mardi 24 août 2021

Loin des adwabas: Messaoud, l’opportuniste. Par Pr ELY Mustapha

 

Rappelons-nous au temps d’Aziz, pourquoi Messaoud ould Boulkheir, s’est porté candidat, en premier, pour participer au dialogue et a même invité Ould Daddah à y participer aussi.

Ould Boulkheir a senti les avantages personnels qu’il pourrait tirer d’Aziz avant son départ en jouant sur le registre des garanties et des compromissions. 

En effet, Messaoud Ould Boulkheir a depuis longtemps perdu au contact du pouvoir, son étoffe de militant, il est devenu un « opportuniste » politique.

Qui ne se rappelle-pas du retournement de veste dans son alliance avec Ould Daddah lors des élections de 2007, rejoignant le camp des militaires ?

Qui ne se rappelle-pas son maintien à la tête de l’Assemblée nationale après le coup d’Etat d’Aziz alors que c’est le président légal et légitime Sidi Ould Cheikh Abdallahi qui l’avait placé là (poste qu’il ne devait qu’à son alliance et non pas au nombre des députés de l’APP élus à l’Assemblée).

« Si le pouvoir corrompt, le pouvoir absolu corrompt absolument », à cette réflexion de Lord Byron nous pourrions ajouter que le confort est aussi corruptible que le pouvoir.

 

Ould Boulkheir, s’est trop habitué au confort des perchoirs des institutions de la République pour daigner en descendre. Le militant s’est dénaturé au contact des militaires en bas de soie.

En effet, ould Boulkheir a montré lors de ses récents « emplois » (en tant que Président de la chambre des députés et du Conseil économique et social) ce que l’immobilisme veut dire.

Nous nous rappelons que durant les 15 mois au perchoir il n’a pas pipé un seul mot. A telle enseigne d’ailleurs que tout le monde se demandait où il était passé ?

Il n’est sorti de son mutisme qu’à l’occasion de sa villégiature au Maroc où il a failli déclencher un incident diplomatique avec l’Algérie. Que faisait-il durant ces quinze mois ? Il s’encensait dans sa demeure à coup de courtisans et d’abondance, alors que le pays souffrait la cherté de la vie et les émeutes à l’Est.

 

Ce mutisme, dont il n'était sorti, à l'époque,  qu’après le 6 Août 2008, est révélateur d’une personnalité qui ne semblerait chercher à travers sa course politique que le bien-être personnel et les avantages qu’elle peut tirer de son accession aux hautes responsabilités.

 

Et le voilà qu'il recommence. Son appel, aujourd’hui,  à  un quelconque dialogue avec Ghazouani,  n’est que l'expression, encore une fois,  de l’attitude d’un vieux militant qui ne pense plus qu’à son confort et la compromission avec le pouvoir.

Ainsi après plus de dix ans de silence, sous le règne de Aziz, le voilà qui lance des cris d’alerte. Insultant invectivant, dénonçant et se présentant somme le rédempteur de ce monde.

Lui qui,  jusque-là, dormait sur ses lauriers....

Le voilà qui traite Ghazouani de « brebis », qui dénonce la situation socio-économique insoutenable, comme s’il débarquait d’une autre planète ou comme si elle n’existait pas depuis des dizaines d’années.

 

Mais que cherche-t-il ?  Un autre perchoir institutionnel permanent (l’A.N encore ou le CSA ou pourquoi pas une ambassade , un Ministère…). Qu’importe pourvu qu’il y trouve à boire et à manger à satiété, loin des adwabas et de la misère. Ou au moins perdurer à son perchoir actuel.

 

Messaoud ne veut rien d’autre que négocier avec Ghazouani et offrir en contrepartie des garanties comme il l’a fait pour Aziz : son silence et son immobilisme en contrepartie de quelque poste juteux où il pourra continuer son sommeil de velours sur le dos des harratines.

 

Messaoud en invectivant Ghazouani, et appelant au Dialogue (négociation marchande), prouve une chose :  c’est qu’il n’est pas un leader des harratines et que l’APP ne représente pour lui qu’un tremplin formel pour le pérenniser dans ses privilèges.

 

Négocier avec Ghazouani pour des privilèges est une carte qu’il va jouer jusqu’au bout…la cause des harratines est, depuis des décennies, un pis-aller.

 

Pr ELY Mustapha

vendredi 20 août 2021

Je fus arrêté par un policier. Par Pr ELY Mustapha.

J’ai été arrêté dans la circulation automobile, à Nouakchott, par un policier qui me demanda mon permis et les papiers de ma voiture. Je lui répondis poliment que je lui montrerai les documents que s’il arrêtait l’une des voitures qui arrivaient dans sa direction.

Il me demanda pourquoi et je lui répondis que la loi de 2010 sur le statut de la Police nationale dispose que : « la police nationale est chargée, sur l’ensemble du territoire national, d’une mission permanente de sécurité publique…et de la protection des personnes et de leurs biens… ».

Il se retourna et du feu rouge allait démarrer une multitude de voitures comme celle de la photo…

Il ne put faire un geste, et me somma de repartir…je repartis non sans lui avoir dit : « Seul un policier qui pourrait immobiliser 90% des voitures qui circulent à Nouakchott et qui sont de véritables dangers ambulants pour la population…pourra voir les papiers de ma voiture, qui comme il le voit est neuve ... »

Il se pinça les lèvres, je le quittais poliment, il alla s’installer sur le trottoir.

Et je repartis, non sans un pincement au cœur.
Quand l’homme de droit, que je suis, n’obtempère pas aux requêtes d’un homme de loi, il y a comme une forme de sédition qui n’a pas sa raison d’être dans un Etat de droit.

Faudrait-il, cependant que l’homme de loi, le soit ; que l’Etat de droit y soit et que l’homme de droit en soi, ne puisse renier sa raison d’être devant quelque force de non-droit qu’elle soit.

Pr ELY Mustapha -Août 2021

vendredi 13 août 2021

Faut-il insulter le Président de la République ? Pr ELY Mustapha

"La bêtise et la brutalité n'outragent pas ; l'insulte intelligente est la seule insulte." (Victor Hugo)

 

La codification des infractions pénales et autres criminalisation d’actes verbaux écrits ou exécutés tendant à réprimer ceux qui « insulteraient » le Président de la République, le diffameraient, ou atteindraient son image sont un coup d’épée dans l’eau.

Ceux qui penseront les commettre savent qu’ils doivent être hors de portée du système judiciaire et répressif mauritanien. Soit parce qu’ils sont hors du territoire mauritanien sous la juridiction d’autres Etats qui ne reconnaissent que leurs propres législations et qui n’acceptent pas l’exequatur des jugements portant atteintes aux droits de l’homme, dont la liberté d’expression et d’opinion, si même coopération judiciaire il y a.

D’autre part, les réseaux sociaux sont insaisissables, et les personnages aux multiples visages et identités qui entreprendraient une telle activité infractionnelle, sont comme un poisson dans l’eau (firewalls, anonymat, identité multiples …).

 Il faudrait bien au gouvernement mauritanien des instruments technologiques tels que ceux de la NSA américaine, pour arriver à un quelconque résultat ; c’est autant dire qu’il est encore à plusieurs siècles en amont d’une telle capacité.


Mais alors à quoi sert cette incrimination de l’atteinte à l’image du Président de la République ?

N’est-elle pas une atteinte réelle au droit d’expression et d’opinion garantis pas la Constitution ?

N’est-ce pas la porte ouverte à une interprétation judiciaire répressive et à une jurisprudence punitive ?

Le président de la République ne devrait-il pas être soumis à la critique, puisque serviteur d’u peuple qui l’a élu, il doit, tout autant que ses collaborateurs accepter cette critique émanant du peuple à travers les instruments libres d’expression de ce même peuple, les citoyens et de la presse indépendante ?

Ne sommes-nous pas encore en train de tomber dans la « déification » du Président de la République, la « personnification » du pouvoir à travers la courtisanerie officielle, comme cela est arrivé à ses prédécesseurs avec les conséquences néfastes que cela a eu sur la gestion de l’Etat ?

La question méritée d’être posée.

Cette légifération de « l’insulte » à l’institution présidentielle est mal à propos car elle ne servira à rien sinon à réprimer ceux que l’on voudrait bien réprimer et qui se trouvent à la portée de la justice. Or on le sait la critique virulente vient de bien loin et se trouve ailleurs, là où les lois nationales, n’ont ni valeur, ni force, ni applicabilité. Alors ?

Faut-il cependant, laisser libre cours aux actes, écrits ou verbaux, touchant la personne et la dignité du président de la république ?

Il relève de soi que cela ne doit être pas être toléré. Mais où débute et finit la critique et où commence « l’insulte » ?

Tout est dans le fond et dans la forme de l’acte et savoir distinguer entre la critique des actes du président de la République, l’exigence de la redevabilité et l’atteinte verbale à sa personne privée (droit privé) et à sa personnalité publique (droit public.)

 La frontière à établir est le véritable mur qui se dresse devant toute légifération. Il reste cependant que l’insulte au sens commun du terme, est fort apparente et sa terminologie fort riche dans notre pays ne laisse pas de doute.

Mais est-elle une notion juridique ?

L’insulte n’est pas une notion juridique et n’a pas de définition précise et communément admise. Il conviendrait plutôt de parler d’injure, d’outrage, d’offense etc. En somme une agression verbale ou écrite touchant l’honneur et la dignité de la personne publique ou privée. Causant ainsi, un tort, un dommage et dans tous les cas une transgression des normes sociales et culturelles de respect dû à un individu eu égard à son rang tel que défini par la coutume ou par le droit.

L’injure peut être publique ou non, et s’aggrave quand elle revêt un contenu raciste, sexiste, ou confessionnel.

La législation envisagée par les autorités mauritaniennes porterait alors sur ces aspects mais s’inscrirait déjà dans la sanction pénale des outrages aux dépositaires de l’autorité publique qui englobent les menaces...

Et cela ouvre, en droit, une boite à Pandore…

L’interprétation de la loi par le juge

En Mauritanie, il y a la législation et il y a ceux qui l’appliquent. Et ceux qui l’appliquent en font les interprétations que leur dicte l’air du « temps politique » et moins leur âme et conscience. Tout le danger est là.

Lorsque la règle juridique quitte les bancs du parlement, elle devient la « chose » de la Justice.

Ainsi le simple fait d’adopter une règle de droit dont le contenu serait : « l’insulte au Président de la République est punie », pour voire un excès de zèle se déclencher et des juges condamner sur une interprétation qui leur est propre de l’insulte.

Dire que le « Président de la République est un mauvais gestionnaire des affaires publiques » sera érigé en « insulte », tout autant que dire que c’est un « incapable » ou un « incompétent. » Alors que ces trois affirmations ne relèvent pas de l’insulte mais du droit du citoyen d’apprécier les capacités de gouvernance (sociale, économique etc.) et de gestion de l’Etat par le serviteur du peuple et donc de chaque citoyen qui doit lui demander des comptes quand il le veut et où il le veut…

Cependant, le juge ne fera pas la différence entre un qualificatif en rapport avec la vie publique du Président ou de toute autre personne ayant un mandat public, librement utilisable par le citoyen et un qualificatif portant sur la personne et sa vie privées.

Depuis l’affaire Oud Mkhaitir , on sait ce qu’il en est de la Justice mauritanienne, dont certains magistrats avaient d’ailleurs dénoncé les errements.

Lorsque dans les pays démocratiques les Présidents de République essuient tous les noms d’oiseaux, sans crainte et sans reproche, reçoivent des gifles et des tartes à la crème dans la frimousse, en Mauritanie, nos dirigeants se prennent pour des dieux. Et ce n’est pas de leur faute, mais de celle de ce miasme de courtisans sans foi ni loi qui voulant les porter aux nues, finit par les trainer dans la boue…et le citoyen sera toujours là, l’insulte aux lèvres.

Et c’est enlever aux lois leur grandeur que de les confier aux législateurs de complaisance, d’en faire un PV policier d’insulte ou de réduire les juges à ériger en jurisprudence les bassesses de ce monde.

 

Pr ELY Mustapha