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Les prémisses d'une faillite... à éviter
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En 1990 apparut une notion qui donnait une explication à ce que deviennent aujourd’hui certains Etats qui sombrent dans une faillite les entrainant dans l’instabilité institutionnlle et les conflits internes. Cette notion de l’Etat en déliquescence ou encore d’Etat en échec se base sur une composante majeure pour définir ce type d’Etat : l'absence du respect de l’Etat de Droit dans sa dimension la plus large. Dimension englobant la sphère politique, économique et sociale.
Lorsque l’Etat est en déliquescence , il s’expose à une sape de ses fondations politiques, économiques et sociales entrainant sa chute dans les crises multidimensionnelles qui peuvent aller de blocages institutionnels sévères paralysant les pouvoirs publics à la guerre civile ou à la perte totale de la souveraineté.
Comment établit-on qu’un Etat est en déliquescence (I) ? Quels sont les indicateurs permettant de dire qu’un Etat est en déliquescence (II) ? Et à quel niveau de ces indicateurs se place la Mauritanie (III) ?
I- Comment établit-on qu’un Etat est en déliquescence
On situe dans les mois qui suivirent la chute soudaine de l’URSS et son éclatement, les premiers éléments de théorisation de cette notion dans la recherche en géopolitique. En effet, il est apparu que les Etats peuvent s’effondrer sous l’effet d’une faillite d’un ou de plusieurs éléments de la charpente socio-politico-économique qui les soutient.
La notion est intéressante à plus d’un titre car elle systématise un ensemble d’éléments qui peuvent provoquer individuellement ou cumulativement la faillite de l’Etat. Cette faillite issue de ces éléments peut être identifiée à plusieurs stades de son développement à travers des indicateurs permettant de classer les pays par niveau de déliquescence.
C’est ainsi que le Fonds pour la paix (Fund for peace) a établit un index des Etats en faillite (Failed States index). Cet index comprenant douze indicateurs a permis de classer des pays comme étant en faillite, en cours de faillite ou entrant dans ce processus. Les organisations internationales utilisent ce concept « d’Etat en faillite » pour caractériser sur le plan géopolitique des pays qui ont des problèmes humanitaires graves ou qui sont entrés dans une guerre civile. C’est le cas de Haïti , de la Somalie, de la Côte d’Ivoire, du Libéria, de la Sierra Leone ou du Rwanda…
Par ordre de gravité décroissante, on distingue :
- les Pays à vulnérabilité forte
- les Pays à vulnérabilité préoccupante
- les Pays à risque modéré
- les Pays stables
II- Les indicateurs permettant de dire qu’un Etat est en déliquescence
Ce classement par ordre de gravité est basé sur douze indicateurs. A chaque indicateur est affectée une valeur de 1 à 10 (par niveau de gravité croissante)
Le score final obtenu sur la somme totale de ces indicateurs, allant de 0 et 120, rend compte de la situation de l’Etat considéré. C’est-à-dire son indice de vulnérabilité.
Tels que traduits dans wikipédia à partir du rapport du "Fund of Peace", ces Indicateurs composent un indice de vulnérabilité et sont répartis entre 4 indicateurs sociaux, 2 économiques et 6 de nature politique . Ils permettent ainsi de déterminer la vulnérabilité institutionnelle, politique, économique et sociale d'un pays si un conflit devait se déclarer.
« Indicateurs sociaux:
1. Pression démographique: qu'il s'agisse de haute densité de populations, ou d'accès difficile à l'alimentation. Sont inclus l'extension des zones habitées, les problèmes de frontières, de propriété ou d'occupation des terres, de contrôle des sites religieux ou historiques, d'exposition à des problèmes environnementaux.
2. Mouvements massifs de réfugiés et de déplacés internes: le déracinement forcé de vastes communautés à la suite de violences ciblées ou pas et / ou d'actes de répression, favorisant pénuries alimentaires et maladies; le manque d'eau potable, la concurrence pour les terres arables, et des troubles qui peuvent générer une détresse humanitaire et des problèmes de sécurité grandissants, tant à l'intérieur des pays et entre pays.
3. Cycles de violences communautaires: sur la base d'injustice récentes ou passées, y compris sur plusieurs siècles. Cet indicateur inclut les crimes restés impunis contre des communautés ou groupes. Institutionnalisation de l'exclusion politique. L'ostracisme en direction de groupes accusés d'accaparer richesses et pouvoir
4. Émigration chronique et soutenue: qu'il s'agisse de fuite des cerveaux ou d'émigration de dissidents politiques ou de représentants des classes moyennes.
5. Inégalités de développement: inégalités réelles ou perçues entre groupes, au niveau de l'éducation, de la répartition des richesses, des emplois
6. Déclin économique subit ou prononcé: mesuré par un indice de déclin global incluant revenu individuel moyen, PIB, endettement, taux de mortalité infantile, niveau de pauvreté, nombre de faillites. Une chute rapide du prix des matières premières, des revenus, de l'investissement direct étranger, du remboursement de la dette, une hausse de la part du secteur informel peuvent traduire l'incapacité de l'État à payer salaires et pensions
7. Criminalisation et délégitimation de l'État: corruption endémique, pillage institutionnel, résistance à la transparence et aux pratiques de bonne gouvernance.
8. Détérioration graduelle des services publics: disparition des fonctions de base à destination des citoyens, tels que police, éducation, système de santé, transports. L'usage des agences de l'État au service des élites dominantes (forces de sécurité, banque centrale, administration présidentielle, douanes et renseignements) est également comptabilisé
9. Violations généralisées des droits de l'Homme: émergence d'un pouvoir autoritaire ou dictatorial manipulant ou suspendant les institutions démocratiques et constitutionnelles. Éruption de violences politiques à l'encontre des populations civiles, couplées à l'augmentation du nombre de prisonniers politiques ou dissidents à qui l'on refuse un procès en phase avec les normes internationales. Restriction de la liberté de la presse et des droits religieux.
10. Appareil de sécurité constituant un État dans l'État: émergence d'une garde prétorienne bénéficiant d'une impunité quasi-totale. Milices privées protégées ou soutenues par l'État et dirigées contre l'opposition ou tout groupe de population susceptible d'être favorable à celle-ci. Sous-groupe au sein de l'armée qui utilise ses ressources pour servir les intérêts de l'élite dominante. Apparition de milices armées irrégulières pouvant aller jusqu'à la confrontation armée avec les forces régulières.
11. Émergence de factions au sein de l'élite: fragmentation des classes dominantes le long de lignes de fracture communautaires. Utilisation par les élites ou les institutions d'une rhétorique nationaliste ou de solidarité ethnique (appel au nettoyage ethnique ou à la défense de la foi).
12. Intervention d'autres puissances: engagement militaire ou paramilitaire d'armées étrangères, États, groupes ou entités, qui ont pour résultat de bouleverser l'équilibre local des forces et d'empêcher la résolution d'un conflit. Sur-dépendance vis-à-vis de l'aide externe ou de missions de maintien de la paix » (wikipédia et le rapport 2008 du Fund Of Peace)
III A quel niveau de ces indicateurs se place la Mauritanie ?
Si l’on examine les dernières données de classement 2008 du rapport du Fond pour la paix, la Mauritanie est classée à la 47ème place soit parmi les pays sous alerte de faillite. Après le Rwanda et avant l’Iran.
Son score est de 86,1 d’après le Fonds pour la paix (Fund for Peace), la plaçant ainsi dans la catégorie des pays à "vulnérabilité préoccupante".
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Bien que ce score soit éminemment alarmant, il n’a pas pris en compte les derniers événements qui ont aggravé la situation du pays sur tous les plans politiques, économiques et sociaux.
Nous avons donc corrigé les indicateurs pour tenir compte de la situation apparue après le 6 Août 2008. Situation qui a aggravé tous les indicateurs tant au niveau politique, économique que social.
Politique, d’abord, à travers une usurpation du pouvoir et un empiétement sur la légalité qui aggravent les indicateurs politiques notamment ceux relatif à la légitimité, à la violation du droit , au poids grandissant de l’appareil de sécurité, à la détérioration marquée des services publics.
Economique, ensuite, à travers la crise économique grave qui menace le pays et qui risque d’emporter les derniers efforts de lutte contre la pauvreté et les espoirs de développement, notamment à travers l’embargo attendu et les restrictions financières déjà annoncées.
Social, enfin, à travers la crise de confiance qui touche actuellement la société mauritanienne quant à l’avenir du pays et quant à la confiance dans ceux qui dirigent l'Etat.
En ayant corrigé ces indicateurs suite au coup d’Etat du 6 Août 2008, le score total se propulse à 93.3 points ce qui place la Mauritanie parmi les pays d’Etat en faillite et qui fait apparaître de sérieux dangers pour son avenir politique économique et social. Score qui la place dans le peleton des Etats qui vivent une situation conflictuelle ou post conflictuelle ayant des séquelles graves sur le pays et ses populations.
Ainsi dans le tableau suivant nous présentons le score total de la Mauritanie tel qu’il apparaît dans le rapport du Fonds pour la paix (soit 86,1) qui la place déjà dans les pays à haut risque de faillite, et le score que nous avons corrigé (93.3) suite au coup d’Etat du 6 Août 2008 et qui montre que la situation du pays présente tous les ingrédients d’une grave crise qui peut dégénérer en réactions violentes civiles si une solution rapide n’est pas trouvée dans les plus brefs délais.
Situation d’ailleurs qui a été elle-même à l’origine de l’établissement de la notion de "l’Etat en faillite" en 1990 et qui a montré que la déstabilisation des Etats moderne et leur éclatement vient moins d’une guerre clausewitzienne (armée régulière) que d’une guerre civile.
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En définitive, il ne fait pas doute que l’indice de vulnérabilité de la Mauritanie est bien trop élevé pour être ignoré et que ce qui inquiète dans tout cela , c’est que les Etats en faillite, ne sont pas une vue de l’esprit et que ceux qui sont passés par des conflits et gèrent encore leurs graves problèmes post-conflictuels se rendent compte que le plus lourd tribut a été payé par des populations innocentes .
En définitive, il ne fait pas doute que l’indice de vulnérabilité de la Mauritanie est bien trop élevé pour être ignoré et que ce qui inquiète dans tout cela , c’est que les Etats en faillite, ne sont pas une vue de l’esprit et que ceux qui sont passés par des conflits et gèrent encore leurs graves problèmes post-conflictuels se rendent compte que le plus lourd tribut a été payé par des populations innocentes .
Pr ELY Mustapha
Les indices "etat en faillite" font peur. J'ai particulierement retenu celui concernant "appareil de secutite consttuant un etat dans un etat "qui va de 7.2 a 9.5, qui est le plus haut. C'est inquietant et c'est le systeme Taya qui retourne. En tout cas Aziz a bien appris de son mentor Ould Taya: il parle comme lui, triche comme lui et est imprevisible comme lui. A-
RépondreSupprimerExtraordinaire étude et bien venue en ce moment prof!
RépondreSupprimerElle montre très clairement que la Mauritanie est au bord de la faillite!
Ina lillahi ou ina illyhi raji'oun!!!!!!
C'est grave et c'est écrit partout! Vous professeur au moins vous essayez de nous faire comprendre ce qui se passe et c'est un grand merci..
La Mauritanie a commencé sa faillite depuis 1978 et ça vient d'atteindre un stade qui fait sincèrement frissonner.
Si on relit votre très brillante présentation de ce que la Mauritanie risque de perdre financièrement dans votre article sur le miracle de la junte putschiste, on est vraiment très informé grâce à vos écrit.
Encore mille fois merci.
La Mauritanie est vraiment en danger. Que Dieu ait pitié de nous!!!
Votre présentation d'un état en déliquescence est fort intéressante et devrait être élargie à nos pays de l'U.M.A.
RépondreSupprimerBravo!
Bonsoir Prof
RépondreSupprimerVoilà une étude lumineuse et bien vulgarisée pour le grand public. J'ai lu aussi votre très intéressant concept de "pauvreté" politique" dans un article précedent.
Beaucoup de savoir et de connaussances partagée dont je vous remercie en souhaitant qu'ils dépassent votre blog pour l'université de nouakchoot qui a bien besoin de penseurs er de chercheurs comme vous.
Lemine
Même avec un score de 93.30,vous êtes optimiste,car le score réel se situerait entre 100 et 110!!!Partout où vous vous tournez la tête,vous ne voyez,ici que le desespoir,la misère,la désolation,le laisser aller...Toute une population qui n'a plus que la quémande dans la rue pour survivre.Des quartiers entiers laissés à eux mêmes où des bandes de malfrats imposent leur loi...
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