dimanche 20 avril 2008

De la Mauritanie et de ses enfants

Graines de violence

Il n’est de société que sociale et d’avenir que d’enfants sains de corps et d’esprit. De ce constat, une idée jaillit: un pays qui n’investit pas dans l’enfance est condamné aux vicissitudes futures de l’incivisme et de la violence.

"Depuis les années 1980, les déséquilibres macroéconomiques et la quasi-absence de progrès social constituent une caractéristique commune à maints pays africains, confrontés à une profonde crise économique et sociale, sans précédent .
La Mauritanie n’a pas échappé à ce contexte, malgré la mise en œuvre, dès le début des années 1980, de programmes de réformes structurelles, et l’adoption en 1994 d’une stratégie de lutte contre la pauvreté.
Dans ce pays, influencé par un environnement interne peu favorable, les vicissitudes du contexte international et l’incertitude des politiques internes, au milieu de la décennie 1990, de nombreux ménages ou individus sont dans l’incapacité d’obtenir ou de perpétuer un niveau de bien-être correspondant à un minimum acceptable par les normes de la société."[1] Les enfants en furent les premières victimes, leurs géniteurs les principaux responsables.
L’Etat n’arrivant pas à juguler ni du point de vu normatif ni sur le plan social la dérive de comportements que perpétue, dans l’indifférence générale, une société mal en point. Une société dans laquelle la cellule familiale, pierre angulaire du développement, est en perpétuel éclatement.

Les causes de ce relâchement de la cellule familiale sont dues en grande partie à l’insouciance des géniteurs qui ne se préoccupent pas du lendemain de leur progéniture. Leur attitude est confortée par le fait que :

- Les lois civiles, relatives au statut personnel, ne font pas le poids avec des pratiques sociales qui ne stigmatisent pas la séparation des couples et le divorce. Ce dernier est d’ailleurs institué en « sport national ».

- La famille éclatée sait que ses enfants trouveront refuge chez les parents de l’un ou l’autre des membres du couple,

- Aucun mécanisme juridique ou social ne dissuade les divorces pour « convenances personnelles ». A telle enseigne d’ailleurs que cela s’est érigé en pratiques éhontées.

Qui souffre le plus de cette situation ? Les enfants.

Abandonnés à des grands parents ou à des cousins qui ne peuvent parfaire leur éducation ou tout simplement laissés à leur compte dans la rue, les enfants souffrent et cela la société risque fort de le payer un jour où l’autre. Et elle a commencé.

Le développement de la criminalité et l’essor du banditisme trouvent leur terroir dans ces enfants qui grandissent hors de la cellule familiale.

Enfants qui n’ont pas reçu cette tendresse parentale qui modèle, en leur subconscient, leurs instincts humains.
Enfants auxquels on n’a pas inculqué les principes majeurs qui les préparent à devenir des parents modèles et des citoyens chérissant leur pays.
C’est dans la solidarité du couple et dans le regard d’un père ou d’une mère que l’enfant perçoit son identité et acquiert sa personnalité. C’est dans la cellule familiale que l’enfant se crée, se développe, se forme et devient une part entière de la société. Un citoyen.

La facilité du divorce en Mauritanie est sans doute pour une grande part imputable à la mentalité du couple et de son environnement familial, mais il reste que cet état de fait est aggravé par des facteurs importants. Si ces facteurs trouvent un jour solution, cela contribuera à diminuer ce fléau social qu’est le divorce. Outre les difficultés matérielles et financières du couple, ces facteurs s’analysent en l’absence :

- d’assistance institutionnelle aux couples en difficultés ;

- d’une politique du revenu et de l’épargne chez le couple ;

- d’organismes d’assistance à l’enfance viables et organisés ;

- de juridictions spécialisées dans les problèmes de la famille et de l’enfant.

On comprend alors le rôle éminent que l’Etat, lui aussi jusque là démissionnaire, se doit de jouer pour que enfants et parents mauritaniens se retrouvent. Et pour que la société en bénéficie. Sans qu'elle puisse servir de terroir propice où germent les graines de la violence: l'enfance désespérée et la jeunesse abandonnée.
-
Pr ELY Mustapha

[1] Lachaud J-P "La pauvreté en Mauritanie : une approche multidimensionnelle". Centre d’économie du développement. Université Montesquieu-Bordeaux IV - France. Voir aussi les multiples rapports des institutions internationales sur le développement humain en Mauritanie.

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