dimanche 13 juillet 2008

Les réactions d’un système à son hégémonie

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L’opposition à la majorité est morte, vive l’opposition….de la Majorité


Si on se devait de poser une question simple : qui a depuis l’éléction du président Sidioca joué le rôle de l’opposition ? La réponse est sans aucun doute : la majorité.

Curieux, en effet, de penser que ceux-là mêmes qui s’opposent aujourd-hui au Président et à son gouvernement, (mais aussi à la majorité elle-même) ne sont autres que des membres de la majorité.

La motion de censure contre le gouvernement . Membres de la majorité

Mise en jeu de la responsabilité du président de la république. Membres de la Majorité

Enquête sur la fondation de l’épouse du Président de la République. Membres de la majorité

Accusation de parjure et demande de démission du Président du Sénat. Membres de la Majorité.


I- Une opposition dans la majorité

Ces membres de la majorité, que l’on a appelé « dissidents » ou « frondeurs » on joué pleinement le rôle que l’opposition se devait de jouer.

Ils ont destabilisé le gouvernement, entrainé sa démission et sa recomposition. Dissuadé le Président de la République, intimidé ses conseillers et entrainé même leur limogeage, dont les plus proches du Président de la République.

Ils ont entrainé la remise en question de la répartition des influences au sein des assemblées et au sein de l’éxecutif. Ils ont enrainé une crise institutionnelle qui a permis à tout le microcosme politique de se poser des questions sur son existence et son devenir.

En somme, les « frondeurs » de la majorité, on réalisé en un mois ce que l’opposition n’a pas pu réaliser en plusieurs... et à plusieurs!

Aussi une opposition est née d’un terroir duquel personne ne l’attendait.

Quels que soient ses motivations (intérêts personnels), ses objectifs (militaro-politiques) supposés, elle a utilisé les mécanismes institutionnels pour jouer son rôle de contre-balance du pouvoir. En somme une véritable opposition. Elle a abouti à des résultats !

Alors face à cette « opposition », l’opposition historique , que fait elle ? Elle est tout simplement inexistante.

Neutralisée à deux points de vue :

- Elle s’est alliée à la majorité pour quelques sièges au gouvernement (UFP et Tawassoul) en clamant qu’elle fait partie de la majorité. Et pour preuve qu’elle ne peut jamais en faire partie, elle vient d’être exclue de la constitution du nouveau gouvernement. Sans autres formes de procès . Ould Waqf ayant eu à l’égard de cette « opposition » transfuge une phrase des plus assassines : « nous croyons que les associer au gouvernement n’est pas nécessaire ». Signifiant par là qu’ils ont été utilisés pour des besoins de conjoncture mais qu’en fait, ils ne sont utiles ni politiquement ni idéologiquement.
Situation qui était prévisible et à laquelle nous avions consacré très tôt, un article mettant en garde contre la constitution d’un gouvernement d’union nationale qui risquait de vendre l’âme de l’opposition au diable (lire l’article ici « gouvernement d’union nationale, pour quoi faire ?» ) Et c’est qui arriva.


- Une opposition, qui depuis belle lurette ne joue plus son rôle , enfermée dans une structure de leadership prônant la concertation tout azimuth avec les autorités et servant d’antichambre d’enregistrement des actes du gouvernement et de son président. Nous avions aussi dénoncé cette fonction de « leader de l’opposition » et ses conséquences sur la paralysie de l’opposition historique et des conséquences que cela peut avoir sur l’avenir de cette opposition dans l’exercice du pouvoir. Nous avions consacré plusieurs articles de mise en garde et d’alerte, et le présent nous montre que nous avions malheureusement raison.(voir notamment les articles suivants. "Le poison de l'opposition", et "Leader de qui , statut de quoi?" )

II- Comment peut-on théoriquement expliquer cette situation ?

La nature ayant horreur du vide, la nature politique ayant horreur du calme, il fallait face à une opposition stérile, inactive et silencieuse, que naisse un courant qui s’inscrivent en faux par rapport à l’existant.
Tout système pour s’équilibrer a besoin de créer ses propres polarités. Le consensus permanent dans un système est facteur de sa dégénérescence et de son ankylose. C’est la raison pour laquelle, le système de la majorité n’ayant aucune opposition à l’extérieur qui le ménace et qui lui permette de renforcer sa cohésion et son unité dans sa défense, s’est crée lui-même sa propre opposition.

En effet, lorqu’un système social n’a pas d’ennemis, il en produit en son sein.
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Ainsi, lorsque le système est laissé à lui-même (exemple un groupe, un parti, une société), il commence « à se regarder lui-même », à s’intéresser à ses dysfonctionnements, à générer une lutte d’intérêts en son sein, des intérêts qui auraient été mis en sourdine s’il existait « un ennemi extérieur » qui l’obligerait à les oublier ou à les dépasser pour ne penser qu’à défendre son existence et sa survie par rapport à l’ennemi extérieur.

Ainsi cette théorie trouve sa preuve dans la naissance de la « fronde » . La fronde qui est née dans la majorité nous permet de montrer que son existence prouve deux éléments fondamentaux :

- Que la majorité est un parti politique qui, en tant que système politique, ne craint aucune opposition. Opposition qui ne constitue politiquement et idéologiquement aucune menace pour son existence. Opposition qu’il peut d’ailleurs acquérir et associer à ses propres intérêts (cas UFP et Tawassoul dans le dernier gouvernement de Waqef).

- Que la Majorité n’ayant pas « d’ennemi-partisan extérieur », dans l’existence d’une opposition réelle, s’est retrouvée face à elle-même. Et en se contemplant elle-même, elle a fait naitre en son sein l’exacerbation de ses dissensions internes et les conflits d’intérêts. Dissensions et conflits dont la réduction, pour l’intérêt et la cohésion de la majorité, ne se justifiait plus. Car il n y a pas d’ennemi politique. L’opposition n'ayant aucun poids.

En effet, jusque récemment la Majorité a gardé une cohésion pour préserver se intérêts face à une période d’incertitude ayant commencé avec l’élection du Président de la République.
Cette période fut pour elle, celle d’un calme justifié par un intérêt partagé face à une opposition dont les réactions étaient inconnues suite à sa perte des élections. Mais voilà que depuis quelques mois, la Majorité s’est rendue compte qu’elle n’avait pas en face d’elle une opposition, mais des partis soumis à un leadership qui les handicap , à des partis sans cohésion, qui n’ont aucune autorité, ni actions quelconques sur le terrain. Bref une opposition qui n’en est pas une.

Alors le système « Majorité » a enregistré cette réalité et a ragit en conséquence.

Il est devenu, à la fois le parti au pouvoir et a sécrété une autre opposition. Une opposition qui vient de son sein et qui, elle, joue un réel contre-pouvoir.

Donc l’opposition historique se voit vidée sur son propre terrain de sa substance par une « nouvelle » opposition qui risque de la bouter hors du champ du politique.

III- Quelles leçons pour l’avenir

L’on ne peut que se rendre compte que le paysage politque mauritanien, se recompose, en défaveur de l’opposition historique. Que cette opposition historique ne joue pas son rôle. Quelle est inactive. Soumise à un baronat de leaders qui la tirent vers le bas.
Il faudrait qu’elle renouvelle toutes ses instances dirigeantes. Quelle descende sur le terrain pour montrer son existence et inscrive sa lutte dans le champ de la protestation civile visible et efficace.

Quelle abandonne la fraicheur du parlement (ou minoritaire, elle est stérile) et de ses discussions d’alcôve au profit de l’éducation des masses, qu’elle harangue les foules, qu’elle dénonce, qu’elle agit pour le bien du peuple en lui servant de cheval de bataille pour ses intérêts. Et c’est là où elle peut gagner en popularité, en base éléctoral et sa crédibilité pour des élections à venir.

En attendant, une « nouvelle opposition » bien plus virulente et défendant des intérêts qui sont les siens avec les moyens dont elle dispose, a pris le terrain du politique et de l’actualité.

Quelle place restera-t-il, dans le présent , à un opposition historique, qui n’ a plus de crédible… que son histoire ?
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Le peuple a vécu son histoire mais il a besoin de présent.


Pr ELY Mustapha

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