Incroyable ! L’opposition veut encore dialoguer…Certains de ses ténors
proposent même à Ghazouani, des sujets de dialogue et même une feuille de route !
A l’image de ses scores électoraux, l’opposition a la mémoire éphémère.
Mais pour le pauvre citoyen mauritanien qui eut à
voter pour l’opposition c’est le cauchemar. Il vient de comprendre, (tardivement ?)
hélas ! qu’il n’y a jamais eu d’opposition véritable et que même s’il a existé
un « esprit » d’opposition, ses dirigeants ont vendu son âme et la leur dans
les « dialogues » et autres «concertations » qui ont depuis les putschs
militaires successifs aspiré son énergie, généré les dissensions en son sein et
l’ont réduite à brandir son escarcelle de conciliabules au premier qui se
saisit , malgré elle, des rênes du pouvoir.
En effet, au-delà de l’argumentaire qui revient à
chaque mandat, de la « paix sociale »,
de « l’entente » qui anime ces dialogues du pouvoir qui ont fait saliver depuis
des décennies l’opposition, il est un constat démocratique invariable et sur
lequel se bâtissent l’équilibre et l’exercice du pouvoir :
« UNE OPPOSITION QUI DIALOGUE
N’EST PAS UNE OPPOSITION ».
Une opposition qui dialogue, est une opposition
qui trahit l’esprit du jeu partisan fondement de la démocratie, elle détruit
l’essence même du jeu politique, à savoir servir de contre-pouvoir pour
orienter, influencer et puis, si possible, conquérir le pouvoir en proposant
des alternatives nouvelles, de nouvelles voies du possible et du réalisable en
capitalisant sur l’expérience et les échecs du pouvoir en place.
L’opposition d’aujourd’hui est un médiocre reflet
de ce que l’opposition doit être dans un Etat démocratique.
Une opposition qui dialogue n’est pas une
opposition.
Appelez-là ce qu’il vous conviendra de l’appeler :
juxtaposition, transposition, permutation, interversion, inversion...mais ne
l’appelez pas opposition. Cette opposition qui recherche ou qui va au dialogue
avec le pouvoir est le pire des maux que la Mauritanie puisse subir. S’opposer
à cette opposition-là est le premier devoir de tout citoyen concerné par
l’avenir politique de son pays.
Quel devrait être le comportement d’une opposition
digne de ce nom ?
Une opposition s’organise, collecte ses moyens
matériels et financiers prépare son programme politique, le vulgarise,
rencontre ses militants, génère des alliances, déploie son énergie à rassembler
une opinion qui lui soit favorable, en d’autres termes prépare avec
militantisme sa participation aux prochaines élections.
Mais une opposition toute tournée vers la
contemplation du pouvoir et attendant de son détenteur qu’il l’apostrophe, est
un réceptacle d’une misère partisane tendant sa gamelle pour y recueillir les
postillons d’un dialogue qui est devenu tout son programme.
Le devoir de tout Mauritanien, est de ne pas
intégrer cette opposition-là mais plutôt de la fuir comme une peste
institutionnelle. Si on a piétiné tout un peuple et accaparé le pouvoir, ce fut
et c’est toujours à cause de cette opposition-là.
Historiquement, rappelons-nous…
Vivant sur les relents d’un accord de Dakar mort-né,
croyant qu’elle a encore un poids dans les institutions de l’Etat, pour mener
Aziz vers quelques concessions, l’opposition s’est gourée et continue de l’être.
Elle réclame une réponse écrite, mieux encore un
engagement écrit d’Aziz sur les points de discorde qu’elle lui a fait parvenir
et conditions du dialogue.... Opposition du ridicule.
Aziz n’avait pas demandé à l’opposition son avis
en prenant de force le pouvoir, il ne lui a pas non plus demandé de s’exprimer
en se faisant « légaliser » par les urnes. L’opposition ne sert à rien pour
Aziz et Aziz le savait.
Ce qui a servi Aziz c’est que l’opposition
continue à saliver, comme un cabot attendant un os, en lui miroitant le
dialogue. Le dialogue, fut pour Aziz, un instrument machiavélique. Il l’avance
quand sa mauvaise foi l’y pousse et il le retire chaque de fois que
l’opposition y croit.
Cette opposition-là, fait le jeu du pouvoir. Et
c’est en cela qu’elle est dangereuse. Elle est composée de groupes d’individus,
sous-fifres, qui constituent une sorte de courroie de transmission avec le
pouvoir. Ce sont ces groupes-là qui constituent les « poignées » dont se saisit
le Pouvoir pour appâter l’opposition.
Ces « poignées » sont composées de dirigeants
aigris par le pouvoir et qui ne savent plus comment y accéder, mais aussi
d’individus membres qui « monnayent » leur participation au pouvoir et qui
émulent au sein de l’opposition une espèce de « psychose » du dialogue où le
délire de l’intéressement matériel n’est pas absent.
Toujours est-il que cette opposition intéressée au
dialogue, est le dindon de la farce.
Rappelons-nous que si le pays en est arrivé là,
c’est à cause de l’opposition. Si aujourd’hui Ould Abdel Aziz est au pouvoir,
c’est à cause de l’opposition. L’opposition juillettiste n’a donc que ce
qu'elle a semé.
Cette opposition-là qui s’est précipitée pour
négocier à Dakar la réédition d’un président élu, n’a aujourd’hui que ce
qu’elle mérite. En Mauritanie, le peuple n’a pas seulement les gouvernants
qu’il mérite il a aussi l’opposition qu’il mérite. Et c’est à cause de cette
opposition-là, ses dissensions internes, son opportunisme et sa course en rangs
dispersés à la présidence lors des dernières élections, que le pays est ainsi
gouverné.
Une opposition qui dialogue, pour pérenniser sa
forfaiture, n’est pas une opposition.
Que s’est-il passé pour que l’opposition devienne
ce qu’elle est aujourd’hui ? Simplement qu’elle n’a pas tiré les leçons du
passé politique récent du pays.
I- L’opposition ou la sape
psychologique: les leçons du passé
En 2005, jamais une stratégie n’a été aussi
brillante et aussi sournoise que celle qui réduisit l’opposition et lui enleva
sa victoire aux présidentielles et aux législatives. Ceux qui dirigèrent la
transition, avaient décidé de miner l’opposition et de la réduire autant que
possible à travers une stratégie de « concertation » qui a permis de « piéger »
ceux qui justement pouvaient tout faire basculer. Les « renards » de la
transitions aguerris aux faux compromis et aux jeux de la souricière avaient décidé
de neutraliser une opposition qui, à la veille du 3 Août 2005, avait une force
et une légitimité qu’ils craignaient par-dessus tout. Cette opposition qui
sortait d’une haute lutte contre l’ancien régime et dont certaines composantes
avaient même pris les armes contre lui risquait de remettre en cause le coup
d’Etat lui-même et la transition elle-même.
Il aurait suffi que l’opposition ne reconnaisse
pas le coup d’état, qu’elle s’agrippe à ses acquis historiques qu’elle « tape
sur la table » pour que ceux qui ont élaboré la transition dans des buts
inavoués reculent et cèdent devant ses doléances. Cela ne fut pas fait parce
que les renards de la transition avaient très vite identifié le talon d’Achille
de l’opposition en la personne de ses leaders et notamment Ahmed Ould Daddah.
Cette identification se confirma pour eux très
vite lorsque Ahmed ould Daddah fut le premier reconnaître le coup d’Etat et son
apport pour la démocratie. Il devenait alors un « interlocuteur » qui allait
servir de porte d’entrée, un cheval de Troie pour déstabiliser l’opposition. La
bonne foi d’Ahmed Daddah n’avait d’équivalent que la mauvaise foi de ceux qui
allient « l’utiliser » malgré lui. Et c’est là où l’œuvre de sape psychologique
commença à la manière d’une forteresse assiégée.
Durant les premiers mois on le consultait on le
travaillait dans le sens du poil et le travail psychologique finit par prendre
: la conviction du leader du RFD en la volonté des militaires de céder le
pouvoir à l’opposition et de façon démocratique. Par cette politique
d’amadouement ils ont obtenu deux choses :
- L’immunisation : Faire passer calmement la
transition jusqu’à son terme et appliquer leur plan stratégique
- La neutralisation : Assagir l’opposition à
travers l’un de ses principaux leaders jusqu’à la mettre à genou.
Cette situation se manifesta à travers les idées
lancées par Ahmed Ould Daddah dans sa fameuse déclaration sur « l’absence de
chasse aux sorcières » qui reprenait l’argumentaire du CMJD et ses déclarations
dans l’interview à Jeune Afrique. ELY Ould Mohamed Vall déclarait en effet en
Septembre 2005 : « Il n'y aura ni règlement de comptes, ni chasse aux
sorcières, ni esprit de revanche. « (JA L’Intelligent » Septembre 2005)
Le 07 septembre 2005 Ahmed Daddah déclarait à
l’AMI : » "j'ai confiance, en toute objectivité, dans le projet du
CMJD".
Il était devenu ce que le CMJD voulait qu’il
devienne « la courroie de transmission » avec l’opposition en la « piégeant »
dans le processus d’un dialogue et d’une concertation qui allait être fatal
pour toute l’opposition.
« Le RFD, déclarait Ahmed Daddah, en tant que
parti, est favorable au principe du dialogue sur les questions nationales qui
nous concernent tous. Nous nous réjouissons donc de cette initiative et pensons
qu'elle marque le début d'une concertation que nous espérons approfondie,
franche et exhaustive. Concernant le comité chargé du processus de transition,
je tiens à préciser que cette période transitoire est essentielle parce qu'elle
déterminera tout ce qui la suivra. C'est pourquoi nous estimons que tous les
acteurs doivent y participer, y compris les partis politiques, la société
civile, les leaders d'opinion, avec tout le sérieux et toute la franchise
requise... »
Et la boucle est bouclée. Ahmed Daddah était
devenu l'appât auquel on miroitait mille et une bonne intentions dont il
nourrissait ses espoirs de changement.
Les militaires, en s’appuyant sur une structure
gouvernementale triée dans le tas des anciens du régime précédent, avec
lesquels ils partageaient les mêmes préoccupations de défense de ses intérêts
et de ses basses-œuvres avait mis en place une stratégie psychologique
militaire qui, comme on le sait, utilise de multiples techniques de
déstabilisation de l'adversaire utilisant la psychologie préventivement, ou
simultanément, à l'usage de la force.
Une stratégie qui ressemble étrangement à celle
utilisée par les experts militaires dans le Chiapas mexicain : diviser et semer
la confusion dans les esprits pour atteindre des buts de déstabilisation des
structures villageoises. A travers une pseudo- politique d’ouverture au
dialogue, le gouvernement opposait les chefs de village en accordant plus
d’importance officielle à l’un deux et en le favorisant financièrement et
matériellement par rapport aux autres. Ce qui, à moyen terme, entrainait la
division et les blocages dans les rapports villageois. De la division et des
rancunes naissaient alors les dénonciations.
Lorsque Ahmed Daddah a compris qu’il n’était pas
l’interlocuteur unique du CMJD, que celui-ci jouait son propre jeu, il fît
machine arrière à travers les dénonciations que l’on sait sur la « dérive » du
CMJD notamment après que Sidioca fut pressenti au mois de juillet 2006 comme
candidat « favori » du CMJD. Mais déjà en décembre 2006 le vent avait tourné et
la stratégie du CMJD était à son apogée.
La dissidence de Messaoud Ould Boulkheir qui
permit à Sidioca de remporter la victoire, tient de cette stratégie car on se
rappelle très bien que pour justifier son ralliement à Sidioca, le dirigeant de
l’APP avait reproché à Ahmed Daddah d’avoir eu un plan secret avec le CMJD de
constitution d’un gouvernement. La stratégie de déstabilisation avait joué.
Concertation et dialogue furent les deux armes
absolues de la stratégie des autorités de transition pour « endormir »
l’opposition et gagner du temps pour échafauder ses plans et les mettre à
exécution.
Cette stratégie de « la concertation anesthésiante
» est encore aujourd’hui mise en œuvre par les régimes politiques successifs.
La présence encore aujourd’hui de personnages au palais et la plupart de ceux
qui ont servi la transition et le régime précédent aux postes-clefs en est la
preuve éclatante.
Mieux encore, la transition avait pensé à un
mécanisme pour pérenniser cette « concertation » et neutraliser l’opposition
même après l’avènement de l’ère démocratique : le statut de leader de
l’opposition.
Le piège institutionnel se referma alors et
l’opposition est actuellement toute réduite à cette fonction de « concertation
» qui lui enlève tout rôle et toute volonté sinon ceux d’entériner ce que le «
leader » glane comme assurances et expressions de bonnes intentions du
détenteur du pouvoir sur tout et sur rien. Encore une fois, la bonne foi du
leader mise à contribution à travers une concertation dont on sait ce qu’elle a
donné par le passé.
II- L’opposition doit réagir à
la sape psychologique : tout remettre en question
Il est incontestable que depuis 2005 les régimes
successifs utilisent, le « dialogue » et la concertation pour neutraliser
l’opposition et gagner du temps. Gagner du temps pour s’affermir politiquement
et consolider son leur assises économico-financières.
- S’affermir politiquement: l’expression la plus
immédiate fut la création du grand parti présidentiel qui a visé à damer le
pion à l’opposition et au-delà. Quelle fut la réaction de l’opposition à ce «
danger » institutionnel d’un parti-état ? La concertation !
- Consolider ses assises financières : On le sait
outre que le favoritisme n’a pas quitté l’Etat, voici que commence la
liquidation des entreprises publiques pour « renflouer », les caisses de
l’Etat. Une cession d’actions de l’Etat dont on ne sait en fin de parcours si
elle servira vraiment l’Etat à travers son budget. Et qu’elle est la réaction
de l’opposition face à la menace qui touche les entreprises publiques ? La
concertation !
Et qu’a donné cette concertation ? Une conférence
dénonçant ces aspects, relayée par la presse.
Quel impact cela a eu sur la politique du
gouvernement ? Rien ! On se concerte avec l’opposition mais on ne l’écoute pas.
On continue à structurer le parti-état et on a continué à négocier la cession
des entreprises publiques.
Alors est-ce là une opposition qui a un poids sur
la scène politique ? Une opposition qui s’accroche à des concertations comme si
elle était l’antichambre du pouvoir. Eh bien non. Cette opposition-là, le
peuple n’en veut pas ! Elle est inefficace, anesthésiée par un pseudo-dialogue
et réduite à sa plus simple expression : un contre-pouvoir qui ne contre rien.
Quelles sont les solutions ? Il faut que
l’opposition se ressaisisse. Qu’elle quitte immédiatement ce processus de «
concertation » et de « dialogue », qu’elle renonce à l’institution de leader et
qu’elle entre… en opposition !
Qu’elle adopte sa propre vision des problèmes à
résoudre, qu’elle élabore sa propre stratégie d’intervention pour contraindre
le gouvernement à discuter et à obtempérer s’il le faut.
Si les problèmes sont connus et attendent solution
(refus du parti-état, refus du bradage des entreprises publiques, rehaussement
du niveau de vie, dénonciation de la corruption et du trafic d’influence etc.),
quelle est la stratégie à adopter ?
La voici :
- Se déconnecter du giron des pouvoirs publics et
donner à l’opposition son autonomie (« pas de leader, pas de concertation »)
- Utiliser les moyens légaux pour protester :
grèves limitées ou généralisée, alerte de l’opinion publique nationale et
internationale
- mise à contribution des cadres et des forces
intellectuelles de l’opposition pour critiquer (socialement, économiquement,
financièrement) et publier leurs critiques des mesures gouvernementales partout
où cela peut influencer le système (ouvrages, travaux de conférences et de
colloques etc.)
- Entreprendre des meetings et des sittings de
protestations.
- Investir les aires d’information (presse écrite,
audiovisuelle nationale et internationale) etc.
En résumé : Etre une force politique réelle qui
agit sans complaisance et avec les moyens d’une véritable opposition.
Puisse l’opposition comprendre cela, sinon s’en
est fini d’elle. Elle restera un faire-valoir d’une politique qui s’affermit de
jour en jour, institutionnellement et financièrement.
Et alors, il ne sera plus très loin le temps où elle
devra se soumettre ou disparaître ( à moins qu’elle n’y soit déjà) . Car en
politique, une opposition qui ne joue pas son rôle est non seulement une
traitrise à l’égard de ceux qu’elle représente mais aussi la pire des menaces
pour un Etat de droit.
Le seul espoir qui reste est que l’actuel
président Ghazouani tienne ses promesses et ses engagements brandis à
l’opposition pour l’assagir. Mais si en réalisant cela, Ghazouani gagnera en
crédibilité croissante, alors l’utilité d’une opposition devient inversement
proportionnelle à cette crédibilité.
"La dignité, a-t-on pu écrire, passe par le
sentiment qu'on a de son utilité[i]."
Pr ELY Mustapha
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