dimanche 7 août 2022

Mauritanie : ces « nègres » de la République. Par Pr ELY Mustapha


Il existe et existera toujours ce que l’on appelle les nègres de la politique, qui indépendamment de la couleur de leur peau, leur race où leur religion servent les basses œuvres de ceux qui s’accrochent au pouvoir.

Cependant, en Mauritanie, ces nègres sont de vrais « nègres » au sens de Léopold Sédar Senghor mais avec la dignité et la noblesse en moins. 

Pas ceux qui contribuent à la « civilisation de l’universelle », pas ceux dont : « la Négritude est l'ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu'elles s'expriment dans la vie et les œuvres des Noirs », mais ceux qui ont trahi leurs valeurs communautaires pour des prébendes d’un système politique qui les réduit à servir d’agents absorbeurs de toute volonté de leurs communautés.

Ces nègres-là, ce sont des parias d’un système qui aspirent des mamelles de pouvoir en contrepartie de l’infantilisation politique, économique et sociale de leurs communautés.

 Ce sont des « relais » politiques  du pouvoir dont la fonction est d’absorber...toute aspiration de leurs communautés au changement ou même à une quelconque évolution qui n’irait pas dans le sens de ce que l’on décide pour elles dans la  sphère militaro-tribalo-mercantiliste, source de toute politique de l’Etat.

Ces nègres-là ce sont ceux avec lesquels le pouvoir saupoudre le gouvernement ou quelques postes au sein des administrations centrales, ou diplomatiques  et qui lui feront allégeance, non pas par une impulsion républicaine mais par un gargouillement de  leur bedaine dans un Etat où la voracité de ses fils a eu  raison des communautés.

Qui sont-ils ?

Des ministres …des secrétaires généraux… des directeurs, planqués au sein de l’Etat et dont l’unique fonction, au-delà des apparences et des fonctions qu’ils n’ont véritablement pas, est de réduire à néant tout effort de changement de leur communauté. Ce sont les « nègres-zéros » de la table de multiplication du développement communautaire, ils sont l’élément absorbant de tout effort de leur communauté. Comme le Zéro l’est pour toute multiplication.

Que font-ils ?

Chaque fois que leur communauté a des aspirations et qu’elle l’exprime dans la moindre ville, le moindre village, hameau ou bourg, chaque fois que cette aspiration ne s’inscrit pas dans le moule du dirigisme militaro-tribalo-mercantile central, les « nègres-zéros » se déploient aussitôt. 

Ils voyagent officiellement dans les villes, villages, hameaux ou bourgs pour « prêcher la bonne parole », celle que l’on veut que leurs communautés entendent et qu’ils accompagnent de mille et une promesses, le temps que tout s’oublie. Promesses d’une route, d’un pont, d’un assainissement quelconque, d’une bourse pour une progéniture d’un chef de village, d’un véhicule pour le doyen de la communauté etc. etc.

Les « nègres-zéros » savent machiavéliquement comment manipuler leurs communautés, en usant de leur indigence matérielle, de leur pauvreté, de leurs us et coutumes d’hospitalité et de tolérance, de leurs divisons internes en castes, clans ou tribus et de  l'ignorance de leurs droits….

Leurs discours, sous-tendus par des promesses souvent matérielles, ne visent qu’à les assagir pour un temps, le temps de faire gagner du temps à leurs mandants.

En effets les « nègres-zéros » de la République  savent pertinemment que leur maintien à leurs postes est dramatiquement lié à leur capacité de réduire à zéro toute volonté de leur communauté et de toute aspiration de celle-ci. Ils appartiennent à toutes les communautés ouolofs, peuls, soninkés.

Les jours bénis des nègres-zéros de la république, ce sont ceux qui précédent toute élection (locale ou nationale), et ceux où les communautés sont spoliées (l’exemple le plus éloquent n’est autre que le land-grab des terres paysannes au profit des multinationales.)

Dans toute circonstance où le pouvoir a besoin de soutien des communautés, jusque-là ignorées, les nègres-zéros de la république se déploient. On les voit parcourir le pays, discourir et promettre, rencontrer les notables, distribuer quelques sacs de blé dons des USA ou de riz don de chine ou du Japon. Ils recourent à la politique du ventre et au besoin à la distribution d’argent liquide pour venir « au secours de familles nécessiteuses ». Toujours est-il que leur objectif ultime est la satisfaction de leurs maîtres au pouvoir. Leur devise :  Assagir pour se maintenir.

Toutes les nominations au sein de l’Etat, répondent à cette équation : qui nommer pour assurer la pérennité du système en place par absorption de toute remise en cause. Les nègres-zéros sont un membre absorbant dans cette équation.

Ne pas s’étonner donc que des responsables « négres-zéros » font des sorties médiatiques contraires aux intérêts  leurs communautés pourvu qu’ils gagnent "l’estime" de leurs commanditaires, condition pour continuer à bénéficier de mamelles du pouvoir

 Il ne faudrait donc pas s’étonner que le saupoudrage de l’appareil de l’Etat avec quelques nègres-zéros, connus pour leur servitude  soit l’une des stratégies majeures de la politique actuelle en Mauritanie. Assagir pour se maintenir, diviser pour régner.

Cependant ces nègres-zéros ne se différencient que par la couleur de leur peau ou de leur langue. Ils sont ouolofs, peuls, Soninkés ou maures. Il ne se partagent que le fait qu’ils détruisent l’avenir de la Nation en gangrenant l’espoir des communautés…pour des emplois éphémères.

Contrairement à ce qui devrait être à savoir que ceux qui nommés au sein de l’Etat  servent  « d’élites » des communautés et convoient au sommet de l’Etat leur espoirs et aspirations  de développement afin qu’ils soient pris en considération pour consolider l’Etat et affermir la Nation, ils véhiculent, au contraire,  l’égoïsme d’un pouvoir central qui ne se soucie que de sa pérennité. Oubliant par la même que l’avenir de la Nation s’inscrit dans ses  communautés et que l’intérêt de l’Etat ne devrait être que la somme des intérêts de ses communautés. C’est autant dire la terrible responsabilité du « nègre-zéro » dans la multiplication du sous-développement  du  pays.

Pr ELY Mustapha