ne suit aucune modèle de développement, elle n’a même pas de plan de développement économique et social souverain, elle s'appuie sur des "stratégies" (fort intéressées) de "lutte" contre la pauvreté et de "croissance" économique qui lui sont concoctées et financées par l'endettement incompressible et fatal par le groupe de Bretton Woods . C'est autant dire qu'elle navigue à vue, prise dans un suredendettement en croissance exponentielle avec des ressources finies, non renouvelables et ne bâtit rien pour l’avenir.

Ne demandez surtout pas aux autorités publiques quel est leur modèle de développement, elles n’en ont pas.

L’horizon de l’administration publique se limite à gérer le quotidien, à vivre avec les moyens du bord, légalement ou illégalement. L’horizon de ceux qui la dirigent ne va plus loin que la volonté de s’incruster là où ils se trouvent et continuer à perpétuer la médiocrité et la servilité à celui qui détient le pouvoir.

Dan ces conditions, la recherche d’un modèle de développement est hasardeuse.

En effet, tout modèle suppose d’abord une volonté politique de le définir et de le mettre en œuvre à travers l’appareil de l’Etat. Ensuite ce modèle doit refléter une vision de société permettant de bâtir son avenir économique et social.

Or ni la première condition ni la seconde ne sont  remplies. Ni ceux qui dirigent actuellement le pays, ni ceux qui le soutienne ou le conseillent n’ont une vision pour le pays. Leur objectif est de se maintenir au pouvoir d’utiliser les moyens dont dispose le pays pour continuer à gérer leurs intérêts. Continuer à maintenir les chamailleries entre partis politiques, à maintenir les règlements de compte à travers un système judiciaire dépendant, à emprisonner et à diviser. A brandir  le bâton et la carotte :  le Dialogue . Qu'ils annoncent... qu'ils retirent... laissant des parties politiques opportunistes salivant de rage. Rage qu'ils finissent par négocier, s'aligner sur le pouvoir  et recevoir des miettes sacrifiant ainsi tout espoir d'un développement quelconque à travers l'élite politique.

Quant à la seconde condition, elle entre dans la même perspective. L’administration publique minée par l’incompétence, le favoritisme et l’esprit de clans, subsistant sur des moyens dérisoires, affiche une incompétence notoire et de ce fait ne peut servir un quelconque modèle de développement.

Pas de vision économique eu sommet de l’Etat, pas d’administration viable, ni de structures techniques existantes, la Mauritanie végétera longtemps dans le sous-développement et il est probable qu’elle n’en sortira pas.

                                                                                                                                                                         Pr ELY Mustapha

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Poésie de la douleur.