lundi 7 mai 2012

Les bases juridiques pour sanctionner Biram

 

Un contre-exemple peut-il donner l’exemple?

لا تنه عن خلقٍ وتأتي مثله ... عارٌ عليك إذا فعلت عظيم
ابدأ بنفسك وانهها عن غيها ... فإذا انتهت عنه فأنت حكيم

أبي الأسود

justiceLa frénésie qui touche actuellement le milieu politique mauritanien, amplifiée par un clergé retrouvant son souffle et quelques manifestations populistes peu averties risque de porter préjudice à la Justice, à travers l’appel, à son instrumentalisation par le politique. Politique qui jusque-là n’a pas hésité à faire de l’appareil judiciaire un instrument de sa répression.

Cette frénésie c’est celle qui est apparue à la suite de l’acte commis par Birame et ses compagnons: un autodafé de livres malékites. Mais cet acte a réveillé des enjeux qui risquent d’aveugler la justice et de donner au général putschiste qui gouverne l’occasion de  redorer son blason face à un islamisme montant qui le menace. Et il est à craindre qu’il ne veuille devenir plus islamiste que les islamistes en cherchant coute-que-coute à réprimer Biram et ses compagnons. Faire d’un acte moralement répréhensible un acte pénal, pour assoir son autorité au mépris des droits humains.

Examinons d’abord, le statut pénal de celui qui s’est engagé devant le clergé, venu en grandes pompes lui rendre visite, pour sanctionner Biram: AZIZ, lui-même.

Si l’on devait sanctionner Biram, il faut d’abord que Aziz ait eu un moindre respect de la législation nationale. Or en ce domaine il n’est que  contre-exemples.

1) Le premier contre-exemple le voilà:

Ould Abdel Aziz aurait dû lui-même rendre compte de ses actes devant la justice.

Le général Abdelaziz s’étant opposé au décret du Président de la République le limogeant voici ce qu’il devrait encourir pénalement :

ART. 182. - Tout fonctionnaire public, agent ou préposé du gouvernement, de quelque état et grade qu'il soit, qui aura requis ou ordonné, fait requérir l'action ou l'emploi de la force publique contre l'exécution d'une loi ou contre la perception d'une contribution légale, ou contre l'exécution soit d'une ordonnance ou d'un mandat de justice, soit de tout autre ordre émané de l'autorité légitime, sera puni de la réclusion.
ART. 183. - Si cette réquisition ou cet ordre ont été suivis de leur effet,
la peine sera le maximum de la réclusion.

ART. 189. - Tout fonctionnaire public révoqué, destitué, suspendu ou interdit légalement qui, après en avoir eu connaissance officielle, aura continué l'exercice de ses fonctions, ou qui, étant électif ou temporaire, les aura exercées après avoir été remplacé, sera puni d'un emprisonnement de six mois au moins et de deux ans au plus, et d'une amende de 5.000 à 40.000 UM. Il sera interdit de l'exercice de toute fonction publique, pour cinq ans au moins et pour dix ans au plus à compter du jour où il aura subi sa peine,
le tout sans préjudice de plus fortes peines portées contre les officiers ou les commandants militaires par l'article 87 du présent code.

Et voici les articles 87 et suivants:


ART. 87. - Ceux qui, sans droit ou motif légitime, auront pris un. commandement militaire quelconque, ceux qui, contre l'avis du gouvernement, auront retenu un tel commandement, les commandants qui auront tenu leur armée ou troupe rassemblée après que le licenciement ou la séparation en auront été ordonnés seront punis des travaux forcés à perpétuité.
ART. 88. - Lorsque l'une des infractions prévues aux articles 83, 85, 86 et 87 aura été exécutée ou simplement tentée avec usage d'armes, la peine sera la mort.

A ces dispositions s’ajoutent celles prévues par le code militaire pour la trahison, la rébellion et la prise des armes contre les autorités de commandement.

Ould Abdel Aziz se devrait de passer en justice et ce n’est pas en quittant son siège usurpé de chef de l’Etat qu’il échappera à la sanction.

2) Le second contre-exemple le voilà:

Aziz a couvert (par l’abus d’autorité et le trafic d"’influence) le crime commis par son fils à l’égard d’une jeune fille , aujourd’hui handicapée sur laquelle , ce dernier a tiré à bout portant. Comme le père, le fils est dans l’impunité totale et il prétend même aux académies militaires d’excellence.

Qu’encoure le fils et qu’encoure le père pénalement? L’emprisonnement et le dédommagement de la victime puisque le préjudice qu’elle a subi est irréparable.

- le fils:

ART. 285. - Toute personne majeure qui, volontairement, aura fait des blessures ou porté des coups ou amputé un membre de l'organisme, ou toutes autres violences et voies de fait à un innocent, sera puni de la peine de «Ghissass»(..)

Ce qui veut dire “oeil pour oeil dent pour dent”. Mais la victime ayant été handicapée à vie…

- le père:

Au vu des articles 53 et 54 du Code pénal, Aziz est bien complice des actes criminels de son fils et à ce titre il doit être puni de la même peine.

ART. 53. - Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement.

ART. 54. - Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit, ceux qui, par dons, promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué cette action ou donné des instructions pour la commettre; ceux qui auront procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l'action, sachant qu'il devrait y servir; ceux qui auront, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur ou les auteurs de l'action, dans les faits qui l'auront préparé ou facilité, ou dans ceux qui l'auront consommé, sans préjudice des peines qui seront spécialement portées par le présent code contre les auteurs de complots ou de provocations attentatoires à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, même dans le cas où le crime qui était l'objet des conspirateurs ou des provocateurs n’ aurait pas été commis.

A-t-on vu le clergé mauritanien se précipiter chez Aziz pour demander la punition du criminel ? A-t-on vu des manifestions populaires demandant la protection des innocents des armes détenus par Aziz? Non.

Si l’on devait mettre en balance l’infraction commise par AZIZ (trahison nationale et sanction pénale) et celle de son fils (acte criminel, dont s’est suivi un handicap à vie) par rapport à l’infraction supposée être commise par BIRAM (autodafé de livres malékites),  qui doit-on sanctionner?

Aziz a fait pire que BIRAM, il foulé du pied la Constitution de toute une nation, il l’a violée au vu de la planète entière, séquestré un Président élu des semaines et continue à instrumentaliser la justice.

Quelle infraction va-t-on trouver dans le code pénal pour sanctionner Biram? Aucune. L’autodafé n’est pas inscrit dans la loi répressive mauritanienne ,même si, comme on le sait, le zèle de juges soumis n’a pas de limites.

L’acte de Biram est blâmable moralement. Mais même là, il faut que ceux-là même qui cherchent à le sanctionner soit eux-mêmes moralement irréprochables. Une justice au service d’un putschiste légalisé? Des oulémas d’une société qui entretiennent, par leur passivité, les séquelles de l’esclavage?

La cause de BIRAM est juste. Son acte ne l’est pas. Il ne l’est pas moralement à l’égard d’une société musulmane.

La cause de ceux qui veulent le sanctionner est juste à l’égard de la morale musulmane , mais n’est pas juste à l’égard de leurs propres actes. Peut-on donner un exemple alors que l’on est soi-même un contre-exemple ?

La justice, dit-on, est aveugle. Mais pas ceux qui doivent la rendre.

لا تنه عن خلقٍ وتأتي مثله ... عارٌ عليك إذا فعلت عظيم
ابدأ بنفسك وانهها عن غيها ... فإذا انتهت عنه فأنت حكيم

Pr ELY Mustapha

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