dimanche 6 juillet 2008

La grenouille et le scorpion

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La Démocratie assassinée

La Démocratie signifie « le gouvernement du peuple par lui-même ».
La Démocratie ne s’octroie pas. Elle est le fruit d’une haute lutte d’un peuple pour sa liberté.
La Démocratie ne se conçoit que si l’on en a payé le prix, souvent par le sang et la révolution.
La Démocratie nécessite, un peuple éveillé, cultivé et défendant ses intérêts face aux gouvernants.
Voilà des conditions qui expliquent bien que la « démocratie » mauritanienne ne peut en être une.

De l’origine de la démocratie mauritanienne

La démocratie mauritanienne est une démocratie octroyée. Les mauritaniens se sont reveillés un certain 3 Août 2005, avec un colonel putschiste, pur produit du régime qu’il a renversé et qui leur a « octroyé » la Démocratie. Il en a tiré gloire et triomphe à travers une transition qu’il a, avec ses compagnons, adroitement ficelée pour aboutir à des fins « démocratiquement » inavouées.
Sa « démocratie » le peuple l’a reçue sur un plateau d’argent. Ce n’est ni par sa lutte ni par son combat qu’il l’a obtenue. Il n’en connait d’ailleurs ni le contenu , ni la valeur.

En effet, on ne connait la valeur d’une chose qu’en l’acquérant par la force de son effort. Le citoyen mauritanien n’est ni Gavroche, ni Danton et ceux qui lui ont octroyé cette démocratie, n’ont de Robespierre que la terreur et non point la vertu.

Démocratie dont la gratuité n’a d’équivalent que l’insouciance de ceux qui l’ont reçue. Une démocratie placée dans un peuple que l’on a tourné en bourrique, en lui confectionnant à la fois ses institutions démocratiques et les personnes qui vont avec. Une Démocratie « prêt-à-porter », enserrée dans une constitution gaullienne qui reflête l’inénarrable manque d’imagination de nos juristes.

De l’origine de ceux qui manipulent la démocratie

La démocratie, ne se conçoit qu’à travers ceux qui la mettent en œuvre. Or si l’on conçoit qu’à travers des élections libres les institutions publiques ont pu fonctionner, notamment celles representant le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il n’en demeure pas moins que si la quantité y est la qualité est loin d’être remplie.

En effet, mettre en œuvre une démocratie à travers ceux-là même qui sont à l’origine de la faillite de l’Etat durant le quart de siecle précédent équivaut tout simplement à nier toute démocratie.

En effet les deux chambres du parlement sont constituées à majorité de ceux qui furent décriés et continuent à l’être aujourd’hui comme les suppôts de l’ancien régime sinon des roumouz el vessad, au sens propre et figuré.

L’Exécutif lui-même ne se présente pas lui-même sous un meilleur profil. Sa constitution, fort décriée, entraina sa chute avant même qu’il puisse piper mot de sa politique générale. Son premier ministre a repris son bâton de pèlerin pour reconstituer son enclos politique.

C’est autant dire que ceux qui président au jeu démocratique sont issus du même panier politique décrié et contesté par tous.

De l’origine de l’affrontement « démocratique » des frères ennemis.

Lorsque l’actuel premier ministre fît des pieds et des mains pour créer le parti « Adil » et le mit sous la houlette du Président de la République, il avait deux objectifs : s’assurer une base partisane solide et surtout assurer son avenir à son poste.

Hélas connaissait-il la fable de la grenouille et du scorpion ? Le scorpion voulant traverser une marre requit les services de la grenouille : « voulez-vous chère grenouille me porter sur votre dos et me faire traverser cette marre ». La grenouille lui répondit : « Je crains que vous ne me piquiez lorsque vous serez sur mon dos ». Le scorpion l'assura que "non". Puis il monta sur le dos de la grenouile qui entreprit la traversée. Arrivé au milieu de la marre , le scorpion piqua à mort la grenouille qui s’exclama en expirant : « Scorpion, pourquoi faîtes-vous ça ! Nous allons mourir tous les deux ! » Et le scorpion lui dit : « Désolé, je n’ai pu me retenir ».

Chassez le naturel et il revient au galop. Il en est ainsi dans le monde politique issu de la tradition partisane acquise en Mauritanie durant ces vingt dernières années. Une frange du parti s’est retournée contre son chef. Car ce n’est pas la Démocratie qui importe c’est l’intérêt personnel. Ce n’est pas un idéal partisan, ni une idéologie qui unit ses membres , c’est l’opportunisme non dissimulé qui guide ses membres. Son chef vient d’en prendre une bonne leçon.

Qu’en est-il des frères ennemis dans cette démocratie ? Rien. Car aucun ne croit à la Démocratie en tant qu’idéal d’un peuple, mais un instrument pour assouvir ses intérêts personnels et de clan.

Le parti de la « Majorité », n’est donc que le parti-pris d’une immense stratégie d’utiliser la « démocratie » pour continuer la gabegie en toute impunité.

De la "sincérité" de l’action des uns et des autres

Que l’on puisse faire croire au peuple que les actes des uns et des autres sont guidés par l’intérêt de la nation est un mensonge éhonté.

Ni la volonté du président de la république d’utiliser ses prérogatives (dissolution de l’assemblée), ni celle des députés (motion de censure) , ni celle des sénateurs (commission d’enquête sur la fondation KB), ne sont guidés par un quelconque vouloir de rétablir une vérité ou de jouer un jeu démocratique sain.

La menace du président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale, est guidée par une volonté qui lui est externe et dont le but ultime est de déclancher une crise politique dont les conséquenses sont imprévisbles, mais vivement attendues par certains.

La motion de censure qui l’a précédée a des buts inavoués qui se situent entre l’opportunisme et l’intérêt personnel. Situation, que l’on avait résumé dans un article précédent dans les termes suivants :

« Pourquoi « eux et pas moi » ? Voilà une simple phrase qui explique toute la pseudo-crise qui semble secouer le système. Cette pseudo-crise n’est pas née d’une volonté d’améliorer les choses ni de préserver les intérêts supérieurs de la nation. C’est une pseudocrise de la frustration de certains à l’égard d’autres. Une réaction de gens qui se connaissent bien et qui voudraient regagner les terrains de chasse et de cueillette d’autrefois perdus.
Dans cette guerre larvée, autour d’un président en contemplation, s’affrontent les barons d’Adil.
D’un côté, ceux qui mordent la main de celui qui, par soif de pouvoir, a essayé de les rassembler sous la houlette d’un président passif, à savoir le Premier Ministre afin d’en faire une force qui le soutiendrait dans ses ambitions politiques.
De l’autre côté, ceux qui après avoir reçu de plein fouet les dernières nominations, ont trouvé chez les militaires des alliés déçus avec lesquels ils partagent les préoccupations d’influence.
»

Quant à la commission sénatoriale d’enquête sur le fondation KB, elle n’ a de fondement que la volonté de ceux qui l’on initiée de contrecarrer la volonté du Président de la République de mettre à exécution sa menace de dissoudre l’assemblée nationale. Ou mieux encore d’accélérer sa destitution ou de le pousser à la démission. L’argumentaire des dilapidations des biens publics ou des ressources nationales reçues par la Fondation est bien secondaire pour ces sénateurs. Car mettre en œuvre une telle procédure justement en cette période est bien plus que douteux quant à sa sincérité.
On ne gère pas une démocratie, on règle ses comptes.
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Alors que reste-t-il de la Démocratie octroyée?

Rien.

Les instruments constitutionnels du jeu démocratique ( motion de censure, commission d’enquêtes etc) sont mis en œuvre non pas dans des intérêts supérieurs de la Nation mais pour de vulgaires conflits d’intérêts bien définis entre gens de même assemblée ou de même gouvernement.

Ceux qui mettent en jeu ces procédures (à l’Assemblée et au Sénat) au nom de la lutte contre les roumouz el Vessad, doivent d’abord commencer par se demander quelles qualifications ils portent eux-mêmes. Et quels rôles ils ont joué, à côté de ceux qu’ils accusent, dans le régime précédent.

Ceux qui soutiennent un exécutif chancelant avec à sa tête un Président dissuadé et hésitant, ne sont pas non plus moins irréprochables que les précédents.

En définitive, une démocratie octroyée, pour un peuple asservi, mise en œuvre par des barons de la gabegie, dirigée par un Président dissuadé, manipulée par des assemblées intéressées, mise en demeure par des militaires infiltrés, n’est pas une démocratie.

Si elle l’est , alors, c’est une démocratie dont le danger est plus qu’apparent. Car si la démocratie est une nécessité dans les nations éveillées et bien dirigées, elle peut entrainer le contraire dans une nation avilie, pillée et dont les dirigeants profitent des mécanismes démocratiques pour assurer leur impunité.

En Mauritanie, la Démocratie fut assassinée, le jour ou ceux qui en prirent la charge venaient tout droit d’un passé dans lequel ils furent à la fois les fossoyeurs de toute démocratie et la cause première du pillage d’une nation.

Et le scorpion remontant indéfiniment sur le dos de la grenouille, dans la marre au peuple.

Pr ELY Mustapha

5 commentaires:

  1. Une réflexion très claire et qui dit tout. Au moins vous vous êtes resté vrai.
    Si quelqu'un vous lit il est sur que vous ne le trompez jamais.

    j'ai lu beaucoup d'articles ces quelques semaines avec des choses inexplicables ou pas claires, vous résumez tout et très bien fait.

    Congratulations.

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  2. Le peuple c'est la grenouille, n'est-cfe pas?
    car vous dîtes à la fin "la marre du peuple";;;

    Donc c'est très vrai, que le peuple -grenouille est naif et se fait mordre par le scorpion roumouz el vessad qui coule l'etat.

    C'est fin et c'est une très bonne image.

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  3. profeseur, vous critiquez tout et meme tous les gens , vous êtes de quel parti?

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  4. Le Pr ELY Mustapha et beaucoup d'entre nous, qui ne nous retrouvons pas dans la configuration politique actuelle, nous faisons partie tout simplement du parti de la Mauritanie!

    C'est tout simple mais parfois c'est difficile à comprendre par les temps qui courent...

    Des mauritaniens intéressés juste par l'intérêt de leur pays!
    Ca existe et heureusement...

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  5. Merci Yanis. Des gens ne concoivent pas une personne en dehors de partis ou se faire payer pour dire la vertite. A-

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