lundi 16 mai 2011

Les leurres du Fond Monétaire International

 

La croissance…du sous-développement.

cameleonEn visite le mois dernier à Nouakchott et à l'issue d'une mission de deux semaines, le, chef de division du FMI au cours d'une conférence de presse  a déclaré que les résultats macroéconomiques enregistrés en 2010 ont été dans l'ensemble satisfaisants",  et que  "le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel s'est chiffré à 5,2% (en 2010), et, enfin, pour la même période le "taux d'inflation a été contenu à 6,1%”

Cela fait longtemps que l’on écrit sur les déclaration tonitruantes du Fond monétaire international en Mauritanie. Avec leur lot de “croissance attendue”, de “bon comportement de l’économie”, d’inflation “acceptable”, de “perspectives encourageantes”  etc. etc. (voir ici: “Faut-il croire le FMI ?” ou encore “ Croissance? Quelle Croissance? ”)

 

Et nous n’allons pas continuer à suivre cette institution dans ses élucubrations induisant les pauvres pays en erreur sur leur situation économique et sur leur devenir et gonflant à escient les chevilles de nos dirigeants insouciamment incompétents (voir nos articles précédents sur ce blog) . Aussi avons-nous décidé, face à cette institution,  d’utiliser un approche intuitive simple, mais économiquement redoutable: le bon sens. Nous allons simplement poser les deux  questions suivantes : S’il y a croissance (comme l’affirme le FMI) QUI réalise cette croissance? (I) et s’il y a croissance, pourquoi n’ y a-t-il pas développement ?

 

I- Qui réalise la croissance en Mauritanie?

 

Ce “QUI” est l’Alfa et l’Omega des Développement qui vont suivre.

En effet, comme déjà défini dans nos articles précédents, la croissance nait de la somme des  valeurs ajoutées de l’ensemble des unités économiques d’un pays. Elles  suit les variations constituées par l’agrégation de ces  valeurs ajoutés dénommées PIB (Produit intérieur brut), PNB (Produit national brut), RN (Revenu National) etc. Mais qu’importe l’appellation, il convient simplement de retenir que l’accroissement de l’un de ces agrégats, après correction par le taux d’inflation de la période (un an généralement), est le premier indicateur de la croissance. C’est le dada du FMI. Et son erreur perpétuelle.

Mais prenons le contrepied de ce raisonnement: S’il y a croissance, il faudrait bien qu’il y ait une combinaison de facteurs pour sa réalisation. Ce sont les facteurs de production de biens et de services. Et ces facteurs sont notamment: le capital et le travail .

Neutralisons la première variable, le capital et cela  pour trois raisons: la première est que jamais les richesses en Mauritanie n’ont été recensées. La seconde est que ce capital, s’il existe, est diffus et détenu par une petite minorité de la population: des banquiers et/ou des commerçants. La troisième raison la plus importante est que le capital ( même s’il existe),  sans le travail est improductif.

Cette troisième remarque est la clef du raisonnement: QUI travaille en Mauritanie pour générer la croissance? En d’autres termes qu’elle est  la population active économiquement pour générer, une telle croissance?

 

Posons d’abord les définitions:

 

Le taux d’activité est le rapport entre l’ensemble de la population active (actifs occupés et chômeurs) et la population en âge de  travailler.

 

Le taux d’emploi est le rapport entre la  population active occupée et la population en âge  de travailler (15 à 64 ans). Le taux d'emploi reflète la capacité d'une économie à utiliser ses ressources en main-d'œuvre.

 

Statistiquement: La Mauritanie compte  (2010):  3. 205 060  d’habitants Banque Mondiale)

Population de moins de 15 ans (2009) 41,0 %

Population de plus de 64 ans (2009)3,4 %

Taux de chômage des hommes : 23,9 %

 

Taux de chômage des femmes : 44 %

 

Sur cette base :

 

Il y a 1314074,6 d’enfants (-15ans) : valeur ajoutée nulle

il y a 108 972,04 de  personnes âgées (+ 64 ans): valeur ajoutée douteuse

Ainsi au total il convient d’éliminer ces deux franges de la population du décompte de la population active soit: 1. 423 047 individus.

 

 

Il reste alors : 1.782 013 individus parmi lesquels figure la population active.

Si l’on applique les taux de chômage 67,9% (hommes et femmes) de la population en âge de travailler (15 à 64 ans) soit 1 209 987 chômeurs, il ne reste plus que 572 026 individus qui devraient constituer la population en activité.

 

Mais quelle activité ?

 

Tel qu’il ressort des statiques de l’Office national de la statistique pour l’année 2008, la répartition des emplois selon le type d’employeur se présente comme suit:

 

image

 

 

Si l’on applique théoriquement ces pourcentages de répartition des emplois au chiffre précédent (572 026),  en maintenant les pourcentages constants (en principe en augmentation pour l’année 2010),  on obtient les résultat suivants:

 

Employeur % Chiffres
1.Gouvernement 12,3 70359,198
2.Para-public 2,3 13156,598
3.Entreprise privée 11,3 64638,938
4.Individus/ménage 24,4 139574,344
5. Autre (secteur informel) 49,8 284868,948
 

 

Du chiffre global ( 572 026 ) il convient de soustraire les secteurs 1, 4, et 5 dont la valeur ajoutée à l’économie est soit diffuse (production non marchande de l’administration publique) soit de subsistance, sinon sans réinvestissements  ( ménages appauvris ,  activité informelle). Soit un total de  494 802 individus. Il ne  reste plus que  77 223 individus. Ces individus sont répartis entres les entreprises privées et le secteur  parapublic.

 

Pour les entreprises privées elles exercent principalement dans le secteur du commerce et des services. Or on le sait, ces entreprises sont détenues par environ 20% de la population employée (statistiques ONS). Cette approximation est correcte puisque 20 % du nombre d’actifs occupés (hors secteur informel )  donnent un chiffre de 57 431 individus approchant  celui figurant dans le tableau précédent pour les entreprises privées. Ce secteur est constitué  de quelques commerçants et de banquiers  qui accaparent les richesses (marchés publics, pêche…), le reste est constitué de salariés, véritable force de travail.

 

Le secteur de la pêche est le monopole de lobbies de commerçants installés depuis les années quatre-vingt dix sur ce secteur par les régimes successifs. Sa valeur ajoutée, sous forme de capital,  revient à des individus détenteurs des sociétés de pêche et des licences de pêche, et non pas réinvesti dans des secteurs économiques productifs mais fait l’objet souvent de transferts dans des comptes à l’étranger. La valeur ajoutée de la Pêche calculée dans le PNB se doit d’être révisée car les revenus de la pêche ne profitent nullement aux populations, mais à des privilégiés. Les personnes travaillant dans le secteur spécifiquement la pêche ne bénéficient que d’un revenu salarial, une minorité d’entre-elles détient le capital ,  l’outil de production, et les bénéfices.

 

Reste la production du secteur des entreprises d’extraction et de commercialisation des ressources naturelles (pèches et mines) du secteur parapublic  (13 156 individus dont près de 4500 personnes permanentes employées par la SNIM ).

Donc en définitive et tous calculs faits:  sur les 3 205 060 mauritaniens, les actifs occupés  (voir définition plus haut ), réalisant une activité de valeur ajoutée ne représentent que 0,41 %  de ce chiffre!

 

Ces 0,4  se retrouvent dans le secteur des ressources naturelles et principalement dans le secteur parapublic .

 

A la question s’il y a croissance QUI la réalise? Il peut être répondu 0,41% de la population!

 

C’est ce secteur qui ferait grimper le PNB et sur lequel le FMI indexe l’évolution de la croissance économique du pays!

 

Les constats sont alors les suivants:

 

- L’économie mauritanienne vit sur une économie informelle,

 

- La valeur ajoutée est réalisé à travers l’exploitation de ressources naturelles,

 

- Seul 0,41 % de la population fournit une valeur ajoutée,

 

- L’économie est accaparée sous forme d’accumulation de capital entre les mains de commerçants et de banquiers exportant les ressources soit réalisant des investissement improductifs.

 

Et la réalité est tout autre !Alors le FMI est-il en droit de dire qu’il y a une croissance économique?

 

Non. car non seulement il induit les pays pauvres en erreur, mais il entretient une confusion entre la “croissance” d’une rente et le développement économique et social.

 

 

II- La croissance et le sous-développement: le FMI en contradiction.

 

La majorité de la population mauritanienne souffre de misère et l'infrastructure publique est un champ délabré au milieu des détritus qui couvrent les rues et les avenues.

Nos rues sont peuplées d'enfants et de vieillards mendiants;  nos hôpitaux sont des cimetières à ciel ouvert,  notre parc automobile national est un ramassis de carcasses rouillées qui sentent la mort à plein nez…

Vue de l'extérieur, la Mauritanie n'a aucune industrie qui exporte un produit national compétitif et générateur d'emploi et de revenus. Nous ne produisons rien commercialement ou technologiquement qui vaille la peine d'être exporté. Et pourtant le taux de croissance est estimé à 5,2% (2010), il était déjà de 5,7 en 2007!

 

Et pourtant nous croissons! Incroyable. Qui l’aurait crû?

Pathétique, n’est-ce pas? A défaut d’être révoltant.

Voici la preuve d’un discours économique incohérent:

Le 15 mars 2010, à la suite de la mission du FMI à Nouakchott et à l’issue des délibérations du Conseil d'administration du FMI, M. Murilo Portugal, Directeur général adjoint et président du Conseil d'administration par intérim a fait la déclaration suivante :

« La situation économique (en Mauritanie) s’est nettement dégradée en 2008-09 à la suite de chocs tant internes qu’externes. Le PIB réel a baissé et la situation des finances publiques s’est affaiblie. Tandis que l’inflation est restée maitrisée, le déficit extérieur courant est élevé (12,7 % du PIB), et les réserves internationales couvre seulement environ deux mois d’importations.”  (source FMI, cliquer ici)

Comparez avec la déclaration de la mission du FMI conduite par M. Dominique Guillaume  à Nouakchott du 8 au 20 mars 2008

La mission a aussi revu l’exécution du programme qui continue de se dérouler d’une manière satisfaisante. Tous les critères de performance et les repères pour fin décembre 2007 ont été atteints. Les évolutions macroéconomiques au quatrième trimestre 2007 ont été globalement conformes aux objectifs du programme malgré une conjoncture difficile. La croissance du PIB non-pétrolier a atteint presque 6% sur l’année 2007 bénéficiant du rebond de la production agricole et du développement de nouveaux projets miniers. Le niveau des réserves extérieures a dépassé légèrement l’objectif fixé pour fin 2007. Le déficit budgétaire a été maintenu dans les limites prévues par le programme.” ( source FMI, cliquer ici )

 

Comparez avec les déclarations du chef de mission à Nouakchott (en 2010):

“le, chef de division du FMI au cours d'une conférence de presse  a déclaré que les résultats macroéconomiques enregistrés en 2010 ont été dans l'ensemble satisfaisants",  et que  "le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) réel s'est chiffré à 5,2% (en 2010), et, enfin, pour la même période le "taux d'inflation a été contenu à 6,1%”

Comment en quelques mois on soit passé  d’une situation où “tous les critères de performance et les repères pour fin décembre 2007 ont été atteints” à une situation dégradée (2008-2009),puis  à une situation satisfaisante (2010)?

 

Les grands agrégats économiques feraient-ils du hip-hop !

 

 Voilà la désinformation qui s'inscrit dans d'autres désinformations dont les "chiffreurs" de notre économie ont fait une gymnastique politique.

 

Depuis les fameux chiffres "falsifiés" livrés au FMI (qui nous ont couté des centaines de millions de dollars du fait du report de six mois de l'effacement de la dette) le plus grand mensonge à venir fut celui de la croissance à deux chiffres !

 

Si la croissance économique résulte de la production totale de tous les biens et services d’un pays au cours d’une période donnée, alors on comprendra qu'en Mauritanie la croissance est bien négative; car où sont les biens et services qui en Mauritanie engendrerait une telle croissance à 5,7 % et celle des années précédentes?

 

En fait ce chiffre est trompeur et porte sur la croissance au sens de "l’expansion du revenu national", c’est-à-dire ce "fourre-tout" dans lequel on fait figurer le revenu de la Nation quelle que soit sa provenance!

 

La croissance est ainsi celle du "revenu national" pas celle de la somme des valeurs ajoutées des unités économiques du pays et qui s'exprimeraient par des variations du Produit Intérieur Brut (PIB) réel (corrigé de l'inflation) ou nominal (exprimant la valeur marchande des biens et des services produits par un pays.).

Donc la croissance dont il s'agit est bien celle du Revenu National et non pas de l'économie nationale!

 

En effet, la croissance économique, telle qu’elle est calculée, ne mesure que la variation quantitative d’un agrégat économique, elle n’est donc pas synonyme de développement. Le développement est généralement associé à la croissance, mais il peut y avoir croissance sans développement. C'est le cas de la Mauritanie où les taux de croissance affichés ne sont que ceux du revenu national (rente nationale).

 

La vraie croissance et la fausse croissance

 

Ainsi si la vraie croissance économique traduit la variation quantitative, durable, auto-entretenue et non réversible de la production de biens et services, la fausse croissance en Mauritanie traduit la variation quantitative non durable, auto-entretenue et réversible d'un revenu national (d'une rente pétrolière et autre) au profit d'une minorité qui a depuis longtemps (et depuis toujours) planifié son détournement au détriment du développement. La vraie croissance repose sur la fonction de production et non pas d'accumulation de revenu national (issu de la rente).

 

Cette fonction de production repose sur l'utilisation des facteurs de production, travail et capital. La croissance dépend donc des quantités de facteurs de production disponibles et de la manière dont ils sont utilisés.

Le facteur travail : la croissance est possible grâce à une augmentation de la quantité de travail disponible ou par une augmentation de la qualité du facteur travail utilisé.


Le facteur capital : la croissance se traduit par des Investissements qui viennent accroitre ou améliorer le stock de capital technique disponible ce qui permet une augmentation des quantités de biens et services produites.

 

Et enfin, le progrès technique : qui accroit la productivité des facteurs de production utilisés. Près de la moitié de la croissance économique serait le fait de ce progrès technique.

 

Alors au vu de ce qui précède (le travail, le capital, la technique), vous la voyez où la croissance en Mauritanie ?

 

Pr ELY Mustapha

 

Quelques références:

 

- http://www.state.gov/r/pa/ei/bgn/5467.htm 

- Office National de la Statistique (www.ons.mr)

-http://www.carim.org/index.php?callContent=364&callCountry=1500 (et particulièrement pour les tableaux l’article de Sidna Mohamed-Saleh, La migration des Mauritaniens et ses tendances récentes (2009))

- http://www.statistiques-mondiales.com/mauritanie.htm

http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/MAURITANIAINFRENCHEXTN/0,,menuPK:469145~pagePK:141132~piPK:141109~theSitePK:469117,00.html

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