Chacun pourrait s’interroger
légitimement pourquoi un « Président » de la République sortant s’évertue-t-il
à vouloir dialoguer et attirer l’opposition à travers les déclarations de bonne
intention, dans lesquelles certains opposants s’y sont laissé prendre ?
Pourquoi pendant plus d’une décennie où Ould Abdel Aziz a tourné
l’opposition en bourrique au sujet de l’accord de Dakar et lui a miroité le
dialogue comme une « carotte », se mette à quelques mois de la fin de
son second mandat, à appeler au Dialogue ?
En fait, pour comprendre une telle attitude, il faut
comprendre que dans l’esprit de ce « président « sortant, il ne s’agit
pas de « dialogue » et que ce mot doit être remplacé par « marchandage ».
Le processus de négociation devant aboutir à une solution
commune sur un problème de gouvernance, de légalité et de légitimité du
détenteur du pouvoir, n’est point dans l’esprit d’Aziz.
Ce processus, pour lui, n’est pas un dialogue mais un
processus « donnant-donnant », par lequel il négocie les termes de son
départ et dans le cas où ces termes ne sont pas acceptés, il intimidera avec
ses barbouzes de l’UPR, et du BASEP. Les premiers, dont des ministres (finances
et justice notamment) ont été envoyés en éclaireurs pour tâter le terrain « sur
le maintien d’Aziz au pouvoir », leurs déclarations qu’ils affirment être personnels,
n’ont trompé personne sur leur commanditaire.
La vive réaction qu’ils ont suscitée, ont fait comprendre à
Aziz qu’il doit rechercher une autre solution pour son maintien au pouvoir. Le second,
le BASEP, qui effraie l’opposition, est en perpétuel service commandé, pour n’importe
quelle intervention ou violence qu’Aziz commettra pour se maintenir au pouvoir.
Alors, au-delà du langage officiel et des attitudes publiques,
d’Aziz et des opposants qui l’ont rejoint pour le Dialogue, la question est :
que veut Aziz et que veulent ceux de l’opposition qui ont décidé d’aller au Dialogue
(Messaoud, Elwaqef...) ?
I-
Ce que veut Aziz à travers
le « Dialogue »
Un président sortant, n’a qu’une seule crainte que sa
gestion des affaires de l’Etat ne se retourne contre lui après son départ et
que ses mauvais actes ne le rattrapent.
En effet, en quittant
le pouvoir, il devient aussi vulnérable qu’un escargot sans coquille. Chacun
pourra désormais lui taper dessus, y compris ses applaudisseurs passés.
On comprend donc qu’Aziz, menaçant indirectement, à travers les
déclarations de ses sbires officiels de « rester au pouvoir en modifiant
la Constitution », veut amener une opposition intéressée et assoiffée de
pouvoir à négocier son départ, avec le maximum de garanties possibles.
-
La première des garanties
est, bien entendu, son immunité judiciaire, pour tous les actes qu’il a commis
à la tête de l’Etat. Cette immunité devant s’étendre à lui et à toute sa
famille.
-
La seconde des garanties
est la possibilité de quitter le territoire vers un pays de son choix sans
avoir à craindre des restrictions sur les moyens financiers et matériels qu’il
aura à emporter ou à sécuriser dans d’autre pays, banques et institutions
financières.
-
La troisième des garanties :
assurer le maintien dans des postes-clefs des rouages militaires, administratif
et judiciaires, des individus (proches ou acquis) qui assureront sa couverture
et noyauteront toutes procédures de poursuites à travers des manœuvres
dilatoires, blocages institutionnels et procéduriers (administratifs et judicaires
etc.) toute poursuites et cela sur un période suffisante pour que le temps
fasse son effet (oubli, prescription...).
En effet, si Aziz n’obtient pas à travers le Dialogue ces
garanties pourrait-il quitter le pouvoir en sachant qu’il pourra être poursuivi
et inculpé pour au moins les chefs d’accusation suivants :
- de l’enrichissement faramineux de ses proches et moins proches ;
- des exactions subis par des centaines d’opposants à son régime ;
- des jugements de tribunaux auto-administrés par l’exécutif à l’encontre de mouvements politiques ;
- de la criminalité qui a pris son essor en Mauritanie et qui est entretenue pour engendrer la peur chez le citoyen ;
- de l’appauvrissement du pays et de la détérioration des revenus des ménages ;
- du pillage des richesses du pays par une nomenklatura à laquelle il n’a apporté aucune limite
- de l’octroi des marchés publics à la parentèle et autres commerçants véreux ;
- du bradage et de la vente des institutions de l’Education et de la culture au profit de marchands d’accointance ;
- de la corruption qui gangrène le pays et qu’il a laissé faire ;
- Des agissements de sa famille : détention d’armes à feu, atteinte à l’intégrité physique de personnes innocentes ;
- Dilapidation des biens et de l’usage des biens d’une fondation qui s’est fondée au mépris de toutes les lois de la gestion et des finances publiques.
-
Donc, le Dialogue qu’Aziz cherche
à initier est en fait un engagement qu’il veut faire signer à l’opposition
pour les garanties susvisées.
II-
Ce que veut l’opposition à
travers le « Dialogue »
L’opposition battue sur toutes
les coutures par l’inertie d’Aziz a, depuis longtemps, oublié l’accord de
Dakar, ces dernières velléités étaient de participer à un gouvernement d’Union nationale,
Aziz le lui a refusé, autant dire la misère militante dans laquelle elle est
tombée. Ne l’ayant pas obtenu, elle s’est forgé une attitude d’attentisme face
à une lettre qu’elle a écrite à Aziz sur les conditions de sa participation au Dialogue
et à laquelle elle attend, depuis des années, la réponse. Elle attendra encore.
Aujourd’hui, le commun des
mortels se demanderait : pourquoi une opposition irait-elle au dialogue
avec un Président sortant et qui a épuisé son dernier mandat ?
Aucun intérêt ne dira-t-on. Eh
bien non. Voilà que l’APP est disposée à aller au Dialogue invitant le RFD à y
participer aussi, sans oublier le fantomatique parti Adil qui s’est déjà porté
implicitement volontaire.
Que se passe-t-il donc ?
Pourquoi, comme nous l’avons déjà
souligné, une opposition ne s’organise-t-elle pas, collecte ses moyens
matériels et financiers prépare son programme politique, le vulgarise,
rencontre ses militants, génère des alliances, déploie son énergie à rassembler
une opinion qui lui soit favorable, en d’autres termes prépare avec
militantisme sa participation aux prochaines élections ?
La réponse est Simple : l’opposition,
ou tout au moins celle qui veut négocier,
est fortement intéressée (et davantage
ses dirigeants) par les « avantages » (matériels, financiers et personnels)
qu’Aziz pourrait lui accorder avant son départ et cela à travers un jeu du
donnant-donnant dont l’objectif n’est autre que les garanties qu’Aziz réclamera
avant son départ et cités plus haut.
Prenons l’exemple de l’APP. Pourquoi
Messaoud ould Boulkheir, s’est-il porté candidat, en premier, pour participer
au dialogue et a même invité Ould Daddah à y participer aussi.
La réponse est claire : Ould
Boulkheir a senti les avantages personnels qu’il pourrait tirer d’Aziz avant
son départ en jouant sur le registre des garanties et des compromissions.
En effet, Messaoud Ould Boulkheir
a depuis longtemps perdu au contact du pouvoir, son étoffe de militant, il est
devenu un « opportuniste » politique. Qui ne se rappelle-pas du
retournement de veste dans son alliance
avec Ould Daddah lors des élections de 2007, rejoignant le camp des militaires,
et qui ne se rappelle-pas son maintien à la tête de l’Assemblée nationale après
le coup d’Etat d’Aziz alors que c’est le président légal et légitime Sidi Ould
Cheikh Abdallahi qui l’avait placé là (poste qu’il ne devait qu’à son alliance
et non pas au nombre des députés de l’APP élus à l’assemblée).
« Si le pouvoir corrompt, le
pouvoir absolu corrompt absolument », à cette réflexion de Lord Byron nous
pourrions ajouter que le confort est aussi corruptible que le pouvoir.
Ould Boulkheir, s’est trop habitué
au confort des perchoirs des institutions de la République pour daigner en
descendre. Le militant s’est dénaturé au contact des militaires en bas de soie.
En effet, ould Boulkheir a montré
lors de ses derniers « emplois » (en tant que résident de la chambre des
députés et du CES) ce que l’immobilisme veut dire. Nous nous rappelons que
durant les 15 mois au perchoir il n’a pas pipé un seul mot. A telle enseigne
d’ailleurs que tout le monde se demandait où il était passé ? Il n’est sorti de
son mutisme qu’à l’occasion de sa villégiature au Maroc où il a failli
déclencher un incident diplomatique avec l’Algérie. Que faisait-il durant ces
quinze mois ? Il s’encensait dans sa demeure à coup de courtisans et
d’abondance, alors que le pays souffrait la cherté de la vie et les émeutes à
l’Est.
Ce mutisme, dont il ne sortit
qu’après le 6 Août 2008, est révélateur d’une personnalité qui ne semblerait
chercher à travers sa course politique que le bien-être personnel et les
avantages qu’elle peut tirer de son accession aux hautes responsabilités.
Son appel à rejoindre dialogue
aujourd’hui n’est qu’exprime que l’attitude d’un vieux militant qui ne pense
plus qu’à son confort et la compromission avec le pouvoir.
Alors Aziz trouvera certainement
chez lui ce vecteur dont il a besoin pour obtenir les garanties, qu’il réclamera
pour son assurer son départ et donc ses arrières.
Mais qu’offrira-t-il à Messaoud ?
Un perchoir institutionnel (l’A.N encore ou le CS ou pourquoi pas un Premier
Ministère). Mais alors une objection pourrait être faite à cela : Messaoud
n’a pas besoin d’Aziz, puisqu’en participant aux élections après le départ de
celui-ci il pourrait, accéder au pouvoir. Il suffit qu’il accepte les garanties
proposées par Aziz.
Eh bien non, la situation est
bien plu complexe. D’abord Aziz ne partira pas sans avoir manipulé tout le processus
électoral, comme il l’a déjà fait lors de ces deux précédentes élections (à
travers le tribalisme et les moyens du Trésor public), mais cette fois, il le
fera au profit d’un autre (genre Medvedev) et Messaoud veut être de la partie
(s’assurant un perchoir institutionnel d’avenir). C’est ce que Messaoud veut
négocier et offrir en contrepartie des garanties demandées par Aziz.
Messaoud, en allant au Dialogue (négociation marchande),
prouve une chose c’est qu’il n’est plus le leader des harratines et que l’APP
ne représente plus pour lui qu’un tremplin formel pour pérenniser dans ses privilèges.
Biram, en véritable leader, lui a ravi toutes ses capacités
militantes et ses militants et cela il le sait. Négocier avec Aziz pour son
salut politique est une carte qu’il va jouer jusqu’au bout.
L’exemple de l’APP allant au Dialogue
(mercantiliste) nous édifie sur une chose : l’opposition ne servira à Aziz
que pour son immunité et que même si Aziz, ne brigue pas un nouveau mandat, il créera
les conditions pour faire élire ceux qu’il désire avec l’appui d’une frange de
l’opposition monnayable et corvéable à volonté et qui déjà se prépare à
participer au « juteux »
dialogue.
L’ultime attitude, pour l’avenir
du pays, est désormais pour le reste de l’opposition, qui voudrait se faire
respecter, de faire barrage à un tel dialogue de la défaite et du déshonneur.
Pr ELY Mustapha
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