mercredi 29 juillet 2020

Le syndrome « Tekeyber » : De la responsabilité de la femme mauritanienne dans le pillage de l’Etat. Par Pr. ELY Mustapha



« Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement. » (Art.53 du code pénal mauritanien)


Étonnant qu’un chapelet de responsables épinglé pour corruption, détournement, vol de biens publics par le rapport de la Commission d’enquête parlementaire (CEP) fait la part belle aux hommes. Mais où sont… leurs femmes ?

Certes des hommes ont pillé le pays, réduit l’État à une tirelire mafieuse, terni l’image interne et externe du pays, mais pourquoi et comment en sont-ils arrivés là ?


Par quelle mécanique ont-ils été mus ?

Plusieurs facteurs propulseurs de cette mécanique ont été ici débattus. De l’opportunisme politique au clientélisme débridé en passant par l’alliance du ventre et la dissolution des principes et des valeurs, tout a été vu et revu dans la dynamique auto-entretenue de cette mécanique destructrice de l’État et de la Nation.


Cependant, jusque-là les acteurs manipulant ses leviers furent tous identifiés par leurs fonctions : militaires, politiques, commerçants, fonctionnaires… Et, aussi évident que cela soit-il, ils ont un dénominateur commun : ce sont tous des hommes.

La Mauritanie a des maux qui sont des mâles ?


Cela signifie-t-il que tous les malheurs politico-socio-économiques de la Mauritanie, viennent du genre masculin ?


Nul ne nierait en effet, que la politique mauritanienne et la gestion des affaires publiques a été et continue à être une affaire d’homme. Le genre masculin est aux commandes des postes-clef de l’État et monopolise ses structures de gouvernance et de gestion. Mais derrière cette apparence, l’homme est-il seul aux commandes ?

En d’autres termes, les comportements criminels de pillages, d’enrichissement sans cause, de détournement des biens publics, de corruption etc. sont-ils nés de la simple volonté du genre masculin ou y a-t-il d’autres facteurs qui l’ont poussé, sinon contribué, à ce qu’il les commette ?


L’homme mauritanien est-il né naturellement un rapace des biens de la collectivité nationale ? Non.


Sa religion le lui permet-elle ? Non.


Son Éducation en fait-il un être socialement enclin à cela ? En principe, Non.

Alors, si le genre masculin mauritanien est devenu le rapace public, y a-t-il d’autres facteurs latents, invisibles, non apparents, mais qui ne sont cependant pas sans une influence notable sur le comportement de l’homme mauritanien face aux biens publics et aux biens d’autrui ?

Qu’elle est alors l’influence qu’il a subie dans son entourage. Et du plus proche de son entourage : la femme mauritanienne.


La femme mauritanienne y est-elle pour quelque chose ?


La question pourrait être posée. Car s’il est vrai que c’est souvent l’homme qui est au-devant de la scène, il n’en demeure pas moins que c’est une éminence grise, la femme, qui pourrait influencer et interagir sur le comportement (Ô combien répréhensible) de l’homme mauritanien dans la gestion de la Nation.

 Quelle part de responsabilité supporte la femme mauritanienne dans le déclin social, politique et économique du pays ?


Il serait illogique de faire de la femme mauritanienne une personne étrangère au comportement de l’homme mauritanien dans toutes les sphères de la vie de la nation.

En serait-elle même l’instigatrice et le maître d’œuvre ?

Serait-ce une forme de vengeance sociale (II) sur ce que l’homme mauritanien lui a fait subir(I) ?

Et quelles conséquences cela a-t-il eu sur la gestion de l’Etat mauritanien (III)?

Et comment la femme mauritanienne peut-elle contribuer à sauver la Nation (IV)?

I-                  La femme mauritanienne : victime de l’homme mauritanien

La femme mauritanienne a subi durant tant d’années les caprices de l’homme mauritanien, qui, profitant de son statut matrimonial, en avait fait un être de « rechange », qu’il épousait, répudiait et désertait de son plein grès.


L’homme mauritanien est, dans sa généralité, un être irresponsable


matrimonialement. Il a profité des largesses de la tradition et des facilités du divorce musulman, pour faire défiler à son gré des épouses, en chapelets et les répudier quand bon lui semble. Il suffisait qu’il ait les moyens de son divorce (parfois dérisoires) et les moyens de son remariage (souvent lourds) pour convoler d’épouse en épouse.


Première règle donc : plus l’homme est aisé plus il divorçait. Sa capacité de se re-re-remarier était proportionnelle au volume de sa bourse (sans jeu de mots), et inversement proportionnelle à son sens de la responsabilité familiale.


Il lui fallait donc moins de jugeote sociale, et plus de moyens pour assouvir ses desseins.


Se marier n’était plus, avec la détérioration des valeurs socioculturelles de ces dernières années qu’une question de moyens matériels et financiers. Plus il se mariait plus l’homme se sentait reconnu par ses pairs. Mais pour cela il devait être riche. Et pour être riche, il fallait hériter, travailler ou…voler. Hériter dans un pays pauvre c’est rare comme l’eau.


Travailler n’est plus une valeur sociale.


Le vol étant, lui, applaudi et encouragé, on comprend alors l’origine de la dot. Dans cette masculinité de l’homme mauritanien qu’il mesure au nombre de ses mariages, qu’est-il advenu de la femme mauritanienne ?


Répudiée dans une gestuelle aussi simple que de boire du thé, la femme mauritanienne, se retrouve rejetée de son « foyer », souvent enceinte ou trainant une ribambelle de bambins qui iront crécher chez leurs grands-parents ou peupler les trottoirs de la grande ville.


Répudiée sans moyens et sans droits, la femme mauritanienne a souffert l’enfer de la mère sans famille. Sans foyer. Elle a vu ses enfants sans père, et a connu les affres de la mère divorcée.


Il n’est pas un foyer mauritanien, qui ne compte bon nombre de filles divorcées, souvent à la fleur de l’âge et une pléiade d’enfants qui n’ont pas connu leur père. Non pas qu’il ait disparu, mais parce que l’homme mauritanien, comme les tortues, ne s’occupe pas de sa progéniture.


En divorçant, il abandonne la femme et les enfants à leur sort. On comprend alors l’ampleur du désastre. La femme, se réfugiant chez ses parents, n’ayant souvent pas les moyens de subvenir à leurs besoins s’en remet à son sort La femme mauritanienne, a donc capitalisé tout au long de ces années de souffrances, des leçons pour sa survie post-matrimoniale. Elle a compris que :


- Le mariage, n’est pas une fin en soi.
- Le mariage n’est pas sécurisant, tout comme le mari lui-même.
- Le mariage est une simple « promotion » sociale pour l’homme.
- Le mariage est aussi éphémère que le mari lui-même.


Conséquence :


- Sachant qu’il n’est pas une fin en soi, lui trouver une fin quelconque.
- Sachant qu’il n’est pas sécurisant, se protéger en accumulant les moyens.
- Sachant que c’est une simple promotion sociale, ne pas s’y accrocher.
- Sachant qu’il est éphémère, savoir être prévoyante.


L’attitude de la femme mauritanienne, vis-à-vis du mariage et du mari, notamment après maints divorces, commençait à ressembler à celle du prisonnier qui découvre que ses chaines pouvaient aussi servir à étrangler son geôlier.


Le mari étant si éphémère, insécurisant et volatile, elle se devait de trouver la contre-attaque. Et cette contre-attaque la femme la trouva dans la course avec le temps dans l’accumulation la plus rapide possible de moyens lui permettant de faire face à l’inéluctable : sa répudiation.


Il fallait qu’elle puisse dans le laps de temps du « mariage », tirer du mari les moyens qui lui permettront de survivre après son départ. Ni le mariage, ni le mari ne sont désormais une finalité. Ce qui l’est c’est son sort après son divorce et la sécurité matérielle de la progéniture que le mari ne manquera pas de lui laisser, souvent sans état d’âme, sur les bras.


Cela se résume en une phrase : « s’il veut rester qu’il reste, s’il s’en va je ne serai pas démunie ». Une forme d’instinct de conservation. Instinct que la femme mauritanienne a su développer face aux aléas de son statut et à l’irresponsabilité matrimoniale de l’homme mauritanien. Apte à se marier, apte à procréer, mais incapable de conserver son foyer.


D’ailleurs, le divorce en Mauritanie est une gymnastique, qui a d’ailleurs pris une telle ampleur qu’il est entré dans les mœurs, comme un état naturel conséquent du mariage. Et ceux qui en pâtissent ne sont hélas que les femmes et les enfants.


II- La vengeance de la femme mauritanienne : l’homme-tirelire



L’accumulation de tant d’années de spoliation de ses droits, d’assujettissement et de répudiation la jetant dans la misère, elle et sa progéniture, la femme mauritanienne a compris que sa survit dépendait de sa capacité à tirer de son partenaire tout moyen lui permettant de faire face aux aléas de sa vie de divorcée potentielle.


Le mari n’est plus une fin, mais un moyen. L’exploiter n’est que juste cause pour préparer l’avenir. C’est ainsi que la femme mauritanienne devient exigeante, réclame et déclame, quand il le faut, ses besoins permanents, en moyens matériels et financiers.


Besoins auquel le mari éphémère se doit de souscrire. Exploitant ainsi une caractéristique de la « vantardise » socioculturelle de l’homme mauritanien l’amenant à se couper en quatre pour répondre aux exigences de son épouse. Et cela au risque d’y laisser son boubou et son salaire pour dix ans, pourvu qu’il ne soit pas traité "d’incapable".


D’où la loi du zèle qui peut s’énoncer ainsi : le zèle du mari à satisfaire les exigences matérielles et financières de son épouse (au prix de sa vie) est inversement proportionnel au temps qui s’est écoulé depuis la célébration du mariage. Ainsi plus la date du mariage est récente plus le mari est enclin à vendre sa chemise pour sa dulcinée, plus cette date s’éloigne plus le zèle diminue et le divorce pointe à l’horizon.

Une telle loi du zèle marital n’échappera pas à la femme qui aura su « gérer » le temps et les moyens de son mari en prévision de sa sortie qu’elle voudrait la moins pénible pour son confort chez ses parents.

C’est ainsi que face à un mariage, initié par un individu guidé par des instincts autres que ceux de fonder un foyer durable et sécurisant, d’élever et d’éduquer ses enfants dans la dignité, la femme mauritanienne se venge chaque jour de cet homme matrimonialement irresponsable.


III- Les conséquences sur l’État et la gestion publique : de l’homme-tirelire à l’Etat-tirelire


Si la femme mauritanienne a développé face à l’injustice qu’elle subit, des moyens adaptés pour se défendre, les conséquences d’une telle attitude sont souvent désastreuses lorsqu’il s’agit de la gestion des biens de la nation. En effet, l’État mauritanien est gangréné, depuis des dizaines d’années par toutes les formes de soustraction de ses biens. Ceux de la collectivité nationale. Corruption, malversation, détournements, fraude etc., sont devenus des signes distinctifs de la gestion publique.


Ceux qui ont réalisé de tels actes l’ont fait pour s’enrichir, mais beaucoup sous l’impulsion de leurs congénères. Peut-on dire que la femme d’un responsable public ou privé qui a érigé le vol des biens publics (financiers et matériels) en activité permanente, est absolument non concernée par son activité ? La notoriété des personnes appelées « roumouz el vessad » ne doit pas, dans un sens de stricte logique de société mauritanienne (où tout se dit et tout se sait), échapper à leurs compagnes.


La question est de savoir si leurs compagnes ont été pour quelque chose dans leur activité criminelle ?


Si l’on s’en tient au comportement de "vengeance" développé par la femme mauritanienne, il est probable que le mari réponde à la « loi du zèle » précédemment mentionnée.


Les moyens sont connus et la femme n’hésiterait pas à pousser son conjoint à lui fournir toujours plus. Et ce dernier n’hésite pas non plus, dans le fameux élan de « virilité démonstrative» et de « m’as-tu-vu » propre à la plupart des hommes mauritaniens, dans une société qui vénère le « le tape-à l’œil », d’aller jusqu’au bout de ses exigences. Il doit être à la « hauteur » de son image. N’est-il pas « Voulan ibnou Voulane » ? Il se remémore alors les propos de sa compagne :


« Pourquoi « un tel » est ministre et pas toi ? Cet idiot qui vient d’être nommé est-il plus compétent que toi ? Pourquoi a-t-il une VX et pas toi ? Pourquoi sa femme est mieux habillée que moi ? Pourquoi il a des villas partout et pas toi? Etc. »


Et voilà l’homme qui se met à vouloir prouver quelque chose. Pour aller plus vite, il devient un courtisan du pouvoir. S’il gère une caisse, il va commencer à se servir. S’il n’a pas de caisse mais de l’autorité, il fera du trafic d’influence. Et s’il a une brigade, il fera un coup d’État.


A en croire (soit dit en passant) certaines informations, les épouses de certains putschistes auraient été à l’origine des coups d’État en Mauritanie. En son temps un certain X ould Y en avait fait la démonstration. On comprend l’influence de la femme mauritanienne à l’échelle d’épouse de chef d’État, de ministre, de PDG de société nationale, de chefs de projets, de comptables publics etc. Sa vengeance est donc un putsch permanent.



IV- Comment la femme mauritanienne peut sauver la nation.



Aragon disait que « la femme est l’avenir de l’homme » (n’en déplaise à certains de nos oulémas bornés). En Mauritanie, aujourd’hui et plus que jamais, la femme mauritanienne doit venir à la rescousse de l’homme mauritanien. La faillite de ce dernier mène le pays au désastre. Le masculin-pluriel est en souffrance. Le féminin-pluriel est ardemment sollicité.


La femme mauritanienne, est appelée à aider à reconstruire les valeurs sociales en dépérissement depuis une trentaine d’années. En effet, s’il peut y avoir un catalyseur de cette prise de conscience par l’homme de ces actes, c’est bien la femme. Elle pourra efficacement contribuer à redresser les travers acquis par son congénère durant ces longues années qu’a traversées la Mauritanie et qui l’ont réduit en un pilleur, sous l’effet des systèmes sociopolitiques corrompus qui ont dirigé le pays.


Pour cela, il faudrait que la femme mauritanienne, se débarrasse de tant de pratiques éculées qui ont fait d’elle un être qui vît à l’ombre d’un autre et qui dans cette pénombre lutte pour sa survie à l’encontre même des intérêts de son congénère.


Cette lutte sourde enrobée des us et coutumes sociaux et travestie dans une relation économique dans laquelle l’opulence de l’homme est l’alpha et l’oméga de l’avenir de la femme, se doit de trouver son terme.


Mais s’il est urgent que la femme mauritanienne intervienne pour aider à rejeter les non-valeurs qui minent le pays, il faudrait que tout le système matrimonial mauritanien soit revu et corrigé dans le sens de donner à la famille, et à ceux qui la compose les mêmes droits et les mêmes obligations.


Il est vrai que tant que l’État mauritanien ne fait pas de la « cellule familiale », le creuset dans lequel se bâtit l’avenir de la nation, il n’y a point de salut. Tant que l’homme ne voit dans le mariage qu’une cérémonie festive et dans la femme un « objet à usage jetable ». Tant qu’il n’est pas civilement et pénalement responsable de sa famille à laquelle il doit subsistance et protection ; tant que l’épouse n’est pas protégée dans son foyer et dans ses droits de compagne et de mère, alors l’homme continuera ses actes irresponsables.


Par ses épousailles sans limites, il a contribué et continue encore à contribuer à l’éclatement des foyers, à l’enfance malheureuse, aux femmes désespérées et sans soutien, en somme à tous les ingrédients d’une société sans avenir. Une société dont les enfants sont sans éducation et dont les mères sont abandonnées à leur sort, va nécessairement vers la faillite sinon l’éclatement et la violence.


Si l’homme mauritanien a détruit l’État, par le pillage, le vol et la corruption, il tire nécessairement sont comportement de l’absence de responsabilité qu’il développe déjà dans ses relations sociales. Et si la Femme mauritanienne a bien compris cela, il est nécessaire qu’elle intervienne auprès de l’homme mauritanien pour aider à réhabiliter les valeurs sociales perdues, car, plus que nulle part ailleurs, la femme mauritanienne occupe une place considérable dans « l’emploi du temps » de l’homme mauritanien.


Il faut qu’elle transforme sa vengeance latente, en un combat privé et public visant la conscientisation de son partenaire sur ses actes destructeurs en commençant par se refuser elle-même à le pousser à de tels actes. En définitive, pour mieux comprendre la faillite et le devenir de l’État mauritanien, sa gestion doit être saisie dans ses deux aspects : en genre (masculin/féminin) et en nombre.


Cette approche est bien plus édifiante et rend mieux compte de ses difficultés. En effet, jusque-là les maux de l’État mauritanien s’accordaient au masculin-pluriel, en nombre d’hommes (« roumouz el vessad »), il est désormais important qu’ils s’accordent aussi au féminin-pluriel pour comprendre sa pénible réalité.


Toutefois, les considérations de cet article ne concernent que celles et ceux qui s’y reconnaissent. La femme mauritanienne et l’homme mauritanien, pris dans leurs particularismes, ne peuvent être ramenés à ce schéma global. Il y a des couples heureux, des familles soudées, il y a des hommes mauritaniens qui sont responsables et des femmes mauritaniennes qui développent les valeurs et les essaiment.


Ce n’est, en vérité, que lorsque le matérialisme galopant frappe la société ou que la soif du pouvoir domine des clans entiers et que la cupidité sonne aux portes des postes publics, que l’homme devient ce qu’il est. Et il est certain que derrière certains actes de certains hommes, il y a la mainmise de certaines femmes.  Et il est certain qu’au point où en est l’État et la société, le salut ne viendra que de ces dernières dans chaque catégorie sociale, dans chaque poste public, dans chaque foyer de Mauritanie.


Pr Ely Mustapha

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