mercredi 4 octobre 2023

Du pénal et de la morale : Voilà pourquoi Aziz doit-être libéré. Par Pr ELY Mustapha

Démontrer la non-culpabilité de Mohamed Ould Abdelaziz n’est point une vue de l’esprit. Nous exposons ici les principes fondamentaux sur lesquels se base cette démonstration. 

Du droit de la procédure : Du traitement judiciaire de l’Affaire Ould Abdelaziz

 
Partons du principe que tout accusé, ne l’est qu’à propos d’une infraction (contravention, délit ou crime) dont la preuve admise et démontrée (ministère public) entraine sa condamnation par une juridiction, statuant sur des faits et appliquant des lois qui explicitement prévoient et sanctionnent cette infraction.
Sur cette base et eu égard aux investigations réalisées par la justice et les années qu’elle a consacrées pour réunir les preuves et envoyer Aziz devant la cour criminelle, nous enregistrons donc que la justice mauritanienne a souscrit aux édictions du code de procédures pénales et aux textes subséquents et connexes, sur la corruption, le blanchiment d’argent, en la matière.
Le ministère public a donc épuisé toutes les procédures d’enquêtes et de rapportage de preuves contre ould Abdelaziz. Il est donc mis en accusation et transféré devant la cour criminelle.
Puisque donc le ministère public renvoie ould Abdelaziz en jugement, force est pour nous, à défaut d’en prouver le contraire (n’étant pas son avocat) , d’admettre le postulat  que toutes les procédures menant à ce renvoi ont été accomplies à savoir :


-          Toutes les preuves des infractions ont été rapportées
-          Tous les droits de l’accusé dans sa détention préventive ont été respectés
-          Que dans la forme et dans le fond ses défenseurs ont suivi le déroulement de l’ensemble des procédures d’enquêtes et d’investigation réalisée par La Police Judiciaire et les décisions prises par le ministère public qu’ils ont été informés et associés durant tout le processus.


La cour criminelle aura donc à juger sur le fond et sur la forme. Ould Abdelaziz sera jugé…sur des faits criminels prévus et sanctionnés par la législation pénale.
Le procès prendra le temps qu’il prendra, la défense et l’accusation croiseront le fer en audience et en dehors. Qu’importe c’est ainsi que veut le droit. Mais est-ce vraiment ainsi que le veut la Justice avec un « J » majuscule ?
Et c’est là où le bât blesse quand on appréhende ce procès non pas dans l’optique procédurale (ci-dessus mentionnée) de l’intervention du droit pénal, prise dans l’absolu, mais dans la justification même de son intervention.
 
Du droit du fond : du jugement de Ould AbdelAziz .

 
La question (évacuée plus haut) n’est plus de savoir si l'on a réuni suffisamment de preuves pour condamner Aziz, mais peut-on condamner Aziz pour des infractions pour lesquelles nulle  personne de toute sa decennie, et au-delà, n'est et n'a été condamnée ?
A cette volonté judiciaire d’instrumentalisation du droit pénal, ne s’oppose-t-elle pas cette non-volonté d’évacuer la « moralité » qui est le moteur premier de tout acte de justice ?
Ainsi si toute la procédure judiciaire d’établissement de preuves a conduit à dégager les chefs d’accusation suivants :
-          Corruption
-          Détournement de bien publics
-          Trafic d’influence
-          Blanchiment d’argent,
Ould Abdelaziz est-il, cependant condamnable au titre de ces crimes ?
Certes non. Parce que l’instrumentalité du droit ne peut se départir de sa moralité. Une justice qui s’exerce dans un environnement socio-politique où le droit s’ignore,   peut-elle prétendre qu'elle peut y être rendue ?
Que veut sanctionner la justice au travers du procès de Mohamed Abdelaziz ?
La Justice, à travers le juge, peut rendre le droit, un certain droit, mais ni le droit ni le juge ne peuvent dire si justice a été rendue.
Le droit et la valeur :  le texte et le contexte
Le droit est par définition, le lieu normatif où l’égalité juridique et judiciaire de toute personne est garantie et protégée. Ce lieu ne saurait être que le reflet du milieu social, politique et économique dans lequel il s’exerce.
Le droit mauritanien est, sans conteste, le reflet de son milieu. La règle de droit, a-t-on dit, n’est que l’expression de valeurs d’une société donnée à un moment donné de son histoire.
C’est autant dire que le droit se trouvant dans le texte n’est pas forcément celui du contexte.
Si la justice mauritanienne dans sa mécanique met en œuvre règles et procédures, pour rendre jugement, il n’en demeure pas moins que tout jugement est rapportable, bien moins à sa valeur juridique mais à la valeur qu’il revêt dans le contexte où il s’édicte.  La première ferait le bonheur des juristes, la seconde celle de la société.
Or c'est dans une société où tout ce que l’on reproche à Aziz est endémique que l'on envoie le personnage en Cour criminelle.
Quand la corruption est une pratique généralisée, quand le détournement des biens publics est le lot d’administrations entières, quand le blanchiment d’argent enrichit et détruit toute une économie, quand le trafic d’influence est aussi ordinaire dans les sphères de l’Etat, quand les ressources internes et externes sont pillées sans aucune redevabilité, que reproche-t-on alors à Ould AbdelAziz ?
Que lui reproche-t-on qui n’a pas existé et qui existe toujours, depuis plus de 40 ans de régime militaro-tribalo-mercantile.
Une justice qui mettrait en œuvre un droit, aussi perfectionné ou mimétique soit-il, ne saurait l’être lorsque le contexte du jugement rendu est lui-même un déni de justice.


La Justice ne peut mettre en œuvre un droit, qui est le reflet d’un contexte de non-valeurs. Elle serait alors une simple mécanique procédurale qui sanctionnerait non pas au nom de ce que le droit doit véhiculer de hautes valeurs, mais au nom d’un contexte socio-politique dans lequel le droit instrumentalisé, réduit cette justice à sa plus simple expression.
Tout jugement appuyé sur un droit, qui est le reflet de valeurs socio-politiques ne peut qu’en être l’image. Et dans ce cas la Justice devrait déclarer Aziz innocent, par référence aux valeurs actuelles. Et donc l’acquitter.
En effet, la morale de référence du droit pénal mauritanien, n’est autre celle que véhicule sa société et celle de ceux qui la dirigent.
Les philosophes du droit distinguent dans le référentiel moral du Droit pénal celui qui réside dans une morale religieuse, aboutissant ainsi à ce qui a été appelé un moralisme « absolu ». Or le comportement social en Mauritanie est souvent bien loin de la morale religieuse pour prétendre à sanctionner pénalement par référence à sa vertu, et servir de référentiel au droit pénal.   Le référentiel moral du Droit pénal résiderait alors dans la morale publique ou collective dominante à un moment déterminé dans une société donnée ce qui fut appelé un moralisme « conservateur ».
Et la Cour criminelle condamnant Aziz elle aura commis une injustice, car l’essence même du droit pénal fait qu’au-delà de son instrumentalité de réprimer les actes contraventionnels, délictuels ou criminels, offensant la société et menaçant la paix sociale, son contenu ne peut se départir de la moralité, essence même de son existence. Et quand dans toute société, la valeur, fondement de la règle de droit ne véhicule plus cette moralité, alors la justice devient un instrument au service de cette non-valeur. 


La plus vertueuse des justices ne saurait échapper au contexte vicié de son droit.


Alors que reproche-t-on à Aziz, que l’on ne pourrait reprocher à tous ses collaborateurs dont certains exercent encore au sein de l’Etat et, au-delà, à tous ceux des régimes précédents ?
Si Aziz doit être jugé par une justice qui applique un droit qui n’est que le reflet de valeurs sociales de sa société à un moment donné de son histoire, alors, Aziz doit être libre.


Ceci dit, cet article n’est point un éloge de l’impunité. Mais comment dans un pays où l’impunité est louée sans peine, peut-on juger, avec peine, l’impunité ?

Pr ELY Mustapha


mardi 3 octobre 2023

Pacte républicain : Le poison d'un Pacte. Par Pr ELY Mustapha

Appelez-là ce qu’il vous conviendra de l’appeler : juxtaposition, transposition, permutation, interversion, inversion...mais ne l’appelez pas opposition. Cette opposition qui pactise avec le pouvoir est le pire des maux que la Mauritanie puisse subir. S’opposer à cette opposition-là est le premier devoir de tout citoyen concerné par l’avenir politique de son pays.

Une opposition s’organise, collecte ses moyens matériels et financiers prépare son programme politique, le vulgarise, rencontre ses militants, génère des alliances, déploie son énergie à rassembler une opinion qui lui soit favorable, en d’autres termes prépare avec militantisme sa participation aux prochaines élections.

Mais une opposition toute tournée vers la contemplation du pouvoir et attendant de son détenteur qu’il l’apostrophe, est un réceptacle d’une misère partisane tendant sa gamelle pour y recueillir les postillons d’un pacte qui est devenu tout son programme.
Le devoir de tout Mauritanien, est de ne pas intégrer cette opposition-là mais plutôt de la fuir comme une peste institutionnelle. Si aujourd’hui, une nomenklatura partisane (dite par « euphémisme « majorité »), piétine tout un peuple et accapare le pouvoir ce fut et c’est toujours à cause de cette opposition-là.

Toute une frange de l’opposition mauritanienne est devenue une composition. Une composition d’individus qui ont instrumentalisé leurs partis pour des intérêts individuels. Des individus qui monnaient désormais leurs rencontres avec le président de la République, qui monnaient des postes publics pour leur progéniture, qui monnaient leur silence, qui monnaient des petits privilèges au détriment du pays.

 L’opposition mauritanienne est devenue un poison pour la démocratie en Mauritanie. Une ciguë que l’Etat, fait boire au peuple, en lui faisant croire qu’il y a une opposition pour l’assagir alors qu’elle hante depuis longtemps l’antichambre du pouvoir.

 Depuis que l’actuel président est au pouvoir toute l’opposition a fait la queue leu leu dans son salon, pour lui prêter allégeance, et depuis ses leaders se sont tus, repus de promesses et de privilèges attendus.

Un suppositoire institutionnel

 
L’opposition mauritanienne, est devenue dangereuse pour le pays, en ce que non seulement, elle est devenue alliée silencieuse du pouvoir, mais elle justifie aussi, par sa présence fantomatique, un semblant de démocratie faisant croire à son existence institutionnelle, alors qu’elle n’est plus qu’une collection d’individus qui tous lorgnent sur les prébendes du pouvoir.
La preuve que l’opposition n’existe plus, c’est d’abord son silence qui justifie son inaction. « Le silence face à l’injustice est une complicité avec l’oppresseur. » (G.Sagan) "
Son silence vis-à-vis de tout ce que le pays vit de misère, de criminalité, d’injustice, d’incompétence des gouvernants, de leur concussion, de leurs malversations, de leurs détournements, de leur corruption et de leur impunité.
Comment une opposition peut-elle se taire lorsque des corrompus notoires et des criminels financiers sont nommés aux postes publics, lorsque des incompétents sont parachutés à des postes-clefs de l’administration publique.
 Comment une opposition peut-elle se taire, lorsque le fonds COVID-19 consignant des millions de dollars s’évapore ?
Lorsque l’Etat continue à augmenter les droits sur les produits de consommations courantes alors qu’il bénéficie chaque année de millions de dollars, en dons et prêts concessionnels ?
 Comment une opposition peut-elle se taire lorsqu’après 60 ans d’indépendance notre pays manque de fruits et légumes alors qu’il dispose d’une superficie arable, cultivable, supérieure à la superficie de certains pays africains et arabes ?
Une opposition qui ne commande, ni ne recommande le bien et qui n’interdit pas le mal, comme cela est dit dans les saints écritures, est pire qu’une opposition, c’est un leurre institutionnel qui bien plus que le pouvoir, qui agit à visage découvert, est sournoise et mortelle pour la démocratie.
Et voilà qu’elle pactise pour ne pas sortir de son silence mais servir ceux qui l’ont réduite au silence.

 Cette opposition mauritanienne, est devenu un poison. Un poison pour l’avenir de la démocratie, un poison pour le peuple et un suppôt du pouvoir.
 Opposition vieillissante, transigeante, avec ses règlements de comptes internes, toute tendue vers le soutien du pouvoir et qui le caresse dans le sens du poil et qui n’a même pas le mérite de se comporter en opposition digne ce nom.
 Une opposition, supposée, qui ne s’oppose pas, n’est donc plus qu’une supposition, un suppositoire institutionnel pour mettre le peuple en léthargie. L’excipient d’une forme galénique d’un poison régalien.

Et ses effets sont négatifs à deux niveaux :

- Au niveau du peuple lui-même et de son opinion
- Au niveau du champ partisan de l’opposition

Relativement au premier point, le soutien qu’apporte un parti de l’opposition à une majorité à laquelle il n’appartient pas et qu’il est sensé combattre, enracine une image éminemment négative dans la constance de son combat et de son attachement à ses principes.

Car une opposition n’est pas seulement une opposition à des idées c’est aussi une opposition à leur mode de réalisation, à leur degré de réalisation et aux convictions de ceux qui les réalisent.
Relativement au second point, notamment le champ partisan de l’opposition, il est clair qu’une telle attitude entrainera un rétrécissement important dans la base de l’opposition et réduira ses forces. Elle ouvre une brèche dans les convictions des uns et des autres, semant l’inconstance dans l’esprit et l’attitude des militants. « Qui croire ? », « Y’a-t-il une conviction réelle dans ce que nos partis font ? » etc.

Autant de questionnements qui éparpillent la base militante et effritent les convictions. Et ceux qui en profiteront seront ceux justement que le parti aurait dû combattre au nom de son idéal et de ses valeurs. Et il ne faut pas, à moins de disparaître, se tromper de combat.

On ne défend pas la République en adoptant les idées et les valeurs des autres, on défend le République en se battant pour ses idées et ses valeurs ! Et avec constance !

A moins que l’on soit convaincu que les idées et les valeurs des autres sont meilleures que les siennes pour l’objectif "idéel" que l’on recherche. Et dans ce cas on le fait en son âme et conscience en commençant au préalable par dissoudre son parti pour rejoindre l’autre.

C’est ce que dicte la déontologie partisane et c’est ce que le devoir à l’égard du peuple exige.

Hélas, tout cela est ignoré, et confinée dans l’antichambre des dialogues stériles que le pouvoir lui miroite « l’opposition » continue à saliver, comme un cabot attendant un os. Le dialogue, fut un instrument machiavélique par lequel le Pouvoir a usé ce qui restait d’une opposition depuis sa forfaiture à l’Accord de Dakar. Dans sa mauvaise foi le régime pousse au Dialogue et il le retire chaque fois que l’opposition y croit.  La tenant en haleine, en laisse.

Cette opposition-là, fait le jeu du pouvoir. Et c’est en cela qu’elle est dangereuse. Elle comprend un grand nombre d’individus, groupes usés par la compromission vénale, n’ayant rien à perdre, qui constituent une sorte de courroie de transmission avec le pouvoir. Ce sont ces groupes-là qui constituent les « poignées », une culotte de cheval, dont se saisit le Pouvoir pour appâter l’opposition.
Ces « poignées » sont composées de dirigeants aigris par le pouvoir et qui ne savent plus comment y accéder, mais aussi d’individus membres qui « monnayent » leur participation au pouvoir et qui émulent au sein de l’opposition une espèce de « psychose » du dialogue où le délire de l’intéressement matériel n’est pas absent.
Toujours est-il que cette opposition qui fut intéressée au dialogue, et qui signe un « pacte républicain » est le dindon d’une farce qui dans sa fièvre du pouvoir n’en a pas saisi les conséquences pour le peuple mauritanien.

Oui en effet. Que représente cette opposition « pactisante » pour le peuple mauritanien pour pactiser en son nom ?
Quelle est sa valeur institutionnelle ? Quelle est sa base partisane ? Quel est son poids électoral ?
Qui sait ce que ces partis représentent aujourd’hui électoralement ? Quel est le nombre de leurs membres effectifs ou tout simplement leurs sympathisants ?
Que représentent aujourd’hui ces partis pour que, à travers un pacte engager une parole de citoyens d’électeurs, d’un peuple qui leur aurait été donnée ?

La défaite cuisante de ces partis-pactisant aux dernières élections n’est-elle pas un indice pertinent de leur non viabilité politique et de leur insignifiance aux yeux d’un électorat mauritanien pris en otage par un système tribalo-militaro-mercantile que cette opposition n’a jamais su, ni pu, contrer par un militantisme permanent et convaincant, par une force de la rue contraignant le pouvoir à se « soumettre ou à se démettre ». ?
Plongée dans le dialogue cherchant la compromission attendue, elle a vendu son âme ?

Un électorat de circonstance

Certaines bonnes volontés justifient un pacte républicain en Mauritanie, en donnant l’exemple de partis d’opposition dans certains pays qui ont passé des pactes « démocratiques » avec le pouvoir en place (et sa majorité).
Hélas la comparaison n’est pas de mise. Dans ces pays (notamment au plus proche d’entre-eux le Maroc), les pactes sont bâtis sur des consensus au sein de l’opposition elle-même et pas de comportements unilatéraux à tire larigot. Ce sont ensuite des partes à forte coalition électorale et bénéficient d’une assise électorale quantifiable, à l’échelle nationale et locale, ils sont par leurs coalitions des forces de discussion et d’imposition de programmes politiques partagés avec les autorités au pouvoir.
Et cela depuis les années 90, avec la polarisation des partis sous les appellations de "bloc démocratique" (El Koutlah al democratiya) et de "l'Entente" (El Wifak). Cette terminologie a participé au façonnement du système partisan marocain ; ainsi la gauche a évolué face à une droite proche du pouvoir monarchique. Avec les changements survenus à la fin du règne de Hassan Il, et notamment l’acceptation de l’alternance comme mode de gouvernance cette polarisation a été nuancée, suite à l'entrée de nouveaux partis et la montée de la mouvance islamiste. Cette évolution n'a pas fait disparaître la dualité Gauche /Droite comme repères pour l’électorat.
En Mauritanie, tout aussi bien le parti, dit de la « majorité » (assis sur une baïonnette) que les partis d’opposition dits « pactisants » (assis sur une disette), n’ont de réalité électorale que circonstancielle. Leur base électorale est de circonstance, elle se fait et se défait au gré des influences claniques, tribales, mercantiles et les prébendes que le pouvoir en place distribue pour accaparer les voies (pièces d’identité) des pauvres gens…
Les partis en Mauritanie ne sont pas agrégés autour d’idéologies ou de programmes populaires, qui définissent leurs électeurs ou leur attachement à ces partis. L’effet migratoire de l’électorat en est l’expression la plus élémentaire dans le jeu politique mauritanien.

Cavaliers seuls sous tutelle

Aurions-nous pu croire, en un pacte républicain, si toutes les parties prenantes partisanes y avaient été associées qu’elles que soient leur faiblesse ou leurs dissensions, qu’elles s’y soient allées en rang solidaire, uni, et avec des exigences pré-réfléchies et adoptées dans un cycle de concertation qui aurait crédibilisé le contenu de tout acte et de tout pacte.

Ce ne fut pas le cas, deux partis, faisant cavalier seul ont signé sous la supervision du pouvoir en place et encadrés par ses cadres, un « pacte républicain » comportant 18 points au sujet desquels les signataires s’engagent à nouer le dialogue et la concertation pour affronter les défis auxquels est confronté le pays : unité nationale, passif humanitaire, processus électoral, gouvernance, lutte contre la corruption, esclavage…
En somme, un pacte qui n’apporte rien qui ne soit déjà connu.
Un pacte qui, s’il a une signification, c’est de bien trahir la non viabilité de cette opposition à pouvoir lutter pour ces défis et qui préfère se mettre sous la tutelle du parti de la majorité pour… les concrétiser. Le ridicule ne tuant plus depuis longtemps dans ce pays…

Et même le simple d’esprit se poserait la question : Que veut bien faire un parti majoritaire, fort, de deux partis faibles ? La manipulation encore et toujours…en face d’échéances électorales, puis ils tomberont dans l’oubli et la désuétude.

L’avenir du pays n’en sera jamais changé et ce sera un marché de dupes qui se terminera en queue de poisson (d’ailleurs introuvable pour le pauvre diable de citoyen) ?

S’il est certain qu’il ne faut pas faire confiance au parti au pouvoir, il est encore plus urgent de ne pas faire confiance à cette opposition-là. Si le premier ne cache pas son jeu, la dernière a depuis longtemps mis à mal le pays. Et ce pacte n’est qu’un jalon d’un infantilisme politique, par lequel les régimes politiques, on toujours traité l’opposition.


Les leçons de l’histoire sont là pour le prouver


Qu’est-ce que l’opposition « pactisante » en Mauritanie ? Rien. Que veut-elle devenir ? quelque chose. Comment s’y prend-t-elle ? Très mal.

En tout cas ce n’est pas une opposition au sens de force de frappe et de dissuasion politique dans un Etat de droit.

Que s’est-il passé pour que l’opposition devienne ce qu’elle est aujourd’hui ? Simplement qu’elle n’a pas tiré les leçons du passé politique récent du pays.

L’opposition ou la sape psychologique : les leçons du passé.

Jamais une stratégie n’a été aussi brillante et aussi sournoise que celle qui réduisit durant ces dernières année l’opposition et lui enleva se velléités aux présidentielles et aux législatives. Ceux qui dirigèrent les différentes transitions, avaient décidé de miner l’opposition et de la réduire autant que possible à travers une stratégie de « concertation » qui a permis de « piéger » ceux qui justement pouvaient tout faire basculer. Les « renards » de la transitions aguerris aux faux compromis et aux jeux de la souricière avaient décidé de neutraliser une opposition qui a la veille du 3 Août 2005 avait une force et une légitimité qu’ils craignaient par-dessus tout. Cette opposition qui sortait d’une haute lutte contre l’ancien régime et dont certaines composantes avaient même pris les armes contre lui risquait de remettre en cause le coup d’Etat lui-même et la transition elle-même.

Il aurait suffi que l’opposition ne reconnaisse pas le coup d’Etat, qu’elle s’agrippe à ses acquis historiques qu’elle « tape sur la table » pour que ceux qui ont élaboré la transition dans des buts inavoués reculent et cèdent devant ses doléances. Cela ne fut pas fait parce que les renards de la transition avaient très vite identifié le talon d’Achille de l’opposition en la personne de ses leaders et notamment Ahmed Ould Daddah.

Cette identification se confirma pour eux très vite lorsque Ahmed Ould Daddah fut le premier reconnaître le coup d’Etat et son apport pour la démocratie. Il devenait alors un « interlocuteur » qui allait servir de porte d’entrée, un cheval de Troie pour déstabiliser l’opposition.
 La bonne foi d’Ahmed Daddah n’avait d’équivalent que la mauvaise foi de ceux qui allaient « l’utiliser » malgré lui. Et c’est là où l’œuvre de sape psychologique commença à la manière d’une forteresse assiégée.
Durant les premiers mois on le consultait on le travaillait dans le sens du poil et le travail psychologique finit par prendre : la conviction du leader du RFD en la volonté des militaires de céder le pouvoir à l’opposition et de façon démocratique. Par cette politique d’amadouement ils ont obtenu deux choses :

- L’immunisation : Faire passer calmement la transition jusqu’à son terme et appliquer leur plan stratégique.

- La neutralisation : Assagir l’opposition à travers l’un de ses principaux leaders jusqu’à la mettre à genou.

Des sorcières …à la rectification de la Démocratie

Cette situation se manifesta à travers les idées lancées par Ahmed Ould Daddah dans sa fameuse déclaration sur « l’absence de chasse aux sorcières » qui reprenait l’argumentaire du CMJD et ses déclarations dans l’interview à Jeune Afrique. Feu, ELY Ould Mohamed Vall déclarait en effet en Septembre 2005 : « Il n'y aura ni règlement de comptes, ni chasse aux sorcières, ni esprit de revanche. « (J.A L’Intelligent » Septembre 2005)
Le 07 septembre 2005 Ahmed Daddah déclarait à l’AMI : « 'j'ai confiance, en toute objectivité, dans le projet du CMJD''.

Il était devenu ce que le CMJD voulait qu’il devienne « la courroie de transmission » avec l’opposition en la « piégeant » dans le processus d’un dialogue et d’une concertation qui allait être fatal pour toute l’opposition.

« le RFD, déclarait Ahmed Daddah, en tant que parti, est favorable au principe du dialogue sur les questions nationales qui nous concernent tous. Nous nous réjouissons donc de cette initiative et pensons qu'elle marque le début d'une concertation que nous espérons approfondie, franche et exhaustive. Concernant le comité chargé du processus de transition, je tiens à préciser que cette période transitoire est essentielle parce qu'elle déterminera tout ce qui la suivra. C'est pourquoi nous estimons que tous les acteurs doivent y participer, y compris les partis politiques, la société civile, les leaders d'opinion, avec tout le sérieux et toute la franchise requise... »

Et la boucle est bouclée. Ahmed Daddah était devenu l'appât auquel on miroitait mille et une bonnes intentions dont il nourrissait ses espoirs de changement.

Mais la leçon du CMJD n’ayant pas suffi, voilà que le leader du RFD, qui un auparavant félicitait Sidioca pour sa présidence, soutenait le putsch de Ould Abdelaziz en le qualifiant de « rectification de la Démocratie ».
Et ce fut l’accord de Dakar et ce fut l’humiliation de l’opposition et la justification d’un putsch ...qui allait encore miroiter un dialogue…à l’infini.

Rappelons-nous la phraséologie indécente du Président putschiste, qui ayant mis les pieds dans le plat, piétinait ce qui restait à l’opposition de dignité.

A propos de Sidioca (alors détenu au Palais des Congrès) : « Si ce qui vous intéresse c'est seulement la personne de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, nous sommes capables de vous exposer sa dépouille dans les rues de Nouakchott »

A propos de Ould Waghef (alors détenu pour l'affaire du « riz avarié ») : "Si Ould Waghef mange le riz avarié, je le libère. »
Et à propos de Daddah (venant d'inventer le concept de « rectification de la Démocratie ») : « Daddah, ne sera jamais président même si les chinois votaient pour lui. »


Une opposition qui a la mémoire courte, ne peut qu’être une courte échelle pour le pouvoir.


Comme au Chiapas mexicain.

Les militaires, en s’appuyant sur une structure gouvernementale triée dans le tas des anciens du régime précédent, avec lesquels ils partageaient les mêmes préoccupations de défense de ses intérêts et de ses basses-œuvres avaient mis en place une stratégie psychologique militaire qui, comme on le sait, utilise de multiples techniques de déstabilisation de l'adversaire utilisant la psychologie préventivement, ou simultanément, à l'usage de la force.

Une stratégie qui ressemble étrangement à celle utilisée par les experts militaires dans le Chiapas mexicain : diviser et semer la confusion dans les esprits pour atteindre des buts de déstabilisation des structures villageoises. A travers une pseudo- politique d’ouverture au dialogue, le gouvernement opposait les chefs de village en accordant plus d’importance officielle à l’un deux et en le favorisant financièrement et matériellement par rapport aux autres. Ce qui, à moyen terme, entrainait la division et les blocages dans les rapports villageois. De la division et des rancunes naissaient alors les dénonciations.

Lorsque Ahmed Daddah a compris qu’il n’était pas l’interlocuteur unique du CMJD, que celui-ci jouait son propre jeu, il fît machine arrière à travers les dénonciations que l’on sait sur la « dérive » du CMJD notamment après que Sidioca fut pressenti au mois de juillet 2006 comme candidat « favori » du CMJD. Mais déjà en décembre 2006 le vent avait tourné et la stratégie du CMJD était à son apogée.

La dissidence de Messaoud Ould Boulkheir qui permit à Sidioca de remporter la victoire, tient de cette stratégie car on se rappelle très bien que pour justifier son ralliement à Sidioca, le dirigeant de l’APP avait reproché à Ahmed Daddah d’avoir eu un plan secret avec le CMJD de constitution d’un gouvernement. La stratégie de déstabilisation avait joué.


Concertation et dialogue furent les deux armes absolues de la stratégie des autorités de transition pour « endormir » l’opposition et gagner du temps pour échafauder ses plans et les mettre à exécution. Ce qui rappelle étrangement l’objectif du pseudo « pacte républicain » d’aujourd’hui à la veille d’élections présidentielles. Le pacte stérilisant, un ersatz d’un dialogue anesthésiant

Cette stratégie de « la concertation anesthésiante » est encore aujourd’hui mise en œuvre par l’actuel régime politique car, par certains de ses aspects, il est une continuité de la transition.

Une opposition à palabre.

Mieux encore, la transition avait pensé à un mécanisme pour pérenniser cette « concertation » et neutraliser l’opposition : : le statut de leader de l’opposition.  Un leader de l’opposition qui s’est trouvé enfermé dans une fonction aux devoirs et aux rôles législativement bien définis, le transformant en une institution statique qui se meut avec le pouvoir, qui l’accompagne, qui se concerte mais… ne s’oppose pas. Une forme de « ministère de l’opposition » qui a institutionnalisé une neutralité de fait basé sur une gestion « concertée » de l’opposition. On ne s’oppose plus : on discute. Une opposition à palabre.

Le piège institutionnel se referma alors et l’opposition fut toute réduite à cette fonction de « concertation » qui lui enlève tout rôle et toute volonté sinon ceux d’entériner ce que le « leader » glane comme assurances et expressions de bonnes intentions sur tout et sur rien. la bonne foi du leader fut mise à contribution à travers une concertation dont on sait ce qu’elle a
donné par le passé…et qui se continue aujourd’hui.


Une stratégie militaire érigée en politique : la terre brulée

Elle fut appliquée par tous les régimes militaires depuis 1978 mais Ould Abdelaziz y excelle. Elle consiste à saper, devant tout mouvement qui se crée, la possibilité de progresser et de se développer. Et cela en lui enlevant ses moyens, en les corrompant ou en les attirant à lui.

« La politique de la terre brûlée est une tactique consistant à pratiquer les destructions les plus importantes possibles, impliquant, en cas de conflit militaire, de détruire ou d'endommager gravement ressources, moyens de production, infrastructures, bâtiments ou nature environnante, de manière à les rendre inutilisables par l'adversaire. Cela peut concerner une tactique offensive, consistant à ravager les territoires de l'adversaire afin de l'empêcher de reconstituer ses forces ou de trouver un refuge, ou bien une tactique défensive consistant, face à une armée d'invasion, à se déplacer ou à se retirer (retraite) en détruisant ou en brulant tout derrière soi (habitations, récoltes, bétail, routes, ponts, moyens de communications et de production), afin d'ôter à l'ennemi toute possibilité de ravitaillement.

Au sens figuré, cette expression désigne aussi l'attitude d'une personne qui, risquant de perdre face à un adversaire, saccage la place que celui-ci s'apprête à prendre afin de minimiser ses gains et de gêner toute progression ultérieure. » L’histoire récente,
 Et toujours une même et unique stratégie.

L’assagissement des intégristes : La raison sans raison

L’on se rappelle la volonté du pouvoir de ramener à la « raison » les intégristes emprisonnés en leur envoyant les oulémas en prison et en leur dispensant des montants financiers en contrepartie de leur renoncement à leurs activités. Aziz pensant ainsi récupérer le mouvement intégriste en amadouant certains de ses membres virulents. Sur ce plan, l’échec a été cuisant. Refusant sa « raison » ils ont été expédiés dans un coin du désert au mépris de tous les principes des droits de l’homme. N’ayant pu les « phagocyter », il s’en est débarrassé.

Le mouvement du 25 février : manipuler pour diviser
Lorsque les jeunes mauritaniens, à l’instar de ceux de la sous-région se révoltèrent, Aziz trouva le moyen de les diviser à travers des jeunes recrutés à cet effet et qui se constituèrent en « partis » soutenant Aziz et dénigrant le mouvement, allant même jusqu’à s’identifier faussement à d’anciens membres de ce mouvement pour entrainer son éclatement. La politique de la terre brûlée, a consisté à mobiliser une partie de la jeunesse désœuvrée et intéressée pour contrer une autre qui menace son régime. La première a été présentée comme le véritable moteur du mouvement du 25 février entrainant ainsi des difficultés de déploiement pour ce dernier.

Le mouvement estudiantin : nommer pour neutraliser

Lorsque le mouvement revendicatif s’est amplifié à l’université, Aziz s’est aussitôt entouré d’un recteur et d’un étudiant dirigeant d’un des mouvements. Le premier fut nommé chef de cabinet, le second conseiller au cabinet. Ces deux “nommés” firent un travail de fond pour assagir le mouvement dont on n’entend plus guère parler aujourd’hui. Aziz a pris les devants en intéressant des acteurs du mouvement.

L’opposition : diviser pour régner.
          
Lorsque l’opposition face à l’Accord de Dakar se rendant compte, a postériori de sa duplicité avait crié au « scandale et à la trahison », Aziz a su phagocyter certains partis pour assoir ses desseins de pouvoir.
L’accord signé, avec Boidiel et autres compères (dont Ould Boulkheir) n’avait d’autres objectifs que de mettre en quarantaine le reste de l’opposition et fortifier le pouvoir du général.

C’est un accord qui n’est que l’expression de la politique de la terre brûlée : diviser l’opposition et la priver de ses moyens dont le premier est son unité face au pouvoir. Sans unité et divisée à propos d’un accord, l’opposition a sombré dans les chamailleries et les coups bas. Et cela arrangea le pouvoir. Il en profita à travers le temps qu’il gagna (continuant ainsi à « gérer » le pays) et à jouant « l’arbitre » d’un match qu’il a gagné d’avance.

Quel est l’instrument de cette stratégie de la « terre brûlée » ? Simplement la « phagocytose ». Connue dans le monde cellulaire, la « phagocytose » est une forme de capture d’éléments à détruire se trouvant dans le milieu ambiant. Soit que ces éléments menacent l’organisme soit qu’il s’en nourrit.

Aziz l’avait compris son régime ne fit que « phagocyter » les mouvements, les biens et les personnes. Il happa tout mouvement partisan ou populaire qui le menaçait, et produisit immédiatement son contraire (partis et jeunesse manipulés) pour le neutraliser, il s’appropria les biens de l’Etat (à travers les privilèges qu’il octroie à ceux qu’il phagocyte) et immobilisa les personnes qui le contredisent (à travers son système judiciaire et pénitentiaire).

La « pacte républicain » n’est qu’une forme de phagocytose d’une opposition qui … est venue se ligoter elle-même.  


Des conditions d’une opposition crédible

Ce n’est pas de cette opposition dont le pays a besoin, mais d’une qui n’est liée que par des principes qu’elle défend. Elle doit être présente dans le peuple et avec lui. Défendant pied-à-pied et au jour le jour ses intérêts. Haranguant les foules quand il le faut, appelant à la résistance quand c’est nécessaire. Bref une opposition qui s’oppose.

Or déjà en entrant dans le jeu de l’institutionnalisation et de la « fonctionnarisation du leadership » et de la « pactisation » de son action l’opposition a été prise au piège. Elle est devenue une partie du système auquel elle est sensée s’opposer. L’ultime phase serait de la stériliser dans un gouvernement d’union nationale, comme y avait durant des années appelé l’UFP.

Le pays a besoin d’une opposition qui se démarque de tout gouvernement et qui joue son rôle politique de régulation et de proposition sans lesquels le gouvernement peut aller à la dérive.
En tout état de cause, la perception d’un parti d’opposition qui a milité en tant que tel et qui se met à défendre les programmes d’une majorité, quelle que soit la bonne foi de ses dirigeants, ne peut entrainer dans le public que suspicion.
Toute opposition qui voudrait trop se rapprocher du pouvoir finira, comme un papillon prenant une lampe incandescente pour la lumière du jour, par se brûler les ailes.
Et pactiser avec le pouvoir c’est déjà corrompre ses propres convictions pour un compromis imposé.  Souvenons-nous : « Si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument » (Lord Byron). Ceci n’est pas seulement valable pour ceux qui exercent le pouvoir mais aussi pour tous ceux qui le courtisent.
Que le Président préside
Que le gouvernement gouverne.
Que l’opposition s’oppose.
Que chacun remplisse son devoir.
Ainsi va la démocratie. Et va l’alternance.

Face à l’injustice, à la dérive des gouvernants, à la misère du peuple, une Opposition ne se compromet pas …Elle se bat!

Pr ELY Mustapha