jeudi 17 juillet 2008

Quand le passé nous rattrape

Les militaires qui, en 1978, étaient venus renverser, le premier Président de la RIM, Moctar Ould Daddah, étaient entrés en pleine nuit dans le palais. On raconte que la seule chose qu’il leur avait demandée était de « ne pas réveiller ses enfants qui dormaient ».

Il était parti comme, il était venu; humble et démuni. Pourtant la veille du putsch qui l’avait renversé, les rues étaient délirantes d’une population fiévreuse qui le soutenait après le congrès de la clarification. Après le putsch qui le renversa, ce fut la même foule qui descendit dans la rue pour soutenir les auteurs du coup d’Etat.

Un peuple qui est descendu deux fois dans la rue en l’espace de 24 heures chrono pour soutenir deux régimes différents !

Bonne leçon de politique pour ceux qui savent observer. Ce n’est pas le mouvement des foules qui assoit une légitimité. Et ce n’est pas des slogans qui confèrent la légalité.

C’était en 1978. En 2005, les mouvements de liesse populaire n’ont pas varié d’un iota. Est-ce le même peuple ? Est-ce les mêmes mentalités ? On ne saurait le dire. Une chose est certaine : le peuple réagit à l’oppression et s’extasie lorsque le joug de l’arbitraire et de l’injustice est levé.

En Mauritanie, il est fort probable que la liesse populaire exprime moins la désapprobation d’un ancien régime que l’espoir que le nouveau régime sera meilleur.

Jusqu’au jour d’aujourd’hui, la déception a été au rendez-vous. Le régime de Moctar Ould Daddah s’est empêtré dans des alliances guerrières sahariennes qui l’ont emporté et ont permis d’asseoir la légitimité, aux yeux d’un peuple usé et terrorisé par la guerre, d’un régime militaire qui a mis fin au conflit. Et la démocratie d'aujourd'hui est prise en ôtage.

De 1978 à 1984, les petits coups de palais se sont multipliés en sourdine et lorsque vint Ould Taya, là encore l’espoir était grand que les choses changent. Le peuple était en attente, aux aguets. Les années de grâce que s’est accordé le Comité Militaire de Salut National pour « redonner au pays sa dignité et asseoir la démocratie », ont été, en fait, une antichambre dans laquelle le régime était beaucoup plus préoccupé par se forger une légalité et une légitimité, qu’il n’avait pas, que de s’intéresser réellement à la prospérité de la nation.

En somme, il fallait troquer rapidement le treillis par le costume cravate. Dissimuler la baïonnette derrière les urnes, créer un parti politique prédestiné pour exercer le pouvoir et créer un semblant d’environnement partisan en délivrant des autorisations de création de partis politiques que l’on empêchera d’être de vrais acteurs politiques. Les élections douteuses, les mises en accusations des dirigeants des partis de l’opposition à la veille d’élections, les harcèlements et les séquestrations ont montré que le régime politique ne considérait les partis d’opposition en Mauritanie que comme « un faire valoir » justifiant l’hégémonie du parti au pouvoir et non point comme des acteurs politiques réels viables et représentant l’opinion des populations.

L’instrumentalisation du jeu politique était évidente. Le cadre théoriquement pluraliste était en pratique monopartisan. Ceux qui ont joué franc jeu n’ont jamais eu gain de cause car le régime jouait de ses moyens et de son influence. Le trésor public était vidé par les campagnes présidentielles; les faveurs étaient distribuées à bout de bras et le clientélisme lâche et veule était érigé en institution.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il y a beaucoup de partis politiques en Mauritanie mais il n y a jamais eu de démocratie. Partis pris…dans la toile du système.

En est-il autrement, aujourd'hui?


Pr ELY Mustapha


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